La Décomposition de l’armée et du pouvoir/5


CHAPITRE V

La révolution et la famille impériale


L’empereur, seul, sans famille, sans proches, n’ayant auprès de lui personne à qui il pût ou voulût se confier, vivait son drame personnel dans le vieux palais de la préfecture de Mohilev.

Au commencement, Protopopov et le gouvernement lui avaient présenté la situation comme étant sérieuse, mais nullement menaçante : une sédition qu’il s’agissait de réprimer par des « mesures énergiques ». Quelques centaines de mitrailleuses furent mises à la disposition du commandant de la zone armée de Pétrograd, le général Khabalov ; ce dernier, ainsi que le président du Conseil, le prince Golitzyne, obtinrent des pleins pouvoirs extraordinaires pour la répression des désordres ; enfin, dans la matinée du 27, le général Ivanov, avec un petit détachement, fut dirigé sur la capitale, porteur d’un mandat secret — lui conférant la plénitude du pouvoir militaire et civil et qu’il devait proclamer après avoir occupé Tsarskoé Sélo. Il est difficile de s’imaginer quelqu’un qui fût moins capable de réaliser une mission aussi importante — au fond, la dictature militaire. Vieillard caduc, honnête soldat, se rendant mal compte de la situation politique, il n’avait plus ni l’énergie, ni la volonté, ni la rigueur indispensables. On s’était probablement rappelé sa répression de Cronstadt, en 1906.

Lorsque j’examinai plus tard les derniers rapports de Khabalov et de Biéliaev[1], je me convainquis de leur désarroi et de leur pusillanimité.

Les nuages s’accumulaient.

Le 26 février Rodzianko envoyait à l’empereur son télégramme désormais historique : « La situation est sérieuse. L’anarchie règne dans la capitale. Le gouvernement est paralysé. Les transports, le ravitaillement, le combustible sont totalement désorganisés. Le mécontentement général grandit. Une fusillade désordonnée se poursuit dans les rues. Des unités de groupes font feu les unes sur les autres. Il faut charger immédiatement une personnalité jouissant de la confiance du pays de la constitution d’un nouveau gouvernement. On ne peut tarder. Chaque retard est pareil à la mort. J’implore Dieu pour que la responsabilité, à cette heure, ne retombe pas sur le monarque. » Ce télégramme fut également envoyé par Rodzianko à tous les commandants en chef dont il demandait l’appui.

Dans la matinée du 27, le président de la Douma adressait à l’empereur une nouvelle dépêche : « La situation s’aggrave, il faut prendre des mesures immédiates, car demain il sera trop tard. L’heure suprême est arrivée qui doit décider du sort de la Patrie et de la dynastie ».

Il est difficile de supposer que ce jour l’empereur ne se fût pas encore rendu un compte exact de la situation catastrophique ; homme indécis et de faible volonté, il cherchait, plutôt, le moindre prétexte pour reculer l’heure de la décision, laissant la fatalité accomplir sa volonté inconnue…

Quoi qu’il en fût, une nouvelle démarche expresse du général Alexéiev, appuyée par les télégrammes des commandants en chef en réponse à Rodzianko, n’obtint aucun succès, et l’empereur, inquiet pour le sort de sa famille, partit, dans la matinée du 28, pour Tsarskoé Sélo, sans avoir pris aucune détermination quant aux concessions à faire au peuple russe.

Le général Alexéiev, ce patriote sage et honnête, n’avait pas assez de fermeté, d’autorité ni d’influence, pour amener l’empereur à une résolution dont la nécessité, à cette heure, était reconnue même par l’impératrice. En effet, dès le 27, celle-ci avait télégraphié : « Les concessions sont indispensables ».

Deux jours de voyage sans but. Deux jours sans contact nécessaire, sans rien savoir des événements qui se développaient et se modifiaient sans cesse… Par ordre de Pétrograd, le train impérial, qui suivait un trajet circulaire, ne put aller au delà de Vichera. Après avoir reçu de nombreux renseignements et appris que la garnison de Pétrograd avait reconnu le pouvoir du Comité Provisoire de la Douma d’Empire et que les troupes de Tsarskoé avaient adhéré à la révolution, l’empereur donna l’ordre de retourner à Pskov.

Soirée du 1er mars, à Pskov. Un entretien avec le général Rouzsky ; l’empereur a pris connaissance de la situation, mais n’a rien décidé. Ce n’est qu’à 2 heures du matin, le 2 mars, qu’il fit rappeler Rouzsky et lui remit un décret sur le ministère responsable. « Je savais que cette concession venait trop tard » — a raconté Rouzsky à un correspondant, « mais je n’avais pas le droit d’émettre mon opinion avant d’avoir reçu des instructions du Comité exécutif de la Douma d’Empire, et je proposai de parler à Rodzianko ». ([2])

Durant toute la nuit, les fils télégraphiques ont transmis des conversations pleines d’un intérêt angoissant et profond et décidant du sort du pays : Rouzsky s’entretenant avec Rodzianko et Alexéiev, le G.Q.G. avec les généraux en chef, Loukomsky ([3]) avec Danilov ([4]).

Tous ces entretiens font apparaître la conscience nette que tous avaient de l’imminence de l’abdication.

Dans la matinée du 2, Rouzsky soumit à l’empereur les avis de Rodzianko et des chefs militaires. L’empereur l’écouta avec un calme absolu, sans que sa figure, qui paraissait figée, changeât d’expression ; à trois heures, il déclara à Rouzsky que l’acte d’abdication en faveur de son fils était déjà signé et il lui remit le texte d’un télégramme annonçant cette décision.

Quelle que foi que l’on ait dans la marche logique du processus historique, on ne peut pas ne pas s’arrêter aux influences fatales des épisodes fortuits, épisodes banals, simples et pouvant être évités. Il suffit de trente minutes qui s’écoulèrent après l’entretien en question pour modifier radicalement le cours des événements : on n’avait pas eu le temps d’expédier le télégramme quand on reçut la nouvelle que des délégués du Comité de la Douma, Goutchkov et Choulguine, étaient partis pour Pskov… Cette circonstance, dont Rouzsky informa l’empereur, suffit pour que celui-ci changeât d’idée et retardât la publication de l’acte d’abdication.

Le soir même les délégués arrivèrent.

Au milieu du silence profond des assistants ([5]) Goutchkov traça le tableau de l’abîme au bord duquel se trouvait le pays, et indiqua la seule issue : l’abdication.

« J’ai réfléchi toute la journée d’hier et d’aujourd’hui, » répondit l’empereur, « et j’ai pris le parti d’abdiquer. Jusqu’à 3 heures de cet après-midi j’étais prêt à abdiquer en faveur de mon fils, mais je compris ensuite que je n’étais pas capable de me séparer de lui. Vous le comprendrez, j’espère. C’est pourquoi j’ai décidé d’abdiquer en faveur de mon frère ».

Les délégués, pris à l’improviste par cet aspect inattendu de la question, ne protestèrent pas : Goutchkov, — pour des motifs de cœur, « se sentant incapable d’intervenir dans les sentiments d’un père et estimant qu’aucune pression sur ce terrain n’était possible » ([6]), Choulguine, pour des motifs politiques : « de crainte que dans l’âme du petit tsar ne se développassent de mauvais sentiments à l’égard de ceux qui l’auraient séparé de ses parents ; d’autre part, c’était encore une grande question à savoir si le régent pouvait faire serment à la Constitution au nom du petit empereur ».

Pour ce qui est des « sentiments » du petit tsar, c’était la question d’un avenir lointain. Quant aux considérations d’ordre juridique, la nature même de la révolution nie la légalité juridique de ses conséquences ; d’ailleurs, la base juridique des trois actes n’était que trop branlante : l’abdication forcée de l’empereur Nicolas II ; son renoncement aux droits héréditaires pour son fils mineur, et, enfin, plus tard, le grand-duc Michel — qui n’avait pas accepté le pouvoir suprême — le transmettant au gouvernement Provisoire en signant un acte dans lequel il « priait » tous les citoyens de se soumettre à ce gouvernement.

Rien d’étonnant si « dans l’idée générale des contemporains de ce premier moment » — pour parler comme Milioukov, — « le nouveau pouvoir, créé par la révolution, succédait non aux actes du 2 et du 3 mars, mais aux événements du 27 février ».

Vers minuit, dans la nuit du 3 mars, l’empereur, après y avoir apporté quelques corrections, remit aux délégués et à Rouzsky deux copies du manifeste d’abdication.

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« En ces jours de grande lutte contre l’ennemi extérieur, qui, depuis bientôt trois ans, cherche à asservir notre patrie, Dieu a voulu envoyer à la Russie une nouvelle et pénible épreuve. Les troubles populaires, qui viennent d’éclater, menacent d’avoir une répercussion désastreuse sur la suite de la guerre opiniâtre. Le sort de la Russie, l’honneur de notre héroïque armée, le bien du peuple, tout l’avenir de notre chère patrie, exigent que la guerre soit, coûte que coûte, victorieusement menée jusqu’au bout.

« L’ennemi cruel concentre ses derniers efforts et l’heure est proche où notre vaillante armée, de concert avec nos glorieux Alliés, l’aura définitivement brisé. En ces jours décisifs de la vie de la Russie, nous avons considéré comme un devoir de notre conscience de faciliter à notre peuple l’union étroite et le ralliement de toutes les forces nationales afin d’atteindre au plus tôt la victoire. D’accord avec la Douma d’Empire nous avons reconnu qu’il était bon de renoncer au trône de l’État Russe et de déposer le pouvoir suprême. Ne voulant pas nous séparer de notre fils bien-aimé, nous remettons notre succession à notre frère, le grand-duc Michel Alexandrovitch, et donnons notre consécration à son avènement au trône de l’État Russe.

« Nous engageons notre frère à diriger les affaires de l’État en une union parfaite et indestructible avec les représentants du peuple, dans les institutions législatives et conformément aux principes qui seront élaborés par ces dernières, en en faisant un serment irrévocable pour l’amour de la patrie bien-aimée.

« J’appelle tous les fils fidèles de la patrie à remplir leur devoir sacré à son égard ; en obéissant au Tsar à l’heure pénible des épreuves nationales, et en l’aidant, de concert avec les représentants du peuple, à conduire l’État Russe sur le chemin de la victoire, de la prospérité et de la gloire.

« Puisse Dieu aider la Russie !

NICOLAS ».


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Tard dans la nuit, le train emportait l’empereur abdicataire vers Mohilev. Un silence de sépulcre, les stores baissés, des réflexions pénibles, très pénibles. Personne ne connaîtra jamais les sentiments qui ont agité l’âme de Nicolas II — père, monarque et homme tout court — lorsque, à Mohilev, dans son entrevue avec Alexéiev, le regardant de ses yeux las et doux, il lui dit avec une espèce d’hésitation :

J’ai changé d’avis. Je vous prie d’envoyer ce télégramme à Pétrograd.

Sur une feuille de papier, d’une écriture nette, l’empereur avait écrit de sa propre main qu’il consentait à ce que son fils Alexis montât sur le trône.

Alexéiev emporta le télégramme, mais… il ne l’envoya pas. Il était trop tard : deux manifestes avaient déjà été portés à la connaissance du pays et de l’armée.

« Pour ne pas troubler les esprits », Alexéiev n’a jamais montré ce télégramme à personne ; il le garda dans son portefeuille et, me le remit à la fin de mai en quittant le commandement suprême. Ce document, intéressant pour les futurs biographes de Nicolas II, fut conservé plus tard dans un dossier secret à l’administration du Grand Quartier Général.

* * *


Cependant, le 3 mars, vers midi, les membres du gouvernement et du Comité Provisoire ([7]) se réunissaient chez le grand duc Michel Alexandrovitch, qui, depuis le 27 février, n’avait eu aucun contact ni avec le G.Q.G., ni avec l’empereur. Au fond, la question était jugée d’avance, aussi bien en raison de l’état d’esprit qui régnait au Conseil des délégués ouvriers après que le manifeste y fut connu par le Comité Exécutif du Soviet votant une résolution de protestation, qu’en raison de l’attitude intransigeante de Kérensky et de la corrélation générale des forces : excepté Milioukov et Goutchkov, tous les autres « sans avoir absolument aucune intention d’exercer sur le grand-duc quelque pression que ce fût », lui persuadaient, cependant, d’un ton passionné, de renoncer à la couronne. Milioukov avait beau mettre en garde ses collègues, en affirmant qu’ « un pouvoir puissant… a besoin de l’appui d’un symbole familier aux masses », que le « Gouvernement Provisoire, resté seul, peut être submergé par l’océan des troubles populaires et ne pourrait se maintenir jusqu’à l’Assemblée Constituante. » ([8])

Après s’être encore une fois entretenu avec le président de la Douma, Rodzianko, le grand-duc annonça qu’il était définitivement décidé à abdiquer.

Le jour même fut publiée la « déclaration » du grand-duc Michel Alexandrovitch :

« Un lourd fardeau m’est imposé par la volonté de mon frère, qui m’a transmis le trône impérial de toutes les Russies au moment d’une guerre sans précédent et des troubles populaires.

D’accord avec le peuple entier, inspiré de l’idée que le bien de notre patrie est au-dessus de tout, j’ai résolu fermement de n’accepter le pouvoir suprême qu’au cas où telle serait la volonté de notre grand peuple, auquel il appartient, par un vote national, par l’intermédiaire de ses représentants à l’Assemblée Constituante, de déterminer la forme du gouvernement et la nouvelle Constitution de l’État Russe.

« En invoquant la bénédiction divine, je prie tous les citoyens de l’État Russe de se soumettre au gouvernement provisoire, créé par l’initiative de la Douma d’Empire et investi de la plénitude du pouvoir, jusqu’à ce que l’Assemblée Constituante, réunie dans le plus bref délai par des élections ayant à la base le suffrage universel, direct, égal et secret, ait exprimé, par sa décision, la volonté du peuple.

MICHEL. »


Après son abdication, le grand-duc s’installa dans les environs de Gatchino et ne prit absolument aucune part à la vie politique du pays. Il y demeura jusqu’à mi-mars 1918, époque à laquelle il fut arrêté sur l’initiative du Comité bolcheviste local, amené à Pétrograd et, peu de temps après, déporté dans le gouvernement de Perm.

Au commencement il courut des bruits selon lesquels le grand-duc aurait réussi à échapper aux bolcheviks avec son valet de chambre anglais qui lui était tout dévoué. Depuis, personne n’a jamais rien su de précis sur son sort. Toutes les recherches entreprises par les organes des gouvernements du Sud et de Sibérie, ainsi que sur l’initiative de l’impératrice douairière, n’ont donné aucun résultat certain. Les bolcheviks, de leur coté, n’ont fourni aucune explication officielle. Plus tard, on crut, cependant, avoir trouvé des indices, d’après lesquelles l’ « évasion » n’aurait été qu’un piège ; le grand-duc aurait été secrètement emmené par les bolcheviks et tué non loin de Perm. Son cadavre aurait été jeté sous la glace.

Le mystère qui entourait la disparition du grand-duc fit naître bien des légendes et même donna carrière, en Sibérie, à des imposteurs se faisant passer pour lui. Pendant l’été de 1918, au moment des premiers succès de l’armée de Sibérie, un bruit, largement répandu en Russie soviétique et dans le Midi, voulait que les troupes sibériennes fussent conduites contre les bolcheviks par le grand-duc Michel Alexandrovitch. Des journaux avaient reproduit son manifeste. Ces bruits et la publication de manifestes apocryphes dans les journaux de province, surtout ceux de l’extrême droite, recommencèrent jusqu’en 1920 (en Crimée).

Cependant, il faut noter que lorsque, dans l’été de 1918, les monarchistes de Kiev poursuivirent une campagne énergique afin de donner un caractère monarchiste à la lutte armée contre le bolchevisme, ils renoncèrent au principe légitimiste pour certains motifs ayant trait aux qualités individuelles des candidats et, entre autres, en ce qui concerne Michel Alexandrovitch, parce qu’il « s’était lié » par un vœu solennel vis-à-vis de l’Assemblée Constituante.

En examinant la situation générale, telle qu’elle était au mois de mars 1917, j’arrive à conclure que la lutte pour conserver le pouvoir entre les mains de l’empereur Nicolas II aurait amené l’anarchie et l’effondrement du front et aurait mal tourné tant pour lui que pour le pays. La régence de Michel Alexandrovitch, par contre, aurait pu être établie sans secousses et avec un succès certain, en venant à bout de quelque résistance. Il aurait été également possible, encore qu’un peu plus difficile, de faire monter sur le trône le grand-duc Michel, à condition qu’il octroyât une Constitution très libérale.

Les membres du Gouvernement Provisoire, ainsi que ceux du Comité de la Douma, (à l’exception de Milioukov et de Goutchkov), terrorisés par le Soviet et la masse ouvrière de Pétrograd, assumèrent une responsabilité historique bien lourde en déterminant le grand-duc à ne pas accepter sur-le-champ le pouvoir suprême.

Il ne s’agit ni de monarchisme ni de dynastie. Ce sont là des questions absolument secondaires. Je ne parle que de la Russie.

Certes, il est difficile de dire dans quelle mesure ce pouvoir aurait été stable et de longue durée, et quelles métamorphoses il aurait subies par la suite ; cependant, s’il avait seulement réussi à conserver l’armée jusqu’à la fin de la guerre, l’histoire ultérieure de l’État russe aurait pu entrer dans la voie de l’évolution et éviter les bouleversements sans précédents qui, actuellement, rendent incertaine la question même de son existence future.

* * *


Le 7 mars, le Gouvernement Provisoire décida de « considérer l’empereur abdicataire Nicolas II et son épouse comme privés de liberté et de les faire conduire à Tsarskoé Sélo ». En ce qui concerne l’impératrice, cette mission avait été confiée au général Kornilov, chose que les monarchistes orthodoxes ne purent lui pardonner, plus tard. Chose étrange : lorsque son arrestation lui eut été notifiée, Alexandra Féodorovna se montra satisfaite de ce qu’elle lui fût annoncée par le glorieux général Kornilov et non par quelque membre du nouveau gouvernement…

À l’égard du tsar, la notification de la décision gouvernementale fut confiée à quatre membres de la Douma.

Le 8 mars, après avoir pris congé du G.Q.G., l’empereur quitta Mohilev parmi un silence sépulcral du peuple, qui se pressait à la gare. Sa mère le suivit pour la dernière fois de ses yeux remplis de larmes.

Pour comprendre l’attitude, étrange à première vue, que le gouvernement adopta vis-à-vis de la famille impériale durant le séjour de celle-ci à Tsarskoé et à Tobolsk, il faut se rappeler la circonstance suivante : encore que pendant les sept mois et demi de pouvoir du gouvernement Provisoire il n’y eut aucune tentative sérieuse de libérer les captifs, ceux-ci étaient l’objet d’une attention toute particulière du Conseil des délégués des ouvriers et des soldats et, dans la séance du Soviet, le 10 mars, le vice-président, Sokolov, communiquait avec l’entière approbation de l’assistance : « Hier, il fut connu que le Gouvernement Provisoire a donné son consentement au départ de Nicolas II pour l’Angleterre et a engagé à ce propos des pourparlers avec les autorités britanniques sans le consentement et à l’insu du Comité Exécutif du Soviet. Nous avons mobilisé toutes les unités armées se trouvant sous notre influence et avons arrangé les choses de telle sorte que Nicolas II ne peut, en fait, quitter Tsarskoé sans notre consentement. Sur toutes les lignes de chemin de fer ont été envoyés des télégrammes en conséquence… pour arrêter le train de Nicolas II au cas où celui-ci partirait… Nous avons envoyé nos commissaires… une quantité suffisante de forces armées avec des automobiles blindées et avons cerné de près le palais Alexandre. Ensuite, nous avons entamé des pourparlers avec le Gouvernement Provisoire, qui a sanctionné toutes nos mesures. À l’heure actuelle, l’ancien tsar se trouve non seulement sous la surveillance du Gouvernement Provisoire, mais aussi sous la nôtre… »

Le 1er août 1917, la famille impériale fut conduite à Tobolsk. Après l’avènement du pouvoir soviétique en Sibérie, l’empereur et sa famille furent transférés à Ekaterinbourg, et c’est là qu’au prix d’outrages inouïs de la part de la populace, au prix des souffrances et de la mort de sa famille et de la sienne ([9]), Nicolas II expia ses torts volontaires et involontaires envers le peuple russe ([10]).

Lorsque, au cours de la deuxième campagne du Kouban, ayant reçu, à la station de Tikhorietskaïa, la nouvelle de la mort de l’empereur Nicolas II, j’ordonnai à l’Armée Volontaire de célébrer une messe pour le repos de l’âme de l’ancien chef suprême de l’armée russe, cet acte fut cruellement blâmé par les milieux et les journaux démocratiques…

Ils oubliaient la parole de sagesse : « c’est à Moi qu’appartient la vengeance et c’est Moi qui châtierai. »

  1. Ministre de la Guerre.
  2. Chessin. La révolution russe.
  3. Général-quartier-maître de l’état-major du Généralissime.
  4. Chef de l’état-major du front du Nord (armée de Rouzsky).
  5. Frédériks, Narychkine, Rouzsky, Goutchkov, Choulguine.
  6. Récit de V.-V. Choulguine.
  7. Le prince Lvov, Milioukov, Kérensky, Nekrassov, Terestchenko, Godnev, Lvov, Goutchkov, Rodzianko, Choulguine, Efremov, Karaoulov.
  8. Milioukov, Histoire de la Deuxième révolution russe
  9. L’assassinat eut lieu dans la nuit du 17 juillet 1918.
  10. Le général Dieteriks a consacré beaucoup de temps, d’attention et de travail à rechercher des renseignements sur le sort de la famille impériale.