La Commune de 1871/Texte entier


La Commune de 1871
La Commune de 1871Bureau d’édition (p. T-53).
CLASSIQUES FRANÇAIS DU SOCIALISME


JULES GUESDE


LA
COMMUNE
DE 1871


















1936
BUREAU D’ÉDITIONS, PARIS


CLASSIQUES FRANÇAIS DU SOCIALISME

La collection des Classiques français du socialisme comprend une série de petites brochures de Guesde, Lafargue, Jaurès, Vaillant etc., dont la plupart, épuisées depuis longtemps, étaient inaccessibles au grand public. De brefs commentaires historiques, des index de noms, etc., en facilitent la lecture.

La nouvelle édition de ces écrits, dont certains datent d’un demi-siècle, prouvera la vitalité puissante de la pensée socialiste et facilitera le rapprochement fraternel des ouvriers socialistes et communistes qui, rassemblés dans l’action commune, trouveront dans ces vieux textes, combien encore actuels et vivants, la flamme qui les soutiendra dans le bon combat pour la victoire finale du socialisme.


Déjà paru :


Paul Lafargue.Le Droit à la paresse, réfutation du Droit au travail de 1848 
 1 »
Charles Rappoport.Précis du Communisme, suivi de Le Marxisme est-il périmé ?  
 1 »
Jules Guesde.Le Collectivisme par la révolution, suivi de Le Problème et la solution 
 1 »
Paul Lafargue.La Religion du Capital 
 1 »
Jean Jaurès.Contre la guerre au Maroc 
 1 »
Édouard Vaillant.L’Évolution économique et la révolution sociale 
 1 »
Jules Guesde. — La Commune de 1871 
 1 »


À paraître :


Jules Guesde.Le Collectivisme en correctionnelle.
Paul LafargueLa Charité chrétienne.
J. Jaurès et J. Guesde.Deux méthodes (réformiste ou révolutionnaire).
J. Jaurès et J. Guesde.Idéalisme et matérialisme.

Édouard Vaillant.Le Chômage.



NOTE DE L’ÉDITEUR


Nous rééditons aujourd’hui quatre des meilleurs articles que Jules Guesde a consacrés à la Commune de Paris. Les trois premiers sont du début de sa merveilleuse carrière de propagandiste socialiste.

Dans le premier : Un peu d’Histoire, paru en 1879 dans la Révolution française, Guesde, sous la forme incisive et tranchante qui lui est familière, comparant la révolution bourgeoise de 1789 à la révolution prolétarienne de 1871, n’a aucune peine à établir l’inanité des reproches faits à la grande insurrection ouvrière, qui n’eut souvent que le tort de se montrer trop généreuse pour ses adversaires.

Dans le deuxième article : Le 18 mars (Égalité, 18 mars 1879), l’auteur nous indique quelques-unes des réalisations des communards.

Dans le 18 mars en province, que publia en 1877 le périodique socialiste allemand Die Zukunft (l’Avenir), Guesde nous rapporte des faits trop peu connus concernant les répercussions nombreuses qu’eut sur le prolétariat français l’activité révolutionnaire des ouvriers parisiens. Guesde nous apporte ici des renseignements « vécus » : on se souvient, en effet, du rôle actif qu’il joua, en 1871, dans l’érection de la Commune de Montpellier. Enfin, dans le dernier article, écrit pour le 21e anniversaire de la Commune (Le Socialiste 20 mars 1892), le leader du marxisme français insiste sur la nécessité de la conquête révolutionnaire du pouvoir politique.

Nous sommes convaincus que tous les travailleurs nous sauront gré, aux heures graves que nous traversons, de leur avoir remis en mémoire, pour le 65e anniversaire de la Commune, quelques-unes des meilleures pages de celui qui fut, en France, il y a un demi-siècle, l’infatigable pionnier de l’idée socialiste.

Nous avons jugé utile de compléter cet opuscule par un Index des noms cités, nombre de ceux-ci, vu le recul des temps, étant insuffisamment connus.






LA COMMUNE DE 1871



UN PEU D’HISTOIRE



Dans l’« exposé des motifs » de la contrefaçon d’amnistie qui vient d’être votée par la Chambre des députés et le Sénat, les « fédérés » de 1871 ne sont pas seulement représentés comme ayant « compromis l’existence de la République » — défendue et sauvée apparemment par la majorité des Baragnon, des Buffet et des de Broglie, qui s’apprêtaient dès lors à faire le 24 Mai.

Lorsqu’il y est fait mention du 18 Mars, c’est comme d’une « insurrection que son nom, ses moyens d’action, les actes accomplis sous les yeux de l’étranger, son but, tout enfin dénonce comme l’un des crimes les plus grands qui aient été tentés contre la souveraineté nationale ».

À vrai dire, peu nous importe ce que pense d’une révolution, dont l’histoire est tout entière à faire, un gouvernement dont les membres ont tous ou presque tous voté des « remerciements aux armées de terre et de mer » qui venaient de fusiller Duval, Millière, Tony-Moilin, etc. Mais pour Paris qui nous lit, pour la France et l’Europe dont le siège n’est pas fait, il ne sera peut-être pas inutile d’étudier successivement le nom, les moyens d’action, les actes et le but de cette commune, aussi fusillée et calomniée que peu connue.

Ce que faisant — est-il besoin de le dire ? — nous n’entendons nullement tenter une apologie, même indirecte, de la plus formidable explosion révolutionnaire de tous les temps, mais simplement élucider un point de fait dont l’importance peut être mesurée aux 1.300 et quelques Français que sa méconnaissance va maintenir hors de France ou dans les silos néo-calédoniens.


La Commune. — Son nom.


Pas plus que le successeur de M. Thiers, M. de Mac-Mahon, nous n’ignorons pas que dans toutes les dépêches officielles qui, du 18 mars au 31 mai 1871, se sont étalées sur tous les murs des 36.000 communes de France, les communalistes de Paris ont été systématiquement qualifiés de communistes. Pour notre part, le terme de communiste n’a rien en lui-même qui nous effraie. Communiste était Platon dans sa « République », qui vaut bien celle d’aujourd’hui. Communistes, les premières églises chrétiennes, dont le catholicisme qui prétend les continuer n’est que l’exploitation. Communistes, Campanella dans sa Cité du soleil ; Thomas Morus dans son Utopie ; Babeuf et ses « complices » dans le Manifeste et la conjuration des Égaux ; Blanqui dans ses héroïques prises d’armes, et Cabet dans ses généreuses et folles tentatives de rénovation sociale aux déserts transatlantiques. On ne saurait, d’autre part, indiquer aucune société, si individualiste soit-elle, qui ne renferme une certaine somme de communisme, ne fût-ce que les routes, les promenades publiques, les phares, etc.

Mais la vérité est qu’il ne s’agissait pas, en 1871, de communisme, mais de commune — ce qui est bien différent ; et que, linguistiquement parlant, la commune affranchie, libre, maîtresse de ses écoles, de sa police, de son budget, de son armée et de son administration, ne fait, ne peut faire de ses défenseurs — défenseurs à coups de fusil et à coups de bulletin — que des communalistes.

Libertés communales, franchises communales, administration communale, autant de précédents terminologiques qui ne laissent planer aucun doute sur la validité et la portée de la rectification que nous devons tout d’abord faire au lapsus calami conscient et voulu de cet académicien qu’était M. Thiers.

Autant, en effet, le mot de communisme épouvante à bon droit notre bourgeoisie qui monopolise les avantages sociaux et n’entend « mettre en commun » que les charges sociales — impôts de sang et d’argent, que la noblesse d’avant 89 acquittait seule, au moins sous la forme de sang — autant le mot de « commune » n’éveille ou ne devrait éveiller chez elle que d’heureux et grands souvenirs.

N’est-ce pas comme commune que, dans tout le moyen Age, où elle n’était rien, elle s’est affirmée contre les seigneurs de la terre et de l’épée ? La commune, affranchie des redevances féodales, mise, insurrectionnellement ou par charte royale, à l’abri des brigandages seigneuriaux, a été, du xiie au xve siècle, à la fois le refuge du tiers état et de son moyen d’action le plus puissant pour préparer son émancipation politique, qui devait être consommée, couronnée et consacrée par les derniers États généraux transformés révolutionnairement en Assemblée nationale constituante.

Il est vrai qu’entre les communes du moyen âge et la Commune de 1871, une autre Commune s’est produite, la Commune de Paris, de 1791, 92 et 93, et qu’à cette Commune intérimaire on est convenu d’attacher — depuis qu’elle a fait son œuvre et sauvé la Révolution — « les plus mauvais souvenirs de notre histoire ».

Mais ces souvenirs — qui pourrait le contester ? — sont surtout, pour ne pas dire exclusivement, mauvais pour les ordres privilégiés auxquels s’est substitué le tiers ; pour les émigrés de l’intérieur, dont l’énergie de cette Commune purgeait les Tuileries au 10 Août ; pour les émigrés de l’extérieur, soutenus par les armées de la coalition, qu’elle terrorisait aux journées de Septembre, en attendant de les écraser sur le champ de bataille par son Bouchotte, le véritable « organisateur de la victoire » ; et pour les Vendéens et autres chouans, qui rentraient sous terre devant son « armée révolutionnaire ».

La grande Commune de Paris, qui a été l’âme, le moteur, la chaudière — si je puis m’exprimer ainsi — de la grande Convention admirée de Berryer lui-même, a été, de l’aveu de M. Thiers, le plus puissant instrument de salut de la Révolution qui a fait de la bourgeoisie la classe possédante, dirigeante et maîtresse d’aujourd’hui. Et, en admettant que ce fut à elle plus qu’aux communes des xiie, xiiie, xive et xve siècles que la Commune du 18 mars eût pris son nom, nos bourgeois-gouvernants de l’heure présente seraient les derniers à pouvoir lui faire « un crime » de ce nom.

Il n’en est d’ailleurs pas ainsi, et s’il s’est rencontré dans les élus du 28 mars 1871 des néo-jacobins et des néo-hébertistes, le plus grand nombre se rattachaient à la commune bourgeoise de l’ancien régime, qui, se présentant dans l’histoire comme l’instrument de l’affranchissement politique du tiers état, leur paraissait pouvoir et devoir devenir l’instrument de l’affranchissement économique du quatrième état ou prolétariat.

De là l’immobilité des bataillons fédérés le lendemain de leur victoire du 18 mars — ce que, parmi les vaincus, on a appelé plus tard « la grande faute du Comité central ». De là la proclamation du 6 avril aux départements, dans laquelle on lisait :

On vous trompe en vous disant que Paris veut gouverner la France et exercer une dictature qui serait la négation de la souveraineté nationale… Paris n’aspire qu’à conquérir ses franchises communales… Si la Commune de Paris est sortie du cercle de ses attributions, c’est à son grand regret, c’est pour répondre à l’état de guerre provoqué par le gouvernement de Versailles… Paris n’aspire qu’à se renfermer dans son autonomie, plein de respect pour les droits égaux des autres communes de France.

Toujours trompés et dupés par une représentation nationale centrale placée en dehors, non seulement de leur action, mais de leur contrôle par l’interdiction du mandat impératif et par la fiction constitutionnelle qu’une fois nommé le mandataire n’appartenait plus à ses mandants, mais à la France entière, les travailleurs s’étaient dit que c’était seulement dans la commune, dans le milieu particulier où ils vivaient, que devait être transporté le siège de leur représentation, pour que cette représentation devint aussi sérieuse et aussi effective qu’elle avait été dérisoire jusqu’alors. Paris, ensuite, essentiellement industriel, dont l’émancipation politique et philosophique était faite, se présentait avec d’autres besoins, d’autres intérêts, une autre manière de voir sur quantité de questions que nombre de départements restés agricoles, en proie à l’ignorance et à la superstition ; et ce que voulaient les communalistes, ce qu’ils attendaient de leur commune maîtresse d’elle-même, c’était la satisfaction de ces intérêts, de ces besoins spéciaux.

De là le nom de « Commune », qui se trouva un moment dans toutes les bouches, que personne n’eût la peine ou le mérite d’inventer, qui fut l’expression spontanée des revendications de ce Monsieur-Tout-le-Monde, qui a plus d’esprit que Voltaire, de l’avis de Voltaire lui-même.

S’il constitue « un crime », « le plus grand des crimes », pour M. Le Royer et autres ministres de la République autoritaire et monarchique de 1879, il faut avouer que les auteurs de notre code pénal ont commis le plus impardonnable des oublis en ne le faisant pas figurer entre l’assassinat et le parricide.

Et il était permis d’espérer que, consommé insciemment — puisqu’il n’était prévu et puni par aucun article de nos lois — un pareil « crime » serait jugé suffisamment réprimé par les vingt-cinq mille exécutions sans jugement, les trente-huit mille empontonnements et les dix mille condamnations contradictoires ou par défaut qui constituent depuis huit ans « le châtiment au nom des lois et par les lois », déclaré par le petit Thiers seul digne « d’honnêtes gens ».


La Commune. — Ses moyens d’action.


Les « moyens d’action » que l’on impute à « crime » à la Commune, ont été de deux sortes :

Il y a eu le moyen électoral, le bulletin de vote mis dans les mains des Parisiens par leurs maires officiels, auxquels s’étaient joints, pour la circonstance, leurs représentants à l’Assemblée.

Il y a eu ensuite, — lorsqu’au lieu d’accepter le fait accompli, de s’incliner devant l’expression de la souveraineté nationale parisienne, l’Assemblée de Versailles ne voulant pas pactiser avec ce qu’elle nommait une émeute et ce qui était bel et bien une révolution, en appela à la force, au canon, à « la plus belle armée que la France ait jamais possédée », — « il y a eu la force, le canon, les bataillons de la garde nationale fédérée », — le moyen militaire.

Que ce dernier moyen fût « criminel », ainsi que le prétend l’exposé des motifs des ministres de M. Grévy, c’est ce que nous n’avons — et pour cause — ni à confirmer, ni à contester.

Ils l’ont employé en 1830, — M. Grévy tout le premier, si j’en crois tous ses biographes, — et loin de le tenir pour « criminel », comme il avait été employé avec succès, il fut déclaré, non pas « criminel », mais justicier et libérateur.

Ils l’ont employé en 1848 — et, pour la même raison qu’en 1830, comme il fut couronné par le succès, il fut déclaré, non pas « criminel », mais justicier et libérateur.

Un fait certain et indéniable en revanche, c’est que ce moyen, « criminel » ou non, ceux-là mêmes qui le condamnent si formellement aujourd’hui l’ont employé à diverses reprises.

Ils l’ont employé ou essayé de l’employer en 1851 — et malgré qu’il échouât, il n’en fut pas moins proclamé héroïque hors de France et dans la partie de la France qui ne capitula pas devant le Coup d’État victorieux.

Ils l’ont employé en 1870, — et de nouveau le but que l’on visait ayant été atteint, malgré cette fois les protestations de M. Grévy, il fut baptisé « vengeur de la morale publique, restaurateur de la liberté française ».

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne constitue pas un « crime » ; — « crime » il était, et « crime » il est demeuré pour la Légitimité, l’Orléanisme et le Bonapartisme, contre lesquels il a été employé successivement et heureusement — mais ce qui veut dire que ce « crime » les révolutionnaires du 18 Mars n’ont été ni les premiers, ni les seuls à le commettre, et qu’à moins de vouloir le monopoliser à leur profit, en faire un privilège en leur faveur, les révolutionnaires de Juillet comme M. Grévy, les révolutionnaires du 24 Février comme M. Jules Favre et M. Crémieux, et les révolutionnaires du 4 Septembre comme M. Ferry ne sauraient le reprocher à leurs successeurs et imitateurs, à ceux qui n’ont fait, en réalité, que leur emprunter leurs fusils et relever leurs barricades.

Oui, cela est vrai, la Commune a, sinon ouvert, du moins soutenu le feu contre l’armée française.

Mais, nous le répétons, c’était aussi sur l’armée française que les combattants des « Glorieuses » ont tiré avec leurs fusils d’insurgés, comme c’était un capitaine de cette armée qui, dans la retraite sur Saint-Cloud, d’après le récit d’Alfred de Vigny, tombait à Passy sous le pistolet chargé à balles d’un gamin de treize ans.

Française également l’armée qui a été décimée, les 23 et 24 Février, par les balles citoyennes de la garde nationale et du peuple des faubourgs.

Française, encore et toujours française, l’armée contre laquelle Baudin appelait — vainement — aux armes les « blouses » désarmées et dégoûtées depuis Juin.

Les « moyens d’action » de la Commune — les moyens violents — ont donc été les moyens violents de toutes nos révolutions. Et ce n’est pas parce que la poudre a parlé pendant deux mois, parce qu’au lieu de durer trois jours la bataille s’est prolongée huit grandes semaines ; ce n’est pas surtout parce que toute cette dépense de sang a été inutile, que la Révolution du 18 Mars peut être plus « criminelle », en tant que moyens, que les révolutions qui l’avaient précédée.

Ce qui distingue la Commune — toujours en tant que moyens d’action — veut-on le savoir ?

C’est que l’épaulement des fusils a été précédé du dépouillement des votes ; c’est qu’avant d’être donnée aux canons, la parole avait été donnée aux urnes ; c’est que la bataille, au lieu d’être la préface, a été la suite, la servante du scrutin.

Le suffrage universel consulté, interrogé, appelé à donner à la fois une base et une direction à l’action insurrectionnelle, telle est la caractéristique du 18 Mars, ce qui lui assigne, en même temps qu’une figure, une place à part dans notre histoire révolutionnaire.

Mais ce trait particulier, loin d’aggraver, ne diminue-t-il pas la responsabilité — je parle de la responsabilité légale — des hommes engagés dans le mouvement, en étendant cette responsabilité du Comité central et de ses adhérents aux maires et aux députés qui ont pris sur eux de convoquer le peuple de Paris dans ses comices et de lui fournir ainsi contre Versailles une arme dont la légalité ne devait pas faire doute pour la masse ?

Remarquez que je ne tranche pas la question — très secondaire pour moi, mais d’une portée considérable pour les partisans à outrance de la légalité, quelle qu’elle soit. Je me contente de la poser, ou si l’on aime mieux, de l’opposer à l’affirmation de l’exposé des motifs que, dans ses moyens d’action, la Commune aurait été « le plus grand des crimes », ce « crime » se trouvant de la sorte partagé par plusieurs des hommes qui sont des puissances dans la République du moment.


La Commune. — Ses actes.


Quoique l’exposé des motifs, que la Chambre des députés a fait sien, ainsi que le Sénat, en en adoptant les conclusions, parle des « actes accomplis sous les yeux de l’étranger », nous n’avons pas conservé ce sous-titre, et pour deux raisons :

La première, c’est que la révolution du 18 Mars 1871 n’est pas la première qui ait été « accomplie sous les yeux de l’étranger ». La révolution du 4 septembre 1870 ne s’est pas opérée sous d’autres auspices, — avec cette différence cependant, qui ne me paraît pas une atténuation, qu’en 1870, lorsque les Jules Favre, les Ferry et autres Simon se décidèrent à sortir de la légalité impériale pour entrer dans le droit républicain, les canons de « l’étranger » tiraient à toute volée sur la France et sur Paris, pendant qu’en 1871, lorsque les Varlin, les Vermorel, les Malon, etc… furent amenés à sortir d’une légalité sans nom, pour rentrer dans le droit ouvrier et socialiste, ces mêmes canons de l’étranger se trouvaient encloués par la paix signée à Versailles et ratifiée à Bordeaux.

La seconde, c’est que les actes de la Commune n’ont pas été les seuls qui aient eu l’étranger comme témoin. Ceux de Versailles étaient absolument dans le même cas — à commencer par la tentative nocturne contre l’artillerie de Montmartre qui a été le signal du mouvement. Et, en admettant que la présence des Prussiens constituât une aggravation, cette aggravation existait pour les deux parties — ce qui permet de la négliger.

Pour apprécier sainement, sincèrement, disons le mot : honnêtement, les « actes » de la révolution communaliste, il convient de les diviser, de les répartir en trois périodes :

1o Du 18 mars à l’élection de la Commune ;

2o De l’installation de cette dernière (28 mars) à sa dissolution de facto par l’entrée des troupes de Versailles ;

3o Du 22 mai à la prise de la dernière barricade rue Fontaine-au-Roi, le vendredi 26.

Or, du 18 au 28 mars, pendant ce qu’on a appelé le règne du Comité central, on ne relève qu’un seul acte, l’exécution des généraux Clément Thomas et Lecomte, opérée dans l’après-midi du 18, c’est-à-dire en pleine crise, sinon en pleine lutte. Et cette exécution populaire, dès leur première proclamation, les membres du Comité central se défendent de l’avoir ordonnée. Leur dénégation, — absolument désintéressée alors — est d’ailleurs confirmée par le témoignage peu suspect de MM. Lannes de Montebello, de Douville-Maillefeu (aujourd’hui député) et autres prisonniers du Comité qui attestaient dans un procès-verbal en date du 18, et qui devaient plus tard maintenir devant le conseil de guerre, que « le Comité central avait fait tout ce qui était en son pouvoir » pour sauver les deux peu intéressantes victimes.

La Commune, elle, s’est installée à l’hôtel de ville le 29 mars, et jusqu’au 22 mai qu’elle devait tenir sa dernière séance — c’est-à-dire pendant près de deux mois qu’elle a été maîtresse absolue de Paris — on peut mettre au défi le plus éhonté de ses détracteurs d’invoquer contre elle je ne dis pas le moindre meurtre, mais la moindre exécution.

Huit semaines durant, ces communards ou « assassins » ont eu au bout de leurs fusils une population de deux millions d’habitants, dont un quart au moins complices, plus ou moins directs, des « ruraux », et pendant ces huit semaines, pas un seul cheveu n’est tombé de la tête de personne. Que dis-je ? ils ont été jusqu’à pensionner les femmes et les enfants des sergents de ville et des gendarmes qui assassinaient leurs prisonniers.

La Commune, il est vrai, dans sa séance du 5 avril, a voté le décret sur les otages ; mais, lorsque « pour défendre l’honneur et la vie de deux millions d’habitants qui avaient remis entre ses mains le soin de leurs destinées », elle fut amenée à décider que « toute exécution d’un prisonnier de guerre ou d’un partisan régulier de la Commune de Paris serait sur-le-champ suivie de l’exécution d’un nombre triple d’otages », a-t-on oublié à quels actes de ses adversaires elle entendait ainsi mettre fin ?

Le 8 avril, après le combat de Châtillon et de Fontenay-aux-Roses — c’est une dépêche de l’état-major prussien aux autorités militaires de Berlin qui l’apprenait à l’Europe — « les prisonniers parisiens avaient été fusilles sur-le-champ ».

Le même jour, à Chatou, où l’on ne s’était pas battu, mais où avaient pénétré quelques gardes nationaux, le général de Galliffet — c’est le Gaulois du 6 qui le rapporte — avait « surpris et passé par les armes un capitaine du 175e bataillon, un sergent et un garde ».

Le 4, après la capitulation de la redoute de Châtillon — je laisse la parole au même journal — au moment où les gardes nationaux se rendirent, on découvrit au milieu d’eux un homme tout chamarré qui déclara se nommer le général Duval. Quelques instants après il était fusillé, ainsi qu’un officier d’état-major et un commandant. Le reste des hommes qui ont été passés par les armes séance tenante, et qui sont sept ou huit, avaient été reconnus pour appartenir à l’armée.

Ainsi, de l’aveu de la presse versaillaise, lorsque la Commune essayait de faire à ses défenseurs un bouclier des Versaillais arrêtés et emprisonnés dans la sphère de son action, il y avait trois jours que, sans avis préalable, au gré d’un Vinoy et d’un Galliffet, les « fédérés » prisonniers et désarmés étaient exécutés comme on assassine ; il y avait trois jours que, dans le sang de Duval ainsi tué, M. le général Vinoy avait ramassé la grande chancellerie de la Légion d’honneur.

Est-ce assez clair ? Et quel est l’homme qui, en présence de ces cadavres faits et avoués par Versailles, oserait imputer à « crime », aux élus de l’hôtel de ville, une mesure de pure défense ?

Ce décret ensuite, dont on a mené si grand tapage et qui devait entraîner la condamnation à mort de M. Ranc, est resté lettre morte pendant les sept longues semaines qu’a duré le gouvernement communaliste, — et ce malgré les nouvelles exécutions sommaires de prisonniers, opérées en avril et mai à Clamart, au Moulin-Saquet, à Courbevoie, à la Belle-Épine, etc.

Un autre « acte » de la Commune, que ses vainqueurs de tous les degrés devaient transformer en « crime » pour la justification de leurs massacres d’abord, et de leur refus d’amnistie ensuite, est le décret en date du 12 avril portant « démolition de la colonne impériale de la place Vendôme ».

Ce n’était cependant pas la première fois que ce « monument de nos gloires passées » était décrété de « déboulonnement ».

Soixante-six ans auparavant, on avait pu voir s’atteler à sa chute le royalisme blanc rentré en France en croupe des cosaques et des uhlans ; et ce que voulaient ces premiers « déboulonneurs », c’était faire leur cour, donner satisfaction à leurs « bons amis nos ennemis » ; c’était renier et biffer dans la mesure du possible non seulement les victoires agressives de l’Empire, mais encore et surtout les victoires de la Révolution défensives du sol national. Tandis que le but de la Commune — tel qu’il résulte des termes mêmes de son décret — était d’affirmer le principe de la fraternité humaine.

Considérant — disait le décret — que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, la colonne de la place Vendôme sera démolie !

Mais, comme il s’agissait dans le premier cas du parti du trône et de l’autel, des souteneurs de la famille et de la propriété, ce qui était réellement un crime de lèse-patrie passa absolument inaperçu : pendant que dans l’autre cas, comme il s’agissait de républicains, de socialistes, ce qui n’était et ne pouvait être qu’un solennel hommage aux droits de l’humanité, à la paix entre les nations, devint un crime de lèse-patrie, que dis-je ! la preuve de la complicité des communalistes avec nos vainqueurs à aiguille de 1870.

C’est ainsi que des républicains mêmes écrivent l’histoire, l’histoire d’aujourd’hui ; car l’histoire de demain, la vraie, dira, qu’on en soit sûr, que le renversement de la colonne Vendôme, dans les conditions où il s’est opéré, sous le nez et à la barbe des armées prussiennes, était le plus sanglant soufflet qui pût être infligé aux victoires impériales et royales du nouveau Guillaume le Conquérant.

Pas un des termes du décret communaliste qui ne fut un coup de massue dans cette hégémonie, dans cette primauté que l’Allemagne césarienne prétendait avoir ramassée sur les champs de bataille de nos désastres et de ses triomphes.

Stigmatiser la gloire « militaire », la proclamer « fausse », s’en défendre comme d’un attentat — et ce à la face des de Moltke et autres lauréats de Metz, de Sedan, de Paris, c’était les dépouiller de la gloire dont ils se croyaient couverts pour nous avoir enlevé à la force de leurs canons d’acier deux provinces et cinq milliards.

Rayer des titres de la France à l’estime et à l’admiration du monde civilisé les batailles qu’elle avait pu gagner dans le passé ; faire des gros sous des canons de toutes les nations qui en avaient été le fruit, c’était ruiner par sa base et déboulonner à l’avance — du moins moralement — l’autre colonne également impériale que du bronze de nos canons, livrés plutôt que conquis, on s’apprêtait d’ores et déjà à édifier à Berlin.

Et qu’on ne s’avise pas de prétendre qu’il n’est si mauvaise cause qui ne puisse être défendue après coup, que nous prêtons à la Commune de Paris une pensée qui n’a jamais été celle de ses membres, ou l’on nous obligera, après avoir reproduit l’exposé des motifs si catégorique du décret du 12 avril, d’emprunter à « l’adresse du Conseil général de l’Internationale sur la guerre civile en France », ce passage de nature à clore le débat pour tout esprit non prévenu :

En jetant bas la colonne Vendôme, en vue de l’armée prussienne qui venait d’annexer à l’Allemagne deux provinces françaises, la Commune annexait à la France le peuple travailleur du monde entier.


D’autres monuments ont été sinon démolis, du moins voués à la démolition par la Commune : c’est la Chapelle dite expiatoire ; c’est le monument du général Bréa.

Mais on n’attend pas de nous la justification d’une double mesure qui ne justifie pas son énoncé même.

Fille de la Révolution de 93, la Révolution du 18 Mars ne pouvait pas sans parricide laisser subsister à la mémoire et en l’honneur du roi traître et parjure, de l’allié de Brunswick, du complice de la conjuration de Pilnitz, justement condamné et exécuté, une chapelle qui était une véritable apologie en pierre d’un fait qualifié crime par la loi universelle.

Première expression gouvernementale du prolétariat parisien, la Commune eût manqué à tous ses devoirs, déserté ses électeurs et abdiqué, si elle n’avait pas mis la pioche dans une bâtisse qui, par le plus odieux des mensonges historiques, transformait en fusilleurs les fusillés ouvriers de Juin.

Je laisserai également de côté — et pour la même cause — la démolition de l’hôtel Thiers. Lorsque les élus de l’hôtel de ville se décidèrent à cette « représaille », il y avait plusieurs semaines que, sous les obus du mont Valérien et sur l’ordre de M. Thiers, des centaines de maisons sautaient en l’air chaque jour avec les femmes et les enfants qui les occupaient.

Ce n’était pas, ensuite, la première fois qu’on voyait une République raser la demeure d’un citoyen coupable d’avoir porté le fer et le feu au sein de la patrie.

L’histoire de Rome, de Florence, de Gand et autres communes de tous les temps abonde en précédents de cette nature. Et pour agir comme elle l’a fait, la Commune de Paris n’a eu qu’à se souvenir.

Nous voici arrivés à la troisième et dernière période de la révolution communaliste. La Commune, gouvernement dont nous avons exposé les principaux « actes », les actes les plus « criminels », est chassée de l’hôtel de ville et éparpillée dans tous ses membres derrière les barricades de quartier, seuls remparts contre l’invasion de l’armée versaillaise.

Varlin, Protot, Ferré, etc., sont à la tête de leurs bataillons. Il n’y a plus d’assemblée, plus de gouvernants ; il ne reste que des combattants ou des hommes qui, comme Delescluze, iront sans armes au-devant de la mort voulue et cherchée.

C’est alors que se produisent, qu’éclatent ces « actes » dont la réaction tricolore devait user et abuser contre les vaincus ; j’ai nommé les exécutions et les incendies.

Personne ne me prêtera un seul instant l’intention de défendre l’exécution in extremis de soixante-huit otages, sur les milliers que renfermaient les prisons de Paris. C’est de cet acte qu’on peut dire qu’il était plus qu’un crime, une faute.

Autant pendant les deux mois de la lutte on aurait compris que, pour sauvegarder la vie de ses prisonniers, pour mettre fin à des massacres de blessés, qui indignaient jusqu’à l’abbé Deguerry, la Commune fît un exemple et appliquât son décret, mais solennellement, au grand jour de la place publique ; autant, Paris à moitié occupé et définitivement vaincu, la mise à mort d’un seul otage devenait plus qu’inutile, dangereuse au premier chef en fournissant un prétexte aux tueries de l’Ordre, qui s’opéraient — et qui devaient naturellement redoubler.

Mais tout d’abord il convient de remarquer que la Commune n’est pour rien dans ces exécutions de la dernière heure. Les calomniateurs les plus effrontés du mouvement communaliste, M. Jules Simon en tête, ont dû reconnaître que les quelques membres de la Commune, qui ont été témoins involontaires de ces meurtres, s’y sont opposés de toutes leurs forces, risquant leur vie pour sauver celle des victimes.

Ce qu’il importe de ne pas oublier, non plus, ce sont les conditions dans lesquelles les otages sont tombés sous les balles populaires. La garde nationale n’est pas une armée ; organisés par quartier, sinon par rues, les bataillons, les compagnies fédérées dont tous les membres étaient plus ou moins voisins et amis, sinon parents, constituaient comme autant de familles. Or, lorsque le 24 mai les survivants des barricades d’Auteuil, de Passy, des Champs-Élysées, etc., se portèrent à la Roquette pour en extraire MM. Bonjean, Darboy et autres, ils avaient vu depuis le lundi 22 — c’est le Times qui en fait foi — massacrer tous ceux des leurs qui étaient tombés aux mains des troupes. Le sang d’un fils, d’un frère, d’un camarade d’atelier dont le cadavre troué de balles était encore devant leurs yeux, les aveuglait ; selon une expression populaire, mais caractéristique, ils voyaient rouge, et ce qui, pour des esprits rassis, à distance, apparaît et ne peut apparaître que comme une tache de sang, se présentait à eux comme une représaille, je ne dirai pas légitime, mais naturelle.

De là ce fait — rapporté par tous les historiens de cette époque et qu’on ne saurait s’expliquer autrement — que c’était parmi les fédérés à qui ferait partie du peloton d’exécution ! Tous avaient le meurtre d’un des leurs à venger.

À propos de ces six exécutions de la Roquette, qui devaient être suivies, le 25 et le 26, de soixante-deux autres, le Figaro et autres agents provocateurs de fusillades sommaires n’ont pas craint d’évoquer les massacres de septembre 1793. Mais pour qui est capable d’un jugement droit, quelle différence entre ces deux ordres de faits, non seulement au point de vue du nombre des victimes, mais encore et surtout au point de vue des événements qui les ont provoqués ! Lors de la révolution bourgeoise de la fin du dernier siècle, l’ennemi pouvait menacer, mais n’avait pas frappé. Aucune des sauvages mesures de Brunswick n’avait pu être mise à exécution, et c’était, par suite, de sang-froid, gouvernementalement et préventivement, que les prisons furent vidées au profit de la fosse commune, En 1871, au contraire, lors de l’agonie de la révolution prolétarienne, il y avait des semaines que les fédérés étaient massacrés au jugé et en masse, lorsque l’exaspération transforma quelques-uns d’entre eux en massacreurs.

Et pourtant les journées de septembre n’ont pas été longues à sortir de la région des « crimes » pour entrer dans celle des faits historiques, puisque, déjà sous les Bourbons restaurés, M. Thiers pouvait les rattacher à la victoire de Valmy, les mettre en première ligne des mesures libératrices du sol national, sans qu’il soit venu à personne l’idée d’y voir l’apologie d’un fait qualifié crime ou délit.

Alors qu’aujourd’hui, trois ans après la disparition de l’Assemblée élue « dans un jour de malheur », c’est à peine s’il est permis d’évoquer, de ressusciter les horreurs de Paris, pris d’assaut par une armée française, pour expliquer comme quoi les Parisiens qui, couverts du sang des leurs, se portèrent aux extrémités que nous sommes les premiers à déplorer, n’étaient peut-être pas de vulgaires assassins, ce que M. Le Royer appelle des « criminels de droit commun ».

Il n’en sera sans doute pas toujours ainsi ; un jour viendra — et plus prochainement que ne le voudraient bien des gens — où, pour les actes révolutionnaires de 1871, l’histoire cessera d’être justiciable de la police correctionnelle, et où il sera possible de tout dire. Mais, pour l’instant, il faut nous borner à constater trois choses :

La première, c’est que si la justice populaire de la révolution se solde par soixante-huit cadavres, c’est par vingt-cinq ou trente mille que se chiffre la justice militaire de l’Ordre. « Les rues de Paris sont jonchées de leurs cadavres », écrivait le généralissime Thiers, qui n’avait soufflé mot — et pour cause — des cadavres qui jonchaient depuis longtemps la route de Versailles.

La seconde, c’est que les exécutions communalistes des 23, 24, 25 et 26 mai avaient été précédées et provoquées par les exécutions versaillaises des 3, 4, 6, 8, 14, 16 et 25 avril, et des 1er, 5, 10, 13, 22 et 23 mai.

La troisième, c’est que contrairement à ces dernières, qui ont eu lieu par système, sur l’ordre exprès des « dirigeants » militaires et politiques de Versailles, les autres, celles de Paris, ont eu contre elles, ont rencontré en travers d’elles la protestation et les poitrines de ce qui pouvait rester de la Commune.

Ce qui est peu, incontestablement, en comparaison de ce qui pourra s’écrire un jour, mais ce qui, nous l’espérons, du moins, paraîtra suffisant à beaucoup.

Après les exécutions — les incendies ; ces incendies qui, considérablement augmentés par les dépêches thièristes, ont pu reporter un moment la pensée départementale à ces paroles célèbres (qualifiées d’héroïques par tous les historiens) de la Commune de Gand à ses derniers défenseurs : « Allez, et si vous ne revenez pas ou que vous reveniez déconfits, nous boutrons le feu partout ! », mais qui, en dernière analyse, se réduisent à peu de chose si l’on considère, comme il convient, qu’ils sont loin de revenir tous aux communalistes, et qu’ils représentent trois espèces, trois catégories différentes :

Il y a eu des incendies voulus, prémédités et ordonnés, non pas par la Commune emportée dans la bataille, mais par certains membres de cette Commune dispersée.

Il y a eu ensuite les incendies que j’appellerai stratégiques, nécessités par la défense.

Il y a eu enfin les incendies allumés par les fusées incendiaires et les boulets rouges de M. de Mac-Mahon, et ceux — absolument privés — dont tous les Prieurs de la Comble sont loin d’avoir été découverts.

Mais avant de passer aux incendies n°1, c’est-à-dire à ceux qui ont été une affaire de principe pour la révolution républicaine et socialiste du 18 Mars, il est impossible de ne pas faire observer que, de même que l’initiative des exécutions sommaires, l’initiative des incendies était partie de Versailles, et que Paris n’a fait que suivre.

Le 8 avril (voir le Moniteur universel du 9), c’était « le restaurant Gillet, nouvellement réparé, qui était incendié à l’aube du jour » ? — Par quoi ? par « les obus du mont Valérien, et des batteries de Courbevoie et du pont ».

Le 24 du même mois (voir le Siècle du 25), c’est un « incendie qui se déclare au château de l’Étoile » : allumé par qui et par quoi ? Par « l’un des derniers obus de Versailles, lancé le matin avant la suspension d’armes ».

Le 27 (voir le Siècle du 28), c’est un autre « incendie qui se déclare à Neuilly » par le fait des mêmes obus.

Le 30 (voir le Progrès de Lyon du 5 mai, correspondance du 1er mai), c’est un nouvel incendie qui « éclate dans la rue des Acacias et dévore un vaste chantier », « incendie causé par les obus des batteries versaillaises ».

Le même jour (voir le Siècle du 1er mai) « incendie a la barrière de l’Étoile, qui, propagé par le vent, atteint des proportions formidables ».

Le 2 mai (voir la Liberté du 3), « un incendie considérable éclaire très vivement l’horizon de huit heures à neuf heures et demie. L’incendie avait été allumé dans la direction des Ternes par des projectiles lancés à la fois du mont Valérien et de la redoute de Gennevilliers ».

Nous croyons — c’est le journal bonapartiste qui parle — que ces projectiles étaient DES FUSÉES INCENDIAIRES ; car, placé à courte distance du mont Valérien, nous n’entendions aucune détonation. Arrivé à l’extrémité de sa trajectoire avant de toucher les maisons, le projectile éclatait en flammèches longues et nombreuses, et leur chute était suivie d’une recrudescence de l’incendie.

Aux Ternes (voir les Droits de l’homme du 11 mai, correspondance particulière), « les obus envoyés par les Versaillais ont allumé un incendie qui a brûlé TRENTE MAISONS. À Neuilly, autre incendie qui a anéanti une DIZAINE DE MAISONS ENVIRON ».

Le 3 mai (voir le Progrès de Lyon du 4, correspondance de Versailles), « les Ternes ont été détruits aux trois quarts par un incendie allumé par le mont Valérien ».

Le 4 (voir le bulletin signé : Rossel), « le château d’Issy est incendié à trois heures ».

Le 10 mai (voir le Siècle du 11), « une lueur rougeâtre illuminait le ciel dans la direction de Clamart ; c’étaient les bâtiments du fort de Vanves qui continuaient à brûler sans que les fédérés fussent en état d’apaiser le feu, car les batteries de Châtillon tiraient précisément contre le foyer de l’incendie ».

Le 11 (voir le Gaulois du 12), « du mont Valérien on apercevait la lueur de trois incendies qui se sont déclarés à Auteuil par suite du feu de Montretout ».

Le 17 (voir le Patriote, d’Angers), « à quatre heures du matin, des BOULETS ROUGES, lancés par les Versaillais, s’abattaient sur Auteuil et Passy ».

Ce même jour (voir le Moniteur universel du 18), « du haut de la terrasse de Saint-Germain on voyait dans la direction du Point-du-Jour un incendie considérable !!! »

Ainsi, Versailles — ce sont ses journaux qui en font foi — en était à son centième incendie au minimum, lorsque, du côté de la Commune, le feu fut mis sciemment, systématiquement, aux Tuileries et à l’hôtel de ville, c’est-à-dire au palais qui était l’expression séculaire, l’incarnation en pierre de la royauté, de l’idée monarchique, et à la « Maison commune » comme on dit en Suisse, qui, destinée à abriter les délégués à l’exécution des volontés populaires, n’avait jamais été, avant le 18 Mars, que le siège de l’exploitation et de la déception commune.

Oui, ces deux incendies — et ceux-là seuls — peuvent être mis avec vérité à la charge de la révolution de 1871, qui ne les a d’ailleurs jamais reniés ; mais ce n’était pas la première fois que pour en finir avec des idées malsaines on s’en prenait à leur représentation extérieure, aux monuments qui les perpétuaient dans l’imagination populaire. En flambant les réceptacles de la domination monarchique et de la domination bourgeoise, le prolétariat communaliste ne faisait que suivre l’exemple, que marcher dans les pas du christianisme des premiers siècles qui, pour débarrasser le monde de ce qu’il appelait les « faux dieux » (comme s’il y en avait de vrais), pour tuer avec et dans le signe la chose signifiée, s’acharnait sur tous les temples, statues, etc., dont il ne laissait pas pierre sur pierre, sans se préoccuper des chefs-d’œuvre atteints par sa torche et par son feu.

Ce « vandalisme » de plusieurs siècles, qui fut d’abord l’effet spontané du zèle des adeptes de la nouvelle religion, fut ensuite, qui plus est, systématisé et transformé en lois et en mesures gouvernementales, aussitôt qu’avec Constantin le christianisme arriva au pouvoir : « ordre de détruire, raser les temples ; ordre de renverser en tous lieux les simulacres, les statues, les images ; de raser, d’extirper les autels, etc.[1] ».

Et je ne sache pas que jamais — dans le parti de l’Ordre au moins — la moindre protestation se soit élevée contre le système, moitié Église et moitié État, de rénovation religieuse et morale de l’univers romain.

Je ne m’arrêterai pas longtemps aux incendies n°2 qui pour être, ceux-là aussi, le fait des fédérés, n’ont besoin ni d’explication, ni de justification, expliqués et justifiés qu’ils ont été par les adversaires les plus acharnés de la Commune, par M. L. Jesierski entre autres, actuellement rédacteur du National, qui écrivait ce qui suit dans sa Bataille des sept Jours :

Sur certains points, les insurgés ont procédé dans une intention stratégique, afin de barrer le passage aux troupes victorieuses. Une barricade est forcée ; avant de l’abandonner, ses défenseurs mettent le feu aux maisons sur les deux côtés de la rue ; puis ils se replient sur la barricade suivante. Ce brasier empêche les soldats de tourner l’obstacle, il faut l’escalader par le milieu de la chaussée, droit sous les balles de l’adversaire, ou bien prendre par un lointain circuit ; l’alternative se résout par une perte d’hommes ou par une perte de temps. À ce cas se rapporte l’incendie de la plupart des maisons particulières.

Un pareil aveu n’a pas besoin de commentaires.

Quant aux maisons particulières qui, en très petit nombre, ne rentrent pas dans ce cas simplement défensif, de même que pour le ministère des Finances, les stocks de la Villette, etc., si l’on veut connaître les véritables incendiaires, qu’on réfléchisse à la pluie de fer et de feu dont l’artillerie de l’Ordre a couvert Paris du 22 au 28 mai ; qu’on lise et qu’on relise ces deux dépêches du Siècle :

Le maréchal de Mac-Mahon a accordé aux combattants de Belleville deux heures pour réfléchir. Passé ce délai, il devait faire tirer à BOULETS ROUGES sur leurs positions…

Le maréchal de Mac-Mahon a exécuté sa menace contre Belleville. Toute la nuit on a tiré à BOULETS ROUGES sur le quartier. Un grand nombre de maisons sont en flammes.

Qu’on se demande quels hommes, quel parti, avaient intérêt à la disparition des Comptes avec leur Cour, de la préfecture de police et de ses dossiers ;

Qu’on se rappelle le sieur Prieur de la Comble et sa façon toute bonapartiste d’appliquer le proverbe : le feu purifie tout ;

Que l’on songe enfin et surtout que sur les 36.000 empontonnés de juin-juillet et sur les 10.000 condamnés contradictoirement de 72-78, en pleine légende de pétrole, de pétroleuses et de pétroleurs, c’est à peine si une quinzaine ont pu être, je ne dis pas convaincus, mais frappés comme incendiaires ; et, si l’on n’est pas dénué de tout bon sens ou de toute justice, on devra reconnaître la vanité et l’odieux de ce rideau de flamme et de fumée que les vainqueurs ont essayé de tirer sur le programme et le but des vaincus.

(La Révolution française, 1879.)


LE 18 MARS



Tous les efforts des radicaux bourgeois pour le réduire après coup à une simple affirmation républicaine ou à une revendication municipale — d’aucuns disent à un accès de fièvre obsidionale — n’empêcheront pas le 18 Mars d’être ce qu’il a été et ce qu’il deviendra toujours davantage :

1. Une révolution ouvrière continuant et complétant les journées de Juin 1848 et les insurrections lyonnaises des premières années du règne de Louis-Philippe ;

2. Une révolution économique ou sociale dont les racines plongent jusqu’à la fin du siècle dernier en pleine Conjuration des Égaux.

Le 18 Mars est presque exclusivement prolétarien. Pour ne rien dire de ses défenseurs anonymes recrutés en immense majorité dans les ateliers, le Comité central, qui est sa première sinon sa principale expression, ne se compose que de travailleurs manuels. L’uniforme de garde national peut recouvrir, il ne dissimule pas la « blouse » de ces gouvernants d’une semaine. Et si la Commune est moins exclusive, si la bourgeoisie s’y trouve représentée, c’est par ses « déclassés », par ses prolétaires, pourrait-on dire, journalistes et étudiants qui vivent de leur travail et dont l’activité cérébrale, comme l’activité musculaire de la classe ouvrière, est subordonnée dans son exercice et son application à un capital qui est possédé par d’autres. M. Louis Blanc, qui, dans son entrevue avec les délégués de Toulouse, reprochait aux élus de l’hôtel de ville d’être « des inconnus pour la plupart », constatait, sans s’en douter peut-être, cet état de choses, comme ce colonel préposé aux exécutions du 43e bastion qui, avant de faire « abattre » un membre du Comité central, Levêque, disait « d’un air goguenard » à ses soldats : « C’est un maçon et ça voulait gouverner la France ! » Oui, c’étaient des maçons, des relieurs, des cordonniers, c’est-à-dire une nouvelle couche sociale qui entrait en ligne, le quatrième état qui émergeait à coups de fusil.

Le 18 Mars est social ou socialiste dans son programme, même dans la partie de ce programme qui paraît au premier abord purement politique. L’autonomie communale qu’il fait mieux que de réclamer, qu’il prend et qu’il étend à tout, non seulement à l’impôt, mais à la justice, non seulement à l’instruction, mais à la force publique, cette autonomie absolue, qui a malheureusement fait illusion à beaucoup, n’est — il a pris soin de le déclarer — qu’un moyen destiné à quoi ? à universaliser la propriété[2].

L’outil à l’ouvrier, la terre à celui qui la cultive, lit-on dans une autre proclamation à l’adresse des départements.

Et pour que personne ne puisse en ignorer, au milieu et en dépit de la lutte qui absorbe tous ses efforts, la Commune de Paris, joignant les actes aux paroles, prendra des mesures comme celles-ci, qu’il importe d’autant plus de mettre en relief que leur portée paraît avoir échappé à quelques-uns parmi ceux-là même qui les ont votées :

Elle réduira à 6.000 francs par an le « maximum du traitement des employés aux divers services communaux » — ce qui était un premier pas, et un pas considérable, vers l’équivalence des fonctions et l’égalité des salaires.

Elle décidera « qu’aucune administration privée ou publique ne pourra imposer des amendes ou des retenues aux employés ou aux ouvriers », et elle interdira « le travail de nuit dans les boulangeries », rompant ainsi en visière au laisser faire bourgeois et intervenant entre le Travail et le Capital, non plus comme aujourd’hui au profit des capitalistes, mais au profit des travailleurs.

Comprenant enfin que la coopération n’est pas un moyen d’affranchissement, mais le résultat du capital restitué à ceux qui le mettent en valeur, elle appellera les chambres syndicales à constituer une commission ayant pour but :

1. De dresser une statistique des ateliers abandonnés, ainsi qu’un inventaire exact de l’état dans lequel ils se trouvent et des instruments de travail qu’ils renferment ;

2. De présenter un rapport établissant les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers, non plus par les déserteurs qui les ont abandonnés, mais par l’association coopérative des travailleurs qui y étaient employés ;

3. D’établir un projet de constitution de ces sociétés coopératives associées.

C’est donc bien le droit au capital, le droit à l’instrument et à la matière de la production, et non plus seulement le droit au travail, qui a été affirmé — incidemment, il est vrai — en pleine bataille, par la Commune de Paris trop avisée pour confondre 1870 avec 1848 et réduire les revendications ouvrières à la formule rudimentaire et incomplète d’il y a trente-deux ans.

Mais c’est surtout dans ses conséquences historiques, qui — ne l’oublions pas — plus que le programme et le personnel, caractérisent une tentative révolutionnaire, c’est surtout dans son lendemain qui dure encore, dans les espérances et les terreurs qu’il a éveillées d’un bout du monde à l’autre, que le 18 Mars a donné sa véritable mesure ouvrière et socialiste.

À peine le drapeau rouge, son drapeau, tombé dans le sang de son dernier soldat, que voyons-nous, en effet ? Ce drapeau ramassé et arboré par le prolétariat de tous les pays qui en fait son signe de ralliement. « Vive la Commune ! » Ce cri est à peine étouffé au Père-Lachaise sous une dernière décharge de mitrailleuses qu’il éclate plus nombreux et plus puissant que jamais au Nord et au Midi, à l’Est et à l’Ouest, poussé par l’universalité des travailleurs qui, en Allemagne, par exemple, se déclarent, par l’organe de Liebknecht et de Bebel, solidaires de leurs « frères de Paris », qui, en Suisse, en Belgique, etc., se lèvent pour empêcher l’extradition des « échappés » et qui partout fêtent à l’envi la date du 18 Mars comme ouvrant une ère nouvelle, l’ère de leur émancipation.

Que voyons-nous d’autre part ? Cette même date maudite, ce cri proscrit par les classes dirigeantes et possédantes de partout, lesquelles, si divisées qu’elles puissent être en matière de forme gouvernementale, qu’elles se réclament de la monarchie, comme en Allemagne, en Autriche et en Italie, ou de la République comme en Suisse, aux États-Unis et en France, se retrouvent unies et solidarisées contre ce qu’elles reconnaissent ainsi pour l’ennemi commun.

D’un côté, du côté de la Commune, tous ceux qui, à quelque nationalité qu’ils appartiennent, de quelque liberté politique qu’ils jouissent, sont les dupes ou les victimes de l’ordre économique actuel et en poursuivent le renversement ;

De l’autre, tous ceux qui bénéficient de cet ordre à un titre quelconque et entendent le conserver.

Ici, l’univers capitaliste ;

Là, l’univers prolétarien.

Et l’on voudrait qu’une révolution qui a ainsi bouleversé tous les partis politiques, ne laissant plus subsister dans le monde entier que deux classes en présence l’une de l’autre, ne soit pas une révolution de classe, la vôtre, ô travailleurs !

Allons donc !

Le 18 Mars vous appartient tout entier, comme 89 appartient au tiers état. Ou, plus exactement, le 18 Mars est votre 89 — qui commence.

(L’Égalité, 18 mars 1879.)


LE 18 MARS EN PROVINCE



Combien ignorent — même en France — non seulement ce qu’a été, mais s’il a existé un mouvement communaliste en province, correspondant au mouvement de Paris et l’appuyant, soit matériellement, soit moralement !

C’est cette lacune — dont il serait trop long d’exposer les causes multiples — que je vais essayer de combler, non pas sans doute aussi complètement que le mériterait cette page très consolante de notre histoire révolutionnaire — il faudrait pour cela des volumes — mais suffisamment pour réduire à néant les calomnies intéressées d’après lesquelles l’explosion ouvrière de 1871 n’aurait pas dépassé les fortifications de l’ex-capitale et aurait été désavouée, condamnée par le reste du pays.


I


Ce n’est que le 20, le 21 même dans certains départements, qu’on apprit les événements du 18, c’est-à-dire l’attaque nocturne des canons de Montmartre, la résistance victorieuse de la garde nationale et la retraite à Versailles du gouvernement de MM. Thiers, Jules Favre, Ernest Picard, Jules Simon, etc.

Dans cette dépêche — véritable chef-d’œuvre de mensonge — l’exécution des généraux Clément Thomas et Lecomte qui, outre qu’elle s’expliquait amplement par les antécédents et la conduite présente des « victimes », n’était, en réalité qu’un incident dû à l’exaspération populaire, cette double exécution, dis-je, était présentée comme une mesure réfléchie, ordonnée par le Comité central dont elle inaugurait et caractérisait en même temps l’avènement au pouvoir.

« L’armée de l’ordre », d’autre part, qui n’existait plus que sur le papier, était donnée comme forte de 40.000 hommes et comme en mesure de prendre immédiatement sa revanche d’un échec provisoire. Et malgré cela, sans attendre même d’être renseigné sur les hommes, en majeure partie inconnus, qui siégeaient à l’hôtel de ville, Lyon d’abord, puis successivement Saint-Étienne, Le Creusot, Marseille, Toulouse, Narbonne et Limoges se soulevèrent aux cris de : Vive Paris ! À bas Versailles ! et proclamèrent leur Commune.

Lyon, qui devait prendre de nouveau les armes le 30 avril et sceller cette fois de son sang sa solidarité révolutionnaire avec Paris, Lyon, par suite de la défection de ses radicaux bourgeois, fut réduit sans coup férir le 25 mars. Le Creusot, dont le maire était un ouvrier, Dumay, eut le même sort le 26, et Saint-Étienne le 28. Marseille tint plus longtemps, jusqu’au 4 avril, et eut les honneurs d’un bombardement de douze heures, suivi des premières exécutions sommaires de prisonniers. Toulouse, qui, si elle avait seulement tenu une semaine, eût entraîné une insurrection générale de tout le Midi, et qui malheureusement avait compté sur son préfet, M. Duportal, exclusivement préoccupé de sauver sa préfecture, Toulouse succomba le 27, entraînant dans sa chute Narbonne, dont l’héroïque Digeon ne put, malgré la collaboration ardente de l’élément féminin, que prolonger jusqu’au 31 la résistance désormais inutile.

D’autres mouvements, à Perpignan le 25 mars, à Grenoble le 16 avril, à Bordeaux le 16, le 17 et le 18, à Périgueux le 12 et le 13, à Cuers le 31, à Foix, à Varilhes, etc., tendant presque tous à empêcher le départ des soldats et des canons destinés au nouveau siège de Paris, n’eurent pas un meilleur résultat. Mais pour n’avoir pas réussi — nous dirons plus tard pourquoi — ces diverses tentatives armées n’en sont pas moins concluantes : elles témoignent que, dans les villes surtout, les revendications parisiennes étaient comprises et encouragées.



II


Dès le 23 mars, se souvenant de l’empressement avec lequel, en 1848, les gardes nationales de tous les points de France avaient apporté leur part de plomb contre les insurgés de Juin, l’Assemblée dite nationale invoqua le secours de ses électeurs départementaux contre ce qu’elle appelait « une poignée de factieux ».

Pour faire appel à vos courages — portait la proclamation au peuple et à l’armée — pour réclamer de vous une énergique assistance, vos représentants sont unanimes.

Le 24, une loi fut votée, par 449 voix contre 79, ainsi conçue :

Considérant que la représentation nationale est placée sous la sauvegarde de la France entière et que, dans les circonstances actuelles, le pays doit s’unir à l’armée pour repousser le désordre ;

L’Assemblée nationale décrète :

Chaque département tiendra à la disposition du gouvernement un ou plusieurs bataillons de volontaires, choisis de préférence parmi les hommes ayant déjà servi dans l’armée, la marine ou la garde mobile, ou appartenant à la garde nationale.

De son côté, le ministre de l’Intérieur télégraphiait à ses préfets :

Une portion considérable de la population et de la garde mobile nationale de Paris sollicite le concours des départements pour le rétablissement de l’ordre.

Formez et organisez des bataillons de volontaires pour répondre à cet appel et à celui de l’Assemblée nationale.

Et quel fut le résultat de ces appels aussi réitérés que désespérés ? Les registres d’enrôlements ouverts dans toutes les préfectures ne donnèrent pas cent hommes par département. En vain la solde est-elle portée à 1 franc, à 1 fr. 50, plus les vivres de campagne ; en vain y ajoute-t-on l’attrait irrésistible de l’épaulette ; en vain menace-t-on de faire partir de force, au moyen d’une loi spéciale, ceux qui refusent de marcher de leur plein gré, les volontaires continuent à faire défaut, ou, s’ils se présentent, c’est, comme à Bayonne, « pour défendre la République contre ses ennemis, quels qu’ils fussent ou d’où qu’ils viennent », ou, comme à Besançon, le 4e bataillon de la garde nationale, pour « voler au premier signal au secours de Paris ».

Il en fut ainsi de tous les efforts du même genre qui furent tentés pendant toute la durée du siège et dont aucun n’aboutit. De telle sorte que l’on dut même renoncer à constituer à l’Assemblée la garde d’honneur dont elle avait fini par se contenter, ainsi qu’il résulte de l’avis suivant publié par le Journal officiel à la date du 14 avril :

L’organisation de ce corps — recruté parmi les officiers de l’ancienne garde mobile — ayant rencontré des difficultés, l’administration informe messieurs les officiers qu’il ne sera plus reçu à l’avenir aucun engagement.

Pour se former une armée contre Paris, la réaction versaillaise fut obligée d’employer les moyens coercitifs en transportant en Afrique les régiments qui, comme le 88e de ligne et le 24e de chasseurs, refusèrent de se battre pour elle, ou en spéculant sur le « mal du pays » de nos prisonniers d’Allemagne qui n’étaient admis à rentrer que contre l’engagement de tourner contre leurs compatriotes la liberté et les armes qui leur étaient rendues.


III


Voilà qui est clair, ce me semble, et achève d’indiquer de quel côté étaient les sympathies, les vœux de la province, des campagnes.

La France départementale, cependant, ne s’en tint pas là ; et c’est directement, explicitement, que, jusqu’à l’écrasement final, elle interviendra en faveur de Paris contre Versailles.

Pour ne rien dire des pétitions, toutes plus ou moins favorables à la cause pour laquelle Paris luttait et saignait, qui affluèrent à Versailles dès le 25 mars, et qui inspirèrent tant d’effroi à la majorité rurale que, d’une part, par sa circulaire du 23 avril, le «  républicain » Dufaure ordonnait de déférer aux tribunaux leurs signataires pour crime de « conciliation » et que, de l’autre, les commissions municipales, dont elles émanaient en grande partie, furent jugées indignes de présider au renouvellement des conseils municipaux et eurent à céder en bloc la place aux anciennes municipalités de l’Empire d’avant le 4 Septembre, la seule fois où la parole fut donnée au pays, c’est-à-dire le 30 avril, le pays n’hésita pas à faire aux « insurgés » un rempart de ses votes.

Partout, en effet, le scrutin — de municipal qu’il était — fut élargi, transformé en un véritable plébiscite pour ou contre Paris, pour ou contre Versailles ; et dans l’immense majorité de nos trente-six mille communes, ce fut Paris qui sortit triomphant des urnes, lorsque, comme à Rochefort, on ne trouva pas plus simple d’inscrire sur le bulletin de vote, aux lieu et place d’un nom de candidat, ce seul mot : « Commune de Paris. »

Aussi le lendemain de ce vote, presque inespéré, que voit-on ?

1. Les nouveaux élus s’adressent à l’Assemblée versaillaise pour la sommer d’avoir à faire la paix avec Paris, à proclamer la République, à se dissoudre, son mandat étant expiré. Quant au chiffre de ces adresses, identiques dans le fond, sinon dans la forme, on en aura une idée lorsque l’on saura que dans un département, qui est loin d’être des plus avancé, dans l’Ardèche, de l’aveu du préfet, il se trouva dix-sept conseils municipaux pour les signer et les envoyer à qui de droit. Dans d’autres départements plus rouges, comme l’Hérault, par exemple, sur trois cents et quelques communes, c’est à peine si un tiers s’abstinrent.

2. Deux congrès — toujours de délégués des nouvelles représentations communales — furent décidés, « dans le but, disait le manifeste du comité d’initiative, de délibérer sur les mesures les plus propres à terminer la guerre civile, à assurer les franchises municipales et à consolider la République ». Celui de Bordeaux, fixé au 10 mai, et dit de la Ligue patriotique des villes républicaines, parce que les villes seules y étaient convoquées à raison d’un conseiller municipal par vingt mille habitants, n’eut pas lieu, il est vrai, à la suite d’une note menaçante du Journal officiel se terminant ainsi :

Les déclarations publiées en même temps que leur programme par les membres du comité d’organisation établissant que le but de l’association est de décider entre l’insurrection d’une part et le gouvernement et l’Assemblée de l’autre, et substituant ainsi l’autorité de la Ligue à celle de l’Assemblée nationale, le devoir du gouvernement est d’user des pouvoirs que lui confère la loi du 10 août 1838 (la dissolution par la force). C’est un devoir auquel on peut être assuré qu’il ne faillira pas. Il trahirait l’Assemblée, la France et la civilisation en laissant se constituer, à côté des pouvoirs réguliers issus du suffrage universel, les assises du communisme et de la rébellion.

Ici encore, le courage de la province ne fut pas à la hauteur de sa bonne volonté, quoiqu’il ne manquât pas de journaux, comme les Droits de l’homme, de Montpellier, pour demander qu’on passât outre au veto gouvernemental et qu’on opposât la force à la force.

Le congrès de Lyon, dit des Municipalités, et ouvert à toutes les communes tant rurales qu’urbaines, fut tenu, lui, le 14, Versailles n’osant et ne pouvant rien « contre les vingt et quelques bataillons de la garde nationale du Rhône qui s’étaient offerts à le protéger contre toute violence. Et bien que la veille un télégramme mensonger eût été envoyé aux diverses municipalités de l’Allier, de la Gironde, des Alpes-Maritimes, de la Savoie, de la Drôme, etc., leur affirmant que le « congrès n’avait pas lieu », seize départements s’y firent représenter. Ce sont : l’Ardèche, les Bouches-du-Rhône, le Cher, la Drôme, le Gard, l’Hérault, l’Isère, la Loire, la Haute-Loire, la Nièvre, les Pyrénées-Orientales, le Rhône, Saône-et-Loire, la Savoie, le Var et Vaucluse. Il dura trois jours et voici la résolution qui fut adoptée à l’unanimité et portée à son adresse par cinq délégués :

Au chef du Pouvoir exécutif de la République française et à la Commune de Paris :

Les délégués, membres des conseils municipaux des seize départements réunis à Lyon,

Au nom des populations qu’ils représentent, affirment la République comme le seul gouvernement légitime et possible du pays, l’autonomie communale comme la seule base du gouvernement républicain, et demandent :

La cessation des hostilités ;

La dissolution de l’Assemblée nationale dont le mandat est expiré, la paix étant signée ;

La dissolution de la Commune ;

Des élections municipales dans Paris ;

Des élections pour une Constituante dans la France entière.

Dans le cas où ces résolutions seraient repoussées par l’Assemblée ou par la Commune, ils rendraient responsable devant la nation celui des deux combattants qui refusait et menacerait ainsi de donner à la guerre civile de nouveaux aliments.

Dans cette pièce — comme on le remarquera — la dissolution de la Commune n’est demandée qu’après la dissolution de l’Assemblée de Versailles : ce qui ne laisse pas que d’être significatif.

3. Dans plusieurs départements, aux délégués expédiés à Lyon on ajouta des délégations particulières envoyées seulement à Versailles avec la mission d’arracher Paris au cercle de fer et de feu qui l’étreignait.

Celle de l’Hérault ne comptait pas moins de seize membres revêtus du mandat régulier de plus de cinquante conseils municipaux du département. À leur départ de Montpellier, le 11, ils furent accompagnés à la gare par plus de 15.000 personnes criant : Vive Paris ! Sauvez Paris ! Treize d’entre eux, malgré leurs protestations, furent arrêtés militairement à Saincaize, près Nevers, et gardés trois jours entiers en prison. Ce qui ne les empêcha pas, aussitôt libres, de poursuivre leur voyage, mais ce qui fut cause qu’ils arrivèrent trop tard, lorsque déjà, entrés par trahison, les massacreurs de l’Ordre étaient maîtres de Montmartre et d’autres points stratégiques de la première importance.

Le projet de transaction dont ils étaient porteurs ne différait d’ailleurs guère de celui qui avait été arrêté par le congrès de Lyon, mais il insistait sur la réunion à Paris même de la nouvelle représentation nationale. Et le rapport qu’ils publièrent à leur retour, en pleine orgie de répression, devait, comme celui du congrès, être écrasant pour Versailles, convaincu de « n’avoir jamais voulu d’autre solution au conflit que celle du canon ».

À l’appui des sentiments communalistes de la France provinciale, je devrais également citer les rapports adressés par les préfets et les présidents de Cours d’appel à la fameuse Commission d’enquête sur les événements du 18 Mars. Étant donné la source peu suspecte dont ils émanent, ils suffiraient à eux seuls à trancher la question que j’ai voulu élucider.

La basse classe, notamment la classe ouvrière, faisait publiquement des vœux pour le triomphe de la Commune, écrit le président de la cour de Besançon.

Les agriculteurs y sont pauvres [dans les Basses-Alpes] — écrit le président de la cour d’Aix — ils n’ont pas bougé, mais ils ont envoyé de nombreux émissaires à Marseille ; on en a suivi avec anxiété les diverses péripéties et l’on n’attendait que la nouvelle d’un succès mieux assuré pour proclamer la Commune.

Le langage du président de la cour de Bourges n’est pas différent :

Je constate avec douleur que sur plusieurs points du ressort, et plus particulièrement dans le Cher et la Nièvre, l’exécrable tentative de la Commune a soulevé des sympathies et des espérances ardentes. À Vierzon, les vœux et les espérances étaient pour le succès de la Commune, on l’attendait… » etc.

Mais, si instructives que soient ces citations, je suis obligé de les interrompre. J’ai hâte d’arriver à un événement qui, mieux que quoi que ce soit, nous donnera la mesure des dispositions des départements — je veux parler des élections législatives complémentaires du 2 juillet.

À cette date, en effet, il y avait plus d’un mois que la Commune était tombée avec ses derniers défenseurs. La terreur était partout, par l’état de siège qui pesait sur quarante-deux départements, par les conseils de guerre qui commençaient leur sinistre besogne et par les pontons où continuaient à s’entasser les « suspects ». D’un autre côté, les vaincus, selon l’usage, étaient l’objet des calomnies les plus atroces déversées sur eux à flots par une presse immonde qui ne reculait même pas devant des faux matériels. Et, cependant, sur les quarante-cinq départements qui, en dehors de celui de la Seine, furent appelés à voter, trente-deux se prononçaient à une immense majorité contre les vainqueurs, reprenant pour leur compte, sinon la totalité, au moins une notable fraction des revendications parisiennes.

Sur les quatre-vingt-douze élus, soixante-seize, réunissant plus d’un million et demi de suffrages, étaient radicalement antiversaillais. Pour qu’on ne pût s’y tromper, en tête venaient : Ferrouillat, un des délégués du congrès de Lyon, dans les salons de qui s’était tenu le congrès ; Cazot, autre délégué du même congrès pour le Gard ; Foucaud, de Bordeaux, que la démocratie girondine avait envoyé à Versailles protester contre le bombardement de Paris ; Ordinaire, dont les agissements communalistes n’étaient ignorés de personne, etc. Ailleurs, comme à Bourges, les candidats qui, dans leur profession de foi, avaient revendiqué « comme le principal honneur de leur vie » leurs démarches en faveur de Paris, « n’étaient éloignés du succès que de deux à quatre mille voix ». Et le mandat de tous, auquel ils manquèrent d’ailleurs, portait expressément : amnistie pour tous les faits se rattachant à la Commune et dissolution de l’Assemblée qui venait de reprendre Paris sur les Parisiens.


IV


Il est donc absolument incontestable que, en 1871, il n’y a pas eu divorce entre la démocratie parisienne et la démocratie départementale, et que celle-ci, qui a pu manquer réellement d’énergie, était en masse favorable aux « fédérés ».

Tout ce que l’on peut dire, c’est que c’était, moins le côté socialiste que le côté politique de la Commune, c’est-à-dire sa revendication de la République et de l’autonomie communale, qui était acclamé par la province. Mais qui ne comprend que, ces deux points obtenus, les grandes villes où domine l’élément ouvrier, devenues maîtresses absolues de la force publique, de leur administration et de leur législation, la révolution économique n’eût plus été qu’une question de mois, sinon de semaines ?

Que, maintenant, dans de pareilles conditions, complices comme ils l’étaient en majeure partie de Paris, les départements n’aient pas réussi, je ne dis pas à le faire triompher, mais seulement à le sauver, c’est ce qui, au premier abord, je l’avouerai, peut paraître inexplicable, et c’est ce que s’expliquent cependant aisément ceux qui ont été mêlés aux événements de cette époque.

Cet insuccès peut se ramener, à mon avis, à trois causes principales :

C’est d’abord l’occupation de plus d’un tiers du territoire par les armées impériales et royales de Sa Majesté Guillaume — occupation qui paralysait les meilleurs citoyens et qui, à Paris même, faisait dire le 15 mars, par de futurs fédérés à celui qui écrit ces lignes, que la lutte, considérée d’ores et déjà par tous comme inévitable, ne s’engagerait pas, en tout cas, avant l’évacuation du territoire. N’eût été la crainte d’un retour offensif des troupes prussiennes, annoncé, qui plus est, à plusieurs reprises par les journaux de l’ordre, toute la vallée du Rhône, au moins, eût sauté comme un baril de poudre.

C’est ensuite l’attitude et le langage de l’extrême gauche de l’Assemblée de Versailles, des Louis Blanc et autres proscrits de la République de 48 et de l’Empire dont le prestige était encore intact, et qui ne cessaient de proclamer avec M. Thiers que la République n’était mise en péril que par les insurgés, et invoquaient à l’appui de leur assertion leur propre présence dans les rangs des bombardeurs de Paris. Que ces misérables — élus pour la plupart par la population parisienne — eussent dit un mot, fait un geste ; qu’ils se fussent — comme c’était leur devoir de mandataire, et comme le leur demandait le Comité central républicain de Lot-et-Garonne — transportés collectivement dans l’ex-capitale, au milieu de leurs électeurs, en appelant à leur aide la démocratie des départements : et la prise d’armes eût été générale d’un bout de la France à l’autre ; l’Assemblée, réduite à sa majorité monarchiste, eût été balayée en moins d’une semaine, presque sans effusion de sang.

Depuis le 4 Septembre enfin, sinon en droit, du moins en fait, par suite surtout du gouvernement central enfermé dans Paris, les communes douées de quelque initiative jouissaient de l’autonomie la plus complète. Là où les travailleurs étaient en majorité, ils s’étaient, comme à Cette, à Béziers, par exemple, emparés de la mairie, administrant, en qualité de commission municipale, la localité qu’ils dominaient encore en tant que garde nationale. Et sans se rendre compte qu’avec l’écrasement de Paris un pareil état de choses ne durerait pas, ne pouvait pas durer, on se demandait ce que à s’insurger on pourrait, même victorieux, obtenir de plus que ce que l’on avait.

Il n’était pas jusqu’à la Commune qui ne favorisât cette disposition funeste en présentant la révolution accomplie le 18 mars comme exclusivement parisienne, municipale ; en même temps que, par ses déclarations répétées que ses seules forces suffiraient à avoir raison de Versailles, elle retint l’arme au pied, une foule de braves gens qui se fussent fait, au contraire, un devoir d’intervenir à coups de fusil, si on leur avait dit franchement ce qu’il en était, c’est-à-dire que la victoire n’était possible qu’au prix de leur entrée en ligne.

Telles sont — je le répète — les raisons de la défaite d’un mouvement qui avait pour lui plus des deux tiers du pays, et il n’y en a pas d’autres. Messieurs les conservateurs pourront s’en convaincre en temps et lieu.

(Die Zukunft, 1877.)


18 MARS 1871 — 18 MARS 1892



La Commune de 1871, dont nous célébrons aujourd’hui le vingt-et-unième anniversaire, a clos, pour le prolétariat, l’ère des révoltes qu’on peut appeler chaotiques, en même temps qu’à l’exemple de ce philosophe qui prouvait le mouvement en marchant, elle a indiqué à la classe ouvrière son moyen d’affranchissement en installant les travailleurs au pouvoir politique.

Toute la révolution du 18 Mars est dans ce fait : la bourgeoisie, toutes les fractions de la bourgeoisie chassées du gouvernement et le gouvernement pris en main par le prolétariat parisien.

Peu importe l’usage qu’ont pu faire de ce pouvoir, dans des circonstances exceptionnellement difficiles, les travailleurs non préparés, n’ayant encore ni but, ni méthode.

Peu importe qu’imbus des idées bourgeoises sur la propriété, ils aient organisé eux-mêmes leur défaite en « respectant » la Banque de France.

Peu importe qu’égarés par d’autres idées non moins bourgeoises, négligeant le véritable et unique ennemi : le capitalisme, pour un adversaire de fantaisie : le cléricalisme, ils aient pris leurs otages dans les archevêchés et les sacristies, alors qu’ils avaient Rothschild au bout de leur mandat d’amener.

Peu importe qu’ayant à venger leurs assassinés d’avril et de mai, le fusil de leurs représailles se soit trompé de cible, perdant ses balles de désespoir dans la carcasse de « quelques obscurs jésuites », lorsque patrons et financiers traînaient par les rues à la douzaine.

Toutes ces fautes — qui ne se répéteraient plus aujourd’hui — disparaissent devant et dans cet événement qui est un avènement : la classe dépossédée, maîtresse pendant deux mois de l’outil de toutes les transformations sociales, l’État.

C’est cette conquête — malheureusement provisoire — de l’État par les prolétaires de Paris que nous fêtons et que fête aujourd’hui avec nous le prolétariat du monde entier, internationalement d’accord pour placer dans l’expropriation politique de la classe capitaliste le secret et l’instrument de son expropriation économique.

C’est en parti politique, ayant pour premier objectif le gouvernement à occuper, que sont actuellement organisés les travailleurs de partout.

C’est à cette première et indispensable conquête qu’ils tendent tous leurs efforts.

Et c’est dans cet esprit que nous saluons et que tous saluent nos aînés, ceux qui ont héroïquement laissé trente-cinq mille cadavres sur la position qu’ils n’ont pas été en mesure de conserver mais qu’ils avaient prise, et que nous saurons, nous, les circonstances aidant, prendre et conserver.

(Le Socialiste, 20 mars 1892.)






INDEX DES NOMS CITÉS


Babeuf François, dit Gracchus (1760-1797). — Révolutionnaire français, chef de la conspiration « pour l’Égalité », dont les membre s’appelaient les « Égaux ». Son but final était l’établissement du communisme. Dénoncé par un traître, il fut condamné à mort et guillotiné.


Baudin (1814-1851). — Médecin et homme politique français. Représentant du peuple à l’Assemblée nationale de 1850. Tué sur une barricade le 2 décembre 1851, en appelant le peuple parisien à la résistance au coup d’État bonapartiste.


Bebel Auguste (1840-1018). — Leader et fondateur de la social-démocratie allemande. S’abstint, comme Liebknecht, au vote des crédits pour la guerre de 1870. Après la proclamation de la République en France (4 septembre), vota contre la guerre et l’annexion de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne.


Berryer Antoine (1790-1808). — Homme politique français, avocat, légitimiste, adversaire du second Empire.


Blanc Louis (1811-1882). — Historien et homme politique français. Auteur de l’Histoire de dix ans et de l’Histoire de la Révolution française. Écrivit également une brochure célèbre sur l’Organisation du travail, Ce fut un simple réformiste social. Farouche adversaire de la Commune.


Blanqui Louis-Auguste (1805-1881). — Célèbre révolutionnaire et socialiste qui passa trente années en prison. Influencé par les conceptions de Babeuf. Participa à de nombreuses sociétés secrètes et à de nombreuses insurrections (1845, 1870…). Blanqui voyait dans la révolution sociale et dans la dictature de l’avant-garde révolutionnaire le seul moyen d’établir le régime socialiste.


Bonjean (1804-1871). — Président de la Cour de cassation. Otage de la Commune. Fusillé le 24 mai.


Bouchotte (1754-1840). — Ministre de la Guerre français en 1792. Patriote vigilant, administrateur habile et honnête, il eut une grande part dans l’organisation des armées de la République.
Bréa (1790-1848). — Général français, tué en combattant l’insurrection ouvrière de juin 1848.


Broglie (duc de) (1821-1901). — Historien et homme politique français. Un des chefs de la majorité conservatrice à l’Assemblée de Versailles, Monarchiste, essaya en vain de mettre sur le trône le comte de Chambord (Henri V). Poussa Mac-Mahon au « coup d’État du 16 mai 1877 » (renvoi du ministère « républicain » de Jules Simon, contre la volonté du pays).


Brunswick (manifeste de). — Ultimatum insolent adressé le 27 juillet 1792 à la France révolutionnaire, au nom de la première coalition, par le duc de Brunswick. Son auteur était un émigré français, le marquis de Liniers. Ce manifeste menaçait la France et surtout Paris d’une extermination générale si Louis XVI n’était pas rétabli dans la plénitude de ses droits. Il eut pour résultats la prise des Tuileries le 10 août et l’internement de Louis XVI à la prison du Temple.


Buffet Louis-Joseph (1818-1898). — Homme politique français, Président au Conseil sous Mac-Mahon. Un des chefs du parti conservateur au début de la troisième République.


Cabet Étienne (1788-1850). — Communiste français de la période utopique. Auteur d’un roman célèbre : Le Voyage en Icarie. Fit plusieurs tentatives de colonisation communiste aux États-Unis.


Campanella Thomas (1568-1639). — Philosophe italien, dominicain, préconisa la méthode expérimentale. Emprisonné pendant 24 ans pour la hardiesse de ses idées. Écrivit la Cité du soleil, exposé d’une société imaginaire vivant sous un régime de communisme religieux.


Coalition (armées de la). — En 1791, à Pillnitz, se conclut la coalition entre la Prusse et l’Autriche, auxquelles se joignirent successivement, après la mort de Louis XVI, l’Espagne, l’Angleterre et d’autres pays. Elle envahit la France, fut vaincue à Valmy, le 20 septembre 1792, et définitivement rompue par le traité de Campo-Formio, le 17 octobre 1797.


Commune. — Ce terme désigne : 1. Les villes qui, pendant le moyen Age, réussirent, soit, le plus souvent, par force, soit pécuniairement, à arracher leur émancipation à leurs seigneurs et à assurer l’autonomie plus ou moins complète de leur municipalité. 2. La municipalité de Paris, constituée en juillet 1789, et la « Commune insurrectionnelle de Paris », qui se substitua, le 10 août 1792, aux autorités existantes, assura le triomphe de la Révolution, et disparut lors de la chute de Robespierre, le 9 thermidor, an II (27 juillet 1794). 3. La « Commune de Paris » de 1871, mouvement insurrectionnel du prolétariat parisien consécutif à la guerre franco-allemande qui vécut du 18 mars au 21 mai 1871, et fut noyé dans le sang par l’armée versaillaise.


Convention Nationale. — Assemblée révolutionnaire qui succéda à l’Assemblée législative le 20 septembre 1792. Elle proclama la République, condamna Louis XVI à mort, créa le Comité de salut public, vainquit la première coalition, écrasa les contre-révolutionnaires à l’intérieur, fonda toutes les institutions de la France moderne. Elle se sépara le 26 Octobre 1795, pour faire place au Directoire.


Coup d’État du 2 décembre 1851. — À cette date, Louis-Napoléon, président de la République depuis le 10 décembre 1848, déclara l’Assemblée dissoute, fit arrêter, condamner et déporter les opposants, se fit décerner par un plébiscite la présidence pour dix ans, et se fit proclamer empereur l’année suivante.


Crémieux (1790-1880). — Avocat et homme politique français. Membre du gouvernement de la Défense nationale en 1870.


Darbois Georges (1813-1871). — Archevêque de Paris. Otage de la Commune. Fusillé le 24 mai.


Deguerry (abbé) (1797-1871). — Curé de la Madeleine. Fusillé comme otage par la Commune. Thiers se refusa à l’échanger, ainsi que plusieurs autres personnages (notamment l’archevêque Darboy et le président Bonjean), contre le seul Blanqui.


Delescluze (1809-1871). — Révolutionnaire français de l’époque de la monarchie de juillet et du second Empire. Occupa un des postes dirigeants de la Commune. Delescluze, étranger aux idées socialistes, voyait le salut dans la dictature politique du « peuple », Tombé sur les barricades le 28 mai 1871.


Dufaure (1798-1881). — Avocat et homme politique français. Orléaniste. Garde des sceaux de Thiers. Un des chefs de la réaction.


Duval Émile-Victor (1840-1871). — Ouvrier fondeur. Blanquiste. Secrétaire du Conseil fédéral de Paris de l’Internationale. Membre du Conseil municipal du XXe arrondissement et du Comité central de la Garde nationale. Membre et général de la Commune. Fusillé le 4 avril 1871, pendant la sortie de Châtillon.


États généraux. — Devant la poussée croissante de l’opinion publique surtout bourgeoise, mécontente du régime et craignant la banqueroute, Louis XVI réunit, le 5 mai 1789, à Versailles, les États généraux, composés des délégués des deux ordres privilégiés (noblesse et clergé) et du tiers état (troisième état ou bourgeoisie). Le 17 juin, les États se transformèrent en Assemblée nationale constituante qui, le 30 Septembre 1791, fut remplacée par l’Assemblée législative, La Constituante supprima les privilèges féodaux (nuit du 4 août 1789), donna la Déclaration des droits de l’homme, vota la Constitution de 1791.
Favre Jules (1800-1880). — Homme politique français, chef de l’opposition contre l’Empire. Un des dirigeants du Parti républicain bourgeois vers 1848. Partisan actif du gouvernement de la Défense nationale en 1870. Un des ennemis les plus irréductibles de la Commune.


Ferré Théophile. — Membre du Comité central de la Commune (18e arrondissement). Délégué à la Sûreté générale, fusillé à Satory.


Ferry Jules (1832-1893). — Avocat, député de la Seine en 1860. Secrétaire du gouvernement de la Défense nationale, prit part à la répression de l’insurrection du 31 octobre 1870, après quoi il fut fait maire de Paris. Après la chute de la Commune, il fut préfet de la Seine, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Inspirateur de la politique coloniale de la France.


Gallifet (1830-1909). — Général. Se distingua par une cruauté toute particulière pendant la répression de la Commune.


Grévy Jules (1807-1891). — Avocat et homme politique français. Succéda en 1870 comme président de la République à Mac-Mahon. Réélu en 1885, il démissionna en 1887 à la suite du scandale de l’affaire Wilson, son gendre, compromis dans un trafic de décorations.


Herbert Jacques-René (1757-1794). — Substitut du procureur de la Commune. Rédacteur du Père Duchêne. Exerça sur la Commune de Paris une influence prépondérante. Arrêté sur l’ordre de Robespierre, il mourut sur l’échafaud avec plusieurs de ses partisans dits hébertistes.


Jacobins. — Membres d’une association politique sous la Révolution française. Les jacobins, placés à la gauche du mouvement révolutionnaire, soutinrent jusqu’au bout le Comité de salut public et Robespierre. Ils eurent une influence considérable sur l’activité de la Convention. Supprimés lors de la chute de Robespierre au 9 thermidor, ils furent définitivement dissous en 1799.


Lecomte Claude-Martin (1817-1871). — Général français. Le 18 mars, pour avoir donné l’ordre de tirer sur le peuple, fut arrêté et fusillé par ses propres soldats.


Levêque († 1871). — Ouvrier maçon. Membre du Comité central de la Commune, Défenseur de la barricade de la place Pigalle. Assassiné, après reddition, par un officier versaillais.


Liebknecht Wilhelm (1826-1900). — Un des chefs de la social-démocratie allemande. Disciple de Marx. Père de Karl Liebknecht. Député au Reichstag. S’abstint, comme Bebel, au vote des crédits pour la guerre de 1870. Arrêté pour sa campagne contre l’annexion de l’Alsace-Lorraine.


Mac-Mahon (1808-1893). — Maréchal de France. Chef de l’armée versaillaise chargée de la répression de la Commune. Partisan de la monarchie. Thiers ayant été renversé le 24 mai 1873, Mac-Mahon accepta la présidence de la République. Démissionna le 30 janvier 1879, se refusant à suivre le pays dans son évolution à gauche, marquée par le succès des républicains aux élections sénatoriales.


Malon Benoît (1841-1893). — Ouvrier teinturier. Membre de l’Internationale Socialiste français. Auteur du Socialisme intégral. Lors de la répression de la Commune, dont il fut membre, émigra en Suisse.


Millière Jean-Baptiste (1817-1871). — Ouvrier tonnelier puis avocat et journaliste, partisan du collectivisme. À partir de 1851, en butte aux persécutions gouvernementales. Député à l’Assemblée nationale de Versailles. Démasqua Jules Favre dans le journal Le Vengeur. Après le 18 mars, retourna à Paris, où il fut rédacteur du journal La Commune. Fusillé par les Versaillais, le 26 mai, sur les marches du Panthéon.


Moilin connu sous le nom de Tony Moilin (1882-1871). — Médecin français. Très populaire comme médecin parmi la population pauvre de Paris. Publia plusieurs livres sur la question ouvrière et adhéra au socialisme. Arrêté à la fin de l’Empire. Pendant la Commune, fut médecin de l’armée et collaborateur actif de la Commune. Fusillé pendant les journées de mai.


Moltke (de) (1800-1891). — Célèbre général prussien, dirigea l’armée allemande pendant la guerre de 1870-1871.


Morus Thomas (1478-1535). — Grand chancelier d’Angleterre sous Henri VIII. Décapité pour n’avoir pas voulu reconnaître la suprématie religieuse du roi. Auteur de l’Utopie, récit d’un voyage imaginaire dans une île où est instauré le régime communiste, tel qu’on pouvait le concevoir au xvie siècle.


Picard Ernest (1821-1877). — Avocat. Ministre des Finances du gouvernement de la Défense nationale et ministre de l’Intérieur de Thiers.


Platon (488-348 av. J.-C). — Philosophe grec idéaliste. Partisan de la communauté des biens pour la fraction dominante des aristocrates. Œuvres sociales : La République, Les Lois.


Prieur de la Comble. — Négociant bonapartiste, condamné le 10 mars 1877 à dix ans de travaux forcés par la Cour d’assises de la Seine pour avoir incendié sa maison dans le but de toucher sa prime d’assurances. Or, le 24 mai 1871, de la Comble étant en faillite, sa maison brûla ainsi que toutes ses pièces de comptabilité. Cet incendie, certainement allumé par la Comble, fut mis sur le compte des « pétroleuses » de la Commune.


Protot Eugène. — Avocat. Membre de la Commune (11e arrondissement). Délégué à la Justice. Fit voter par la Commune le soutien aux familles dont le chef serait tué par les Versaillais. Blessé sur les barricades. Proscrit à Londres.


Ranc Arthur (1831-1908). — Homme politique français, opposant à l’Empire. Membre de la Commune. Condamné à mort par contumace par les Versaillais. Proscrit. Sous la IIIe République, un des chefs du Parti radical.


Révolution de Juillet. — Les 27, 28 et 29 Juillet 1830 (les « Trois Glorieuses » ), le peuple parisien s’insurgea contre Charles X, à la suite de la promulgation des « Ordonnances » du ministre Polignac supprimant, notamment, la liberté de la presse et dissolvant les Chambres. La branche aînée des Bourbons disparut du trône avec Charles X, dont les partisans s’appelèrent désormais « légitimistes ». Louis-Philippe, duc d’Orléans (dont les partisans s’appelaient orléanistes), lui succéda. La bourgeoisie financière et industrielle venait de l’emporter sur la propriété terrienne. Il fut, à son tour, renversé par la révolution des 22, 28 et 24 février 1848, provoquée par le refus de l’extension du droit de suffrage, et remplacé par la deuxième République.


Septembre (journées de). — Le 2 septembre 1792, le peuple de Paris, devant l’invasion de la France par les armées étrangères coalisées, invasion due à l’action des ennemis de la Révolution, dont bon nombre étaient emprisonnés, — envahit plusieurs prisons de Paris et exécuta un certain nombre de prisonniers politiques comme complices des envahisseurs, après les avoir fait juger par le tribunal dit des Juges du peuple.


4-Septembre (révolution du). — Après la défaite de Sedan et la reddition de l’empereur, le 1er septembre 1870, la révolution éclata à Paris, le 4 septembre 1870. Le second Empire fut renversé et remplacé par la troisième République.


Simon Jules (1814-1896). — Homme politique français, républicain bourgeois. En 1848, républicain modéré, sous l’Empire, à la tête de l’opposition parlementaire. Membre du gouvernement provisoire de 1870 et un des chefs du gouvernement de Versailles dans la lutte contre les Communards.


Thiers Louis-Adolphe (1797-1877). — Homme politique et historien. Collabora à la révolution de juillet 1830 et à l’accession au trône de Louis-Philippe. Orléaniste. Comme ministre, il réprima cruellement les insurrections d’avril 1834 à Paris et à Lyon. Arrêté et exilé, lors du coup d’État du 2 décembre 1851. Amnistié par Napoléon III, devint chef de l’opposition au Corps législatif. Élu chef du pouvoir exécutif en 1871, réprima férocement la Commune de Paris. Président de la République de 1871 à 1873, date à laquelle il donna sa démission, son « message » proposant l’instauration définitive de la République ayant été repoussé.


Thomas Clément (1809-1871). — Général français, participa activement à la répression de l’insurrection ouvrière de juin 1848. Fusillé par les Gardes nationaux, le 18 mars 1871.


Tuileries. — Palais des rois de France, sur les rives de la Seine, commencé en 1564 par Catherine de Médicis, incendié par la Commune en 1871. Le 6 octobre 1789, le peuple de Paris, exaspéré par la faim et par les provocations de la cour, alla chercher le roi Louis XVI à Versailles et le ramena aux Tuileries. Le 10 août 1792, le peuple, menacé par la coalition étrangère, attaqué par des gardes du roi, s’empara des Tuileries. Louis XVI fut ensuite enfermé à la prison du Temple, d’où il devait monter à l’échafaud le 21 janvier 1793.


Varlin Eugène († 1871). — Ouvrier relieur. Fonda sous le second Empire des sociétés d’émancipation ouvrière. Membre de la 1re Internationale, membre de la Commune (6e arrondissement), délégué aux Finances, fusillé par les Versaillais.


Vendéens. — Paysans de l’Ouest de la France (Bas-Poitou) qui, sous la conduite de Cathelineau, Charette, etc., s’insurgèrent, en 1793, à l’instigation des nobles et des hobereaux, contre la Révolution française. Ils furent vaincus par les généraux de la Convention. En 1795, Hoche pacifia la Vendée. On donne le nom général de « chouans » aux paysans bretons, normands et vendéens qui s’insurgèrent en commun contre la Convention. La « chouannerie » continua, mais faiblement, en Bretagne et dans l’Anjou, après la reddition dés Vendéens, jusque sous le Consulat.


Vermorel Auguste (1841-1871). — Un des chefs de la Commune. Adhère à la majorité proudhonienne. Mortellement blessé sur une barricade, en mai 1871.


Vigny Alfred de (1797-1868). — Poète, romancier et auteur dramatique français. Auteur de Servitude et grandeur militaires, Cinq Mars, Chatterton, etc.


Vinoy Joseph (1800-1880). — Général bonapartiste, commandant en chef l’armée de Paris, pendant le siège (après Trochu). Pendant la Commune, commandant l’armée versaillaise de la rive gauche de la Seine.


Voltaire (1694-1778). — Illustre poète et prosateur français. Attaqua violemment l’ancien régime et l’Église catholique. Ses ouvrages eurent une grande influence révolutionnaire. Déiste, partisan « d’une religion pour le peuple ».
  1. Edgar Quinet : Comment une religion finit.
  2. Déclaration au peuple français du 19 avril.