La Douceur mosane/Sont-ils vraiment d’or et d’argent

Georges Thone (p. 25-26).


Sont-ils vraiment d’or et d’argent…

… demandait un jour un grand personnage


Nos rochers en or, nos roches d’argent
S’ils avaient été de ces deux matières,
Qu’eussent-ils pesé pour la sombre gent
Que ne troublent pas leurs lignes altières ?

S’ils avaient été d’un précieux métal
et non tels qu’ils sont, aux yeux du poète
— Les infortunés, ah, quel sort fatal ! —
On n’en parlerait de belle lurette.

Comme chacun d’eux n’est d’argent massif
ou bien d’or, qu’il n’est taillé qu’à leur image,
Nous les sauverons du zèle excessif
de certains experts en tout marchandage.

Ils ne sont point d’or, d’argent contrôlé,
Ils ne sont point purs de tout alliage.
Lorsque le brouillard bleu vient les frôler
ou quand un bateau coupe, en son sillage,

leurs reflets… ils ont tous les gris du monde,
tous les violets, les mauves subtils
Et je sais des rocs à la tête blonde.

Mais pour se donner, encor veulent-ils
des amants épris de soleil et d’ombre,
pour le métal mort ayant des dédains
et sachant peser le poids et le nombre
du haut d’un esprit qui les juge vains.

En te préservant de toute brocante,
Notre cher pays, nous te servons mieux
Nous te conservons une âme qui chante,
Un cœur qui frémit, un rêve en nos yeux,

Qui ne sont pareils à ceux d’autres hommes,
mènent notre vie, autre que la leur,
donnent à nos jours une autre couleur,
et nous font heureux, pauvres que nous sommes.