Librairie Nouvelle (1p. 191-202).
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XIX


3 avril.

Ce matin, vers six heures, je fus éveillé par une voix douce et pleine qui, du dehors, appelait Rosa : c’est le nom de la vieille femme, tante et servante de la Mariuccia. Cette manière d’appeler résumait tout le chant de la langue italienne. Tandis que nous autres, quand nous voulons nous faire entendre au loin, nous escamotons la première syllabe et prolongeons le son sur la dernière, on fait ici tout l’opposé ; et le nom de Rosa, crié, ou plutôt chanté en octave descendante, avait une euphonie très-agréable. En me frottant les yeux pour m’éveiller tout à fait, je reconnus que c’était la voix de la stiratrice. Je me levai pour regarder à travers ma persienne : je la vis dans la rue apportant un très-joli brasero de forme ancienne et d’un poli étincelant. Au bout de quelques instants, la Mariuccia mit la tête à sa fenêtre et tira successivement deux cordes. La grille du jardin s’ouvrit, puis la porte d’entrée de la maison, pour donner passage à la Daniella.

Une demi-heure après, la Mariuccia entrait chez moi avec ce brasero tout allumé. — J’espère que vous n’aurez plus froid, me dit-elle. Le brasier d’en bas est trop grand pour votre chambre ; il vous aurait donné mal à la tête, et ma nièce m’a empêché hier au soir de vous le monter ; mais elle en avait un plus petit, que voilà.

— Elle s’en prive pour moi ? C’est ce que je ne veux pas.

Et j’appelai la Daniella, qui chantait dans le grenier voisin.

— Vous êtes beaucoup trop bonne pour moi, lui dis-je, pour moi qui ne suis plus malade, et qui n’ai été dans votre vie qu’un incident fâcheux et désagréable. Je vous remercie bien amicalement et bien fraternellement ; mais je vous prie de garder pour vous ce meuble, encore utile dans la saison où nous sommes.

— Et qu’en ferais-je ? répondit-elle : je ne rentre dans ma chambre que pour dormir.

Et, sans attendre ma réponse, elle dit à la Mariuccia que mon déjeuner était prêt, et qu’elle allait me le servir.

— Ne tardez pas à descendre, ajouta-t-elle en s’adressant à moi avec gaieté, si vous ne voulez pas que vos œufs frais soient durs, comme hier !

Et elle descendit légèrement le dédale d’escaliers rapides qui conduit aux degrés de pierre des étages inférieurs.

— Comme hier ? dis-je à la Mariuccia, qui commençait à ranger ma chambre. Votre nièce était donc ici déjà hier matin ? Elle y vient donc tous les jours ?

— Mais certainement. Elle n’a pas encore beaucoup d’ouvrage dans le pays. Elle a un peu perdu sa clientèle, mais elle la retrouvera vite : elle est si aimée et si bonne ouvrière ! En attendant, elle m’aidera à mon ouvrage comme elle faisait souvent autrefois. C’est une bonne fille qui m’aime bien et qui est vive comme un papillon, douce comme un enfant, complaisante comme un ange. Est-ce que cela vous gêne qu’elle trotte dans la maison autour de moi ? Ça ne vous coûtera pas un sou de plus ; c’est moi qu’elle sert, et non pas vous.

Les choses me paraissant arrangées ainsi, il ne me restait qu’à les accepter dans la mesure où elles me sembleraient acceptables. Mon déjeuner me fut servi par la jeune fille, dont la propreté, beaucoup moins suspecte que celle de sa tante, la vivacité et les délicates attentions m’eussent été très-agréables, si je ne sais quelle méfiance ne m’eût tenu sur la défensive. Il y avait, dans ses manières avec moi, une provocation évidente, mais une provocation tendre et comme maternelle dont je ne pouvais me défendre d’être encore plus touché que flatté. Je résolus d’en avoir le cœur net, et, comme, en se baissant vers moi pour me servir du café, sa joue effleurait la mienne plus que de raison, je lui donnai de grand cœur le baiser qu’elle semblait appeler.

Je fus étonné de la voir rougir et frissonner, comme si cette liberté l’eût prise au dépourvu. Je suppose pourtant qu’elle n’est pas grisette, Italienne et jolie, et qu’elle n’a pas couru le monde deux ans en qualité de soubrette élégante, sans avoir eu bon nombre d’aventures plus sérieuses. Aussi, pour en finir avec toute comédie de sa part ou de la mienne, je crus devoir lui poser nettement la question.

— Vous ai-je offensée ? lui dis-je en l’attirant près de moi.

— Non, répondit-elle sans hésiter, et en me caressant de son plus beau regard.

— Vous ai-je déplu ?

— Non.

— Vous me permettrez d’espérer… ?

— Tout, si vous m’aimez ; rien, si vous ne m’aimez pas.

Cela était dit si nettement, que j’en fus tout abasourdi.

— Qu’entendez-vous par aimer ? repris-je.

— Si vous le demandez, vous ne savez donc pas ce que c’est ?

— Je n’ai jamais aimé.

— Pourquoi ?…….

— Parce que je n’ai rencontré apparemment aucune femme qui me parût digne d’un amour comme je l’entendais.

— Vous n’avez donc pas cherché ?

— L’amour ne se trouve pas en le cherchant. On le rencontre peut-être au moment où l’on ne s’y attend pas.

— Suis-je celle qui vous paraîtrait digne de l’amour comme vous l’entendez ?

— Comment le savoir ?

— Il y a quinze jours que vous me connaissez !

— Je ne vous connais pas plus que vous ne me connaissez vous-même.

— Vous croyez donc qu’il faut se connaître depuis quinze ans pour s’aimer ? Il y en a qui disent le contraire.

— Vous ne m’avez pas répondu. Qu’entendez-vous par aimer, vous ?

— Être l’un à l’autre.

— Pour combien de temps ?

— Pour tout le temps qu’on s’aime.

— Chacun a sa mesure de fidélité. Je ne connais pas la mienne. Quelle est la vôtre ?

— Je ne la connais pas non plus.

— Ah bah ! vous ne l’avez jamais mise à l’épreuve ? lui dis-je d’un air sérieux.

Et, en moi-même, je pensais : « À d’autres, ma mignonne !»

— Je ne l’ai pas mise à l’épreuve, dit-elle, parce que je n’ai jamais connu l’amour partagé.

— Voyons, soyons amis ; ça ne vous engage à rien, et contez-moi ça.

— La première fois, c’était ici ; j’avais quatorze ans. J’ai aimé… Tartaglia.

— Merci de moi ! j’aurais dû m’en douter !

— Non ! C’était si bête de ma part, et il était déjà si laid ! Mais j’avais besoin d’aimer. Il était le premier qui me parlait d’amour comme à une jeune fille, et j’étais lasse d’être une enfant ?

— Fort bien, au moins vous êtes franche. Et… il fut votre amant ?

— Il aurait pu l’être s’il eût su mieux me tromper ; mais j’avais une amie qu’il courtisait en même temps que moi et qui m’en fît la confidence. À nous deux, après avoir bien pleuré ensemble, nous fîmes le serment de le mépriser, de nous moquer de lui ; et, à nous deux, à force de nous faire remarquer l’une à l’autre, par suite d’un reste de jalousie, sa laideur et sa sottise, nous en vînmes à nous guérir si bien de l’aimer, que nous ne pouvions le regarder, ni même parler de lui sans rire.

— Allons, quant à celui-là, je respire ! Et le second ?

— Le second vint beaucoup plus tard. À quelque chose malheur est bon. Le dépit et la confusion d’avoir rêvé à Tartaglia me rendirent plus méfiante et plus patiente. Beaucoup de garçons me firent la cour ; aucun ne me plaisait. Je méprisais les hommes, et, comme cela me posait en fille fière et difficile, ma coquetterie et mon orgueil y trouvaient leur compte. Cela m’ennuyait bien quelquefois, d’être si hautaine ; mais c’était encore heureux pour moi de persister à l’être. N’ayant rien, si je m’étais mariée toute jeune, je serais aujourd’hui dans la misère, avec des enfants, peut-être avec un mari brutal, ivrogne ou paresseux par-dessus le marché.

— Et le second amour ?

— Attendez ! Ce fut lord B***.

— Aie ! moi qui le croyais vertueux !

— Il est vertueux. Il ne m’a jamais fait la cour, et il n’a jamais su qu’il eût pu me la faire.

— Encore un amour pur ?

— Un amour est toujours pur quand il est sincère, et, puisque lady Harriet ne veut pas entendre parler de son mari, bien qu’elle en soit jalouse pour le qu’en dira-t-on, j’aurais pu être honnêtement sa rivale en secret et sans troubler le ménage ; mais cela ne fut pas, parce que… un jour, à Paris, je vis milord ivre. Cela ne lui arrive pas souvent : c’est quand il a un surcroît de chagrin. J’eus à le soigner pour que sa femme ne s’aperçût de rien. Je le trouvai si laid dans le vin, si vieux avec sa figure pâle et son front sans perruque, si drôle enfin dans son malheur, qu’il ne me fut plus possible de le prendre au sérieux. C’est un homme excellent que j’aimerai toujours, le seul que je regrette dans la famille ; mais, si on me l’offrait pour père ou pour mari, je le choisirais pour père.

— Allons ! et de deux avec qui vous avez eu la bonne chance de vous désillusionner à temps ; mais le troisième ?

— Le troisième ? C’est vous.

Cette parole aimable méritait encore un baiser.

— Attendez ! dit-elle après me l’avoir laissé prendre. Puisque vous êtes un homme sincère, je dois tout vous dire. Je vous ai aimé à la folie, mais cela a beaucoup diminué, et, à présent, je pourrais m’en guérir comme je me suis guérie des autres.

— Dites-moi ce qu’il faudrait faire pour cela, afin que je ne le fasse pas.

— Il faudrait essayer de me tromper, et, comme vous n’en viendriez pas à bout…, je me dégoûterais de vous tout de suite.

— Qu’appelez-vous donc tromper ?

— Aimer la Medora et vouloir me faire croire le contraire.

— Sur l’honneur, je ne l’aime pas ! À présent, m’aimez-vous ?

— Oui, dit-elle avec résolution, mais en s’échappant de mes bras. Cependant, écoutez ce que je veux vous dire encore.

— Je le sais, lui dis-je avec humeur ; vous voulez que je vous épouse ?

— Non ! je ne veux pas me marier sans avoir éprouvé la constance de mon amant et la mienne pendant plusieurs années ; et, comme à cet égard vous ne me promettez rien, comme je ne veux rien vous promettre non plus, je ne songe pas avec vous au mariage.

— Alors, qui vous fait hésiter ?

— C’est que vous ne m’avez pas encore dit que vous m’aimez.

— D’après votre définition de l’amour, qui est d’être l’un à l’autre, nous ne pouvons pas encore nous aimer l’un l’autre.

— Oh ! attendez, signor mio ! s’écria-t-elle en m’enveloppant de son regard limpide, comme d’un flot de volupté, mais en me retirant ses mains que j’avais prises par-dessus la table. Vous êtes subtil, et je ne suis pas sotte. Au point où nous en sommes, s’aimer, c’est avoir envie de s’aimer. Il faut que le désir soit grand de part et d’autre. Celui d’une femme n’est jamais douteux, puisqu’elle y risque son honneur. Celui d’un homme peut bien n’être qu’un petit moment de caprice, puisqu’il n’y risque rien.

— Il paraît pourtant que j’y risque ma vie, si ce que vous m’avez dit de votre frère et de vos autres parents est vrai ?

— C’est malheureusement très-vrai. Mon frère, presque toujours ivre ou absent, ne me surveille pas ; mais, qu’une méchante langue lui monte la tête, il peut vous assassiner.

— Eh bien, tant mieux, Daniella ! Je suis charmé d’avoir ce risque à courir pour vous prouver…

— Que vous n’êtes pas poltron ? Ça ne prouve pas autre chose ! Il me faut une certitude de votre amour en échange de mon honneur.

— Ah ! ma chère, m’écriai-je impatienté, voilà deux fois que vous prononcez ce gros mot ; ne le dites pas une troisième, car tout serait fini entre nous.

Elle me regarda avec surprise ; puis, haussant les épaules :

— Je comprends, dit-elle, vous n’y croyez pas ? Et pourquoi n’y croyez-vous pas ?

— Ne vous fâchez pas ! Si je savais ce que vous entendez par là, peut-être y croirais-je.

— Il n’y a pas deux manières de l’entendre. Une fille qui aime hors de la pensée du mariage est déchue. Tous les hommes se croient le droit de lui demander d’être à eux, et si elle leur résiste, ils la décrient et l’insultent.

— Vous me parlez, ma chère, comme si vous n’aviez jamais appartenu à aucun homme. S’il en était ainsi, je vous donne ma parole d’honneur que je ne chercherais point à être le premier.

— Et pourquoi cela ?

— Parce que je suis trop jeune et trop pauvre pour devenir votre soutien, dans le cas où notre amour prendrait de la durée ; et parce que, s’il n’en devait point avoir, je me reprocherais de nuire à une personne qui m’a donné des soins et témoigné de l’amitié.

— C’est bien, dit-elle après avoir réfléchi ; et, quand elle réfléchit ainsi, sa figure, hardie et sensuelle, prend une singulière expression d’énergie. Puis elle se leva et se mit en devoir d’enlever le couvert pour rompre notre entretien. Je voulus le renouer ; elle secoua la tête en silence et descendit légèrement l’escalier du jardin. J’eus fort envie de l’y suivre pour la forcer à me pardonner, car, de la fenêtre, je vis qu’elle y était seule. Je la rappelai, elle ne bougea pas. J’hésitai quelques moments, en proie à une agitation dont la vivacité m’effraya moi-même. Ce n’était pas seulement, comme avec Medora, une tentation des sens ; c’était un attrait plus vif, et que la réflexion ne venait ni démentir ni calmer.

Eh ! que m’importait que cette Daniella fût menteuse et galante ? Elle ne m’en plaisait pas moins. J’avais été bien sot de vouloir la confesser. Il y a en nous un fond de pédanterie qui nous gâte toute la spontanéité de l’existence.

Mais elle avait eu la maladresse de parler de son honneur ; c’était faire appel au mien ; la folie d’exiger de l’amour. Honneur et amour ! ces deux mots n’avaient certainement pas la même portée, le même sens pour elle et pour moi. Ah ! s’il était vrai qu’elle eût le droit de les invoquer, combien peu je me soucierais de ce que l’on en pourrait dire et penser ! combien il me serait facile de purifier, par mon dévouement et ma sincérité, le charme vulgaire que je subis !… Mais, s’il était vrai, combien ma manière d’être avec elle aurait été grossière et indigne d’elle jusqu’à ce moment ! Quelles mauvaises pensées et quelle injurieuse familiarité j’aurais à me faire pardonner, avant d’accepter ce premier amour si vaillamment et si naïvement offert !

La crainte de faire une erreur stupide en sollicitant grossièrement une vierge, s’empara de moi au milieu du délire qui me gagnait. Partagé entre cette terreur et celle, beaucoup moins vive, d’être pris pour dupe, je résolus d’attendre à mieux connaître cette fille pour reprendre un entretien si délicat, et je me sauvai dans la campagne. J’y promenai d’abord une émotion chagrine, une inquiétude pénible. Enfin, la beauté de ces solitudes, où je suis roi, me calma et je vins à bout d’oublier une tentation beaucoup trop soudaine pour ne pas créer quelque danger nouveau à ma raison ou à ma conscience.

Je suis rentré, comme de coutume, à huit heures du soir. J’emporte dans ces excursions un morceau de pain pour ne pas souffrir de la faim entre mes deux repas, distants d’environ douze heures. L’eau pure des fontaines ne me manque pas, et suffit parfaitement à ma sensualité, car elle est délicieuse.

Quand je pense au peu de besoins de bien-être auquel peut se réduire un homme qui vit beaucoup par l’esprit, la soif des richesses et le désir du luxe me jettent toujours dans un grand étonnement. Me voici dans un pays où l’insouciance d’une part, et la pauvreté de l’autre, rendent inconnues les mille recherches de nos climats et de notre civilisation. Le premier aspect de ce dénûment étonne, parce qu’il fait un contraste violent et comique avec le goût de l’ornementation ; mais on s’y habitue bien vite, et même on est tenté de chercher à simplifier encore cette vie d’Arabe sous la tente.

Quand je me rappelle ce que, dans la limite du plus humble nécessaire, il faut penser à se procurer chez nous pour arranger son existence, soit dans une grande ville, soit à la campagne, je reconnais que la vie de campement est, pour les pauvres, la seule rationnelle, libre et vraie. Peut-être les riches font-ils le même rêve. Je m’imagine que les devoirs se multiplient en raison des ressources, et que le riche libéral a tout autant de sollicitude, de soucis, par conséquent, pour dépenser noblement ses richesses, que l’avare en a pour les conserver et les cacher. Si la propreté, qui est la grande volupté de la vie animale, et dont les bêtes elles-mêmes nous donnent l’exemple, était compatible avec la sobriété d’habitudes de ces peuples méridionaux, il faudrait reconnaître que c’est nous qui sommes insensés d’avoir compliqué les embarras de ce court voyage sur la terre, où nous nous installons comme si nous étions sûrs d’y voir lever le soleil qui se couche.

Mais la malpropreté et le dénûment vont ensemble presque partout, et l’homme semble fait de manière à ne pas trouver de milieu entre le nécessaire et le superflu. Au fait, n’en est-il pas ainsi dans toutes les manifestations de sa vie intellectuelle, morale et sociale ?

Je n’ai pas revu la Daniella ce soir. Toujours partagé entre la crainte de me livrer à elle plus ou moins qu’elle ne le mérite, j’ai eu sur moi assez d’empire pour ne pas m’informer d’elle. Mariuccia n’est pas venue, comme les autres jours, au devant de mon expansion, et je suis rentré chez moi sans apercevoir d’autre visage que le sien et sans échanger une parole avec elle. Pourtant, voilà sur ma table deux vases de fleurs qui n’y étaient pas ce matin. Ce sont de grands iris d’un blanc de lait, bien plus beaux que des lis, et d’un parfum plus fin. Je me suis hasardé, tout à l’heure, à demander à la Mariuccia, au moment où elle m’apportait ma petite lampe, si ces fleurs venaient du jardin de Piccolomini. Je savais bien que non ; mais j’espérais qu’elle me dirait d’où elles venaient. Elle a fait d’abord semblant de ne pas m’entendre ; puis elle m’a dit d’un air terriblement narquois :

— C’est mon frère le capucin qui vous envoie cela.

Je n’ai pas osé faire semblant d’en douter ; seulement, quand ; elle est sortie, je lui ai crié en riant :

— Vous l’embrasserez pour moi.

— Qui ? a-t-elle répondu.

Et, voyant que je lui montrais les fleurs :

Cristo ! s’est-elle écriée avec sa mimique expressive : embrasser pour vous le capucin ?

Faut-il conclure vis-à-vis de moi-même ? Faut-il prononcer, avant de m’endormir, ce mot joyeux ou terrible : Je suis amoureux ? Non, pas encore. C’est peut-être une folle brise qui passe et dont je ferai aussi bien de ne pas m’enivrer. Si c’est un vent d’orage… Que le ciel m’en préserve, moi qui, pour la première fois depuis les années du presbytère, me trouve dans des conditions où le calme de l’esprit et l’oubli de ma personnalité me seraient si salutaires et si doux !