La Figure de proue/Nocturne (Au port)

Eugène Fasquelle (p. 266-267).

Nocturne

        Nuit sur le port. Signaux et feux
Ont défait leur collier de lueurs dans l’eau verte.
Un clapotis, autour des paquebots inertes,
Les endort dans l’oubli du jour aventureux.

        Les grandes barques repliées
Dansent un peu le long du bassin sombre et clair
Et tirent en craquant sur leurs cordes liées,
Comme ne pouvant pas se calmer de la mer.

        Repos des horizons barbares,
Berceuse de douceur planant sur les bassins…
Et pourtant, dans la nuit, les clignements des phares
Signifient tout le large et ses mauvais desseins.


        — Dis ? Pourquoi ta tranquille eau verte
Mon petit port, a-t-elle une blessure au cœur ?
Pourquoi, pourquoi ta quiétude est-elle ouverte
Sur l’infini gonflé de joie et de douleur ?