La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 57-58).


Le Semeur


Ma vie est ailleurs et mon âme aussi.
Aux premiers brouillards s’enfuit l’hirondelle,
Mais juin la retrouve à son toit fidèle :
Pourquoi, bourgs d’Ellé, m’appeler ainsi ?

Dieu plaça mon nid sous la fleur des landes,
Près d’une rivière au fond de granit,
Je vole aujourd’hui bien loin de mon nid,
Mais j’y reviendrai les ailes plus grandes.
 
Pour vous, ô Bretons, voyez mon amour !
Comme en tous pays et de plage en plage
Je m’en vais semant la plante sauvage,
Qui devant vos pas doit fleurir un jour !

Déjà dans Paris a germé la graine ;
Si vous y venez le cœur oppressé,
Vous dites : « Ici le barde a passé !
Voici la fleur d’or, sœur de la verveine. »

 
Qu’elle croisse aussi sous les myrtes verts,
Où tous les chanteurs, délices du monde,
Viennent saluer la lumière blonde ;
Où pour vous, amis, je sème des vers.

Mais, vous, protégez mes courses lointaines,
Car les énervés de cœur et d’esprit
Et tous ces gloutons que rien n’assouvit
S’en vont par troupeaux boire à nos fontaines.