La Corne d’abondance


Le Caveau de 185824e année, volume 24 (p. 1-4).

LA CORNE D’ABONDANCE.



Air du Vaudeville d’une heure de folie.


Quand l’amitié, par un vœu cordial,
Digne Panard, me fait tenir ton verre,
Ah ! puisse-t-il être comme un fanal
Jetant à tous ses rayons de lumière !
D’heureux couplets, chacun offrant sa part,
Rendra féconds mes jours de Présidence :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Grâce à l’éclat de ton choc argentin
Nous entendrons l’ami du vaudeville,
Par de bons mots qu’aiguise un gai refrain,
Donner essor à sa verve facile.

Comme l’Aï, ce pétillant nectar,
De sa pensée un joyeux trait s’élance :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Mais ce transport que tu viens d’éveiller,
Est un appel à toute poésie,
Et tour à tour nous allons voir briller
Ou la satire, ou la philosophie.
L’une des sots fera tomber le fard,
L’autre en nos cœurs versera l’espérance :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Un madrigal, une fable, un rondeau,
Des chants d’amour, une tendre élégie,
Une épigramme, un conte, un fabliau,
À tes côtés ont droit de bourgeoisie.
Si parfois même elle y met un peu d’art
Laisse, en passant, éclore une romance :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

De nos guerriers consacrant les exploits
Et soutenant leur feu patriotique,
Nous entendrons encore à pleine voix
Les fiers accords de la muse héroïque,

Un noble chant vaut parfois un rempart,
Et j’en sais un qui sauva notre France :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Les bons vivants et les vrais chansonniers
À ton aspect devront faire merveille,
Ségur, Chaulieu, Laujon et Désaugiers,
De leur séjour déjà prêtent l’oreille.
Refrain bachique, allons ! le bouchon part,
Monte vers eux, en un chorus immense :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Mais qu’ai-je vu, se jouant sur tes bords,
Vive, effrontée et d’une allure folle,
Nous dévoilant ses plus secrets trésors ?
C’est, Dieu me damne ! enfin, la gaudriole.
À nos ébats laisse-la prendre part,
Mais qu’elle y garde un reste de décence :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Coupe enchantée, en te couvrant de fleurs,
Tout à la fois, j’ai voulu rendre hommage
À ton passé, si riche de couleur
Comme aux doux fruits que l’avenir présage.

Fais nous répandre en tous lieux, au hasard,
De la chanson la joyeuse science :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !

Si l’amitié ressemble à ce cristal,
Si, comme lui, le moindre choc la brise,
Un soin constant éloigne un coup fatal,
Et leur durée à jamais s’éternise.
Ô mes amis, voici notre étendard !
Restons amis sous sa douce influence :
Vase sacré, verre du bon Panard,
Sois du Caveau la corne d’abondance !


Auguste Giraud,
Membre titulaire, Président.