La Civilité puérile/Chapitre VII

Traduction par Alcide Bonneau.
Isidore Liseux (p. 117-121).

Chapitre VII

Du coucher


Au coucher on recommande le silence et la décence. Le tapage et le bavardage sont certainement encore plus répréhensibles au lit que partout ailleurs. Que tu te déshabilles ou que tu te lèves, soit pudique ; aie soin de ne pas montrer aux autres ce que l’usage et l’instinct commandent de cacher. Si tu partages un lit commun avec un camarade, ne te découvre pas, en t’agitant sans cesse, et n’incommode pas ton compagnon en tirant à toi les couvertures. Avant de poser la tête sur l’oreiller, fais le signe de la croix sur ton front et sur ta poitrine, recommande-toi au Christ par une courte prière. Fais de même le matin, aussitôt ton lever ; inaugure le jour par une prière. Tu ne peux le commencer sous de plus favorables auspices. Dès que tu te seras soulagé le ventre, ne fais rien avant de t’être lavé à grande eau le visage, les mains et la bouche.

Il est honteux pour ceux qui sont de haute naissance de ne pas avoir des mœurs correspondant à leur noble extraction.

Ceux dont la fortune a fait des plébéiens, des gens d’humble condition, des paysans même, doivent s’efforcer d’autant de compenser par de bonnes manières les avantages que leur a refusés le hasard. Personne ne choisit son pays ni son père : tout le monde peut acquérir des qualités et des mœurs.

Pour en finir[1], j’ajouterai un dernier précepte qui me paraît tout à fait digne de figurer au premier rang. La règle la plus importante de la civilité est, si irréprochable que l’on soit, d’excuser facilement les infractions des autres, de ne pas moins chérir un camarade qui manquerait de soin et de tenue. Beaucoup de gens compensent la rudesse de leurs manières par d’autres qualités, et ces règles que nous venons de transcrire ne sont pas de si étroite observance qu’on ne puisse sans elles être un honnête homme. Si un de tes amis pèche contre elles par ignorance, dans le cas où cela en vaudrait la peine, il est poli de le prendre à l’écart et de l’avertir doucement.

  1. Colophonis vice. Dans les contingents de l’armée grecque, Colophon fournissait d’ordinaire une excellente cavalerie qu’on tenait en réserve pour la faire charger au moment décisif. Les généraux grecs disaient : Faites donner Colophon, dans les circonstances où Napoléon aurait dit : Allons! faites donner la garde! De là ce proverbe, Agere Colophonem, resté dans le langage courant, avec le sens de : pour en finir.