Le Passe-Temps du 02 juillet 1893 (p. 3-4).

LA FLEUR-DE-VIE


imitation d’un chant thessalien


Dans un clair ruisseau Dyrcé voit ses charmes ;
Ses regards pourtant se voilent de larmes…
Calaïs lui dit : — Printemps gracieux !
Laisse mon baiser sécher tes beaux yeux,
Et dis quel chagrin cause tes alarmes ?…

La belle reprend d’un air attristé :
— Le ciel n’est, dit-on, que joie et clarté,
Mais la terre est bonne et la vie est douce :
Pour me consoler, là-haut dans la mousse,
Va chercher la fleur d’immortalité ! —

Calaïs qu’entraîne une ardente fièvre,
Répond : — De chagrin que ton cœur se sèvre !…
Il court, puis revient disant : — la voici !
Et la blonde enfant s’écrie : — Oh ! merci !…
Et, prenant la fleur, la porte à sa lèvre…

Mais soudain tremblante et le front baissé,
Pâle comme un lys par le vent froissé,

De larmes ses yeux s’emplissent encore ;
Et le beau chasseur, de sa voix sonore,
Lui dit : — Qu’as-tu donc à pleurer, Dyrcé ?…

Quoi ! des pleurs toujours, belle infortunée !
Quel souci tient donc ton âme enchaînée ?…
— Ô méchant garçon, perfide et cruel,
Ce n’est pas la fleur qui rend immortel,
C’est la fleur d’amour que tu m’as donnée !…

Calaïs l’embrasse et dit en riant :
— Qu’importent les jours et leur vol fuyant !
À vivre deux fois ma fleur te convie…
Oui, la fleur d’amour est la fleur de vie,
Car l’amour vainqueur se rit du néant !

— Ah ! reprend Dyrcé, quand ta main la donne,
La fleur dont l’attrait jusqu’au cœur rayonne,
Mon cœur trop charmé ne peut refuser…
Ma vie est liée à ton doux baiser :
Que la fleur d’amour reste ma couronne !


Gabriel Monavon.