La Commune (Clairville)


Le Caveau de 187238e année, volume 38 (p. 179-182).

LA COMMUNE



Air du Luth galant.


Tous leurs canons ont cessé de tonner,
De nos bourreaux l’heure vient de sonner :
Allons-nous plaindre encor ces vauriens sanguinaires ?
Allons-nous répéter nos phrases ordinaires ?
Et nous montrerons-nous lâches ou débonnaires,
Jusqu’à leur pardonner ?

Pour les juger, ici, nommerons-nous
Ces inconnus, ces fruits secs, ces jaloux,
Ces monstres impuissants, non tigres, mais couleuvres ?
Analysons plutôt leurs coupables manœuvres ;
Qu’importent leurs noms ! c’est aujourd’hui par leurs œuvres
Qu’il faut les juger tous.

Quand ils ont pris un poste dangereux,
Pour nous instruire et pour nous rendre heureux,
Avaient-ils une idée, un principe, un système ?
Avaient-ils un programme ? Oh ! oui, toujours le même :
Promettre au peuple-roi la puissance suprême,
Et la garder pour eux.


Ils n’ont rien dit, ils n’avaient rien pensé ;
Mais ils ont tout détruit, tout renversé.
Ce n’est pas pour fonder qu’ils créaient la Commune,
Chacun d’eux y venait assouvir sa rancune,
Et voulait s’enrichir en volant la fortune
Des heureux du passé.

Lois des suspects et comités secrets,
Salut public, arbitraires décrets
Supprimant les journaux, ordonnant qu’on se taise,
Massacres, drapeau rouge, assignats, Marseillaise
Voilà tout leur programme, et c’est quatre-vingt-treize
Qu’ils nommaient le progrès !

Pour effrayer le peuple anti-bigot,
Ils n’ont pas même inventé ce ragot
De filles récemment par des curés surprises,
De squelettes trouvés sous l’autel des églises ;
Même en nous racontant ce fatras de bêtises ;
Ils volaient Diderot.

Quand du progrès ils portaient le flambeau,
Pour tous hauts-faits, — mon Dieu, que c’est donc beau !
De Thiers ils ont détruit la maison, à leur aise,
Renversé la Colonne, une gloire française,

Et d’un noble martyr, du pauvre Louis Seize,
Profané le tombeau.

Tout ce parti dans le sang étouffé
A de Paris fait un auto-da-fé,
Palais et monuments tombèrent sans défense,
Ce que Paris devint, courbé sous leur puissance,
Nous montre assez, je crois, ce qu’eût été la France
S’ils avaient triomphé.

À leur début, ces féroces héros
Ont fusillé deux braves généraux,
Et rêvant, pour finir, de plus affreux carnages,
Fils de septembriseurs, ces ignobles sauvages
D’un pieux archevêque et de soixante otages
Ont été les bourreaux.

Quand de Tropmann on nous entend parler,
Nous ne pouvons le faire sans trembler,
Monstre ! Assassin ! Brigand ! voilà ses synonymes !
Il ne fit cependant que cinq ou six victimes,
Et si nous comparons à ses crimes leurs crimes,
Comment les appeler ?

De Dieu lui-même ils raillaient en tous lieux,
Ils ont tenu ce langage pieux :
« S’il existait ce Dieu, des Versaillais complice,

» Le fusiller serait pour nous une justice. »
Que tous subissent donc aujourd’hui le supplice
Dont ils menaçaient Dieu !

De la chanson l’esprit est généreux,
Elle sourit à tous les rêves creux :
Mais du peuple français prolongeant la souffrance,
Ces hommes des Prussiens ont comblé l’espérance,
Ils ont brûlé Paris, déshonoré la France,
Pas de pitié pour eux !


CLAIRVILLE,
Membre titulaire.