La Forêt de Rennes/20. Avant et après déjeuner

La Forêt de Rennes
Legrand et Crouzet (Tome IIIp. 87-93).
XX
AVANT ET APRÈS DÉJEUNER.


Vaunoy et l’intendant royal semblaient de fort heureuse humeur. Ils s’avancèrent avec empressement vers Didier, qui avait peine à se remettre et gardait une contenance embarrassée.

— Nous arrivons ici, mon cher hôte, guidés par vos éclats de rire… La promenade solitaire vous rend-elle donc si joyeux ?

— Ai-je ri ? demanda machinalement Didier.

— Oui, saint-Dieu ! vous avez ri.

— Le fait est que vous avez ri, dit Béchameil. J’ai l’honneur de vous présenter le bonjour,

— Je ne me souviens pas… commença Didier.

— Eh ! dit Vaunoy, avisant le papier que celui-ci tenait encore à la main, c’est sans doute cette lettre qui causait votre hilarité matinale ?

— Je ne serais pas éloigné de le croire, appuya Béchameil. Veuillez me donner, je vous prie, des nouvelles de votre santé.

Didier froissa la lettre et la déchira en tout petits morceaux. Cela fait, il salua l’intendant royal et lui répondit par quelque banale politesse. M. Béchameil avait complètement mis bas ses fâcheuses dispositions de la veille. Vaunoy venait de lui faire entendre qu’il n’avait rien à craindre d’un semblable rival, et que la main d’Alix lui était assurée. Aussi se sentait-il porté vers Didier d’une bienveillance inaccoutumée. Quant à Vaunoy, il n’avait point dépouillé son masque de bonhomie. On eût dit un brave oncle abordant son neveu chéri.

— Messieurs, dit le capitaine, dont la froideur contrastait fort avec la cordialité de ses hôtes, vous plairait-il que nous parlions maintenant de ce qui concerne le service de Sa Majesté ?

— Assurément !… répondit Vaunoy.

Et Béchameil répéta :

— Assurément !… pourtant, ajouta-t-il après réflexion, — je pense, sauf avis meilleur, qu’il serait convenable de déjeuner d’abord.

— Fi ! monsieur de Béchameil, dit Vaunoy en souriant.

— Mettez, monsieur mon ami, que je n’ai point parlé… Je préfère évidemment le service du roi au déjeuner et même au dîner !… Mais ceci n’empêche point qu’un déjeuner refroidi soit une triste chose… Nous écoutons monsieur le capitaine.

Didier tira de son portefeuille un parchemin sur lequel Vaunoy jeta les yeux pour la forme. Béchameil, en lisant le seing royal, crut devoir ôter son feutre et prier Dieu qu’il bénît Sa Majesté.

— Sur la proposition de S. A. S. Mgr le comte de Toulouse, gouverneur de Bretagne, dit le capitaine, le roi m’a conféré mission d’escorter les fonds provenant de l’impôt, à travers cette contrée, qui passe pour dangereuse…

— Et qui l’est ! interrompit Vaunoy.

— Qui l’est énormément, ajouta Béchameil.

— Le roi m’a chargé en outre, reprit Didier, de veiller à la perception des tailles, et Son Altesse Sérénissime m’a donné mission particulière de poursuivre et détruire, par tous moyens, cette poignée de rebelles qui portent le nom de Loups.

— Que Dieu vous aide ! dit Vaunoy. C’est là, mon jeune ami, une noble mission.

— Une mission que je ne vous envie en aucune façon, mon jeune maître ! pensa tout bas Béchameil… Dieu vous assiste ! prononça-t-il à haute voix.

— Je vous rends grâces, messieurs. Dieu protège la France, et son aide ne nous manquera point… Je pense que la vôtre ne me fera pas défaut davantage ?

À cette question, faite d’un ton de brusque franchise, Vaunoy répondit par une inclination de tête accompagnée d’un diplomatique sourire. Béchameil, malgré sa bonne envie, ne put imiter que l’inclination. Ce gastronome n’était point diplomate. Didier crut devoir insister.

— Je puis compter sur votre aide ? demanda-t-il une seconde fois.

— À plus d’un titre, mon jeune ami : pour vous-même et pour Sa Majesté.

— Je m’en réfère aux paroles de Vaunoy, dit Béchameil.

— Merci, messieurs. Je n’attendais pas moins de deux loyaux sujets du roi. Je fais grand fonds sur votre secours, et vous préviens à l’avance que je ne ménagerai pas votre bonne volonté… Veuillez me prêter attention.

Béchameil tira sa montre et constata avec douleur que l’heure normale du déjeuner était passée depuis dix minutes. Il poussa un profond soupir, n’osant pas manifester plus clairement son chagrin.

— Je ne suis point arrivé jusqu’ici, reprit Didier, sans avoir arrêté mon plan de campagne. Toutes mes mesures sont prises. La maréchaussée de Rennes est prévenue ; celle de Laval marche sur la Bretagne à l’heure où je vous parle. Les sergenteries de Vitré, de Fougères et de Louvigné-du-Désert me seconderont au besoin.

— À la bonne heure ! s’écria Béchameil. Tout cela formera une aimée respectable.

— Trois cents hommes environ, monsieur.

— Ce n’est pas assez, dit Vaunoy. Les Loups sont en nombre quadruple.

Béchameil modéra sa joie.

— J’avais cru qu’ils étaient plus nombreux que cela, repartit froidement le capitaine. Nous serons un contre quatre… C’est beaucoup ! — Je ne saisis pas bien, dit Béchameil. — C’est beaucoup, répéta Didier, parce que nous aurons de notre côté tous les avantages… Vous ne pensez pas, je suppose, que je veuille les attaquer à la Fosse-aux-Loups ?… Ne vous étonnez point, monsieur de Vaunoy, si je sais le nom de leur retraite… Grâce à des circonstances que je ne juge point à propos de vous détailler ici, je connais la forêt de Rennes comme si j’y étais né.

À ce dernier mot, Hervé de Vaunoy tressaillit violemment et devint si pale que Béchameil crut devoir le soutenir dans ses bras.

— Qu’avez-vous, monsieur mon ami ? demanda l’intendant ? — Rien… je n’ai rien, balbutia Vaunoy. — Si fait ! je parie que c’est le besoin de prendre quelque chose qui vous travaille… et, par le fait, l’heure du déjeuner est passée depuis trente-cinq minutes et une fraction.

Vaunoy, par un brusque effort, s’était remis tant bien que mal. Il repoussa Béchameil.

— Capitaine, dit-il, je vous prie de m’excuser… Un éblouissement subit… je suis sujet à cette infirmité… vous plairait-il de poursuivre ?

— Dans votre intérêt, monsieur mon ami, insista héroïquement Béchameil, je vous engage à prendre quelque chose… Nous vous ferons raison, le capitaine et moi…

Vaunoy fit un geste d’impatience, et Béchameil reconnut avec une profonde douleur que le déjeuner était désormais indéfiniment retardé.

— Je vous disais, reprit Didier, qui n’avait prêté à cette scène qu’une attention médiocre je vous disais que la forêt est pour moi pays de connaissance ; je sais que la position des Loups est inexpugnable, et ne prétends point courir les chances d’une attaque… au moins tant que les deniers de Sa Majesté ne seront point à couvert. Il me faut à moi aussi des positions dans la forêt, et je vous demande, à vous, monsieur de Vaunoy, votre château de la Tremlays, à vous, monsieur l’intendant royal, votre maison de plaisance de la Cour-Rose…

— Ma folie ! s’écria Béchameil ; et qu’en prétendez-vous faire, monsieur.

— Je ne sais… peut-être une place d’armes.

— Mais il y a des tapis dans toutes les chambres, monsieur ; il y en a pour vingt mille écus. — Fi ! monsieur de Béchameil, fi ! voulut interrompre Vaunoy.

Mais cette fois le financier se montra rétif.

— Il y a continua-t-il, des meubles sculptés, incrustés, dorés… Il y en a pour trente mille écus, monsieur.

— Fi ! monsieur de Béchameil, fi ! répéta Vaunoy.

— Il y a des porcelaines du Japon, de la faïence d’Italie, des grès de Suisse, des cristaux de Suède… La batterie de cuisine seule vaut quatorze mille cinq cents livres, monsieur… Et vous voulez mettre tout cela au pillage ! vos soldats dévaliseraient mon garde-manger ; ils boiraient ma cave… ma cave… ma cave qui est la plus riche de France et de Navarre… Ils fouleraient aux pieds mes tapis, briseraient mes cristaux… que sais-je !… une place d’armes !… Morbleu monsieur, pensez-vous que j’aie fait bâtir ma folie pour héberger vos soudards ?

— Fi ! monsieur de Béchameil, répéta Vaunoy pour la troisième fois ; — saint-Dieu ! fi ! vous dis-je.

Le financier s’arrêta enfin essoufflé. Didier, comme s’il eût regardé l’interruption comme non avenue, reprit avec le plus grand calme :

— Peut-être une place d’armes… En tout cas, je puis vous faire promesse, messieurs, de vous prévenir deux heures à l’avance. — Cela suffira, dit Vaunoy, qui semblait résolu à tout approuver.

— Monsieur mon ami, s’écria Béchameil exaspéré, je ne vous comprends pas !

Vaunoy lui serra fortement la main. C’est là un signe que les intelligences, même les plus épaisses, comprennent par tous les pays. Le financier se tut instinctivement.

— Je pense, mon cher hôte, demanda Vaunoy du ton de la plus cordiale courtoisie, que ces mesures dont vous parlez forment la dernière partie de votre plan. Avant de vous fortifier, vous vous occuperez sans doute de convoyer les espèces qui vous attendent à Rennes, — car on dit que la cassette du roi est vide, ou peu s’en faut.

— Tel est en effet mon projet, monsieur.

— Donc, en attendant que la Tremlays devienne place d’armes… nous en ferons, s’il vous plaît, une auberge où se reposera l’escorte de l’impôt.

— L’impôt, répondit le capitaine, reste sous la garantie et responsabilité de M. l’intendant royal tant qu’il n’a point franchi les frontières de la Bretagne. C’est donc à M. l’intendant de faire choix du lieu où l’escorte passera la nuit.

Une expression de singulière inquiétude se répandit sur le visage du maître de la Tremlays. Il fallait que cette inquiétude fût bien puissante pour que Vaunoy, habitué comme il l’était à dompter souverainement sa physionomie, n’en pût réprimer les traces. Didier et l’intendant la remarquèrent. Le premier n’y fit pas grande attention. Il croyait connaître Vaunoy, qu’il méprisait, sans le soupçonner de trahison. Sa hautaine insouciance ne daigna point se préoccuper de ce mince incident. — Quant à Béchameil, il interpréta à sa manière l’angoisse évidente du maître de la Tremlays. Il pensa que Vaunoy, voyant que le choix de la halte restait entre ses mains, à lui, Béchameil, redoutait sa décision pour l’office et les provisions du château.

— Monsieur mon ami, dit-il, en conséquence, je dois vous prévenir tout d’abord que les frais de convoi me regardent…

Vaunoy pâlit et fronça le sourcil.

— Je payerai tout, poursuivit l’intendant, l’hospitalité est pour moi un devoir. — Vous prétendez donc recevoir les gens du roi dans votre maison de la Cour-Rose ? demanda Vaunoy dont l’anxiété augmentait visiblement.

— Non pas, monsieur mon ami, non pas ! s’écria vivement Béchameil.

Vaunoy respira longuement. Ses couleurs vermeilles reparurent aux rondes pommettes de ses joues. Ce mouvement fut tellement irrésistible et marqué, que Didier ne put s’empêcher d’y prendre garde… Ce fut, au reste, l’affaire d’un instant, et, à mesure que le calme revenait sur le visage de Vaunoy, les doutes du jeune capitaine se dissipaient.

Mais, pour un spectateur attentif et désintéressé de cette scène, il eût été évident qu’un hardi dessein venait de surgir dans le cerveau de Vaunoy, dessein que favorisait l’option de M. Béchameil, désignant la Tremlays pour lieu de repos de l’escorte des deniers du roi.

Béchameil, qui était à cent lieues de penser que sa décision pût faire plaisir à Hervé de Vaunoy, prit à tâche de l’excuser et de la motiver, ce qu’il fit à sa manière.

— Je vous répète, monsieur mon ami, dit-il, que vous n’aurez rien, absolument rien à débourser.

— Laissons cela, interrompit Vaunoy.

— Permettez. Je suis, — vous me faites, j’espère, l’honneur d’en être persuadé, — un sujet fidèle et dévoué de Sa Majesté. Ma pauvre maison est fort à son service, depuis les fondements jusqu’aux combles… y compris, bien entendu, les étages intermédiaires… mais il s’agit de cinq cent mille livres tournois. — Cinq cent mille livres tournois… répéta lentement le maître de la Tremlays.

— Tout autant, monsieur mon ami… il y a même quelques écus de plus… Si cette somme était enlevée, mon aisance, qui est honnête, serait terriblement réduite… Or, — suivez bien, — ma Folie n’est point propre à soutenir un siège, et si les Loups…

Vaunoy haussa les épaules avec affectation.

— M. l’intendant a raison, dit le capitaine, qui, depuis dix minutes, n’apportait plus à la discussion qu’une attention fort médiocre.

— Permettez, dit encore Béchameil, répondant au geste de Vaunoy, je serais mortifié que vous puissiez croire… — Allons déjeuner, interrompit en souriant le maître de la Tremlays.

Le coup était d’un effet sûr : il porta. Béchameil remua convulsivement les mâchoires, comme s’il eût voulu parfaire son explication ; mais il ne put que répéter ces mots qui éveillaient les plus tendres échos de son cœur :

— Allons déjeuner.

Vaunoy s’appuya familièrement sur le bras de Didier. Béchameil, les narines gonflées et saisissant au vol parmi les effluves épandues dans l’air toutes celles qui venaient de l’office, ouvrit la marche. En chemin il fut décidé que le convoi d’argent partirait de Rennes le lendemain. De la ville au château l’étape, était courte, mais les routes de Bretagne, en l’an 1740, étaient tracées de manière à quadrupler la distance.

Béchameil, malgré la proéminence suffisamment notable de son abdomen, monta le perron en trois sauts. Une minute après, il nouait sa serviette autour de son menton et dégustait savamment un salmis d’ailerons de bécasses, qu’il déclara sans pareil et fêta en conscience.

Hervé de Vaunoy ne resta point oisif durant cette matinée. Le déjeuner était à peine fini, et M. Béchameil venait de s’étendre sur un lit de jour pour se livrer à cet important devoir que les gourmets ne doivent négliger jamais, la sieste, lorsque M. de Vaunoy, quittant Didier sous un prétexte d’autant plus facile à trouver que le jeune capitaine ne tenait point extraordinairement à sa compagnie, se dirigea d’un air soucieux et affairé vers son appartement.

— Qu’on m’envoie sur-le-champ Lapierre et maître Alain, dit-il à un valet qu’il rencontra sur son chemin.

Le valet se hâta d’obéir, et Vaunoy poursuivit sa route ; mais, ayant jeté par hasard un regard distrait à travers les carreaux de l’une des croisées du corridor, il aperçut Alix qui, rêveuse et la tête penchée, suivait à pas lents l’allée principale du jardin.

— Toujours triste ! se dit Vaunoy d’un ton où perçait un atome de sensibilité ; pauvre fille !… Mais, après tout, elle n’est pas raisonnable ! Béchameil ferait la perle des maris.

Il allait passer outre, lorsque, dans une autre allée dont la direction formait angle avec celle de la première, il vit le capitaine Didier, lequel, par impossible, semblait rêver aussi. Vaunoy fit un geste de mauvaise humeur.

— Elle était sur le point de l’oublier ! murmura-t-il ; je m’y connais : un mois encore, et ce fol amour passait à l’état de souvenir, de l’un de ces mélancoliques souvenirs qui amusent les femmes, mais ne font point obstacle à un bon et solide mariage… Et le voilà revenu ! Sa seule approche déjoue fatalement tous mes plans… Et puis, si quelqu’un de ces hasards que l’enfer suscite allait lui apprendre…

Vaunoy s’interrompit. Comme nous l’avons dit, les deux allées que suivaient Alix et Didier se croisaient. Chaque pas fait par les deux jeunes gens les rapprochait ; ils allaient se rencontrer dans quelques secondes.

— Eh ! qu’a-t-il besoin de savoir ? reprit Vaunoy avec emportement. Son étoile le pousse à me nuire. Qu’il sache ou non, il me perdra si je ne le perds…

Alix et Didier arrivaient en même temps au point de convergence des allées ; au moment où ils allaient se trouver face à face, Vaunoy porta son sifflet de chasse à ses lèvres. Le bruit fit lever la tête aux deux jeunes gens. Alix se tourna du côté du château et dut obéir au geste d’appel que lui envoya de loin son père. Didier salua et poursuivit sa route.

— C’était comme un rendez-vous ! pensa Vaunoy. Saint-Dieu ! je l’ai manqué deux fois déjà ; mais on dit que le nombre trois porte bonheur…

Il entra dans son appartement, où ne tardèrent pas à le joindre ses deux féaux serviteurs, Alain et Lapierre. Presque au même instant, Alix entr’ouvrit la porte.

— Vous m’avez appelée, mon père ? dit-elle.

Vaunoy, qui ouvrait la bouche pour donner des ordres à ses deux acolytes, hésita quelque peu, et fut sur le point de renvoyer sa fille ; mais il se ravisa.

— Restez ici, dit-il aux valets. J’aurai besoin de vous dans un instant.

Puis il passa le bras d’Alix sous le sien et l’entraîna doucement vers la galerie.

Maître Alain et Lapierre demeurèrent seuls. Le premier, dont l’intelligence avait considérablement fléchi sous le poids de l’âge et aussi par l’effet de l’ivrognerie, tira de sa poche son flacon carré de fer-blanc et but une ample rasade d’eau-de-vie.

— En veux-tu ? demanda-t-il à Lapierre.

— Il y a temps pour tout, répondit l’ex-saltimbanque ; je ne bois jamais quand je dois causer avec monsieur.

— Moi, je bois double…

— Et tu vois de même… Hier tu n’as pas su seulement reconnaître ce drôle de valet… — Je me fais vieux, dit Alain en buvant une seconde gorgée. Le fait est que ma pauvre mémoire s’en va… Mais si je le vois encore une fois, je le reconnaîtrai peut-être.

— Et s’il ne revient pas ?

Alain, au lieu de répondre, but une troisième rasade et s’arrangea pour dormir, en attendant son maître. Lapierre haussa les épaules, et, pour ne point perdre son temps, il fit le tour de la chambre, donnant généreusement l’hospitalité, dans les vastes poches de son pourpoint, à toutes les pièces de monnaie égarées qu’il trouva sur les meubles. — Les tiroirs étaient fermés.

Quand il eut achevé sa tournée, il s’accouda sur l’appui de la fenêtre. Au loin, dans le jardin, il aperçut Didier qui continuait solitairement sa promenade. Lapierre se prit à réfléchir. — Peuh ! fit-il enfin en enflant ses joues ; — je croyais le délester davantage. C’est un joli garçon… Vaunoy paye mal et demande beaucoup… Hé, hé… il faudra voir… — En veux-tu, grommela maître Alain qui trinquait en rêve.

Lapierre laissa tomber sur le vieillard un long regard de mépris.

— Voilà ce qu’on devient au service de Vaunoy ! dit-il ensuite. Jamais de tiroirs ouverts… Quelques pièces d’or pour beaucoup de travail… C’est pitoyable de se damner ainsi au rabais… Il faudra voir.

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