La Femme libre/01/Appel aux femmes

La Femme libre/01
La Femme libre (p. 1-3).

APPEL AUX FEMMES.

Lorsque tous tes peuples s’agitent au nom de Liberté, et que le prolétaire réclame son affranchissement, nous, femmes, resterons-nous passives devant ce grand mouvement d’émancipation sociale qui s’opère sous nos yeux.

Notre sort est-il tellement heureux, que nous n’ayons rien aussi à réclamer ? La femme, jusqu’à présent, a été exploitée tyrannisée. Cette tyrannie, cette exploitation, doit cesser. Nous naissons libres comme l’homme, et la moitié du genre humain ne peut être, sans injustice, asservie à l’autre.

Comprenons donc nos droits ; comprenons notre puissance nous avons la puissance attractive, pouvoir des charmes, arme irrésistible, sachons l’employer.

Refusons pour époux tout homme qui n’est pas asesz généreux pour consentir à partager son pouvoir ; nous ne voulons plus de cette formule, Femme, soyez soumise à votre mari !

Nous voulons le mariage selon l’égalité… Plutôt le célibat que l’esclavage !

Nous sommes libres et égales à l’homme ; un homme puissant et juste l’a proclamé, et il est compris de beaucoup qui le suivent.

Honneur à ces hommes généreux ! Dans l’avenir, une auréole de gloire les attend. Élevons la voix, réclamons notre place dans la cité, dans le temple nouveau qui reconnaît à la femme des droits égaux aux droits de l’homme.

L’association universelle commence ; il n’y aura plus parmi les nations que des rapports industriels, scientifiques et moraux ; l’avenir sera pacifique. Plus de guerre, plus d’antipathie nationale, amour pour tous. Le règne de l’harmonie et de la paix s’établit sur la terre, et le moment est arrivé où la femme doit y avoir sa place.

Liberté, égalité,… c’est-à-dire libre et égale chance de développement pour nos facultés : voilà la conquête que nous avons à faire, et nous ne pouvons l’obtenir qu’à la condition de nous unir toutes en un seul faisceau ; ne formons plus deux camps : celui des femmes du peuple ; celui des femmes privilégiées ; que notre intérêt nous lie. Pour atteindre ce but, que toute jalousie disparaisse parmi nous. Honneur au mérite, place à la capacité, de quelque côté qu’ils se présentent.

Femmes de la classe privilégiée ; vous, qui êtes jeunes, riches et belles, vous vous croyez heureuses lorsque dans vos salons vous respirez l’encens de la flatterie qui vous est prodigué par tous ceux qui vous entourent ; vous régnez : votre règne est de peu de durée ; il finit avec le bal. Rentrées chez vous, vous redevenez esclaves ; vous retrouvez un maître qui vous fait sentir sa puissance, et vous oubliez tous les plaisirs que vous avez goûtés.

Femmes de toutes les classes, vous avez une action puissante à exercer ; vous êtes appelées à répandre le sentiment d’ordre et d’harmonie partout. Faites tourner au profit de la société le charme irrésistible de votre beauté, la douceur de votre parole entraînante, qui doit faire marcher les hommes vers un même but.

Venez inspirer au peuple un saint enthousiasme pour l’œuvre immense qui se prépare.

Venez calmer l’ardeur belliqueuse des jeunes hommes, l’élément de grandeur et de gloire est dans leur cœur. Mais ils ne voient de grandeur et de gloire que le casque en tête et la lance à la main. Nous leur dirons qu’il ne s’agit plus de détruire, mais qu’il s’agit d’édifier.

Les dames romaines décernaient des couronnes aux guerriers ; nous, nous tresserons des fleurs pour ceindre la tête des hommes pacifiques et moraux qui feront marcher l’humanité vers un but social et qui enrichiront le globe par la science et l’industrie.

Jeanne-Victoire.