La Douceur mosane/L’Hospice

Georges Thone (p. 15-16).


L’hospice


Ce sont de petits vieux assis sur de vieux bancs,
décolorés, branlants, dans le jardin vétuste.
On y voit rabougris, tortus et chargés d’ans
des arbres, quelques fleurs, anémique un arbuste,

De trois côtés, des murs que le temps a salis
Où ses dents ont mordu cassant briques et pierres.

Tout est grisaille ici, tout a des tons pâlis,
Jusqu’aux regards presque endormis sous les paupières.

Les vieilles et les vieux sur les bancs sont assis,
L’une tricote et l’autre fume ou tous deux prisent.
Jusqu’au jour de la mort, ils le savent, ainsi
leurs heures passeront sans chocs et sans surprises.

Parfois l’un d’eux dira : Joséphine ou Mathieu
N’a pu quitter le lit, on a mandé sa fille,
Ma Sœur a fait venir le prêtre et le Bon Dieu…

Et, ce jour, ils tiendront un peu plus à la vie.

Ils l’aimeront obscurément, profondément,
Telle qu’elle est, leur vie, avec son bref sillage
Qui va de l’ombre d’un dortoir et d’un lit blanc
en des gestes menus, au banc, près du grillage.

Et qu’importe après tout, puisque leurs pauvres yeux
plus loin n’y voient plus guère et que, devant l’hospice,
passe en chantant, certainement exprès pour eux,
La Meuse qui frémit sous le soleil propice.