La Comédie de la Mort (1838)/Lamento

Lamento. (1838)
La Comédie de la MortDesessart éditeur (p. 305-307).


LAMENTO.


Connaissez-vous la blanche tombe,
Où flotte avec un son plaintif
L’ombre d’un if ?
Sur l’if, une pâle colombe,
Triste et seule, au soleil couchant,
Chante son chant.


Un air maladivement tendre,
À la fois charmant et fatal,
Qui vous fait mal,
Et qu’on voudrait toujours entendre ;
Un air, comme en soupire aux cieux
L’ange amoureux.

On dirait que l’âme éveillée
Pleure sous terre, à l’unisson
De la chanson,
Et, du malheur d’être oubliée,
Se plaint dans un roucoulement
Bien doucement.

Sur les ailes de la musique
On sent lentement revenir
Un souvenir ;
Une ombre de forme angélique
Passe dans un rayon tremblant,
En voile blanc.


Les belles de nuit, demi-closes,
Jettent leur parfum faible et doux
Autour de vous,
Et le fantôme aux molles poses
Murmure en vous tendant les bras :
Tu reviendras !

Oh ! jamais plus, près de la tombe
Je n’irai, quand descend le soir
Au manteau noir,
Écouter la pâle colombe
Chanter, sur la branche de l’if,
Son chant plaintif !