La Fleur d’Or/À Luigi Parisi

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 123-124).
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À Luigi Parisi


Lorsque, joyeux enfant, tu courras sur la grève,
Comme un dauphin léger quand tu fendras les mers,
Devant le Pausilippe, ô Luigi, prie en rêve
Pour qui sauva tes jours et te nomme en ses vers.
 
« Au secours ! au secours ! » Et ta voix lamentable
Sur l’onde s’éteignait… Oh ! oui, je vais à toi !
Et jetant mes habits les plus lourds sur le sable,
Dans l’abîme j’entrais, ne songeant plus à moi.

Ou je disais (rapide éclair) : « Merci, mon ange,
De cet instant pieux que vous venez m’ofFrir !
Pour ses jours, ô Seigneur, tous mes jours en échange.
Enfant, à lui de vivre ; homme, à toi de mourir.

« C’est là qu’on peut mourir, il est une belle heure
Qui brise avec amour les terrestres liens :
Lorsqu’une âme ici-bas plus haut aspire et pleure,
L’heure sonne… Oh ! j’entends ! heure, je suis des tiens. »


Et comme ce jour-là c’était le jour de fête
De mon aïeule morte et vivant dans le ciel,
Mon cœur croyait la voir des mers rasant le faîte,
Et me tendant la main vers le monde éternel.

Puis de loin je criais : « Courage ! enfant, courage ! »
Et mes bras s’allongeaient, sonores, sur les flots ;
Et bien des voix aussi m’arrivaient du rivage.
Voix de jeunes baigneurs et de vieux matelots.

Enfin, je te saisis, mourante créature !
Et sur l’arène d’or bientôt te soulevant,
Heureux tu souriais à l’heureuse nature ;
Moi, triste, je songeais : hélas ! j’étais vivant.
 
Mais, comme un voyageur cueille aux terres lointaines
Une fleur qui lui parle, un jour, du temps ancien,
À ceux qui m’entouraient, plages napolitaines.
J’ai demandé son nom : tous ont béni le mien !
 
Lorsque, joyeux enfant, tu courras sur la grève.
Comme un dauphin léger quand tu fendras les mers,
Devant le Pausilippe, ô Luigi, prie en rêve
Pour qui sauva tes jours et te nomme en ses vers.