La Corée Libre, numéro 1/Texte entier

La Corée Libre, numéro 1
La Corée Libren°1 (p. 1-39).
Première Année.
MAI 1920.
No1.


La Corée Libre

Revue mensuelle, Politique, Économique et Littéraire


RÉDACTION ET ADMINISTRATION :
13, Rue de Vienne, Paris 8e
Téléphone : WAGRAM 03-91
ABONNEMENTS :
France.................24 francs
Étranger...............30 francs
Le numéro : 2 francs

SOMMAIRE


I
Déclaration. — De la Rédaction de « La Corée Libre ».
II
Informations. — Note envoyée au Conseil Suprême à San Remo. — Résolution du C. E. S. I. — Monsieur J. Kiusik Kimm.
III
La Corée et son Indépendance. — Première partie : Historique des relations entre la Corée et le Japon par S. T. F. (À suivre).
IV
Une Conférence de M. le Professeur F. Challaye. — Extraits de « La Paix menacée en Extrême-Orient ».
V
L’Action Coréenne. — L’action Coréenne pour son Indépendance. — L’action à l’étranger : Paris, Washington et Londres.
VI
Bibliographie sur la Corée. — Ouvrages en langue française et en anglais.
VII
Gravures hors texte. — 1. Carte de l’Extrême-Orient. — 2. Manifestation pacifique à Séoul pour l’indépendance de la Corée 1919. — 3. Un village coréen brûlé par les Japonais en 1919.

N. B — Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.
Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles.
Reproductions et insertions autorisées, sous réserve d’indication de source.
Première Année.
Mai 1920.
No1

La Corée Libre

Revue mensuelle, Politique, Économique et Littéraire

DÉCLARATION


Comme le titre de cette Revue l’indique, notre but est le combat pour recouvrer l’Indépendance de notre patrie :

LA CORÉE LIBRE !

Cette indépendance, plusieurs fois millénaire, nous a été ravie brutalement par un coup de force militaire en violation flagrante du droit des peuples et de tous les Traités de garantie dont nous jouissions.

Le Japon, annexant en 1910 notre pays, subjuguant 18 millions individus de race et de civilisation homogènes, accomplissait ainsi sans scrupule ses ambitions continentales régies par un impérialisme implacable !

Depuis 1910, le Japon tente de détruire complètement, par tous les moyens, avouables et inavouables, la race et la nation coréennes dont la civilisation resplendissante remonte à plus de 4.000 ans !

Depuis 1910, la Corée, représentant une superficie géographique de 250.000 kilomètres carrés, a disparu de la carte du monde, escamotée par la main des Nippons et à leur seul profit !

La Corée n’est pas morte pourtant. Elle n’a pu être anéantie malgré toutes les machinations imaginées contre elle par le Japon.

Les Coréens relèvent la tête.

Une ère nouvelle, une résurrection pointe à l’horizon du « Matin Calme » !

Notre Revue fera connaître au monde entier, et en particulier à nos amis de France, si nombreux, ce qu’est réellement la Corée.

Nous tiendrons nos amis au courant de notre martyr présent.

Nous informerons nos lecteurs de notre glorieux passé et de notre grand avenir ! Nous leur parlerons de notre idéal et de nos aspirations à l’indépendance !

C’est la liberté d’un peuple civilisé de 18 millions d’individus que nous défendrons !

La Rédaction :

Paris, mai 1920.



N. B. — La Rédaction sera toujours très reconnaissante de recevoir les articles, notes, informations, observations et rectifications que voudront bien lui envoyer ses lecteurs et toute autre personne, qu’elle s’empressera de publier, dans la mesure du possible, dans La Corée Libre.


INFORMATIONS


I. — Note envoyée au Conseil Suprême à San Remo

À la suite d’un télégramme reçu de Wladivostock par M. Youn-Hai, délégué à Paris, par les Coréens de Sibérie, dans lequel sont relatées et circonstanciées les mesures agressives et oppressives prises par les Japonais depuis leur occupation militaire en Sibérie, la Délégation Coréenne, à Paris, a fait parvenir le télégramme suivant au Conseil Suprême réuni à San-Remo :

« Au nom du Conseil National Coréen siégeant à Wladivostock et représentant un million de Coréens en Sibérie, nous avons l’honneur de faire savoir au Conseil Suprême que les troupes japonaises, loin de protéger les Coréens en Sibérie, y sont venues pour les opprimer. L’ultimatum présenté par le Japon aux autorités russes exige la suppression de la presse coréenne, la dissolution des organisations nationales coréennes. Le Japon veut rester en Sibérie aussi longtemps qu’il y aura danger pour sa domination sur la Corée, c’est-à-dire tant que durera le mouvement national coréen. Les Coréens de Sibérie et la totalité de la population de Corée sont unanimes pour réclamer la délivrance du joug japonais.

« Au nom de notre Conseil National, nous prions les Gouvernements Alliés et Associés de prendre les mesures nécessaires de protection des Coréens en Sibérie contre les persécutions féroces ; de demander au Japon de rendre la liberté à la presse, aux organisations nationales coréennes et de retirer ses troupes. Nous renouvelons la prière du peuple coréen, transmise déjà à la Conférence de la Paix, d’examiner la question de l’Indépendance de la Corée ».

Délégation Coréenne,


Paris, le 23 avril 1920.

II. — Résolution du C. E. S. I.

Paris, le 26 mars 1920. — Le télégramme suivant a été envoyé par M. Tchosowang, du Parti socialiste Coréen et délégué au Congrès du Comité Exécutif Socialiste International à Rotterdam (Hollande) :

« La déclaration de l’Indépendance du peuple coréen est entièrement en accord avec les décisions des Congrès de l’Internationale sur le droit des peuples de disposer d’eux-mêmes. Le Comité exécutif socialiste international à Rotterdam demande à la Ligue des Nations et à toutes les Puissances de reconnaître l’Indépendance du peuple et de la république coréens. »

(Résolution proclamée par le Comité.)

III. — MONSIEUR KIUSIK-KIMM

Nous apprenons, de Washington, que l’état de santé de notre Président, M. Kiusik-Kimm, s’améliore de jour en jour, et nous sommes heureux d’annoncer à nos lecteurs et amis, qu’il pourra reprendre bientôt ses fonctions si actives de Président de la Commission Coréenne aux États-Unis, qu’il avait dû abandonner durant ces deux derniers mois, à la suite d’une grave opération qu’il vient de subir.

La Rédaction de La Corée libre recevant au dernier moment le télégramme suivant de Washington, s’empresse de le porter à la connaissance de ses amis et lecteurs :

« Monsieur Kiusik-Kimm remercie de tout cœur ses nombreux et excellents amis de France pour les marques de grande amitié et de profonde estime qu’ils lui ont témoignées durant sa pénible maladie.

« Il les prie de bien vouloir l’excuser s’il ne peut leur répondre à tous pour le moment. Mais par ce télégramme, priant la Rédaction de la Corée Libre de le publier, il leur renouvelle toute son inaltérable gratitude personnelle, ainsi que celle de tous ses compatriotes coréens également très touchés pour toutes ces manifestations de sincère sympathie. »


Washington D. C. — U. S. A.

La Corée et son Indépendance


1ère Partie

Historique des relations entre la Corée et le Japon.

La Corée, vieille de plus de 4.000 ans, formait déjà un État et une Nation civilisés, parfaitement organisés alors que le Japon était encore dans les ténèbres de la barbarie.

Le Japon insulaire, placé géographiquement face au continent, devait subir la loi physico-géographique universelle et s’attaquer à la péninsule coréenne.

Durant toute cette longue histoire, quatre fois millénaire, le Japon trop faible encore ne commit que des actes et des incursions de piraterie sur les côtes de la Corée. Pourtant, vers le XVIe siècle, il rêvait déjà de conquérir la Corée. Le général japonais Hideyoshi entreprenait en effet une vaste expédition contre la péninsule, mais il fut rejeté à la mer par la coopération des armées chinoise et coréenne. Cet appui de la part de la Chine sauvegarda la Corée de l’emprise du Japon durant plus de trois siècles.

Les relations politiques dans le sens moderne du mot ne devaient s’établir entre la Corée et le Japon que vers le XIXe siècle.

Ces relations débutent avec la modernisation du Japon qui ne remonte guère plus haut que 1868, après la révolution du Shogoun.

La politique continentale et impérialiste du Japon commence à se dessiner très nettement. Le programme politique du « Yoshida » ou du « Continent japonais » s’élabore minutieusement et sera poursuivi intensivement par le « Genro » ou « Conseil des Anciens » jusqu’à nos jours. Les Ito, les Yamagata, les Inouye, les Okouma, les Teraoutchi, etc… n’ont fait qu’appliquer les directives du Yoshida.

La Corée, placée sur la route du Japon vers le continent, fut la première victime toute désignée aux ambitions des nippons.


Au début de la seconde moitié du XIXe siècle, le Japon était encore impuissant économiquement et militairement pour pouvoir imposer par la force ses vues politiques. Il employa donc les moyens de persuasion pacifique et de douce amitié : « Le Soleil Levant » devait être toute la lumière du « Matin Calme ! »

Il sut tirer parti très adroitement des opérations et des échecs malheureux des Français en 1866 et des Américains en 1871. Le général Kouroda avec une flotte japonaise vint ancrer dans le port de Fousan pour démontrer pacifiquement aux coréens tous les avantages d’un Traité d’Amitié qui les mettrait à l’abri des attaques extérieures, les nippons visaient surtout par ces mots les occidentaux.

Le premier jalon sur le continent était planté par le Traité dit de « Kang-Hoa » signé à Séoul le 26 février 1876, dans lequel le Japon proclamait hautement la Souveraineté et l’Indépendance de la Corée, mais où il n’oubliait pas de se réserver l’ouverture de ports à son usage exclusif.


Traité Japano-Coréen du 26 février 1876.
Article 1

La Corée, étant un État indépendant, jouit des mêmes droits souverains que le Japon.

Afin de prouver la sincérité de l’amitié existant entre les deux nations, leurs rapports s’échangeront désormais dans des termes d’égalité et de courtoisie, chaque pays évitant d’offenser l’autre par une attitude arrogante ou soupçonneuse.

Avant toute autre chose, tous les règlements précédents susceptibles d’entraver les rapports amicaux seront totalement abrogés, et, à leur place, seront établis des règlements libéraux, destinés, dans leur usage général, à assurer une paix ferme et perpétuelle.

Article 2

Le Gouvernement du Japon, à un moment quelconque des quinze mois qui suivront la date de la signature de ce Traité, aura le droit d’adresser à la capitale de la Corée un Envoyé qui sera admis à conférer avec le Reisohansho sur des questions de nature diplomatique. Il pourra résider dans la capitale ou retourner dans son pays, sa mission une fois accomplie.

Le Gouvernement de Corée, de la même façon, aura le droit d’adresser un Envoyé à Tokio (Japon), qui sera admis à conférer avec le Ministre des Affaires Étrangères sur des questions de nature diplomatique. Il pourra résider à Tokio, ou retourner chez lui, sa mission une fois accomplie.

Article 3

Toutes les communications officielles adressées par le Gouvernement du Japon à celui de Corée seront rédigées en langue japonaise, et pendant une période de dix ans à partir d’aujourd’hui, elles seront accompagnées d’une traduction chinoise. Le gouvernement de Corée emploiera la langue chinoise.

Article 4

Sorio en Fousan (Corée), où se trouve un établissement officiel japonais, est un lieu originairement ouvert aux relations commerciales avec le Japon, et le commerce se fera désormais en ce lieu, conformément aux clauses de ce Traité, qui abolissent toutes les anciennes coutumes, telles que la pratique du Sai-ken-sen (jonque envoyée annuellement en Corée par le défunt prince de Tsushima, afin d’échanger une certaine quantité d’articles).

En plus de l’endroit susnommé, le Gouvernement de Corée consent à ouvrir deux ports, comme le mentionne l’article 5 du présent Traité pour les relations commerciales avec des Japonais.

Dans les lieux en question, les sujets Japonais seront libres de louer du terrain, d’y élever des constructions, de louer également des constructions appartenant à des sujets Coréens.

Article 5

Sur la côte des cinq provinces suivantes : Keikin, Chiusei, Jenra, Kensho et Kankio, on choisira deux ports appropriés à des fins commerciales, et ces ports seront ouverts au temps du vingtième mois après le second mois de la neuvième année de Meiji, ce qui, pour la date Coréenne, correspond à la première lune de l’année Hei-shi.

Article 6

Lorsque des bateaux japonais, pour cause de gros temps ou manque de ravitaillement en combustible et provisions, ne pourront pas atteindre l’un ou l’autre des ports ouverts de la Corée, ils pourront entrer dans n’importe quel port ou hâvre, pour s’y réfugier ou se ravitailler en bois, charbon, etc… ou pour être réparés ; le propriétaire du bateau paiera les dépenses occasionnées. En de pareils cas, les fonctionnaires et habitants de la localité prodigueront leur sympathie en rendant service, et témoigneront de leur libéralité en fournissant les matières nécessaires.

Si un bateau de l’un ou l’autre pays fait naufrage ou échoue sur les côtes japonaises et Coréennes, les habitants du voisinage feront tous leurs efforts pour sauver l’équipage, informeront du désastre les autorités locales, qui rapatrieront les naufragés ou les enverront au représentant de leur pays résidant au port le plus proche.

Article 7

Les côtes de Corée, étant jusqu’ici demeurées sans surveillance, sont très dangereuses pour les bateaux qui s’en approchent, et afin de préparer des cartes montrant la position des îles, des rochers, des récifs, la profondeur de l’eau, tous renseignements facilitant à tous les navigateurs les passage entre les deux pays, les marins japonais peuvent librement étudier lesdites côtes.

Article 8

Le Gouvernement du Japon nommera un agent qui résidera dans les ports ouverts de Corée, pour protéger les marchands ressortissants japonais, pourvu qu’un tel arrangement soit jugé nécessaire. S’il se présentait quelque question intéressant les deux nations, le dit agent confèrerait avec les autorités locales coréennes pour en décider.

Article 9

Des relations d’amitié ayant été établies entre les deux parties contractantes, leurs sujets respectifs peuvent librement entreprendre des affaires sans l’ingérence des agents d’aucun gouvernement, sans imitation ni prohibition commerciale.

En cas de fraude ou de refus d’un marchand de l’un des pays de payer une dette, les agents de l’un ou l’autre gouvernement feront de leur mieux pour inciter le délinquant à la justice et exiger le paiement de la dette.

Les Gouvernements Japonais et Coréen ne seront jamais tenus pour responsables pour le paiement de pareilles dettes.

Article 10

Si un Japonais résidant dans un port ouvert de Corée commet quelque délit contre un Coréen, il sera poursuivi par les autorités Japonaises. Si un sujet Coréen commet quelque délit contre un sujet Japonais il sera poursuivi par les autorités Coréennes. Les délinquants seront punis selon les lois de leurs pays respectifs. La justice sera équitablement et impartialement administrée des deux côtés.

Article 11

Des relations amicales ayant été établies entre les deux parties contractantes, il est nécessaire de prescrire des relations commerciales dans l’intérêt des marchands des pays respectifs.

Ces réglements commerciaux, ainsi que les clauses détaillées qui suivront les articles du présent traité, afin d’en développer le sens et d’en faciliter l’observance, seront posés dans la capitale de la Corée ou à Kokwa-Fou, dans le pays, au cours des six mois qui vont suivre, par des Commissaires spéciaux nommés par les deux pays.

Article 12

Les onzes articles précédents sont applicables à la date de la signature du Traité, et seront observés par les deux parties contractantes fidèlement et invariablement, ce qui assurera aux deux pays une amitié perpétuelle.

Le présent traité est exécuté en double, et des copies seront échangées entre les deux parties contractantes.

En foi de quoi, nous, Représentants plénipotentiaires du Japon et de la Corée, nous avons apposé nos sceaux ci-dessous, au 26e jour du second mois de la neuvième année du Meiji et la 2536e depuis l’avènement du Jimmou Tenno ; et, selon l’ère Coréenne, le 2 jour de la seconde lune de l’année Heishi, la 485e depuis la fondation de la Corée.

Le 24 août suivant, le Gouvernement coréen confiant en la parole et en la bonté du Japon lui accordait les deux ports de Fousan et Chusei en vertu de l’article 5 du Traité de Kang-Hoa.

Cependant le grand diplomate chinois Li-Hong-Tchang pressentait les intrigues que tramait le Japon en Corée. Il conseillait dès 1879 au Gouvernement coréen de prendre des précautions :

« Dans les conjectures actuelles, il convient, ne semble-t-il pas, de neutraliser l’action du venin par le venin et, s’il s’agit d’ennemis, de pouvoir les opposer les uns aux autres. Il importerait de profiter de toute occasion qui se présenterait de vous lier successivement par des traités avec tous les États occidentaux, vous vous servirez d’eux pour contenir le Japon ! »

La Chine, qui avait toujours été une sincère et excellente conseillère pour la Corée, lui dessillait les yeux et l’engageait à ouvrir son commerce aux relations occidentales, alors que le Japon recherchait l’exclusivisme.

Le Japon ne s’aventurait que prudemment toutefois, gagnant progressivement la confiance des coréens, intervenant astucieusement dans la politique et les affaires intérieures du pays. Il avait devant lui un obstacle formidable : la Chine. Il ne l’ignorait point du reste et il était politique pour le Japon d’attaquer la Chine par la Corée et au moyen de la Corée. Aussi, au moment des troubles anti-japonais qui se manifestèrent dans la population coréenne en 1882 et en 1884 ferma-t-il les yeux et gagna ainsi utilement du temps.

Il y avait à la tête du gouvernement coréen deux souverains très énergiques. Le Roi Yi-Hié et la Reine Minn avaient compris tous deux le danger japonais, ils écoutaient sagement les conseils de la Chine. Mais terriblement gênant pour le Japon, nous verrons plus loin comment il se débarrassa successivement de chacun d’eux.

Sous le gouvernement de ces deux Souverains, la Corée fit de nombreux et utiles traités avec les puissances étrangères.

Le premier en date est celui contracté avec les États-Unis d’Amérique en mai 1882 :

Extrait du Traité d’Amitié et de Commerce du 22 mai 1882.

Art. premier. — « Il y aura paix et amitié perpétuelle entre le Président des États-Unis et le Roi de Corée et entre les citoyens et les sujets de leurs gouvernements respectifs.

Si les autres puissances agissent injustement ou oppressivement envers l’un de ces deux Gouvernements, l’autre emploiera ses bons offices aussitôt informé, pour amener un arrangement amical, montrant ainsi leurs sentiments amicaux. »

(C’est en vertu de ce Traité que le vieil empereur Yi fera appel aux États-Unis, plus tard en 1905 et en 1907, contre l’agression japonaise).

Puis intervinrent successivement des Traités similaires avec la Grande-Bretagne le 26 novembre 1883, l’Allemagne le 26 novembre 1883, l’Italie le 26 juin 1884, la France le 4 juin 1886, l’Autriche-Hongrie le 23 juin 1892, la Chine le 11 septembre 1899, la Belgique le 23 mars 1901 et le Danemark le 15 juillet 1902.

Extrait du Traité d’Amitié, de Commerce et de Navigation 4 juin 1886, entre la France et la Corée

Art. premier. — Il y aura paix et amitié perpétuelle entre le Président de la République française d’une part et Sa Majesté le Roi de Corée, d’autre part, ainsi qu’entre les ressortissants des deux États, sans exception de personnes ni de lieux. Les Français et les Coréens jouiront, dans les territoires relevant respectivement des H.P.C. d’une pleine et entière protection pour leurs personnes et leurs propriétés.

S’il s’élevait des différends entre une des deux P.C. et une Puissance-tierce, l’autre P.C. pourrait être requise par la première de lui prêter ses bons offices, afin d’amener un arrangement amiable.


À la suite des troubles de 1884, et pour éviter toutes complications futures, la Chine signa une Convention avec le Japon (avril 1885) où les H.P.C. s’engageaient mutuellement à retirer en même temps leurs troupes de la Corée, mais le Japon conservait une garde de Légation, garde qui devait lui servir dans l’avenir à aider sa politique de coup de force et d’assassinat !

Dans tous ces traités et un grand nombre de Conventions, l’Indépendance et la Souveraineté de la Corée sont hautement proclamées et internationalement reconnues.


Il est assez difficile de séparer nettement les évènements nippo-coréens des évènements sino-japonais.

La politique continentale du Japon est une et les moyens employés par lui marchent de front dans le cours des circonstances. C’est en effet surtout sa politique chinoise qui guidera les agissements du Japon.

Dans une première période, qui va jusqu’en 1895, le Japon tâte le terrain. Il cherche à entraîner la Chine dans un conflit d’où il espère sortir vainqueur, ce qui lui permettrait d’évincer ce grand Empire pour un temps suffisant et lui faciliter ainsi la seconde partie de son programme, c’est-à-dire le rejet des occidentaux hors de l’Asie orientale.

Li-Hong-Tchang, comme nous l’avons constaté plus haut, voyait très bien où le Japon voulait en arriver. Il fit tous ses efforts pour éviter une rencontre des armées chinoises et japonaises et essaya de gagner du temps également de son côté pour réformer l’armée et la flotte de la Chine.

Le Japon ne lui en donne pas le temps ; le moment est propice pour les nippons en 1894, ils doivent détruire les forces chinoises avant qu’elles ne soient complètement réorganisées.

Le Japon intrigue donc fortement au Palais de Séoul ; malgré les réticences de la Reine Minn, il parvint à soulever une révolte dans ce Palais afin de faire sortir la Chine de la neutralité et, avant même de lui déclarer la guerre, car il veut frapper vite, il inaugure « l’attaque brusquée » sur le transport chinois Kao-Shen qui amenait des troupes au secours de la Reine de Corée. (Le Japon devait du reste renouveler cet exploit, plus tard, en 1905, contre les croiseurs russes Variag et Korietz).

Dès le 14 juillet 1894, pour faciliter le mouvement de ses troupes contre la Chine, le Japon signait avec le Gouvernement coréen la Convention suivante :

1o L’Indépendance de la Corée est déclarée confirmée et établie, et que pour cette raison les troupes chinoises devront quitter le pays.

2o Durant le temps de guerre du Japon contre la Chine, la Corée facilitera les mouvements des troupes japonaises et aidera dans la mesure du possible à la fourniture des vivres pour l’armée du Japon.

3o Cette convention prendra fin à la conclusion de la Paix avec la Chine.

Convention qu’il viola, après la guerre victorieuse contre la Chine, en maintenant ses troupes en Corée.

La guerre fut en effet malheureuse pour la Chine. Le Japon vainqueur lui imposa le Traité dit de Shimonoseki du 17 avril 1895 et par lequel il oblige la Chine à reconnaître l’entière et complète indépendance de la Corée :

Les plénipotentiaires chinois et japonais qui se sont réunis à Shimonoseki pour discuter les conditions de la paix entre les deux pays se sont occupés de la question de l’Indépendance de la Corée. Les Japonais ont fait le 1er avril, la proposition suivante :

« La Chine reconnaît définitivement la pleine et complète indépendance et autonomie de la Corée, et en conséquence, le paiement du tribut, la présentation et l’accomplissement des formalités et hommages de la Corée à fa Chine qui étaient une dérogation à son indépendance et autonomie, devront complètement cesser dans l’avenir. »

En réponse Li-Hong-Tchang a écrit :

« Le Gouvernement Chinois a déclaré volontairement, il y a déjà deux mois, reconnaître la pleine et entière indépendance de la Corée et garantir sa neutralité, et il est prêt à insérer une telle stipulation dans le traité ; mais, à titre de légitime réciprocité, le Japon doit prendre le même engagement.

L’article en question doit, par conséquent, être modifié dans ce sens ».

Le 6 avril, les Japonais ont demandé au plénipotentiaire chinois, de proposer la formule de la clause. Ceci a été fait le 9 avril en termes suivants :

« La Chine et le Japon reconnaissent la pleine et entière indépendance et autonomie et garantissent la complète neutralité de la Corée. Il est convenu que toute immixion de l’une ou de l’autre partie contractante dans les affaires intérieures de la Corée, contraire à son autonomie, et l’accomplissement des formalités ou présentation des hommages incompatibles avec son indépendance devront complètement cesser dans l’avenir. »

Le Japon a répondu le 10 avril :

« Les plénipotentiaires Japonais trouvent nécessaire de maintenir le texte primitif de l’article comme il a été présenté au plénipotentiaire chinois. »

La clause définitive reproduit ce texte primitif proposé par le Japon.

Les heures sont favorables au Japon. Pour mieux réussir, il lui faut cependant se débarrasser de la Reine Minn. À la suite des intrigues conduites par son Ministre à Séoul, Mioura-Goro, aidé de son Premier secrétaire Foukoshi-Sougimoura, le Gouvernement nippon fait cerner le Palais Royal, surprendre odieusement par sa soldatesque la Reine qui, outragée, ligotée, est ensuite brûlée vive !

Il gardera à vue, à l’aide de ses troupes, le Roi Yi prisonnier dans son Palais jusqu’au commencement de l’année suivante où, en février 1896, le Roi peut enfin s’évader et demander asile à la Légation de Russie.

Après de longues négociations entamées entre le Gouvernement russe et celui du Mikado, un Protocole final (14 mai et 9 juin 1896) reconnaît la Corée comme un État indépendant, avec le droit de posséder une armée et une police nationales. Le Japon s’engageait à ne maintenir qu’une Garde de Légation et le Roi Yi-Hié put regagner en sécurité son Palais.


Nous arrivons ainsi à la seconde période de la politique continentale du Japon, qui va de 1895 à 1905, c’est-à-dire de la guerre sino-japonaise à la guerre russo-japonaise.

Pendant ces dix années qui vont suivre, tout l’effort du Japon se concentrera contre le colosse russe qui le gêne fortement dans ses desseins de conquête continentale. Son nouveau plan d’action va être de rejeter à tout prix la Russie hors de l’Extrême-Asie.

Pour arriver à ses fins, le Gouvernement de Tokyo emploie les mêmes moyens (il ne les change jamais du reste). D’abord, se concilier les gens pour les éprouver et, lorsqu’il sent les circonstances favorables et qu’il voit la possibilité de brusquer les choses par la force, sans courir lui-même de gros dangers, rien ne l’arrête plus !

Le 9 juin 1896, il conclut une Convention financière avec la Russie afin de venir en aide, soi-disant, à la situation précaire de la Corée, mais en réalité pour mieux sonder les moyens de la Russie.

Deux ans plus tard, le 25 avril 1898, il traite encore avec la Russie pour lui faire reconnaître une fois de plus l’Indépendance de la Corée et surtout pour l’écarter tout simplement des affaires intérieures de ce pays qui doit rester le champ d’action réservé au Japon.

Art. 1. — La Russie et le Japon reconnaissant définitivement la souveraineté et l’entière indépendance de la Corée, s’engagent à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de ce pays.

Il ne faut pas oublier qu’à cette même époque, jusque vers 1902 et 1903, la tension politique entre la Grande-Bretagne et la Russie était grande et des plus inquiétantes en Europe. La Russie cherchait une sortie Extrême-Orient. Elle possédait bien Wladivostock, mais bloqué par les glaces en hiver, il lui fallait un débouché plus au sud dans les mers de Chine. D’autre part, le Japon par le Traité de Shimonoseki n’avait pu obtenir le port militaire de Port-Arthur, clé stratégique pour lui sur le golfe du Petchili et dominant le reste de la côte chinoise, à la suite de l’intervention de la France, de la Russie et de l’Allemagne ; il avait donc voué une haine, qu’il ne masqua du reste pas si on en consulte la presse japonaise de cette époque, contre ces trois pays. En 1898, à l’époque dite de « la curée » sur la Chine, la Russie obtenait de la Chine la cession à bail de ce même Port-Arthur : la haine du Japon redoubla. À cela vînrent encore s’ajouter les évènements de Mandchourie, du Transsibérien, etc… qui mettaient un obstacle dangereux aux visées du Japon sur ces régions.

Le Japon a besoin d’un soutien moral et surtout financier la tension anglo-russe va le servir et, très finement il obtient l’appui de l’Angleterre qui, de son côté, a également besoin de cet appui réciproque pour contre-carrer la marche du russe. D’où, jaillit le premier Traité d’Alliance anglo-japonaise le 30 janvier 1902, traité qui soutiendra financièrement le Japon, qui sera pour lui le point de départ de sa réelle fortune et le classera bientôt au rang des Grandes Puissances !

Dans ce traité, le Japon, fidèle à sa tactique, n’oubliera pas de proclamer encore et de garantir la liberté et l’indépendance de la Corée :

Les H. P. C. ayant mutuellement reconnu l’indépendance de la Chine et de la Corée, déclarent n’avoir aucune idée d’agression contre ces pays. Ayant, cependant leurs intérêts spéciaux, ceux de la Grande-Bretagne principalement en Chine, tandis que ceux du Japon, au même degré politique et commercial, sont en Corée ; les H. P. C. reconnaissent qu’il sera admissible pour chacune d’elles de prendre telles mesures reconnues indispensables afin de sauvegarder ces intérêts mis en péril soit par une action agressive de la part d’une puissance-tierce ou par des troubles survenant en Chine ou en Corée, et nécessitant l’intervention de l’une quelconque des H. P. C. pour la protection de la vie et des biens de leurs sujets.

Les évènements vont se précipiter pour le Japon. Il n’attend du reste que le moment opportun pour agir car il est absolument prêt : La Reine Minn assassinée, disparue ; le Roi Yi Hié, qu’il a engagé à se faire nommer Empereur de Corée afin d’être l’égal du Mikado ! est mis alternativement en frayeur ou en confiance selon les besoins. Son alliance avec l’Angleterre bien en main, c’est-à-dire assuré moralement et financièrement pour son entreprise. Il se lance donc sur l’ours russe contre lequel il a concentré toutes ses forces depuis dix années.

Il renouvelle une convention avec la Corée, identique à celle de 1894 lorsqu’il était en guerre contre la Chine, qui revêt cette fois un caractère d’alliance :

Convention du 23 février 1904.

1o Dans le but de maintenir une amitié solide et permanente entre le Japon et la Corée et, afin d’établir une paix durable en Extrême-Orient, le Gouvernement impérial de la Corée fera toute confiance au gouvernement impérial du Japon et adoptera les avis et conseils de ce dernier dans le but de consolider l’administration de Corée.

2o Le Gouvernement impérial du Japon dans un esprit de solide et bonne amitié assurera la sécurité et le repos de la Maison impériale de Corée.

3o Le Gouvernement impérial du Japon garantit définitivement et entièrement l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Empire coréen.

4o Au cas où la sûreté de la Maison impériale de Corée, ou l’intégrité du territoire de la Corée seraient en danger par l’agression d’une puissance-tierce ou par des troubles intérieurs, le gouvernement impérial du Japon prendra immédiatement telles mesures nécessaires requises par les circonstances, et dans ce cas le Gouvernement impérial de Corée donnera toute facilité afin d’aider à l’action du Gouvernement impérial japonais.

Le Gouvernement impérial du Japon pourra, pour atteindre aux buts sus-mentionnés et quand les circonstances l’exigeront, occuper toutes places utiles et nécessaires dans un but stratégique.

5o Les Gouvernements des deux pays ne pourront à l’avenir, sang leur mutuel consentement, conclure avec une puissance-tierce tel engagement qui pourrait être contraire aux principes du présent protocole.

Pendant toute sa campagne contre la Russie, le Japon ne perd pas une minute de vue son activité politique en Corée.

Devant la force et le succès des armées nipponnes, l’Empereur Yi est bien obligé, malgré de véhémentes protestations, d’approuver les Conventions des 22 août 1904 et 1er avril 1905 qui lui imposent, l’une, des conseillers japonais (nous retrouverons cette façon d’agir, contre la Chine en 1915), et l’autre, le contrôle du Japon sur toute l’organisation des communications, postes, télégraphes et téléphones.

Convention du 22 août 1904.

1o Le Gouvernement coréen engagera auprès de lui un Conseiller financier japonais recommandé par le Gouvernement du Japon, et toutes questions financières ne pourront être traitées qu’après avoir pris avis dudit Conseiller.

2o Le Gouvernement coréen engagera auprès du Ministère des affaires étrangères un Conseiller diplomatique étranger recommandé par le Gouvernement japonais, et toute décision importante se rapportant aux relations extérieures ne pourra être prise qu’après avis dudit Conseiller.

3o Le Gouvernement coréen consultera auparavant le Gouvernement japonais pour la conclusion des Traités ou de Conventions avec les puissances étrangères, ou toutes autres importantes questions diplomatiques, telles que concessions ou contrats avec les étrangers.

Convention du 1er avril 1905.

1o Le Gouvernement de la Corée donne et transfert le contrôle et l’administration des Postes, Télégraphes et Téléphones de Corée (excepté le service téléphonique appartenant exclusivement au département de la Maison impériale) au Gouvernement impérial du Japon ;

2o Les terrains, constructions, matériaux, machines et tous autres outillages appartenant à l’organisation des communications déjà établies par le G. I. de la Corée seront remis au contrôle du G. I. du Japon ;

3o Lorsque le G. I. japonais jugera utile d’étendre le système des communications de la Corée, il pourra s’approprier les terrains et les constructions appartenant à l’État ou aux personnes privées ; le premier sans compensation et les derniers recevant une indemnité, etc…

7o En respect des engagements antérieurs intervenus entre le Gouvernement Coréen et les Gouvernements des puissances étrangères, le gouvernement japonais, au nom de la Corée, exercera les droits et obligations se referant à ces conventions. Toute convention ultérieure concernant les communications sera conclue par et sous la responsabilité du Gouvernement du Japon au nom de la Corée.

8o Les divers Conventions ou Traités concernant les communications existant jusqu’à ce jour entre les gouvernements du Japon et de la Corée sont annulés ou modifiés par le présent agrément.

Le Traité de Portsmouth d’août 1905 ne fut pas une victoire complète pour le Mikado, attendu qu’il n’obtenait aucune indemnité, ni les annexions qu’il demandait au détriment de la Chine. Mais par contre, malgré la déclaration formelle de ses buts de guerre, malgré les traités antérieurs engageant l’honneur de sa signature, il obtenait une main-mise quasi définitive sur la Corée, qui allait cette fois faire officiellement les frais du Japon :

La Russie vaincue fut obligée de reconnaître « Que le Japon possède en Corée des intérêts militaires, politiques et économiques primordiaux ». La Russie dut également s’engager « à ne pas intervenir dans les mesures de Conduite, de Protection ou de Contrôle que le Gouvernement Impérial du Japon pourrait prendre en Corée. »


Depuis 1905, de fait, le Japon avait un haut contrôle sur presque toute l’administration coréenne. Il obtenait en effet, en plus des Conventions mentionnées plus haut, la libre pratique pour ses navires dans les eaux coréennes (agrément du 13 août 1905), comme il extorquera un peu plus tard, le 17 novembre 1905, le Protectorat de la Corée.

Depuis 1905, changement de tactique : il n’est plus jamais question de l’Indépendance ou de l’entière Souveraineté de la Corée.

« Trois semaines plus tard, c’est-à-dire le 27 septembre 1905 (après le Traité de Portsmouth) le second traité d’Alliance entre le Japon et la Grande-Bretagne était publié. L’Indépendance de la Corée qui était expressément reconnue dans le premier traité d’alliance de 1902 est omise d’une façon très significative dans le renouvellement de cette alliance. »

« Cette sinistre omission fut rapidement suivie, bien on pense, par la conclusion du Traité de Protectorat ! »

Alliance Anglo-Japonaise du 27 septembre 1905.

a) La consolidation et le maintien de la paix générale en Asie orientale et aux Indes.

b) Indépendance et intégrité de la Chine et principe de la porte ouverte en Chine.

c) Maintien des droits des H. P. C. en Extrême-Asie et aux Indes.

Art. III. — Le Japon possédant des intérêts primordiaux politiques, militaires, économiques en Corée, la Grande-Bretagne reconnaît le droit au Japon de prendre telles mesures de Conduite, de Contrôle et de Protection en Corée qu’il jugera utiles et nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts, sans toutefois que de telles mesures ne soient contraires aux principes de l’opportunité égale pour le commerce et l’industrie de toutes les nations !

L’empereur Yi-Hié protesta énergiquement, de tout son pouvoir, contre cette main-mise déguisée sur sa patrie :

Protestation de l’Empereur de Corée contre l’oppression japonaise octobre 1905, adressée aux États-Unis

Depuis 1882, les États-Unis et la Corée ont été en relation de Traité d’Amitié. La Corée a reçu de nombreuses preuves du bon vouloir et de la sympathie du Gouvernement américain et de son peuple. Les représentants de l’Amérique se sont toujours montrés favorables à la prospérité et au progrès de la Corée. Nombreux sont les professeurs envoyés des États-Unis qui ont contribué au relèvement de notre peuple.

Si nous n’avons pu accomplir tous les progrès que nous espérions, ceci est dû en partie aux embûches et aux machinations politiques de la part de certaine puissance étrangère (le Japon) et en partie à nos propres erreurs. Au début de la guerre russo-japonaise, le gouvernement japonais nous demanda d’entrer en alliance avec lui, lui permettant l’usage de notre territoire, de nos ports et de toute autre ressource, afin de faciliter ses opérations navales et militaires. Le Japon de son côté s’engageait à garantir l’indépendance de la Corée et le bien-être et la dignité de la Maison Royale Nous accomplîmes les demandes du Japon, nous remplîmes loyalement nos obligations et nous exécutâmes tout ce à quoi nous nous étions engagés. Par ces faits, nous nous mîmes dans une telle position que si la Russie avait été victorieuse elle aurait pu s’emparer de la Corée et l’annexer du fait que nous étions les alliés actifs du Japon !

Il est de toute évidence à présent que le japon se propose d’abroger ses propres engagements du Traité et de déclarer bientôt son Protectorat sur notre pays, en contravention directe avec ses promesses jurées dans le traité de 1904. Les raisons sont multiples pour que cela ne soit pas accompli.

En premier lieu, le Japon se déshonorera en brisant ainsi son serment ; il fera injure à son prestige de puissance qui se fait un point d’honneur de contribuer au progrès des lois.

En second lieu, l’attitude du Japon en Corée, depuis ces deux dernières années, ne promet pas à notre peuple qu’il sera conduit d’une manière généreuse. Aucun recours ne nous est offert contre les méfaits dont notre peuple a souffert ! La situation financière de notre pays a été gravement compromise par le Japon. Rien n’a été fait en vue du progrès de notre éducation et de la justice ! Toutes les actions du Japon chez nous n’ont été que des actes d’égoïsme !

La destruction de l’indépendance de la Corée fera beaucoup de mal à notre pays, car elle intensifiera les mauvais traitements des Japonais sur notre peuple coréen et rendra leurs actes de plus en plus oppressifs.

Nous reconnaissons que de nombreuses réformes sont urgentes en Corée. Nous serions heureux d’avoir l’aide amicale et les conseils des Japonais et nous sommes prêts à appliquer loyalement leurs suggestions. Nous reconnaissons les erreurs du passé. Nous ne plaidons pas pour nous personnellement, mais pour notre cher peuple coréen !

Au début de la guerre, notre peuple reçut les Japonais avec bienveillance, car ils semblaient venir nous aider aux réformes pour améliorer notre situation générale ; mais bientôt nous nous aperçûmes avec une triste amertume de notre déception !

Un danger des plus graves qui suivrait le protectorat du Japon serait la perte totale pour notre peuple du goût au progrès. Plus aucun espoir ne lui resterait de recouvrer la liberté ! Il faut à notre peuple, comme à tous les autres, l’espoir d’un sentiment national pour les encourager au progrès et à la persévérance. Mais l’extinction de la nationalité le conduira au désespoir et au lieu de travailler avec joie et loyauté en collaboration avec le Japon, l’odieux état de chose du passé s’accentuera encore plus et il n’en résultera que suspicion et animosité.

On a dit que les sentiments n’avaient rien à faire dans de telles affaires. Mais nous croyons, au contraire, que le sentiment est la force vitale dans toutes les questions de l’humanité, et que la bonté, la sympathie et la générosité sont encore les facteurs actifs dans les relations entre nations aussi bien que dans celles des individus.

Nous vous prions d’apporter dans cette question le même étai d’esprit et le même calme de jugement qui ont toujours caractérisé vos actes jusqu’à ce jour, et ayant consciemment pesé les choses, de nous apporter l’aide que vous pourrez en ces circonstances de danger national pour nous !

(Sceau privé de l’Empereur)

Le Gouvernement du Japon furieux de cet appel au Monde civilisé débarqua des troupes, fit cerner le Palais de Séoul (une fois de plus) et, sous la menace des fusils et des mitrailleuses, ordonna aux ministres coréens de se réunir en conseil afin de les obliger à signer séance tenante une Convention de Protectorat. Le drame dura toute la nuit. Les Japonais parvinrent, au milieu du sang, à extorquer ce Traité que l’Empereur Yi ne signa pas, et contre lequel il protesta toute sa vie ! Jusqu’à sa mort, en janvier 1919, et après son abdication en 1907, le vieil Empereur Yi-Hié ne cessa de demander justice contre cet outrage à la liberté d’un peuple. Il mourut de chagrin et d’épuisement ; mais jusqu’à son dernier souffle il ne perdit jamais l’espoir, une seconde, de voir sa patrie et son cher peuple recouvrer la liberté ! Son dernier acte fut encore de rassembler les quelques bijoux qui lui restaient, de les vendre et d’en remettre l’argent pour les frais de la Mission Coréenne qui devait venir en Europe, à Paris, auprès de la Conférence de la Paix pour y chercher sa liberté ! À ce moment extrême, et pour hâter sa fin, les Japonais marquèrent une dernière fois de leur sceau d’infâmie, cette fin héroïque et tragique : l’empereur mourait empoisonné ?

C’est de cette date suprême (1919) que la révolte du peuple coréen se déclencha sous le coup de cette ultime injure !

Traité dit de Protectorat (extorqué) du 17 novembre 1905.

1o Le Gouvernement du Japon par l’intermédiaire du Ministre des affaires étrangères de Tokyo, aura désormais le contrôle et la direction des relations extérieures et des affaires de la Corée, et les représentants diplomatiques et consulaires du Japon seront chargés des intérêts des sujets coréens en pays étrangers.

2o Le Gouvernement du Japon se charge de veiller à l’exécution des traités actuellement en vigueur entre la Corée et les puissances, et le gouvernement de la Corée s’engage à ne conclure dans l’avenir aucun acte ayant un caractère international que par l’intermédiaire du Gouvernement du Japon.

3o Le Gouvernement du Japon sera représenté à la Cour de S. M. l’Empereur de Corée par un Résident-Général, qui séjournera à Séoul et qui assumera la direction des Affaires diplomatiques. Il aura le droit aux audiences privées et personnelles de S M. l’Empereur de Corée. Le gouvernement japonais aura également le droit de placer des résidents dans les divers ports ouverts au commerce extérieur et dans les autres endroits de la Corée où il le jugera nécessaire. Ces résidents, sous la direction du Résident-Général, exerceront les pouvoirs et les fonctions appartenant jusqu’ici aux consuls japonais en Corée, ils accompliront leur mission autant que nécessaire sera, afin d’exécuter les clauses de ce présent accord.

4o Les stipulations de tous les traités ou accords existants entre le Japon et la Corée, tant qu’elles ne seront pas contraire à l’esprit du présent accord, continueront à avoir force d’exécution.

5o Le Gouvernement du Japon assurera le maintien du bien-être et la dignité de la Maison impériale de Corée.

Déclaration du Japon du 22 novembre 1905.

Les relations de voisinage ont mis le Japon dans l’obligation de prendre et d’exercer, pour des raisons intimement liées à sa propre Sauvegarde et pour sa sécurité, une influence prédominante dans les affaires politiques et militaires de la Corée. Les mesures prises jusqu’à ce jour ont été simplement de bon conseil, mais l’expérience de ces dernières années ont démontré l’insuffisance de ces simples mesures conseillères. L’attitude hostile et imprévoyante de la Corée, plus particulièrement dans le domaine de ses relations extérieures a été dans le passé la source essentielle de toutes les complications. Maintenir l’état actuel si pernicieux des choses serait désirer voir se produire de nouvelles difficultés, et le Japon croit qu’il est de son devoir, pour lui-même et pour son grand désir de la pacification générale de l’Extrême-Orient, de prendre des précautions nécessaires afin de mettre un terme une fois pour toute à cette dangereuse situation. En accord avec ces vues et en même temps pour sauvegarder sa propre sécurité et pour augmenter le bien-être du Gouvernement et du peuple de la Corée, le gouvernement impérial du Japon a résolu d’assurer plus étroitement qu’auparavant une influence direct et une responsabilité dans les relations extérieures de la péninsule (la Corée). Le Gouvernement de Corée est d’accord avec le Gouvernement du Japon sur la nécessité absolue de cette mesure et les deux gouvernements, afin de faciliter d’une façon pacifique et amicale l’organisation de ce nouvel état de chose, ont conclu le pacte ci-adjoint. En portant ce traité à la connaissance des Puissances ayant contracté des traités avec la Corée, le gouvernement du Japon déclare qu’en assumant la charge des relations étrangères de la Corée, et en prenant la responsabilité de l’exécution desdits traités de ce pays, il veillera à ce que ces traités soient maintenus et respectés, il s’engage en outre à ne porter préjudice en aucune façon aux intérêts légitimes commerciaux et industriels que possèdent les puissances en Corée !

L’accord était tellement étroit, au dire du Japon, que le 25 novembre, c’est-à-dire trois jours après, l’empereur Yi envoyait le cablogramme suivant au Gouvernement de Washington :

Je déclare que le soi-disant traité de Protectorat récemment intervenu entre la Corée et le Japon fut extorqué à la pointe du sabre et sous la menace, et par conséquent est nul et non avenu.

Je n’y ai jamais consenti et n’y consentirai jamais !

L’année suivante, le 22 juin 1906, il fait un appel collectif à la Grande-Bretagne, Belgique, Italie, Chine, Allemagne et Autriche-Hongrie ainsi qu’au Tribunal de la Haye :

APPEL

Durant de nombreuses années, le gouvernement de la Corée a été en relation par traite d’amitié avec le Gouvernement de… et a reçu en maintes occasions des marques évidentes de bonne volonté de la part de ce gouvernement.

Dans nos difficultés présentes, nous sommes sûrs que tout peuple désireux de voir la justice s’exécuter sympathisera avec nous afin de bien démontrer l’injustice que nous venons de subir. Nous déclarons que le soi-disant traité du 17 novembre 1905 est un acte frauduleux attendu que : 1o Les signatures de certains membres de notre cabinet ont été obtenues par intimidation et sous la menace de mort ; 2o Nous n’autorisâmes jamais le Cabinet de signer ce document et que, 3o le Conseil de Cabinet où il fut signé était illégal, n’ayant pas été convoqué par notre personne ni par celle du premier ministre, mais bien par les Japonais eux-mêmes !

Nous dénonçons ce traité comme inexistant en droit, et nous déclarons que sous aucune circonstance, nous ne consentirons jamais volontairement à la ratification d’un tel document qui porte atteinte à l’indépendance de l’Empire de Corée !

De plus, vu la manière violente avec laquelle le soi-disant traité du 17 novembre 1905 a été obtenu. Nous croyons utile et nécessaire de vous déclarer que si par la suite une puissance quelconque se réclame de notre consentement à un tel document cette déclaration sera fausse, c’est-à-dire non fondée ou basée sur des actes obtenus de nous par la force des armes ou sous le coup de violences sur nos personnes !

Attendu que nous sommes actuellement en droit une Nation et un État indépendants, nous vous prions d’affermir votre droit en établissant une Légation à Séoul, ou en prévision de cet établissement, de nous aider à porter notre cause devant le Tribunal de La Haye afin que notre réclamation juste et légale de notre Indépendance soit pleinement établie, etc…

Entre temps, l’Empereur de Corée avait envoyé à Washington le Professeur Hulbert. Il fut envoyé une seconde fois, en 1907, au Tribunal de La Haye pour y soutenir la cause coréenne. Mais le Japon tenu au courant des moindres gestes des coréens, force l’Empereur Yi, alors sans soutien et isolé au milieu des traîtres à la solde du Japon, pour faire échouer la revendication, à abdiquer en faveur de son fils le 19 juillet 1907, prince malheureusement arriéré et idiot dont les Japonais se serviront comme d’un pantin !

Le couronnement de ce triste prince, moralement et physiquement irresponsable, fut une rapide et vaste comédie organisée par les Japonais. Le vieil Empereur ainsi que son fidèle ami, M. de Plançon, Consul général de Russie à Séoul, furent tenus à l’écart de cette burlesque cérémonie, où l’on craignait que leur présence ne ranimât de sentiment de dignité des Coréens de la Cour devant la réalité des évènements.

Le 30 juillet 1907, quelques jours à peine après l’abdication forcée de l’Empereur Yi, le général japonais Hasegawa prononçait la dissolution de l’armée coréenne et prenait le commandement en chef des troupes japonaises d’occupation. Vingt-quatre heures furent données pour désarmer et renvoyer les hommes des troupes coréennes. Quelques troupes résistèrent, mais elles furent rapidement réduites au silence à coups de canons et de mitrailleuses.

Il fut désormais interdit à tout coréen de posséder des armes quelconques même ses couteaux de cuisine !


Plus aucun obstacle ne gêne le Japon. Il fera signer toutes les conventions qu’il désire à ce nouvel et triste empereur, véritable jouet dans les mains nippones. (Signalons à titre documentaire la convention du 12 juillet 1909 qui donne au Japon l’entière administration de la justice et des prisons).

Pourquoi se gênerait-il ? Il ne lui reste plus qu’à incorporer d’une façon définitive la Corée ! Il extorquera donc une dernière fois, toujours sous la menace des fusils et des mitrailleuses, les mains ligotées, le revolver et le poignard sur la gorge, le dernier traité d’Annexion de la Corée du 22 août 1910. Faisant disparaître ainsi pour toujours, croit-il, la Nation et la Civilisation coréennes. Il efface à jamais, croit-il encore, le nom de la Corée de la carte du monde. Mais il laisse « Chosen », il oublie que de Chosen renaîtra la Corée !

Traité d’annexion de la Corée du 22 Août 1910

S. M. l’Empereur du Japon et S. M. l’Empereur de Corée, en vue des relations spéciales et étroites entre leurs pays respectifs, désirant augmenter le bien-être commun des deux nations et assurer la paix permanente en Extrême-Orient et étant convaincus que ces buts pourront être le mieux atteints par l’annexion de la Corée à l’Empire du Japon ont résolu de conclure un traité de cette annexion et ont nommé à cet effet pour leurs plénipotentiaires, savoir :

S. M. l’Empereur du Japon,

Le Vicomte Masakata Teraoutchi, son résident général,

Et Ye-Wan-Yong, son Ministre président d’État.

Lesquels, par suite des conférences et délibérations mutuelles, sont convenus des articles suivants :

Art. premier. — S. M. l’Empereur de Corée fait la cession complète et permanente à S. M. l’Empereur du Japon de tous les droits de la souveraineté sur la totalité de la Corée.

Art. 2. — S. M. l’Empereur du Japon accepte la cession mentionnée dans l’article précédent et consent à l’annexion complète de la Corée à l’Empire du Japon.

Art. 3. — S. M. l’Empereur du Japon accordera à L. L. M M. l’Empereur et l’ex-Empereur et à Son Altesse le Prince Héritier de Corée et à leurs Épouses et Héritiers, des titres, dignités et honneurs qui sont appropriés à leurs rangs respectifs, et des dons annuels seront faits pour maintenir ces titres, dignités et honneurs.

Art. 4. — S. M. l’Empereur du Japon accordera aussi des honneurs et traitements appropriés aux membres de la Maison impériale de Corée et à leurs héritiers autres que ceux mentionnés dans l’article précédent ; et des fonds nécessaires, pour maintenir ces honneurs et traitements leur seront octroyés.

Art. 5. — S. M. l’Empereur du Japon confèrera la pairie et des dons pécuniaires à ceux des Coréens qui, à cause des services méritoires, sont considérés dignes de ces reconnaissances spéciales.

Art. 6. — Par suite de l’annexion ci-dessus mentionnée, le Gouvernement du Japon prend le gouvernement et l’administration de la Corée et s’engage à accorder l’entière protection aux personnes et propriétés des Coréens qui obéissent aux lois en vigueur en Corée et à accroître le bien-être de tous ces Coréens.

Art. 7. — Le Gouvernement du Japon, autant que les circonstances le permettent, emploiera dans les services publics du Japon, en Corée, ceux des Coréens qui acceptent le nouveau régime loyalement et de bonne foi et qui y sont dûment qualifiés.

Art. 8. — Le présent traité, ayant été approuvé par S. M. l’Empereur du Japon et par S. M. l’Empereur de Corée, produira son effet à partir du jour de sa Promulgation.

En foi de quoi, etc…

Proclamation Impériale du Japon de l’annexion (29 août 1910)

Nous attachons la plus grande importance au maintien de la paix permanente en Extrême-Orient et à la consolidation d’une sécurité durable de notre empire, ayant toujours rencontré en Corée des sources de complications, notre gouvernement a été obligé de conclure en 1905 un traité avec le Gouvernement coréen par lequel la Corée se trouvait placée sous le protectorat du Japon avec l’espoir que tous les éléments de perturbation seraient ainsi écartés et que la paix serait assurée pour toujours.

Durant ces quatre dernières années, notre gouvernement s’est efforcé, sans aucune arrière pensée, de réformer l’administration de la Corée, et ses efforts ont été, à un certain degré couronnés de succès. Mais en même temps le régime de gouvernement existant dans ce pays s’est montré incapable de préserver la paix et la stabilité, en même temps que régnait un esprit de suspicion dans toute la péninsule. Afin de maintenir l’ordre public et la sécurité et de faire progresser le bonheur et le bien-être de ce peuple, il est devenu manifestement inévitable de faire des changements profonds dans l’organisation présente du gouvernement coréen.

Nous, d’accord avec S. M. l’Empereur de Corée, ayant en vue ces diverses aspirations et étant également persuadés de la nécessité de l’annexion totale de la Corée à l’Empire du Japon, afin de répondre aux nécessités de la situation actuelle, sommes parvenus à une entente pour cette annexion permanente.

S. M. l’Empereur de Corée et les membres de la Maison impériale seront, malgré cette annexion, traités avec tous égards. Tous les sujets coréens, sous notre domination directe, jouiront d’une prospérité et d’un bonheur sans cesse grandissants. Et avec une paix et une sécurité assurées le pays deviendra rapidement un marché industriel et commercial prospère. Nous avons toute confiance qu’avec ce nouvel état de chose, une paix durable en Extrême-Orient sera entièrement garantie.

Nous ordonnons la création d’un gouverneur-général de la Corée. Le G. G., sous notre haute direction, exercera le commandement en chef de l’armée et de la marine, et assumera le contrôle général sur toute l’administration de la Corée.

Nous appelons l’attention de tous nos fonctionnaires et de toutes les autorités à remplir leur devoir en conformité avec notre désir, et de diriger les diverses parties de l’administration en harmonie avec les circonstances afin que nos sujets puissent jouir d’une longue et bienfaisante paix !

Notification de l’annexion de la Corée aux Puissances (29 août 1910)

En vertu de l’acte important qui entrera en vigueur à sa promulgation le 29 août 1910. Le G. I. du Japon, prendra entièrement en main, le gouvernement et l’administration de la Corée, il déclare en outre que toutes les questions relatives aux étrangers et au commerce étranger en Corée seront dorénavant soumises aux réglements suivants :

1o Les traités conclus jusqu’à ce jour par la Corée avec les puissances étrangères cesseront d’être opérant. Les traités du Japon, autant qu’ils pourront être exécuté, seront appliqués à la Corée.

2o Indépendamment de toutes les Conventions préexistantes, le G. I. du Japon, durant une période de 10 années, prélèvera les mêmes droits de douane sur l’importation ou l’exportation et les mêmes droits de tonnage en conformité des tarifs actuellement en vigueur.

3o Ces mêmes réglements seront applicables au pavillon japonais. Le G. I. du Japon permettra aussi, pour une période de 10 ans, aux navires des puissances étrangères en traité avec le Japon de se livrer au bornage entre les ports de la Corée ou au cabotage entre le Japon et la côte de Corée.

Pour mémoire :

Protocole avec les Puissances, du 21 avril 1913.

Déclare l’entente faite entre le Directeur du Bureau des Affaires Extérieures du Gouvernement Général de Chosen (la Corée) et les Consuls représentants les puissances ayant des Traités avec le Japon au sujet de l’abolition du Système des Concessions étrangères de Chosen (Corée).

Art. 1. Les concessions (settlements) étrangères de Chosen (Corée) c’est-à-dire : Chemoulpo, Chinnampo, Kousan, Mokpo, Masampo et Songehin seront incorporées et confondues avec les organisations administratives communales de ces divers districts, auxquelles elles appartiennent.

Etc…, etc.

C’est la disparition des ports ouverts au commerce étranger !

De 1905, à la grande guerre de 1914, la politique continentale japonaise entre dans sa troisième phase.

Durant toute cette période le but du Japon, ayant annexé définitivement la Corée, sera d’évincer autant que possible, non plus cette fois les Chinois ou les Russes, mais bien les occidentaux de l’Extrême-Asie. Il y employera deux moyens : 1o la destruction de la Corée par l’annexion et la japonisation afin de créer un continent réellement japonais ; 2o en paralysant les occidentaux au moyen de traités contractés sur un pied d’égalité avec les puissances, proclamant les principes de « la porte ouverte en Chine », de l’« intégrité du territoire chinois », de « l’opportunité égale ». etc…, etc. ce qui lui permet d’agir librement pour son compte tout en écartant les étrangers de l’action. Il ne tardera pas du reste à transgresser ces principes et il foulera bientôt au pied toutes ces stipulations : voire les « 21 demandes » de 1915 à la Chine et « l’Affaire du Chang-Tong » à la Conférence de la Paix.

Le Japon s’affermit de plus en plus sur le continent. Les circonstances le servent à souhait avec la guerre de 1914. Il en profitera largement. Peut-être a-t-il été le seul à en profiter réellement ?

Une nouvelle période d’action s’ouvre pour lui, pleine de gloire et de résultats prometteurs suppose-t-il, mais pleine d’embûches pour lui croyons-nous. Les appétits du Japon sont gros, chacun le sait, mais peut-être trop gros pour sa capacité opérante et pour sa résistance !

(À suivre)
S. T. F.

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AVIS IMPORTANT

Les Bureaux de la Mission Coréenne sont transférés :
13, rue de Vienne, PARIS-8e
Téléphone : WAGRAM 93 - 91

UNE CONFÉRENCE
de
M. le Professeur F. Challaye


Le 8 janvier dernier, sous les auspices de la Ligue des Droits de l’Homme, dans une belle réunion tenue dans la Salle de la Société de Géographie du boulevard Saint-Germain et sous la présidence de M. Aulard professeur à la Sorbonne, d’éminents orateurs sont venus défendre la cause de la Chine et de la Corée.

Nous sommes heureux de pouvoir donner ici quelques extraits de la conférence si substantielle que prononça avec beaucoup d’éloquence M. le professeur F. Challaye à cette réunion et qui vient d’être publiée par les soins de la Ligue des Droits de l’Homme dans une petite brochure intitulée : « La Paix menacée en Extrême-Orient ».

M. le professeur Challaye, chargé de mission en Extrême-Orient par le Gouvernement français en 1919, a donc été un témoin des événements qu’il nous relate et cela en toute impartialité ; il prend du reste la peine de le bien dire lui-même au début de sa conférence :

« … J’ai eu le privilège, au cours de ces derniers mois, de passer par Tsinan-Fou, la capitale du Chantoung, et de traverser la Corée ! Par un curieux concours de circonstances, c’est un vieil ami du Japon qui va, devant vous, défendre, contre l’impérialisme japonais, le droit du Chantoung et de la Corée, le droit qu’ont les Chinois sur le Chantoung et les Coréens sur la Corée. Permettez-moi d’abord cet aveu destiné à vous garantir mon impartialité. Ayant vécu à diverses reprises au Japon, j’ai beaucoup aimé, j’aime encore certains aspect de la vie japonaise et du caractère japonais, etc., etc. »

LA CORÉE SOUS LA DOMINATION JAPONAISE

« Ce que je désire vous montrer — puisque nous sommes en une réunion de la Ligue des Droits de l’Homme — c’est comment les droits de l’homme et le droit des peuples ont été violés en Corée ; c’est la situation qui résulte pour les Coréens de l’annexion.

« Le Coréen, à l’heure actuelle, ne peut d’abord plus pénétrer dans son pays quand il vient d’ailleurs si la police ne le permet pas. J’ai vu de mes yeux à Shimonoséki, les policiers arrêter les Coréens qui allaient prendre le même bateau que moi pour retourner en Corée ; la police leur interdit de circuler à l’intérieur du pays sans une justification précise, sans qu’ils rendent compte des raisons qu’ils ont de se déplacer ; et si l’on invoque des raisons pour le faire, la police exige qu’on fasse téléphoner par la police de la localité où on se rend pour vérifier si la raison est légitime.

« Le Coréen n’a plus le droit, depuis l’annexion, de déposer dans les banques et de retirer des banques l’argent qu’il veut ; les banques sont toutes japonaises et les Coréens sont obligés d’expliquer pourquoi ils retirent une certaine somme d’argent de la banque chaque fois qu’ils en retirent une. Ils n’ont, bien entendu, aucune représentation parlementaire ; ils n’ont aucun droit de presse ; aucun droit de réunion ni d’association ; aucun droit de pétition. Dans les écoles qui ont été développées, — et les Japonais s’en vantent — c’est le japonais seulement qu’on enseigne. On n’a plus le droit d’enseigner le coréen, on n’enseigne plus l’histoire de la Corée ; on enseigne seulement l’histoire du Japon et la langue du Japon. En somme, ce sont des institutions destinées à japoniser le pays, à répandre l’amour du Japon et non pas une large, une vraie culture.

« J’ajoute que des mécanismes qui ressemblent d’assez près au mécanisme appliqué à la Pologne par l’Allemagne, arrachent aux Coréens les terres qu’ils possédaient auparavant dans les régions fertiles et chaudes du sud. On accable d’impôts les Coréens, de telle sorte qu’on les oblige à vendre leurs terres ; le Gouvernement les rachète et il y installe des colons japonais. Ainsi, le Coréen se trouve gêné dans tous les détails de son existence par cette oppression, cette tyrannie.

« Je vous disait tout à l’heure que le Coréen était pacifiste ; i a horreur du militarisme japonais qui pèse sur lui. Tous les fonctionnaires japonais et jusqu’aux instituteurs portent l’épée au côté, tant ils sont militarisés. Ce petit détail permet de deviner la répugnance que les Coréens, influencés par la sagesse chinoise, éprouvent en face du militarisme japonais.

« Surtout le Coréen voulait rester Coréen ; il tenait à l’indépendance de son pays : il a souffert que cette indépendance soit violée contre le gré de son peuple ; il s’est révolté parfois.

LA CORÉE REVENDIQUE SON INDÉPENDANCE AU CRI DE « MANZEI »

« Mais lui aussi, comme le Chinois du Chantoung, il a été secoué par un grand espoir au moment de la Conférence de la Paix. Il s’est dit : Puisqu’on va reconstruire le monde sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Corée va être libre, redevenir le libre pays des Coréens. Les Coréens ont envoyé des délégués à la Conférence de la Paix ; ils ont envoyé des représentants auprès du Président Wilson ; et ils ont préparé une manifestation solennelle proclamant l’indépendance coréenne.

« Le premier mars 1919, 33 notables coréens appartenant à des religions différentes : quinze chrétiens, quinze adeptes d’une religion spécialement nationale, et trois bouddhistes, se sont réunis et ont proclamé l’indépendance de la Corée. Ils l’ont proclamée au vu et au su de tous, ils l’ont proclamée en prévenant même la police japonaise qui immédiatement les a fait arrêter. Les Coréens, les étudiants et même les étudiantes… (le fait est touchant parce que la femme coréenne était restée jusque-là en dehors de la vie publique) les étudiants et les étudiantes ont manifesté en faveur de la libre Corée. Des foules nombreuses, des milliers de personnes se réunissaient, criaient Manzeï ; c’est le banzaï japonais transposé en Coréen ; cela veut dire : « Dix mille années », c’est-à-dire : « Vive la Corée indépendante ! » Je dirai comment la police japonaise a réprimé ces manifestations pacifiques.

« À la suite de la répression qui fut très dure, la tactique a changé ; ce fut la grève : toutes les boutiques coréennes se sont fermées. Les tramways ont cessé de fonctionner, les conducteurs coréens refusant de les faire marcher. Les quelques tramways mis en mouvement par des Japonais, étaient boycottés par les Coréens.

« La grève a duré jusqu’au premier avril 1919. À ce moment, la police japonaise est intervenue et a, par la force, obligé les commerçants coréens à rouvrir les boutiques ; elle a obligé par la force à la reprise du travail… Les manifestations ont continué sous des formes souvent originales et pittoresques : par exemple, une fois, peu de temps avant mon arrivée à Séoul, les Japonais avaient réuni les enfants des écoles coréennes en une sorte de distribution des prix, en ordonnant aux parents de ne pas venir. Les petits Coréens sont venus bien sagement, puis, tout à coup, au signal de l’un d’eux, ils ont tiré un petit drapeau coréen qu’ils avaient caché dans leur vêtement, et, tous ensemble, ils ont agité le petit drapeau devant les Japonais stupéfaits. (Applaudissements.)

« Une autre fois, on a vu apparaître sur le plus grand arbre du grand parc de la ville un drapeau coréen, drapeau où un insigne chinois, rouge et bleu foncé, se trouve au milieu de l’étoffe blanche encadré par quatre caractères de bon augure. Ces manifestations ont toujours été paisibles et le mot d’ordre donné a été toujours de s’abstenir de violences. Les Japonais les ont réprimées avec une brutalité qui a choqué leurs plus grands amis et qui a indigné ceux qui les ont vus ou ceux qui en ont entendu parler, comme ça été mon cas personnellement. Ils les ont réprimées par le mensonge, par la menace et par la violence.

« Par le mensonge ; ils n’ont pas permis d’exposer la vérité sur la situation. Il n’y a, bien entendu, en Corée, que des journaux japonais, pas de journaux coréens. Mais un journaliste japonais, ayant exposé la vérité, a été immédiatement expulsé. Le rédacteur du principal journal japonais avait écrit que la police n’avait pas commis de violences : alors, des Américains l’ont invité à venir voir à leur hôpital les victimes des violences policières. Il a répondu d’un mot qui a fait fortune à Séoul : « Je connais bien la vérité, mais, dans mon journal, je parle officiellement. » On a beaucoup ri du mot à Séoul. À un moment donné, on a prêté à des ambassadeurs ou consuls de l’endroit, des déclarations contraires aux Coréens dont je suis convaincu, pour l’avoir entendu dire par eux-mêmes, qu’ils ne les avaient pas faites.

« On a combattu la protestation par la menace. Le Gouverneur général a menacé les Coréens qui participeraient aux manifestations de punitions dont la moindre était dix années de prison. On a surtout opéré par la violence. Il y a en Corée des récits saisissants, dramatiques et effroyables, des violences japonaises. On a parlé de gens bâtonnés sur des croix, crucifiés, éventrés, de décapités nombreux, de femmes violées en grand nombre… C’est possible, je n’affirme pas que ce soit certain. Mais je vais vous apporter un certain nombre de témoignages contrôlés, dont je considère qu’on peut affirmer l’authenticité.

« Ce qui est certain, c’est d’abord que des Japonais ont tiré sur des foules inoffensives. Quand des milliers de Coréens se réunissaient paisiblement pour crier Manzeï, on a tiré dans la foule et tué un bon nombre de Coréens pacifiques ; on en a blessé un certain nombre d’autres, et dans les hôpitaux japonais on n’a pas voulu soigner les blessés ; on les a repoussés en disant que les hôpitaux n’étaient faits que pour les malades. J’ai entendu parler de Coréens aux membres gangrenés qui ont dû faire des kilomètres pour aller se faire soigner dans un hôpital américain…

« Un autre fait incontestable, c’est qu’on a torturé des gens arrêtés, pour leur faire avouer leur participation au mouvement. Par exemple, on a arrêté pendant trois semaines, le lettré du Consulat de France, un homme tout à fait cultivé, un Coréen fin et charmant, parlant excellemment le français. Lui-même m’a raconté comment il a été torturé, jeté par terre par les policiers japonais, frappé à coup de talon, sur les talons, sur les cuisses et en même temps à coups de bâton sur la tête, jusqu’à ce qu’il avoue sa culpabilité qu’il n’aurait pas dû avouer puisque cela n’était pas vrai ; il n’avait même pas crié le fameux Manzeï qu’on lui reprochait d’avoir crié !

« Ce qui m’a paru le plus odieux, ce sont les brutalités à l’égard des jeunes filles. J’ai lu sur ce point toute une série de rapports réunis par les docteurs américains qui les avaient soignées. Ces jeunes filles coréennes, c’étaient souvent des étudiantes ou des nurses d’hôpitaux américains.

« Les policiers japonais qui les ont arrêtées, les ont d’abord souffletées, menacées de leur baïonnettes. Puis, on les a fait dévêtir complètement… Au Japon, cela n’a pas grande importance. La japonaise — il n’y a pas lieu de le lui reprocher — n’est pas pudique ; tandis que la Coréenne est extrêmement pudique ; elle est toujours surchargée de vêtements blancs ; elle a l’air souvent dans la rue d’une vieille première communiante… Eh bien, cette Coréenne très pudique, on l’a obligée à se dévêtir complètement et à rester souvent des minutes entières en présence d’autres Coréens ou de docteurs japonais. Ceux-ci lui ont fait passer une visite médicale qui lui paraissait très choquante. Elle a ensuite été interrogée par des juges japonais qui l’ont critiquée violemment ou l’ont ridiculisée lourdement. Certains de ces interrogatoires font mal à lire : par exemple, un juge japonais se moque d’une étudiante : « Comment ! vous voulez que votre pays soit indépendant et vous n’avez pas de fusils, pas de canons, pas de navires de guerre ? » Dans d’autres cas, on les a enfermées, réduites à l’immobilité la plus complète, ne leur laissant la possibilité de se promener que pendant quelques instants. D’autres ont été frappées à coups de talons sur les cuisses. Je tiens enfin d’un Français, qui le tenait d’un autre Français, témoin oculaire, le fait suivant : un policier ayant arrêté et renversé une de ces jeunes filles, lui donnait des coups de talon… Sous les coups de talon, elle continuait à crier Manzeï ! jusqu’au moment où elle s’est évanouie…

« Voici encore un fait que je ne peux pas mettre en doute : il s’est produit dans un village où les chrétiens avaient réclamé l’indépendance. La police japonaise convoqua les chrétiens à l’église, au Temple ; ils étaient au nombre de 36, une femme s’était jointe aux hommes, soit 37 personnes. La police japonaise a fusillé à l’intérieur de l’église, les 37 personnes, et a mis ensuite le feu à l’église. L’ambassade américaine a immédiatement envoyé en automobile le vice-consul d’Amérique, que j’ai eu l’occasion de voir quelques jours après. Il m’a garanti le fait en me montrant les photographies qu’il avait prises du temple où brûlaient les cadavres…

« Ce fait positif, précis, permet de croire à la vérité de cette affirmation coréenne, qu’un certain nombre de villages ont été brûlés pour la raison qu’ils réclamaient l’indépendance. Voilà ce qui se produisait en Corée quand j’ai passé là-bas. Je crains malheureusement que des faits de ce genre ne se produisent aujourd’hui encore, puisque les journaux ont annoncé que le mouvement de révolte coréenne a recommencé le premier janvier de cette année. »… etc.

« C’est l’impérialisme japonais qui menace la paix en Extrême-Orient. M. F. Challaye, un ami du Japon cependant, élève une courageuse protestation en faveur de la Corée et du Chantoung. Le grand espoir de ces peuples, leurs souffrances et leurs sacrifices pour la liberté ont inspiré à l’auteur des pages délicates et émouvantes. »

(Le Radical, 27 avril 1920.)

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L’ACTION CORÉENNE


L’ACTION CORÉENNE
pour son Indépendance

La Corée, comme nation, cessa d’exister en 1910, et, depuis dix ans, elle a été sous le joug de l’oppression militaire du Japon. Mais elle renaquit avec une nouvelle force et un nouvel esprit, quand la nation entière proclama l’Indépendance de la Corée, le 1er mars 1919, par la voix unanime de 20 millions d’habitants. La Déclaration d’Indépendance fut signée par trente-trois chefs représentant toutes les différentes organisations et associations répandues dans les treize provinces de la péninsule entière.

Cette démonstration, quand elle éclata en général, fut un véritable coup de surprise pour tout le monde civilisé, et particulièrement pour le gouvernement japonais. Quoique le mouvement ait été résolu depuis bien des jours et des mois, les autorités japonaises furent tenues dans une ignorance absolue, et par conséquent n’étaient pas préparées à tenir tête à cette soudaine éruption volcanique.

On ne peut pas dire que le mouvement actuel soit le résultat direct des efforts antérieurs dirigés contre la réforme politique par le Parti progressiste depuis 1884. Néanmoins, on peut faire remonter à cette origine, le réveil de la conscience de l’indépendance nationale en accord avec les idées modernes.

En 1884, les jeunes étudiants Coréens qui étaient rentrés de l’étranger se formèrent en ce qui fut alors connu sous le nom de Parti progressiste. Ils avaient conçu le plan de renverser le Gouvernement conservateur, vieux et corrompu, et d’inaugurer des réformes politiques, éducationnelles et économiques et de mettre la Corée au rang des nations modernes. Ils sentirent qu’il était nécessaire d’assurer l’indépendance permanente de la Corée qui avait déjà été reconnue par les différentes puissances du monde, et de prémunir la nation contre toute future agression du dehors.

Quoique ce premier mouvement n’ait pas réussi, il sema néanmoins les germes du second et prépara le Coup d’État de 1894.

En 1895, le Club de l’Indépendance Coréenne fut organisé et des organes variés furent créés.

Ce nouveau Club de l’Indépendance grandit rapidement, et le travail des jeunes Coréens progressistes devint une menace pour la vie du vieux Gouvernement conservateur, aussi bien qu’un obstacle aux projets ambitieux d’agrandissement de la Russie tsariste, aux intrigues incessantes et aux rêves chers du Japon impérialiste. Ainsi, après des années de lutte opiniâtre et de bataille ouverte, le Gouvernement conservateur prit le dessus et réussit à fermer les portes de la Vieille Indépendance. Quelques-uns des Membres éminents du Club sont maintenant parmi les chefs du mouvement actuel, notamment le docteur Syngman Rhee qui fut élu le premier et chef exécutif de la République de Corée par l’Assemblée nationale Coréenne.

Depuis que le Japon contraignit la Corée au protectorat en 1905 et à l’annexion en 1910, le peuple Coréen a été en révolte continuelle. Les soldats débandés et les chefs patriotes se formèrent en ce qui fut connu sous le nom de « juste armée ». Ils soutinrent la lutte jusqu’à ce jour en dépit de la formidable armée japonaise qui a tendu un véritable filet d’un bout à l’autre de la péninsule.

Les Coréens surveillèrent toujours les événements mondiaux, sachant l’influence qu’ils auraient sur l’avenir de la Corée. En dépit de tous les efforts faits par les Japonais pour bâtir une véritable « muraille de Chine » autour du pays, pour empêcher que la situation de la Corée soit connue du monde extérieur et qu’aucune nouvelle n’y pénétra du dehors, ils savaient néanmoins que la Grande Guerre européenne se livrait pour l’amour de la justice et de l’humanité. Ils entendirent le principe wilsonien de la « libre disposition » pour tous les peuples, aussi bien pour les faibles que pour les forts.

Dès que l’armistice fut déclaré, un mouvement spontané se produisit en Corée, en vue de faire savoir au monde la volonté formelle du peuple Coréen de se libérer de l’oppression étrangère.

Dès la fin de novembre, un effort fut fait pour envoyer des représentants à la Conférence de la Paix à Paris. Ce premier mouvement fut connu des autorités japonaises en Corée et provoqua l’arrestation d’environ 200 Coréens en décembre 1918. Ce qui n’empêcha pas les initiateurs de poursuivre leur organisation en communiquant avec toutes les associations à l’étranger ; des délégués furent choisis pour représenter le peuple et la nation de la Corée entière à la Conférence de la Paix. Et ce choix fut dûment ratifié par le Gouvernement provisoire de la République Coréenne.

Et même temps fut formée l’Union Nationale d’Indépendance Coréenne qui comprenait toutes les classes et organisations et, en outre 2.000.000 de Chundokyoins (une secte politico-religieuse du pays), 1.000.000 de Bouddhistes, 500.000 membres de l’Église chrétienne et 1.500.000 de Confucianistes. Tous s’unirent dans le même but, sans distinction de classe, de croyance, de secte ou de religion. L’Indépendance de la Corée fut déclarée le 1er mars 1919 par les cinq millions d’habitants de Séoul et de toutes les principales cités de la Corée. Il y a maintenant plus de 300 centres révolutionnaires, et chaque petite ville et village, même des régions les plus reculées, se sont joints au mouvement.

Le premier jour de la démonstration à Séoul, il y eut plus de 100.000 participants qui paradèrent dans les rues de la ville et couvrirent les collines des alentours. Le cri unanime de la nation : « Taihan Toknip Man Sei ! » (Vive l’Indépendance de la Corée !) se répercuta non seulement d’un bout à l’autre de la Corée, mais trouva aussi un écho en Mandchourie, en Sibérie et à l’étranger.

Les représentants qui signèrent la Déclaration de l’Indépendance ne firent pas mystère de leur participation au mouvement et se laissèrent froidement arrêter. Comme ils passaient à travers les rues dans les automobiles de la police, la foule les acclama criant : « Taihan Toknip Man-Sei ! ». Les prisonniers du fond des automobiles crièrent à leur tour « Taihan Toknip Man-Sei ! » avec un sourire aux lèvres.

Les étudiants des collèges, des hautes écoles et des écoles primaires, y compris les institutions dites du Gouvernement dont le nombre est de 10.000 (à Séoul seulement) prirent à la manifestation la part la plus active. La parade avait généralement à sa tête les jeunes filles des hautes écoles du Gouvernement.

Des démonstrations similaires eurent lieu simultanément dans toutes les principales cités du nord de la Corée, telles que Pyung-Yang, Syen-Chun, et Shin-Eui-Chu, etc. Le second et le troisième jour, la démonstration devint de plus en plus importante jusqu’à ce que le mouvement se répandit au sud de la Corée et atteignit presque chaque ville et village à travers le pays tout entier. Même les agents de police et les gendarmes coréens au service japonais rejetèrent leurs sabres et leurs carabines, déchirèrent leurs uniformes et se rallièrent au cri de « Taihan Toknip Man-Sei ! »

Une grève générale éclata dans toutes les manufactures et même dans le service de tramways appartenant aux Japonais. Les écoles et les boutiques furent fermées pendant plus d’un mois jusqu’à ce que les soldats japonais forcèrent les enfants à aller en classe et les marchands à reprendre leurs affaires, sous peine de torture et de mort s’ils refusaient.

Ainsi qu’il est mentionné dans la Déclaration de l’Indépendance, aucune violence ne fut faite par les Coréens et la manifestation d’un bout à l’autre de la péninsule eut un caractère absolument pacifique.

Aussitôt que l’armistice fut déclaré, les étudiants Coréens à Tokio (Japon) au nombre de 800, commencèrent à considérer le sort de la Corée comme dépendant de la Conférence de la Paix à Paris.

Une proclamation de l’Indépendance de la Corée, pour se libérer du Gouvernement Japonais, fut rédigée au nom de la a Ligue des jeunes Coréens pour l’Indépendance nationale » et des copies en furent envoyées aux ambassadeurs étrangers et aux ministres de Tokio.

Après l’arrestation de ces étudiants le mouvement continua avec une nouvelle énergie ; et maintenant presque tous les étudiants Coréens au Japon — environ un millier — l’ont quitté pour faire cause commune avec leurs compatriotes en Corée et en Chine. De ce nombre étaient environ 800 Coréens d’Universités et de Collèges, tandis que les 200 autres suivaient les classes moyennes.

Les Coréens en Sibérie et en Mandchourie répondirent à l’appel de la mère Patrie, et les leaders se réunirent à Shanghai en un Conseil général des nationalistes Coréens, tandis que des démonstrations des colons Coréens se produisirent dans les diverses citées des provinces de Kirin et de Fengtien.

Cependant les consuls Japonais firent pression sur les autorités chinoises de ces deux provinces mandchouriennes, et dans quelques cas, les autorités Chinoises réprimèrent les mouvements à la façon des Japonais en Corée. Dans une ville du Fengtien les soldats Chinois firent feu sur des Coréens sans armes et huit Coréens furent tués et il y eut quantité de blessés. Comme suite à cela le journal de Pékin écrivit en avril : « À la requête de la Légation Japonaise à Pékin, le Gouvernement Chinois a donné l’ordre aux autorités de Luin, et, particulièrement à celles de Chien-tao, d’aider le Consul Général Japonais à supprimer toutes les activités des Coréens dans cette région ».

Les Coréens d’Amérique soumirent une pétition au Gouvernement des États-Unis pour que ce dernier prît en considération, et en assistance le Cas de la Corée à la Conférence de la Paix. Cette pétition s’appuyait sur l’Article premier, paragraphe 2, du premier traité entre les États-Unis et la Corée de 1882, ainsi conçu : « Si d’autres puissances agissent injustement ou oppressivement avec l’un des deux gouvernements, l’autre exercera ses bons offices, aussitôt informé du cas, pour amener un arrangement, montrant ainsi ses sentiments amicaux ».

Dans l’intervalle, l’Association Coréenne Nationale d’Amérique élut trois délégués, Docteurs Syngman Rhee et Henry Chung et le Révérend C. H. Min pour joindre les délégués de l’Extrême-Orient à Paris pour soutenir l’appel devant la Conférence de la Paix. Cependant ces trois personnes ne parvinrent pas en France à cause des difficultés de passeport par suite de l’opposition du Japon.

Sans être découragé par tant d’obstacles ou par ce semblant d’insuccès, il fut décidé de faire tout ce qui serait possible pour soumettre le cas de la Corée au sens de justice du monde. Des lettres et des pétitions furent envoyées directement à la Conférence de la Paix et au Président Wilson.

Un Congrès fut réuni à Philadelphie du 14 au 16 avril 1919, plus de 150 représentants (des Coréens aux Etats-Unis, à Hawaï et à Mexico et d’un million et demi en Sibérie et en Mandchourie) furent assistés par des centaines d’Américains et d’autres amis étrangers.

En même temps une Ligue des Amis de la Corée fut formée dans le but de tenir le public américain au courant des véritables conditions de l’Extrême-Orient, de développer les sympathies pour le peuple opprimé de Corée et l’encourager dans sa lutte pour la liberté ; d’employer son influence morale pour préserver les Coréens du traitement cruel auquel ils ont été et sont encore soumis ; d’assurer la liberté religieuse aux Coréens Chrétiens.

Cet aperçu général sur le mouvement coréen montre que c’est un des plus étendus et des plus profondément enracinés, universel en un mot ; non seulement en Corée, mais parmi tous les Coréens résidant à l’étranger en Amérique, en Chine et en Sibérie ; qu’il intéresse chaque classe et chaque secte ; les vieux comme les jeunes, les hommes comme les femmes. Les petits garçons et petites filles des écoles du gouvernement, que les Japonais essayèrent de « japoniser » pendant les neuf dernières années, furent, en général, les participants les plus actifs aux manifestations, et en conséquence soumis aux traitements les plus inhumains de la part des Japonais.

Pendant ce temps, les représentants des treize provinces se réunirent à Séoul et formèrent la première Assemblée Nationale de la République et de la Corée Indépendante.

Un Gouvernement Provisoire fut formé, une Constitution provisoire adoptée, et les fonctionnaires du nouveau Gouvernement furent élu. Le docteur Syngman Rhee fut choisi pour chef du pouvoir exécutif. Lui et les autres membres du Gouvernement provisoire sont des hommes d’éducation et de préparation modernes.

L’ACTION À L’ÉTRANGER

Pour faciliter le travail du Gouvernement provisoire dans les difficiles circonstances présentes, les quartiers généraux et commissions suivants ont été institués :

1) Quartiers généraux de la République Coréenne à Washington, D. C., U. S. A.

2) Affaires étrangères, Communications et Commissions financières à Shangaï, Chine.

3) Commissions agissantes en Mandchourie et Sibérie.

4) Délégation Coréenne à Paris.

La Délégation coréenne arriva à Paris le 13 mars 1919, composée de : M. J. Kiusik-Kimm, président et de MM. K. Lee et E.K. Whang, délégués.

Les desiderata de la Corée furent présentés sous forme d’une Pétition et d’un Mémoire à M. Georges Clemenceau, Président de la Conférence de la Paix, et aux Membres du Conseil Suprême, MM. le Président Wilson, Lloyd George et Orlando.

La Délégation coréenne fut informée par MM. Dutasta et White, secrétaires généraux, au nom de la Conférence de la Paix, que la question coréenne n’était pas du ressort de la Conférence de la Paix, et qu’elle devait être soumise à la Ligue des Nations !

La Commission Coréenne à Washington fut plus heureuse, car elle obtint du Sénat américain que la question coréenne y fut longuement discutée et dont les débats sont encore en pleine activité.

Après de nombreux débats, nous pouvons signaler jusqu’à présent :

Une résolution du sénateur Noris, présentée le 15 juillet 1919.

Deux résolutions présentées par le sénateur Spencer ; l’une le 18 août 1919 et l’autre le 19 septembre 1919.

Les sénateurs Thomas et Shields présentèrent conjointement une nouvelle résolution le 18 mars 1920, demandant d’ajouter aux réserves faites par le Sénat au Traité de Versailles, le paragraphe suivant :

« …Et les Etats-Unis, adhérant aussi au principe du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, déclarent être sympathiques aux aspirations du peuple de la Corée pour la restauration de son ancien royaume et pour son émancipation de la tyrannie du Japon, et déclarent, en outre, qu’une fois ce but réalisé, la Corée sera promptement admise comme membre de la Ligue des Nations. »

D’autre part, nous apprenons de Londres, que des questions ont été posées au Sous-Secrétariat d’État aux Affaires Étrangères, par des membres de la Chambre des Communes.

Demande No 7 :

M. Hayday demande à M. le Sous-Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères si le Gouvernement a l’intention de donner son appui aux Représentants dûment accrédités par le peuple Coréen, en présentant à la Ligue des Nations un rapport sur leur cas contre l’administration japonaise en Corée ?

Demande No 8 :

M. Hayday demande à M. le Sous-Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères si des démarches ont été faites auprès du Gouvernement Impérial du Japon concernant les moyens qui ont été employés l’an dernier pour enrayer les démonstrations pacifiques du peuple de Corée contre l’administration japonaise ; et si le Gouvernement se prépare à prendre certaine disposition afin d’assurer une justice et un bon Gouvernement pour ce peuple ?

Demande No 11 :

M. Grundy demande à M. le Sous-Secrétaire d’État du Foreign Office s’il a connaissance qu’en avril 1919 des chrétiens du village de Cheamni (Corée) ont reçu l’ordre, par les soldats du 78e régiment d’infanterie japonaise, de se rassembler dans l’Église du village, que les portes refermées sur eux, ils furent tués à coups de fusil et de baïonnettes, qu’ensuite l’église et le village furent incendiés ; si le Consul Britannique a fait une enquête sur cet incident ; si des rapports sur cette affaire ont été reçus ; dans l’affirmative, ces rapports seront-ils publiés ; et s’il a été informé que les officiers japonais responsables ont été réellement punis à la suite des représentations urgentes, qui ont été faites auprès du Gouvernement général japonais à Séoul ?

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Le Gérant : Germaine Bério.

Imp. des Arts et des Sports, 24, rue Milton, IXe

Gravures hors texte


CARTE DE L’EXTRÊME-ORIENT
INDIQUANT L’EXPANSION IMPÉRIALISTE JAPONAISE

un témoin américain examine les ruines du village brûlé

manifestation pacifique à séoul au mois de mars 1919