La Fée aux aiguilles


Les Coquelicots de septembre 1890no 16 (p. 3-4).

LA FÉE AUX AIGUILLES



La tête encor toute échauffée
Par un conte de l’Orient,
J’ai voulu créer une fée
Au visage frais et riant,
Aux mains alertes et gentilles,
À taille au gracieux contour ;
C’est pourquoi la fée aux aiguilles
Un beau matin m’a dû le jour.

Elle fréquente la mansarde
Que le vent cherche à lézarder :
Au toit où le travail s’attarde
On la voit aussi s’attarder.
Quand s’endorment de pauvres filles,
Que harcèle un travail sans fruit,
La petite fée aux aiguilles
Abrège leur tâche sans bruit.


À l’ouvrière nonchalante,
Elle dit : fais ce que tu dois.
De l’enfant vive et pétulante
Souvent elle pique les doigts.
Des vieux moutiers ouvrant les grilles,
Aussitôt que l’aurore a lui,
La petite fée aux aiguilles
Des nonnes vient charmer l’ennui.

Honte à qui déserte la route
Que la vertu trace au travail ;
Sait-on plus tard ce qu’il en coûte
Pour rentrer à l’humble bercail ?
Eh quoi ! céder pour des vétilles,
L’honneur, bien si doux à garder.
Toujours à la fée aux aiguilles,
On devrait le recommander.