La Foire aux vanités/2/17


CHAPITRE XVII.

Grand dîner à trois services.


Dans la même matinée où nous venons de voir Rebecca vaquer si discrètement à ses affaires, lord Steyne, qui d’ordinaire ne voyait les dames de la maison qu’aux jours de réception ou lorsqu’il les rencontrait par hasard dans la cour, lord Steyne, disons-nous, se présenta chez elles, comme elles prenaient leur thé avec les enfants, et combattit vaillamment pour la cause de Rebecca.

« Milady Steyne, dit-il, montrez-moi votre liste d’invitations à dîner pour vendredi. C’est fort bien ; vous allez maintenant, s’il vous plaît, m’écrire un billet pour le colonel et mistress Crawley.

— Blanche, écrivez, dit lady Steyne toute suffoquée ; lady Gaunt, écrivez…

— Non, jamais je n’écrirai à cette femme, » dit lady Gaunt, grande et orgueilleuse personne qui, après avoir levé les yeux au ciel, les rabaissa ensuite vers le parquet.

Il était, en effet, difficile de soutenir le regard de lord Steyne lorsqu’il lui arrivait de rencontrer de la résistance quelque part.

« Qu’on emmène les enfants, » dit-il en tirant le cordon de la sonnette.

Les pauvres enfants avaient une telle peur de lui qu’ils s’empressèrent d’obtempérer à cet ordre. Leur mère aussi se disposait à les suivre.

« Vous pouvez rester, lui dit alors l’inexorable despote. Milady Steyne, continua-t-il, voulez-vous avoir l’obligeance d’aller vous mettre à votre bureau et d’écrire cette lettre d’invitation pour vendredi.

— Pour moi, je n’assisterai point à ce dîner, dit lady Gaunt ; je retournerai chez mes parents.

— Je ne demande pas mieux, pourvu que vous n’en reveniez plus. Vous trouverez, du reste, à Bareacres, une société fort aimable dans celle des huissiers et des recors, et de la sorte, je me verrai débarrassé d’un seul coup et des aumônes que je suis obligé de faire à vos parents et de vos grands airs tragiques. C’est bien à vous, en vérité, à prendre ici le ton du commandement ; à vous, aussi pauvre d’esprit que vous l’êtes d’argent. On vous a pris pour faire des enfants, et vous n’êtes pas même bonne à cela. Gaunt a de vous par-dessus la tête ; et il n’est personne ici, excepté vous, qui ne désire vous voir dans l’autre monde. Si vous veniez à trépasser, Gaunt ne serait pas long avant d’en prendre une autre.

— Plût au ciel que j’eusse cessé de vivre ! répondit milady, les yeux troublés à la fois par les larmes et la colère.

— J’admire, en vérité, ces scrupules de vertu et de pudeur, alors que ma femme, dont tout le monde connaît l’existence immaculée, n’élève aucune objection contre la présentation de ma jeune protégée mistress Crawley. Milady Steyne peut vous le dire ; la plus honnête femme a souvent les apparences contre elle, et la calomnie se charge du reste ; c’est toujours à l’innocence qu’elle s’attaque. Du reste, si vous le désirez, madame, je pourrais retrouver quelques petites anecdotes sur milady Bareacres qui vous prouveraient que vous auriez mauvaise grâce à y regarder de trop près.

— Frappez-moi plutôt, si tel est votre bon plaisir, monsieur ; les coups me seront moins sensibles que de telles injures, » reprit lady Gaunt.

Milord Steyne trouvait une satisfaction sans égale toutes les fois qu’il pouvait trouver l’occasion de torturer ainsi sa femme et sa fille.

« Ma toute belle, reprit-il, je suis gentilhomme, et, à ce titre, je ne porterai jamais la main sur une femme, si ce n’est toutefois pour la caresser. Je voulais seulement redresser certains petits travers de votre nature. Mesdames, vous êtes trop orgueilleuses et péchez singulièrement contre l’humilité chrétienne. Qu’est-ce que signifient tous ces grands airs ? de la douceur, de la modestie, s’il vous plaît, mes chères brebis. Demandez à lady Steyne, elle peut vous le dire, cette aimable mistress Crawley, si calomniée de toutes parts, est une femme parfaitement innocente, un modèle de vertu, entendez-vous ? Son mari n’a peut-être pas une fort bonne réputation ; mais, après tout, celle des Bareacres vaut-elle donc mieux ? Que direz-vous d’un homme qui ne paye jamais quand il perd, qui vous a dépouillée de l’héritage que vous deviez avoir, et qui vous a laissée sans le sou et à ma charge ? La naissance de mistress Crawley n’est pas brillante, mais il ne faudrait peut-être pas remonter bien loin pour trouver la nuit des temps dans laquelle se perdent les ancêtres de certaines personnes.

— Mais, milord, s’écria lady George, la fortune que j’ai apportée dans votre famille…

— Eh bien ! reprit le marquis avec un regard hautain et dur, c’est le prix auquel vous avez acheté une succession éventuelle : que Gaunt vienne à mourir et votre mari héritera de tous ses droits, vos enfants après lui, et qui sait où cela peut s’arrêter ? Ainsi donc, mesdames, ayez pour votre usage de la vertu, de la fierté tant qu’il vous plaira, mais, je vous prie, faites-moi grâce de ces airs-là. Quant à la réputation de mistress Crawley, je ne veux pas me faire, à moi, à cette irréprochable personne, l’injure de laisser supposer qu’il y a lieu de la défendre, vous aurez donc l’obligeance de lui faire l’accueil le plus cordial, ainsi qu’à toutes les personnes que je trouve à propos d’amener dans l’hôtel. Et qu’est-ce donc que cet hôtel ? fit-il avec un rire satanique accompagné d’un blasphème, quel en est le maître ? et qu’y trouve-t-on donc ? Ce temple de la pudeur n’est-il pas à moi ? et s’il me prenait fantaisie d’y amener toute la population de Newgate ou de Bedlam, je vous jure, entendez-vous, qu’il faudrait vous résigner à lui faire bon accueil. »

Après cette rigoureuse semonce, comme lord Steyne était dans l’habitude d’en faire pour remettre son harem au pas, suivant son expression, lorsqu’il manifestait quelques velléités d’insubordination, les pauvres femmes, obligées de courber la tête, n’eurent plus qu’à se ranger au parti de l’obéissance. Lady Gaunt écrivit l’invitation qu’exigeait d’elle le noble lord ; puis, avec sa belle-mère, et sous le poids de la plus profonde humiliation, elles allèrent déposer leurs cartes chez mistress Rawdon, ce qui causa un vif plaisir à l’innocente créature.

Nous pourrions citer des familles de Londres qui auraient sacrifié une année de leurs revenus pour jouir d’une si haute faveur. Mistress Frédérick Bullock, par exemple, se serait bien traînée sur les genoux, de Mayfair à Lombard-Street, si elle eût été sûre d’entendre sortir de la bouche de lady Gaunt et de lady Steyne ces magiques paroles : « Nous vous invitons pour vendredi prochain. » En effet, ce n’était point une de ces cohues, de ces grands bals de Gaunt-House où la foule se mêle et se confond ; mais c’était une petite réunion bien intime, bien mystérieuse, où les privilégiés ont l’honneur d’être admis, honneur dont ils doivent se féliciter tout le reste de leur vie.

Lady Gaunt avait droit, par sa beauté, ses dédains, sa chasteté, à une place élevée parmi les plus vains de ce monde. L’exquise courtoisie avec laquelle lord Steyne la traitait en public charmait tous ceux qui en étaient témoins, et les plus difficiles étaient obligés de reconnaître que l’illustre lord était un gentilhomme accompli et avait le cœur bien placé.

Les dames de Gaunt-House demandèrent du renfort à lady Bareacres contre l’ennemi commun. Lady Gaunt envoya chercher sa mère par une de ses voitures, car tous les équipages de la noble comtesse avaient été saisis par les baillis. Ses bijoux, sa garde-robe étaient devenus la proie des impitoyables enfants d’Israël. Le château de Bareacres était en leur pouvoir avec ses peintures de prix, son splendide ameublement et tous les magnifiques chefs-d’œuvre de Van Dyck, de Reynold, de Lawrence ; la nymphe dansante de Canova, faite à la ressemblance de lady Bareacres, mais de lady Bareacres dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté, tandis que maintenant il ne restait plus d’elle qu’une pauvre vieille édentée et chauve : la robe fanée après les jours de fête. Son seigneur et maître, peint jadis par Lawrence, vers la même époque, en uniforme des hussards de Thistlewood, avec un grand sabre dans les jambes et le château de Bareacres dans le lointain, n’était plus maintenant qu’un pauvre diable râpé sur toutes les coutures et cachant sous une perruque presque aussi dépouillée que sa tête les flétrissures des années. Le matin il se faufilait dans quelque mauvaise taverne, et le soir il allait tout seul prendre son dîner au club. Il n’était plus très-empressé de dîner chez lord Steyne. Autrefois rival heureux de ce dernier dans la carrière du plaisir, il voyait désormais les rôles intervertis. Le petit lord Gaunt de 1785 était maintenant un gros personnage, tandis que Bareacres n’offrait plus que le triste spectacle de sa ruine et de sa décrépitude. Il devait trop d’argent à lord Steyne pour oser se présenter devant son vieux camarade, et lorsque celui-ci se sentait en verve de belle humeur, il ne manquait jamais de demander malicieusement à lady Gaunt pourquoi son père ne venait plus la voir.

« Voici quatre mois qu’il n’a mis les pieds ici, lui disait lord Steyne. Je puis compter par mon livre de dépense chacune des visites de Bareacres. Il s’est bien chargé de faire sortir tout l’argent que l’autre beau-père a apporté dans la maison. »

Le narrateur du présent récit n’en a pas bien long à dire sur les illustres personnages que Becky eut l’honneur de rencontrer à son entrée dans la haute société. Nous citerons cependant le prince de Peterwaradin et sa femme. Son Excellence a la taille prise dans une ceinture étroitement serrée. Sur sa poitrine, bien dessinée par l’uniforme militaire, étincelle une plaque chargée de pierreries. Le boyard porte autour du cou le collier rouge de la Toison d’or, et possède d’innombrables troupeaux.

« Regardez-le bien, dit Rebecca à l’oreille de lord Steyne ; le chef de sa race devait être un mouton. »

En effet, son air solennel, sa démarche mesurée, sa figure blafarde et son collier, donnaient à Son Excellence tout l’air d’un vénérable mouton à clochettes.

Nous citerons encore M. John Paul Jefferson Jones, attaché à l’ambassade américaine et correspondant du Démagogue de New-York. Espérant se faire bien venir des maîtres de la maison, il profita d’un moment de silence pendant le dîner pour demander si son cher ami George Gaunt se plaisait toujours beaucoup au Brésil.

Toutes les fois que le colonel se trouvait, comme en cette circonstance, au milieu d’une société délicate et choisie, il se mettait à rougir ni plus ni moins qu’un garçon de seize ans au milieu des compagnes de sa sœur. L’honnête Rawdon manquait complétement de cette habitude du monde que l’on n’acquiert que dans la société des femmes. Au club, à la caserne il n’avait pas besoin de se gêner. Là il entrait, sortait, fumait et jouait au billard tout à son aise. Ce n’est pas que dans son temps aussi il ne se soit trouvé en rapport avec le beau sexe, mais il y avait déjà longtemps de cela, et les habitudes que l’on peut contracter dans les boudoirs en question ne préparent nullement à celles qu’il faut avoir pour faire bonne contenance dans un salon. Le colonel était alors dans ses quarante-cinq ans. En cherchant bien, sa mémoire pouvait lui fournir le souvenir d’une demi-douzaine de femmes qu’il avait connues avant l’incomparable créature à laquelle il s’était uni par les liens de l’hyménée. Mais, à l’exception de cette dernière et de son excellente belle-sœur lady Jane, dont l’aimable caractère l’avait séduit et entraîné, le colonel était au supplice auprès de toutes les autres femmes. À Gaunt-House, il ne desserra les dents de tout le dîner que pour faire remarquer que le temps était à l’orage. Becky avait bien songé à le laisser à la maison ; mais les convenances exigeaient qu’à son entrée dans le grand monde son mari fût à ses côtés, comme le bouclier et le rempart de sa vertu et de son innocence.

Au moment où l’on annonçait mistress Crawley et son mari, lord Steyne était allé à sa rencontre, lui avait fait un grand salut et l’avait présentée à lady Steyne et à ses belles-filles. Ces dernières lui avaient fait une révérence des plus profondes et des plus cérémonieuses. Quant à la mère, elle avait tendu la main à la nouvelle arrivée ; mais cette main était aussi glaciale que le marbre d’un tombeau.

Becky la prit néanmoins avec un air d’humilité et de reconnaissance, et avec un salut qui aurait pu faire honneur au meilleur des maîtres de danse, elle s’inclina presque jusqu’à terre, puis elle rappela avec une présence d’esprit admirable que milord Steyne avait été autrefois l’ami et le protecteur de son père, et que dès son enfance elle avait été élevée à révérer et à bénir le nom des cette famille. En effet, lord Steyne pouvait bien avoir acheté deux tableaux au malheureux Sharp, et l’orpheline avait l’âme trop sensible à la reconnaissance pour oublier jamais un pareil bienfait.

Il fallut aussi renouveler connaissance avec lady Bareacres. La femme du colonel lui fit une profonde révérence, à laquelle l’orgueilleuse comtesse ne répondit que par une froideur pleine de dédain.

« Il y a bientôt dix ans, lui dit Becky, en femme qui sait ne rien perdre de ses avantages, que j’ai eu l’honneur de faire à Bruxelles la connaissance de Votre Seigneurie ; c’était, je crois, au bal de la duchesse de Richmond, la veille de la bataille. J’ai vu Votre Seigneurie ailleurs encore, c’était avec lady Blanche, sous la porte cochère de l’hôtel où vous vous étiez mises dans votre voiture en attendant des chevaux. J’espère que vous avez sauvé tous vos diamants ? »

Tout le monde se regarda. Ces fameux diamants avaient été saisis par les créanciers, à ce qu’il paraît, et Becky probablement n’en savait rien. Rawdon Crawley se retira dans l’embrasure d’une fenêtre avec lord Southdown, et celui-ci ne tarda pas à pouffer de rire au récit que lui fit Rawdon de lady Bareacres trépignant dans sa voiture et épuisant les promesses et les prières auprès de mistress Crawley pour en obtenir des chevaux.

« Maintenant, pensa Becky, cette femme n’est plus à craindre pour moi. »

Lady Bareacres échangea avec sa fille des regards où se mêlaient la terreur et la colère, et se dirigea vers une table où elle se mit à regarder un album dont elle tourna les feuillets avec la plus grande rapidité.

Lorsque le noble habitant des bords du Danube fut arrivé, on se mit à parler français. Lady Bareacres ainsi que les jeunes dames virent, à leur grande mortification, que mistress Crawley possédait cette langue bien mieux qu’elles, et la parlait avec bien plus de grâce et de facilité. Becky avait connu, en 1816 et 1817, des magnats hongrois qui faisaient partie de l’armée alliée ; elle s’enquit de ses amis d’autrefois avec le plus touchant intérêt. Le noble étranger s’imagina de suite que c’était quelque femme d’une haute distinction. En passant du salon à la salle à manger, le prince et la princesse demandèrent à lord Steyne et à la marquise le nom de cette petite dame qui parlait si bien le français.

Ces quatre personnes conduisant la tête de la colonne, toute la société se rendit dans la salle du banquet. En tête de ce chapitre, nous avons annoncé un dîner à trois services ; dans le désir qu’il soit tout à fait selon le goût du lecteur, nous laisserons à son imagination le soin d’en composer le menu.

Becky avait bien compris que pour elle le moment critique serait celui où les dames se trouveraient seules après dîner, car alors il lui faudrait soutenir tout l’effort du combat. La position de la petite femme, en effet, devenait alors très-difficile, et elle put reconnaître combien lord Steyne avait eu raison en lui disant que la société de ces femmes d’un rang supérieur au sien ne lui offrirait rien de bien agréable. Je ne connais rien de plus impitoyable qu’une femme dans ses haines à l’égard d’une autre personne de son sexe. Becky allait l’éprouver. Lorsque la pauvre petite Becky se trouva toute seule en tête-à-tête avec ces grandes dames, elle voulut s’approcher de la cheminée et rejoindre le reste de la société, mais ces dames battirent aussitôt en retraite et allèrent prendre position autour d’une table couverte de gravures ; Becky ayant dirigé ses pas de ce côté, elles se replièrent vers la cheminée. Elle voulut parler à l’un des enfants et se livrer à un de ces transports de tendresse comme il lui en prenait subitement de temps à autre et seulement en public : la mère rappela au plus vite son enfant. Enfin on traita l’intruse avec tant de dureté que lady Steyne la prit en compassion et alla causer avec la pauvre rebutée.

« Lord Steyne, lui dit-elle, tandis qu’une rougeur passagère colorait la pâleur de ses joues, lord Steyne m’a dit que vous chantez à ravir ; voudriez-vous bien nous faire entendre votre talent ?

— Je ne désirais que l’occasion de pouvoir vous être agréable soit à vous, soit à milord Steyne, » dit Rebecca avec une sincère reconnaissance ; et en même temps elle s’assit au piano et se mit à chanter.

Elle joua les mélodies religieuses de Mozart, que lady Steyne affectionnait particulièrement, et avec une telle douceur et un sentiment si vif de l’harmonie, que cette dame s’approchant du piano vint s’asseoir à côté d’elle et que de grosses larmes lui coulèrent des yeux en l’écoutant. Il est vrai qu’en compensation, à l’autre extrémité de la pièce, on ne se gênait pas pour rire tout haut et causer d’une manière bruyante. Mais lady Steyne n’y prenait pas garde, sa pensée l’emportait ailleurs ; elle la ramenait aux jours de son enfance et la faisait remonter à travers quarante années de douleurs et d’isolement, au temps où elle était encore dans son couvent, quand l’orgue de la chapelle faisait retentir les mêmes notes à son oreille. C’était l’organiste, c’était la sœur de la communauté qu’elle aimait le plus, qui lui avait appris ces airs dans des jours de félicité trop vite écoulés. Pendant une heure elle avait pu se croire au temps de sa jeunesse, pendant une heure elle avait reconquis le bonheur si pur et si doux du premier âge. Elle sortit de ce rêve en sursaut lorsque les deux battants de la porte s’étant ouverts elle entendit les éclats de rire de lord Steyne et la bruyante gaieté des hommes qui revenaient au salon.

D’un regard le maître de la maison devina ce qui s’était passé en son absence, et, pour la première fois de sa vie, éprouva un mouvement de bienveillance pour sa femme. Il alla lui parler et l’appela par son nom de baptême, ce qui fit de nouveau rougir cette pâle et triste figure.

« Ma femme vient de m’apprendre que vous avez chanté comme un ange, » dit milord Steyne à Becky.

Mais il existe deux espèces d’anges, et chacun a, dit-on, sa manière particulière de charmer les cœurs et les esprits. Le reste de la soirée fut un véritable triomphe pour Becky ; elle chanta à ravir, et les hommes firent cercle autour du piano. Ses ennemies furent laissées dans leur coin. M. Paul Jefferson s’approcha seul de lady Gaunt, et pour lui être agréable ne trouva rien de mieux à lui dire, sinon que son amie avait une voix ravissante et qu’elle possédait un talent unique.