Eugène Fasquelle (p. 221-222).
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Amour

Qu’obtiendrons-nous jamais de vous, noces humaines,
Puisqu’en nous l’animal est mort ou presque mort ?
Mais t’obéir, nature ! aller où tu nous mènes,
Et que tes seuls parfums tuent en nous tout effort.

Mais nous mourir, les soirs que le désir nous couche,
De la possession de tes grands bras touffus,
T’aimer, nous qui savons quelle épouse tu fus
Pour ceux qui t’ont voulu connaître bouche à bouche !

Propice à nos repos comme à nos passions,
Ton visage, qui change avec toutes les heures,
Rit lorsque nous rions, et, si nous pleurons, pleure,
Sans yeux pour nous tirer une explication.


Tu ne sais pas l’horreur du geste et des paroles,
La contradiction de cet amour impair ;
Tu nous tends seulement tes profondes corolles
Qui sont une douceur plus douce que la chair.

Ton sein ne connaît point la limite du spasme,
Le funèbre regret du plaisir accompli.
Pour offrir à nos sens un éternel phantasme,
Au creux des horizons ton amour fait son lit,

Nature, seul rachat de l’homme et de la femme,
Unique amie en qui cesse l’isolement,
Ô toi qui nous connais, toi dont nous savons l’âme,
Puisque ton âme, c’est la nôtre, simplement.