LA FANFARE DU CŒUR



AVRIL


 
Mignonne, le mois qui brille
Est le doux mois des chansons,
Où l’amour maraude et pille
Les fleurs à tous les buissons ;

Où, le sourire à la bouche,
Les couples s’en vont aux champs ;
Où la vierge est moins farouche,
Où les vieux sont plus méchants.

Dans les prés, sous la ramure,
Dans les profondeurs des bois,
On entend comme un murmure
De bruits confus et de voix.

Des chuchotements sans nombre,
Des appels mystérieux,
Troublent le repos de l’ombre
Et s’élèvent jusqu’aux cieux…

C’est le printemps qui travaille
Et livre, sans se lasser,
Cette éternelle bataille
Toujours à recommencer !

Là, revanche sur revanche ;
Les vaincus sont les vainqueurs ;
Nous laissons à chaque branche
Les dépouilles de nos cœurs.

Quelles étreintes fiévreuses !
Mignonne, vois-tu là-bas ?
La troupe des amoureuses
Se précipite aux combats !

Ô la folle ribambelle !
Ô les regards triomphants !
Comme la nature est belle
Sous les pas de ces enfants !

La fleur semble toute fière
De tant de piétinements ;
Le soleil prend sa lumière
Aux sourires des amants !…

Bientôt la ville est déserte ;
On est libre, on est joyeux !
L’herbe est si fraîche, si verte !
On s’échappe deux par deux…

Or, tandis que les perfides,
Hélas ! s’en sont tous allés,
Que les cages restent vides
Et les oiseaux envolés,

Les vieillards, troupe morose,
Sombres, froncent le sourcil ;
Ils bougonnent : « Quelque chose
D’incongru se passe ici ! »

Puis font, d’une voix pesante,
Un parallèle sensé
De la jeunesse présente
Avec celle du passé ;

Mais, rengainant leur romance,
Ils sont tout dépaysés
Devant le complot immense
Des lèvres et des baisers !