La Fleur d’Or/Les Courants

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 173-174).
Les Courants


À Pélage Lenir


 
Sur un tertre, aux confins du pays de Bretagne,
S’était assis un voyageur,
Observant là, pauvre songeur,
Une eau qui jaillissait de cette humble montagne.

Car au sortir du sol et par un accident
L’eau vive s’était divisée ;
Puis, selon la pente opposée,
Courait moitié vers l’Est, moitié vers l’Occident.

 
Tout chez le voyageur se change en rêverie :
Celui-ci dans ce double cours
Trouvant l’image de ses jours,
Son cœur suivait les flots qui vont vers sa patrie.

Mais sur l’autre penchant, il opposait sa main
Aux flux de cette onde égarée,
Et sur la pente préférée
Il la forçait de prendre avec lui son chemin.

Ainsi vers son pays, seul but qui le réclame,
Ainsi vers ses chères amours
Allaient et sans plus de détours
Tous les courants de l’onde et tous ceux de son âme.