La Douceur mosane/Apaisement

Georges Thone (p. 9-10).


Apaisement


Ma chair et mon âme sont las
Moins d’avoir trop lutté que de vaines victoires.
Ma bouche, semble-t-il, à des vins forts put boire,
Que reste-t-il de tout cela ?

L’ivresse est dissipée, adieu temps révolus
Qui me brûliez de votre fièvre.
Car vous avez laissé, vous, dont je ne veux plus,
trop d’amertume sur ma lèvre.

Je ne me plains de rien pourtant.
Mon cœur, fier et meurtri, vient de briser sa chaîne.
Non, je n’étais pas fait pour vivre dans la haine
et l’égoïsme de ce temps.

Ô toi, que j’ai connue enfant, vers notre amour
Qui me garda dans la bourrasque,
Je reviens de là-bas, comme on revient au jour
après un cauchemar fantasque.

Auprès d’une jeunesse en fleur,
à deux, nous finirons tendrement notre vie.
J’en sais qui souriront — je les plains s’ils sourient —
de notre très humble bonheur.

Je veux dans des yeux clairs pouvoir mettre mes yeux,
Ne serrer que des mains loyales
Et vieillir, entouré de cris d’enfants joyeux,
au long des heures familiales.

Parfois, je sais, je m’en irai
Mais ce ne sera plus vers la foule stupide.
Tout seul, je dresserai mon front dans l’air limpide
et longuement l’y baignerai.

Je marcherai, vainqueur, au flanc de la colline
Où bruisse le genêt doré,
Fleure le chèvrefeuille et neige l’aubépine ;
Je gravirai le mont sacré

Afin de revoir, ébloui
et l’âme ainsi qu’une aile en l’air bleu déployée,
La Meuse, qui se cambre, au fond de ma vallée,
et de t’étreindre, mon pays.