La Fanfare du cœur/Expliquons-nous

EXPLIQUONS-NOUS


 
J’en fais humblement l’aveu :
Hier, infidèle à ta bouche,
À dame de noble souche
J’ai conté fleurette un peu.

Elle passait toute seule,
Mêlant, froide déité,
Les grâces de la beauté
Aux gravités d’une aïeule.

Fuyant tout contact grossier,
Elle marchait, solennelle,
Ange qui cachait son aile
Sous un vieux manteau princier !

Ô saison des fleurs écloses,
Comment peut-on vous mentir ?
Et j’ai voulu convertir
Cette âme au respect des roses.

J’ai voulu rouvrir ces yeux
Qui reniaient la lumière
Et la gaieté familière
Du printemps aimé des dieux.

Je l’ai prise par sa taille
Ronde et fine, en lui disant :
« Ô Marquise, viens-nous-en
Courir à deux la broussaille !

« Dans les plaines, sur les monts,
Le soleil des amours brille ;
Tout rayonne, chaste fille :
C’est le doux printemps… Aimons ! »

Or, Cupidon — tiens-en note ! —
La guettait sous les halliers…
Je l’ai, pieds et poings liés,
Livrée à ce dieu despote !

L’action est, j’en conviens,
Très brutale et très infâme ;
Mais, dans le fond de mon âme,
Je pense que j’ai fait bien.

Il ne sied pas d’être belle
Et de n’aimer pas les fleurs…
Malgré ses cris et ses pleurs,
J’ai puni cette rebelle !

Dans ses aimables prisons
Cupidon l’a verrouillée ;
Elle dort sous la feuillée
Et se nourrit de chansons.

Cette vie étant facile,
Elle s’y fait aisément.
Les sourires de l’amant
La rendront bientôt docile.

Son geôlier n’est pas ingrat.
Dans ce fin régal des choses,
Elle aura sa part de roses,
Et le dieu fripon saura

Lui dire mieux que personne
Pourquoi, lorsque les roseaux
Baisent mollement les eaux
De leur tête qui frissonne,

Soudain, dans les bois bénis,
On entend la voix touchante
Des petits oiseaux, qui chante
Sur le bord de tous les nids !