La Fleur d’Or/Les Dieux chez Anacréon

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 94-95).


Les Dieux chez Anacréon
(D’après un bas-relief de M. Guillaume)


I

 
Poètes, consacrez toujours
Votre Muse aux saintes amours :
Qu’elle chante, voilée, au fond du sanctuaire ;
 
Cependant, Muse, viens parfois
Comme en Grèce, chez nous Gaulois,
Tes cheveux dénoués, viens égayer la terre.

II


Dans Téos, la ville au ciel clair,
L’errante lune argentait l’air,
Le myrte et l’hyacinthe exhalaient leurs aromes ;

Alors, parcourant la cité,
Un chœur avec légèreté
Vint danser sur un seuil aux marbres polychromes :

 
« Ouvrez, Anacréon, ouvrez !
C’est l’enfant aux cheveux dorés,
L’enfant joueur, Amour, qui frappe à votre porte.

— Ouvrez à Bacchus, beau vieillard !
Ma coupe, merveille de l’art,
Est pleine de bonheur : c’est un dieu qui l’apporte.

— Ouvre, mon cher Anacréon !
Au seuil de ta fraîche maison
J’accours, ma lyre en main, moi, chanteuse d’Asie. »

La clef de bronze fait un tour,
Puis avec Bacchus et l’Amour
Chez cet heureux vieillard entre la Poésie.

III

 
Ô charme et puissance des lieux !
Je vous vis, esprit sérieux,
Sous le beau ciel romain sculptant la Grèce antique.

Et sur le mode ionien
J’accorde, moi, barde chrétien,
La harpe aux sons plaintifs, la harpe d’Armorique.