La Découverte de Racine

La Découverte de Racine
Revue des Deux Mondes5e période, tome 60 (p. 902-917).
LA DÉCOUVERTE DE RACINE

Sous ce titre Autour d’un Racine ignoré[1], M. Masson-Forestier, très connu comme romancier et novelliste, publie un volume où il s’attache à nous démontrer que personne n’a jamais compris Racine, — ceci, non par manque d’intelligence, mais par manque d’information, — et qu’il l’a, lui, sinon découvert complètement, du moins reconnu, comme disent les navigateurs, et en a le premier donné les grands traits de physionomie d’une façon exacte.

Jusqu’à présent, dit-il, à cause des Jansénistes qui ont tiré à eux Racine tant qu’ils ont pu, à cause de Louis Racine, janséniste lui-même, qui a tracé de son père, qu’il n’a pas connu (c’est vrai), le portrait le plus fade du monde (c’est vrai) ; à cause d’une tendance que nous avons ou plutôt que nous avions en France à considérer les grands écrivains comme de grands honnêtes gens, nous nous sommes représenté Racine comme un homme très sensible, très tendre, très doux, très pénétré, à partir d’un certain âge, de sentimens religieux, et, quoiqu’un peu malicieux, d’une exquise et délicate bonté.

Rien de plus faux : 1° Racine était un bandit ; 2° Racine était un bourgeois avisé, prudent, adroit et plat.

Il était un bandit. Il était « féroce, » il était « un beau tigre ; » il était « l’homme de passions dévorantes, » déchaîné à travers la société per fas et nef as ; il était « cruel, » il était un « Benvenuto Cellini ; » il était grand séducteur de femmes, de ces « vigoureux mâles qui regardent d’en haut les femmes » et que les femmes adorent ; etc., etc. Je crois que le mot : « tigre, » appliqué à Racine, est employé une centaine de fois dans les quatre cents pages du volume.

Il était un bourgeois avisé, prudent, adroit et plat. C’est un intrigant très habile, qui mène sa vie d’après un plan bien dessiné par avance et avec une admirable logique. Il s’appuie tantôt sur sa famille paternelle, tantôt sur sa famille maternelle, surveillant de près ses intérêts, âpre, retors, madré. « Et tout cela c’est de l’intrigue ; » et « à Versailles, à la Ville, au Palais, dans sa famille, partout il joue au plus fin. » Et il est avide d’argent et il se fait donner tout ce qu’il peut d’argent par le Roi ; et il fait un horrible mariage d’argent avec une idiote et il est hideusement avare, et il meurt millionnaire, ce qui fut le but de sa vie. C’est un procureur ; c’est un maître renard.

Ces deux portraits si opposés de Racine alternent comme s’ils se poursuivaient l’un l’autre exactement pendant le cours tout entier du volume. Jamais M. Masson-Forestier ne nous dit, ni ne nous fait entendre, auquel il s’arrête et lequel décidément lui semble le vrai. Il en résulte pour le lecteur une certaine incertitude.

Or, savez-vous pourquoi M. Masson-Forestier ne choisit pas entre ces deux définitions différentes de son héros ? C’est qu’il lui est indifférent que Racine soit un tigre ou un renard, un bandit ou un procureur, un grand seigneur méchant homme ou une bête de troupeau, du reste mauvaise bête, un superbe bandit ou un plat intrigant — pourvu qu’il soit un vilain homme. A cela seulement il tient ; mais il y tient furieusement. Que l’on ne croie pas que Racine soit un honnête homme, c’est cela seulement qui lui importe, et accordez-lui que Racine, d’une façon ou d’une autre, est le contraire d’un honnête homme, il est satisfait, il est heureux et il n’en demande pas davantage. C’est pour cela qu’il ne s’est pas attaché du tout à montrer de quelle manière, décidément, Racine est malhonnête ou de quelle manière il l’est le plus. Pourvu qu’il le soit, sa démonstration est faite et son but atteint.

Soit, et acceptons ce réquisitoire en partie double et en parties absolument discordantes, et voyons comment l’auteur prouve que Racine est un scélérat d’une certaine façon et aussi de la façon absolument contraire et exclusive de la première. C’est le comment ici qui fera le portrait, ce sont les argumentations qui fourniront les traits du portrait, peut-être cohérent en définitive et en dernière analyse, qui devra rester dans notre esprit.

L’auteur explique d’abord Racine par son hérédité et par son « milieu. » C’est la méthode de Taine. Il nous montre Racine confluent de deux races, celle des Sconin, âpre, dure et violente ; celle des Racine, molle, flasque et plate. Que conclure de ceci ? Rien, puisque les deux races ont dû se neutraliser. Donc prendre Racine au berceau sans dire un mot de ses deux races était aussi pertinent et beaucoup plus court.

Mais Racine peut être ou un Racine ou un Sconin. Oui ; mais ce qui serait intéressant alors, ce serait de montrer pourquoi Racine est plutôt un Sconin qu’un Racine ou plutôt un Racine qu’un Sconin ; et, si ce n’est pas là ce qu’on montre, autant dire simplement que Racine était ceci sans s’occuper aucunement de sa race influente, qui ne l’explique que si la raison de son influence sur lui, à l’exclusion de l’autre, est expliquée elle-même. Racine est un Sconin et non pas un Racine (je suppose), soit ; mais qu’est-ce qui a fait qu’il a été Sconin plutôt que Racine ? — Je n’en sais rien. — Évidemment ; mais alors étudier cent Sconin est indifférent puisque ces cent Sconin devant être contre-balancés par cent Racine et, ne l’ayant pas été, il reste que c’est par hasard que Racine est Sconin, et alors autant vaut dire que c’est on ne sait pourquoi qu’il est né véhément.

— Mais peut-être Racine combine en lui les élémens de la double race Racine ? — Alors, mélange de rudesse et de mollesse, il est sensiblement comme tout le monde, et montrer qu’il est comme tout le monde par l’examen minutieux de ses ancêtres devient bien oiseux, et il serait plus simple, encore, de s’en tenir à l’innéité et de dire : il est né comme tout le monde, ce qui est assez naturel.

Ceci soit dit, non pas pour écarter a priori dans tous les cas les recherches d’hérédité, mais pour montrer par un exemple combien le plus souvent elles sont sans intérêt, sans résultat précis et une simple récréation, du reste agréable ; comme le prouve celle-là même où M. Masson-Forestier, très laborieusement, s’est livré.

Quant au « milieu, » M. Masson-Forestier, qui est un excellent artiste, nous montre, nous met devant les yeux magistralement ce pays du Valois, rude, énergique, sauvage, nourricier et inspirateur de race âpre, volontaire et héroïque. Et cela est bien brossé. Mais que cela prouve quelque chose, on en doute, quand on sait quels êtres différens produit et nourrit un même pays ; et il faut bien croire qu’il ne prouve rien, puisque M. Masson-Forestier lui-même, après nous avoir montré la Ferté-Milon comme pays sauvage et héroïque, nous dira : « Racine a pris le parti que lui conseillait son intérêt, le parti qu’imposaient à ce traditionaliste les immuables traditions de sa race. Ses enfans firent exactement de leur côté ce qu’eût fait tout bon Milonais à leur place… Louis entra dans une charge après avoir réussi le mariage richissime. Très Milonais tout cela. » Alors la Ferté-Milon est une sauvage nourricière de héros qui ne met au jour que des pieds-plats ! Il faudrait concilier. Ne nous en chargeons pas ; mais disons que, neuf fois sur dix, ces considérations sur la race et le milieu aboutissant à des conclusions très vagues, sont merveilleusement contradictoires. Je reconnais quelles sont intéressantes en soi. Je le crois bien, comme un beau voyage. Qu’un voyage n’ait pas de but, cela n’empêche point qu’il soit beau. Seulement, il ne faudrait pas qu’il crût qu’il en a un.

Laissons cette partie de l’ouvrage, qui du reste est de beaucoup la plus distinguée. Comment, à le considérer lui-même, l’auteur prouve-t-il que Racine ait été soit un tigre, soit un renard ?

Par des démonstrations comme celles-ci. Diderot a dit de Racine : « Celui-là certes avait du génie, mais ne passait pas pour un trop bon homme… Lequel préféreriez-vous que Racine eût été bon homme, honnête commerçant, etc., ou qu’il eût été fourbe, traître, envieux, méchant, mais auteur d’Andromaque, de Britannicus ?… Cet homme n’a été bon que pour des inconnus et que pour le temps où il n’était plus. D’accord, mais dans mille ans, il sera l’admiration de toute la terre. » Je ne dis point du tout que ce mot de Diderot soit favorable au caractère de Racine. Mais M. Masson-Forestier en conclut « qu’à Diderot la loyauté, l’honnêteté, la bonté de Racine semblaient au-dessous de tout. » Et c’est lui qui souligne au-dessous de tout. Voilà des conclusions hardies. Puis, l’imagination de M. Forestier se mettant en branle, il se demande comment Diderot a pu savoir que Racine était un malhonnête homme, et il suit ainsi son idée : Diderot allait à Langres, son pays ; il y connaissait les d’Ablancourt, neveux des Racine. Ces d’Ablancourt ont dû connaître les secrets de Racine…

— Quelle preuve ? Aucune ; mais ils ont dû les connaître.

— Ils ont dû être détenteurs de papiers secrets de Racine, qui existent encore et que M. Mesnard croyait qui concernaient le jansénisme, mais que M. Masson-Forestier sait qui n’ont aucun rapport avec le jansénisme.

— Quelle preuve ?

— « Preuve morale, c’est tout, » dit M. Masson-Forestier.

— Bien.

— Du reste, tes descendans actuels de Racine savent que « tout autour de Louis Racine, » il y a deux cents ans, « on désapprouvait son parti pris de ne pas dire la vérité, et ils l’ont attesté » à M. Masson-Forestier.

Donc Diderot a dû savoir, par ces neveux de Racine sachant du mal de lui et détenteurs de papiers qu’on ne connaît pas, mais qui l’incriminent, que Racine était un bandit.

Voilà la critique historique de M. Masson-Forestier. Voilà de quoi il étaie et soutient sa thèse. Sur de tels témoignages et une démonstration si rigoureuse, il n’est qui ose mettre la thèse en léger doute.

Comment M. Masson-Forestier prouve-t-il encore sa thèse ? Par la graphologie. On a des lettres de Racine. Sur l’une d’elles, adressée à sa sœur, Mme de Sternburg, graphologue renommée, a trouvé ceci : « esprit fin, observateur, précis, pas de vague à l’âme, irritable, malin, satirique, aspirant à jouer librement des coudes… peu sentimental…, dogmatique, voire pédant… sensuel, mais délicat, pudibond, secret… chez lui vous ne trouverez pas le cœur, vous ne trouveriez que l’intellectualisme. » N. B. « On m’a indiqué qu’il y aurait deux races en lui. En ce cas, son esprit est latin, si latin qu’il ne pourra jamais être goûté des races du Nord ; mais son tempérament peut être germain. »

Sur quoi, je remarque que la très distinguée graphologue a été un peu trop avertie et préparée (« on m’a indiqué que… ») et d’autre part que le portrait qu’elle a tracé nous donne un homme intelligent, sec, égoïste et voluptueux, mais non point du tout le tigre royal, et le fauve cruel et féroce où se plaît d’ordinaire M. Masson-Forestier. Voilà un texte d’abord un peu préparé, ensuite très fortement sollicité.

Pour moi, dans l’écriture de Racine je lis : merveilleuse netteté d’esprit ; pondération ; sûreté de caractère ; extrême défiance ; goût infini de la beauté ; belle imagination ; instincts voluptueux assez prononcés. Rien de plus. Je me flatte d’être graphologue ; mais dans mon écriture on doit lire : graphologue très réservé. — Un bon graphologue de mes amis, en qui j’ai beaucoup de confiance et à qui je soumets l’autographe de Racine, le lit ainsi : « Écriture idéaliste ; beaucoup d’intelligence et de goût ; écriture surtout intellectuelle ; énergie, volonté ; pas d’esprit de contradiction ; facilité d’élocution ; causticité ; imagination, mais point déréglée, ne nuisant pas au jugement ; logique ; équilibre heureux de l’imagination et de la logique ; pas d’esprit de domination ; franchise ; intuitivité, simplicité, point d’orgueil de comparaison ; penchant à l’affection ; heureux équilibre d’intuitivité et de logique ; prudence ; ne se livre pas. » Ce diagnostic est analogue au mien, quoique entrant dans un plus grand détail.

Comment M. Forestier prouve-t-il encore sa thèse ou une de ses thèses, ou les deux ? Par les témoignages des contemporains. Or les voici. Saint-Simon : « C’était un honnête homme, » Sévigné : « Il aime Dieu comme il a aimé ses maîtresses… Il aime à pleurer. » Spanheim, ambassadeur de Brandebourg (résumé) : « a réussi, est mêlé aux intrigues, joue le personnage qu’il veut, surtout celui de dévot. » Primi Visconti : « très pédant. » Dangeau : « l’homme de la cour qui avait le plus d’esprit. » Valincour : « Il était plein de passion. » Fontenelle : « Boileau dévot et méchant, Racine plus dévot et plus méchant. » La Bruyère : « Corneille plus moral, Racine plus naturel. » Boileau : « Jaloux, inquiet, railleur, voluptueux,… bel esprit. »

De ces textes discordans comme toujours, mais plus favorables en somme que défavorables à Racine, comment tirer le tigre royal ou le renard, Rastignac ou le Père Grandet ? Par le système d’interprétation des textes que vous allez voir. « Bel esprit veut dire un pédant, un fat fort adroit. » Or bel esprit au XVIIe siècle veut dire esprit distingué, esprit rare et toujours dans le sens très favorable.

Dangeau déclare que Racine était l’homme de Cour qui avait le plus d’esprit ; donc Racine était sans âme, car Dangeau « ne dit pas un mot de son cœur ni de son caractère. »

La Bruyère dit que Racine est plus naturel que Corneille ; or naturel veut dire naturaliste, « or, un écrivain réaliste et encore plus un naturaliste est toujours un peu immoral. » Donc Racine est un peu immoral.

Voilà le système d’interprétation des textes chez M. Masson-Forestier et voilà prouvé que Racine était un tigre.

Ce qui prouve encore quel tigre était Racine ou quel renard, c’est son portrait par de Troy, musée de Langres. Ce portrait (Racine entre trente et trente-cinq ans à mon avis) paraît à M. Masson-Forestier « rongé de passion, tenant du mystique et du possédé, ravagé… dur, cruel, volontaire… » C’est son jugement, ou celui de personnes dont il adopte, admire et chérit le sentiment. Ce portrait a été aux yeux des parens de Racine une « image impure » dont ils n’ont pu supporter la vue. Pour moi, — vous en jugerez par vous-même en regardant la photographie insérée dans le volume, — je vois ainsi : front d’une admirable intelligence, mais paisible, régulière et unie ; yeux d’une beauté merveilleuse, tendres et extrêmement voluptueux ; nez esthétique, voluptueux aussi, très bon aussi ; lèvres spirituelles, un peu pincées, dédaigneuses, d’orateur et d’épigrammatiste ; menton peu volontaire, très doux ; mâchoire normale, plutôt étroite et fine ; physionomie extrêmement pensive, douloureuse et triste.

Et s’il y a, dans cette figure d’un des plus beaux des hommes, quoi que ce soit qui m’indique ou cruauté, ou ruse, ou avarice, ou platitude, je ne sais pas lire un portrait, ce qui, du reste, est parfaitement possible.

Mais M. Masson-Forestier a d’autres moyens pour prouver sa thèse que la race, le milieu, le témoignage des contemporains, l’iconographie et la graphologie. Quels ? Voici. Le principe de la critique des caractères, quand elle s’applique à un auteur, principe tellement certain et de certitude si évidente que M. Masson-Forestier sourit de pitié à l’égard de ceux qui n’y songent point, est que l’auteur se peint lui-même dans les personnages qu’il peint. Vous entendez bien ; rien de plus, mais rien de moins. « Le tragédien est l’apologiste du crime de choix ; il nous montre des êtres vigoureux chez qui bouillonne un instinct formidable, et il lance l’une contre l’autre de belles bêtes ardentes, cabrées, qui s’entr’égorgent. Le héros de la tragédie sera ainsi un apache royal en habit doré, un fauve bien disant. Voilà ce que Racine s’est plu à mettre à la scène, VOILA DONC CE QU’IL AIMAIT. Aimant de tels êtres il fallait, — quand le comprendrons-nous enfin ? — QU’IL LEUR RESSEMBLAT. » — « Racine s’est baigné dans le sang ; ses tragédies sont féroces. Or, dit la sagesse des Brahmanes, tout être est semblable à ce en quoi il se plaît. » — « Les principaux personnages de Racine, n’en doutons pas, C’EST LUI-MEME, (« c’est lui-même » souligné par l’auteur).

Ce principe étant admis, et il n’est pas un d’entre vous qui ne l’admette immédiatement, il était inutile d’écrire le livre ; et il est acquis que Racine peignant des « apaches » est un « apache, » et que, du reste, tous les poètes tragiques sont des apaches. Cependant, pour voir quelles applications particulières M. Forestier fait de son incontestable principe général, suivons-le dans ses analyses de pièces de Racine et de quelques personnages raciniens.

D’abord, quand Racine invente un fait, voyez comment il l’invente. Iphigénie : la tragédie grecque lui offre une biche pour victime. » Or, « voyez-vous ce bonheur de faire égorger Ériphyle… Racine semble faire massacrer une amoureuse passionnée et frémissante pour le plaisir cruel de voir couler son sang. »

Évidemment ! « Semble » est même de trop.

Et puis voyez ses personnages, ses personnages qui sont lui. « Bajazet devra plaire infiniment davantage quand nous serons fixés sur l’individualité de son créateur. Pour qui voit en Racine un beau tigre, cette pièce est divine. Si j’osais, je dirais que l’âme de Racine est sur les lèvres mêmes du blême Bajazet… » Je ne comprends pas très bien, parce que dans Bajazet ce n’est pas Bajazet qui est le tigre, mais enfin globalement, Bajazet étant une tigrerie est particulièrement représentative du tigre Racine. Voilà qui va bien.

Voyez Andromaque. Dans cette pièce le principal personnage, Andromaque elle-même, est marquée « d’un artifice infini et d’une forte insensibilité. » Si ce portrait vous étonnait un peu, suivez l’analyse ingénieuse que fait M. Forestier. Andromaque, c’est « une biche, » dont on veut tuer le petit et qui résiste, et qui a recours à des ruses pour le sauver. Et c’est en quoi elle est insensible.

— Et rien de plus que la biche aimant son faon ?

— Ah ! oui ! Andromaque amoureuse de l’ombre d’Hector, la veuve amoureuse ! Mais c’est nous qui avons mis cela dans la pièce où cela n’y est point du tout, absolument pas. « Alors, vous croyez que cette passion est dans la pièce ? S’il me fallait vous citer tous ceux qui la cherchent depuis plus de deux siècles et ne la trouvent pas, ce serait long… »

— Vous m’étonnez !

— Je suis là pour cela, puisque personne n’a compris Racine depuis 1660. Cependant je veux bien rendre raison de l’illusion qui fait croire qu’il y a dans Andromaque trace d’amour, de la part d’Andromaque, pour Hector ; « ce qui pourrait faire croire un instant à cette passion, ce sont quelques paroles habiles d’Andromaque. Un moment elle… feint d’avoir dans ses bras, d’enlacer tendrement son fils, qui du reste est absent… »

— Comment ! qui est absent ! Mais c’est Pyrrhus qui raconte la scène et qui dit : « Vainement j’assurais mon secours à mon fils. C’est Hector, disait-elle en l’embrassant toujours. Voilà ses yeux, sa bouche… C’est lui-même, c’est toi, cher époux que j’embrasse. » Dans la scène que raconte Pyrrhus, Astyanax est parfaitement dans les bras de sa mère.

— Si vous voulez ; mais cela ne fait rien ; ma remarque subsiste. Et du reste ne voyez-vous pas, que, quoi qu’Andromaque dise de son amour, nous y croirions bien davantage si ce fût Hermione qui en parlât ? « Nous croirions bien autrement à ce violent amour de veuve si Hermione, devant nous, jetait à la tête de Pyrrhus : « Y pensez-vous ? Andromaque en aime toujours un autre. »

— Je ne vois pas trop pourquoi Hermione, « qui a tant d’intérêt à dire cela » en serait plus crue qu’Andromaque le disant elle-même ; et c’est précisément celui qui a intérêt à dire quelque chose qui est médiocrement cru quand il le dit.

— Mais ce n’est pas tout ! Ce sont les actes et non pas les paroles qui font croire aux choses.

— Bon cela.

— « Ce sont les actes qui comptent. Eh bien ! nous n’avons pas chez Andromaque d’actes tels que, pour nous devenir intelligible, ils exigent de n’être motivés que par la compassion pour son cher défunt. »

— Comment ! Un acte prouvant qu’Andromaque aime Hector ! Mais cet acte, c’est toute la pièce ! S’il ne s’agissait que de sauver Astyanax, ce serait facile, il est tout sauvé : il n’y a qu’à épouser Pyrrhus. Mais il s’agit de sauver Astyanax sans épouser Pyrrhus. Or pourquoi Andromaque ne veut-elle pas épouser Pyrrhus ? Uniquement parce qu’elle aime Hector.

— J’ai donc prouvé jusqu’à la dernière évidence que dans Andromaque il n’y a pas trace d’amour d’Andromaque pour Hector et qu’il n’y a qu’une biche.

— Soit ; Racine, car il est probable d’après vous qu’Iphigénie a été écrit avant Andromaque, aura mis dans Andromaque la biche qu’il a retranchée d’Iphigénie.

— C’est cela même.

Voilà un des exemples des analyses de M. Masson-Forestier. Elles sont suggestives.

Aussi bien M. Masson-Forestier a des manières d’interpréter les textes qui surprennent toujours. On attribue à Racine cette épigramme mise dans la bouche de Mme de Main tenon parlant de Louis XIV :


Il eut peur de l’enfer, le lâche, et je fus reine.


M. Forestier rapproche ce vers de ceux de Bérénice :


Ah ! lâche, fais l’amour et renonce à l’Empire…
Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez.


Le rapport m’échappe.

Pyrrhus dit : « Moi l’aimer ! une ingrate qui me hait d’autant plus que mon amour la flatte, » et Oreste dit : « Et vous le haïssez ! Avouez-le, madame, l’amour n’est pas un feu qu’on renferme en son âme. » Et sur ces deux textes (que par parenthèse une erreur de transcription attribue tous deux à Pyrrhus ; mais il n’importe), M. Masson-Forestier dit : « Donc selon Racine l’amour exige de la haine quand il n’est pas partagé. » Pour le premier texte, c’est exact, avec cette restriction importante que ce n’est pas selon Racine, mais selon Pyrrhus, et qui se trompe sur lui-même, qu’il en est ainsi ; ’ et pour le second texte, il n’y a pas un mot de ce que M. Masson-Forestier dit ; il y a ceci qu’Hermione vient de laisser échapper un mot d’amour pour Pyrrhus, et qu’Oreste s’en est aperçu.

Hippolyte dit à Phèdre qui vient de lui faire l’aveu de son amour pour lui : « Oubliez-vous que Thésée est mon père et qu’il est votre époux ? » et Phèdre lui répond : « Et sur quoi jugez-vous que j’en perds la mémoire ? Ai-je perdu tout le soin de ma gloire ? » M. Masson-Forestier croit qu’elle « bondit, parce qu’Hippolyte n’a pas un rang comparable au sien. » Où voit-il cela ? « Gloire » durant tout le XVIIe siècle veut dire « honneur » et Phèdre parle de son honneur de femme. Il n’est pas question de rang là dedans.

Ailleurs M. Masson-Forestier trouvera « vers pâle du pâle Oreste » le vers :


Eh bien ! je meurs content et mon sort est rempli.


Trouver Oreste pâle, et pâle ce vers-là, c’est une opinion bien particulière.

Il y a en appendice un morceau sur la sensibilité qui est extraordinaire à ce point de vue, c’est-à-dire pour ce qui est de ne pas comprendre le sens des mots : « Il y a deux sensibilités bien distinctes, l’une aristocratique et la seule connue au XVIIe siècle, l’autre plus moderne… qui daterait des lettres de Mlle Aïssé… Jusque-là l’égoïsme régnait en maître en littérature comme dans les mœurs… La compassion, la douce sympathie qui essaie de partager les peines des malheureux, l’affection désintéressée, ce besoin altruiste d’un cœur généreux d’apaiser les douleurs, tout cela était évidemment ignoré, puisqu’il n’existait même pas de mot pour l’exprimer. » — Donc, M. Masson-Forestier, non seulement ignore « Monsieur Vincent, » comme on disait au XVIIe siècle ; mais il ignore le mot charité ; car enfin, compassion douce, sympathie qui essaie de partager et de soulager les peines des malheureux, affection désintéressée, besoin altruiste d’un cœur généreux d’apaiser les douleurs, mon Dieu, tout cela s’appelait charité et il existait un mot, et même assez répandu pour l’exprimer. Mais poursuivons.

« Au grand siècle, le sensible, c’était le lettré, l’observateur pénétrant, le coupeur de cheveux en quatre. Et c’est ainsi, dans ce sens, puisque le mot sensible n’en avait pas d’autres, que tous’, Racine en tête, le comprirent. Phèdre dira :


Hippolyte est sensible et ne sent rien pour moi !


Ainsi : « Hippolyte est sensible et ne sent rien pour moi, » cela veut dire : « Hippolyte est coupeur de cheveux en quatre et il n’est pas amoureux de moi ! C’est révoltant ! »

Non, M. Masson-Forestier ne sait pas lire ou plutôt ne peut pas lire, parce qu’il ne lit qu’à travers une idée préconçue qui colore ce qu’il lit d’une teinte inattendue et singulière. Me par-donnera-t-on de donner un petit exemple personnel de ce daltonisme ? Je lis dans le livre de M. Masson-Forestier : « M. Faguet : Il [ce portrait] contient peut-être une révolution dans Racine. » Je suis stupéfait ; car, d’une part, je n’ai vu jamais dans le Racine de De Troy trace d’une révolution qui se serait faite en Racine ; et, d’autre part, j’ai l’habitude d’écrire et même de parler une langue plus rapprochée du français. Je demeure donc stupide. Mais voilà que je retrouve ma phrase. C’était une ligne d’une lettre écrite par moi à M. Masson-Forestier. Je la retrouve dans un article de journal que M. Masson-Forestier m’envoie et quelle est-elle ? « Je crois, en effet, qu’il y a une révolution littéraire contenue dans vos idées sur Racine, et je serais heureux d’examiner le résultat de vos efforts qui ne sauraient être qu’intéressans. » Ce que je disais des idées de M. Masson-Forestier, M. Masson-Forestier me le fait dire du portrait de De Troy. Voyez-vous l’instrument de transposition qu’est le cerveau de M. Masson-Forestier ? Eh bien ! voulez-vous gager ? Je gage que M. Masson-Forestier dira que « c’est la même chose. » Mais ne musons plus.

Donc, M. Masson-Forestier a prouvé par tous les moyens que nous venons d’indiquer que Racine est, soit un bandit, soit un plat bourgeois. Mais pourquoi tient-il tant à le prouver ? D’abord parce que c’est la vérité qui lui est apparue ; ensuite et surtout parce que Racine ainsi est bien plus beau et sera bien plus aimé. Voilà l’inspiration intime de tout ce que M. Masson-Forestier a écrit sur Racine et voilà l’âme même du livre : « Pourquoi n’aurions-nous pas le courage de scruter l’âme de Racine ? Eût-il été un scélérat, qu’est-ce que cela ferait ? Criminel ? Mais Benvenuto Cellini l’était foncièrement, nous en sommes sûrs maintenant. Est-ce que ses bronzes en sont moins splendides ? Est-ce que son être intime en devient soudain moins séduisant ? » — « Racine, mais j’entends qu’on l’aime plus encore ! Car enfin qu’il ait été vertueux comme on le racontait, cela, n’est-ce pas, jetait un froid ; cela l’éloignait de nous, qui, de vertu, n’avons trace. Racine, avec des défauts terribles, orgueilleux, provocans, Racine paraissant tout de même un saint, c’est la férocité touchante, l’immoralité édifiante. Et cela, comme c’est savoureux ! » — « Eh bien ! ce Racine que les Orientaux se sont mis à adorer quand ils eurent réussi à le pénétrer [j’ignorais], ce Racine amoral parfait, égoïste intégral, je veux qu’on l’admire plus-encore. C’est l’amoralité qui donne seule la perfection esthétique, car, — pas de doute possible, — les plus merveilleuses créations de l’esprit humain ont toutes été d’une amoralité absolue, effrayante. Nous n’admirons vraiment que des êtres qui nous font peur… Alors n’ayez crainte ! Si je réussis à faire accepter le Racine que je vois, on l’admirera plus passionnément encore. »

Tel est le secret du fanatisme de M. Masson-Forestier pour Racine ; car ce livre, qu’on dirait d’abord être un factum furieux contre Racine, est une apothéose de Racine ; seulement, c’est une apothéose par admiration des vices, au lieu de l’être par considération des qualités ; et de là vient que l’apologiste, entraîné par l’attrait de son objet, a vu dans Racine un peu plus de vices qu’il n’y en avait. Comme ce que Bouvard et Pécuchet goûtaient le plus dans les Tragiques c’étaient « les maximes de perversité, » de même M. Masson-Forestier goûte au-delà de tout la perversité de l’auteur lui-même et ne trouve jamais qu’il y en ait assez. Selon le goût des lecteurs, et ici ce c’est pas à moi de parler, la criminalité de Racine sera une raison de l’aimer moins ou de ne l’aimer ni plus ni moins, ou, comme l’espère M. Masson-Forestier, de l’adorer davantage.

Ce qu’on peut me demander cependant, et ici j’aurais tort de me dérober, c’est ce que je pense personnellement du caractère de Racine.

Moi, mon Dieu, très probablement je me trompe ; mais je le trouve très simple, extrêmement simple. Racine naît à la Ferté-Milon, dans le Valois qui est un pays qui ressemble parfaitement au pays moyen de France et de ceci il n’y a rien à conclure.

Il est de deux familles, dont l’une est un peu plus âpre au gain et l’autre est un peu plus molle, et qui sont aussi plates l’une que l’autre, et de ceci il n’y a rien à conclure.

Orphelin de bonne heure, il n’est pas élevé et il fait ses premières études jusqu’à seize ans dans un très bon collège et ses secondes études, de seize à dix-neuf ans, à Port-Royal. Port-Royal n’a aucune influence immédiate sur lui. (Ici M. Masson a parfaitement raison.)

Il a vingt ans. Il n’a aucun sens moral ou un très faible sens moral, comme les quatre cinquièmes de l’humanité. Il est très artiste, il aime les jardins, les belles eaux, la verdure, les beaux couchers de soleil, les poètes antiques et les beaux vers.

Il a, comme tous les jeunes gens, le goût de la gloire et le goût de parvenir, qui ne sont pas du tout le même goût, mais qu’il n’est pas d’âme assez haute pour distinguer l’un de l’autre.

Il se dirige du côté du théâtre, qui l’attire comme tous les jeunes gens lettrés du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle, du XIXe siècle et du XXe siècle.

Il devient élève de Molière et de Boileau, surtout de Molière, plus tard surtout de Boileau. Il se reconnaît avec raison des qualités égales de poète comique et de poète tragique. Il vise plutôt à la tragédie parce que c’est un genre plus noble, ou, pour mieux dire moins méprisé, et parce que Molière à ce moment accapare la comédie et parce que Corneille n’accapare plus la tragédie.

Il est très voluptueux et il est extraordinairement beau. En conséquence, il n’a aucun succès féminin, les femmes admirant les hommes beaux et, quoi qu’on en dise, s’y connaissant, mais ne les aimant jamais, et les caprices étant pour les hommes beaux, les passions tendres pour les hommes de moyen air et les passions désordonnées pour les hommes horribles, qui croient, du reste, que c’est parce qu’ils sont beaux. Quoi qu’il en soit de cette théorie un peu trop générale peut-être, Racine n’a aucun succès féminin. Il est, en sa qualité d’auteur, en bons termes successivement avec deux actrices et avec deux actrices du XVIIe siècle. Bref il n’a jamais séduit aucune femme ni été distingué par aucune femme. Il semble avoir aimé très vivement ces deux personnes hospitalières, ce qui précisément prouve qu’il n’a eu aucune aventure amoureuse en meilleur lieu.

Il devient très illustre comme poète dramatique et indiscuté, ce qui est prouvé par ce que disent de lui ses ennemis mêmes du Mercure Galant, mais ne gagne pas du tout d’argent, car il a peu de succès de public et en enrage. La Phèdre échoue et Mlle Champmeslé lui donne congé. Il est très las de la lutte.

Mais le Roi l’aime et, après lui avoir déjà donné sous une forme ou une autre de très gros subsides, le nomme son historiographe. Racine change instantanément d’existence. La même année, en six mois, il échoue avec Phèdre, est renvoyé par Mlle Champmeslé, est nommé historiographe, se marie et renonce au théâtre.

Pourquoi ce dernier ? Parce qu’il est épuisé ? Non. Phèdre donné comme marque d’épuisement du génie de Racine, malgré la surabondance de preuves qu’apporte de ceci M. Masson-Forestier, reste un peu fort. — Parce qu’il a des remords relativement à la vie d’homme de théâtre ? Point du tout. Il faut prendre très au sérieux le mot respectueux de Racine à l’endroit de messieurs de Port-Royal dans sa préface de Phèdre quoi qu’en dise M. Masson-Forestier, mais point du tout y voir un retour à Port-Royal et une détestation du métier de dramatiste. Au contraire ; c’est une adresse pour montrer que, même en tant que dramatiste, Racine était soucieux de vertu et capable d’être approuvé par des moralistes très rigoureux. — Pourquoi donc renonce-t-il au théâtre ? Mais simplement parce qu’au XVIIe siècle on ne peut pas être auteur dramatique et historiographe du Roi. On peut être tapissier du Roi et auteur comique, mais auteur dramatique et historiographe du Roi serait une alliance scandaleuse dont personne ne peut avoir l’idée.

Dès lors Racine, l’influence Maintenon s’affermissant, devient dévot, comme Louis XIV et toute la Cour, et s’embourgeoise de plus en plus, ce qui ne lui coûte rien du tout ; car c’est son fond même.

Il a épousé une femme bête et riche et l’a choisie surtout pour ceci, mais un peu pour cela, en ayant assez des femmes qui savent ce que c’est qu’un vers et une rime masculine ou féminine, ce que Mlle de Romanet ignorera jusqu’à sa mort.

Il est à la fois confortable, même luxueux et économe. Il surveille de très près ses intérêts. Il mourra plus que millionnaire.

Il est ultra-courtisan à Versailles en se revanchant par des épigrammes sous le manteau.

Il a de très bons sentimens d’homme de famille. Ce n’est pas que je songe à l’anecdote de la carpe, aimable du reste, encore que M. Masson-Forestier en plaisante de la façon dont on essaye un pont ; je songe. à ceci, simplement, qu’il a eu sept enfans, d’où je conclus, d’abord qu’il est extrêmement respectable, ensuite qu’il adorait ses enfans, la marque indiscutable qu’on aime ses enfans étant précisément qu’on en fasse d’autres, et il n’y a rien de moins paradoxal que ce que je dis.

Il aime toujours Boileau, avec une nuance de respect, et ceci est très significatif ; car Boileau, lui, non seulement est un haut honnête homme mais a le sens moral et à un degré qui n’est pas commun. Or Racine l’aime toujours et, ici aussi, se venge et se libère parfois du sentiment qu’il éprouve par des épigrammes, mais ne rompt jamais avec cet homme qui lui impose.

Il élève bien ses enfans et la correspondance de Racine avec Boileau prouve surtout que Boileau aimait les enfans de Racine, mais un peu cependant, et ceci est confirmé du reste par les lettres de Racine à ses enfans extrêmement que Racine ne laissait pas de les aimer lui-même très tendrement.

Il vieillit. Il intercède d’une façon qu’on ne connaîtra jamais précisément, mais enfin il est certain qu’il intercède auprès du Roi en faveur des misères du peuple et il y a, je crois, plus d’effroi de la colère royale chez Mme de Maintenon que véritable colère royale ; mais encore il y a que cette colère Racine l’a au moins encourue.

Il meurt, comme tous les hommes du XVIIe siècle, dans des sentimens de pitié profonde et, les souvenirs de l’adolescence lui revenant à sa dernière heure, comme à tous les mourans, en ordonnant qu’il soit enterré à Port-Royal. « Il n’aurait pas fait cela pendant sa vie, » dit un courtisan bien spirituel et aussi épigrammatique que lui et digne de lui. Sans doute et vous êtes, monsieur, un homme d’esprit ; remarquez cependant qu’un père de famille n’est jamais mort et que, de la part d’un père si tendre, l’acte par lequel ses enfans sont un peu compromis a quelque mérite. Il y a des courages posthumes, très inférieurs, évidemment, aux courages vivans, mais qui doivent être comptés encore comme bonnes actions des âmes moyennes.

Tel est pour moi le caractère de Racine, nullement héroïque, nullement plat, nullement d’un surhomme à la Nietzsche, nullement d’une espèce, tout à fait moyen et qui n’est digne ni d’admiration ni de mépris, et qui par conséquent est le contraire des deux caractères de Racine que nous a tracés M. Masson-Forestier. Comme la plupart des grands artistes, Racine avait l’âme du premier venu. — C’est un des quatre ou cinq plus grands poètes qu’ait connus l’humanité.


EMILE FAGUET.

  1. 1 vol. in-8, Mercure de France.