La Fleur d’Or/À S. Mauto

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 91-92).


À S. Mauto


(Nom italien Je saint Malô)


 
Comment, bon saint Malô, pauvre évêque breton,
Une église de Rome a-t-elle pris ton nom ?
Ah ! dans cette cité païenne et catholique,
Quand, fatigué de voir et d’admirer toujours,
Enfin je découvris ton humble basilique,
Ah ! cirques et forums, colonnades et tours,
Comme tout disparut ! et, durant quelques jours,
Mon pays me revint frais et mélancolique.
Malô, l’illusion fidèle me poursuit :
Ton bâton pastoral dans Rome me conduit.
 
Hier encor j’errais, et maisons, monastères,
Théâtres, tout dormait ; le Tibre coulait noir,
Et je suivais ses bords, lorsque, par ce beau soir,
Saint-Pierre m’apparut inondé de lumières :
Avait-on allumé pour mon saint inconnu
Cette fête magique où seul j’étais venu ?
Des milliers de flambeaux (grandeurs toutes romaines !)
Éclairaient sans témoins et le dôme et la nuit,
Et sous la colonnade on entendait le bruit
Des immenses fontaines.


Éclat du Vatican, luxe pontifical,
M’écriai-je, ici-bas vous n’avez point d’égal !
Le ciel allume seul une pareille fête,
Délices de l’Arabe errant dans les déserts ;
Immobile et serein, seul, après la tempête,
Sur l’Océan plaintif il tient ses yeux ouverts,
Pour apaiser la vague et les grands monstres verts ;
Malô, de tels flambeaux scintillaient sur ta tête,
Quand, guidant ton esquif, un ange aux ailes d’or
T’envoyait convertir les païens de l’Arvor !

Patron des voyageurs, les fils de ton rivage,
Venus à ce milieu de l’univers chrétien,
Connaîtront désormais ton nom italien,
Et tu seras un but dans leur pèlerinage.
Les plus tendres de cœur à Rome apporteront
Quelques fleurs des landiers pour réjouir ton front :
Mais là-bas, près des mers, sous ta sombre chapelle,
Fête-les au retour, bon saint, et souris-leur
Quand sur ton humble autel ils mettront une fleur
De la ville éternelle.