La Civilité puérile/Chapitre III

Traduction par Alcide Bonneau.
Isidore Liseux (p. 51-57).

Chapitre III

De la manière de se comporter dans une église


Toutes les fois que tu franchis le seuil d'une église, découvre-toi et, fléchissant légèrement les genoux, le visage tourné vers l'autel, salue le Christ et les Saints. Il faut faire la même chose, partout, à la ville comme aux champs, toutes les fois qu'on rencontre le symbole de la croix. Ne traverse jamais le lieu saint sans faire acte de dévotion, tout au moins une petite prière ; et cela, la tête nue, à genoux. Si l'on dit la messe, manifeste ton recueillement par tout ton maintien. Pense que le Christ est présent, lui et d'innombrables légions d'Anges. Si, prenant la parole au milieu d'un cercle de courtisans, devant un roi, qui n'est qu'un homme, on négligeait de se découvrir, de fléchir le genou, on passerait non-seulement pour un mal appris, mais pour un insensé ; que serait-ce donc de garder sa tête couverte, de ne pas plier les genoux dans le temple où réside l'étemel Roi des Rois, le dispensateur de l'éternité, en présence des Anges invisibles ? Qu'importe que tu ne les voies pas ? ils te voient, eux. Il est aussi certain qu'ils sont là que si tu les distinguais avec les yeux du corps ; les yeux de la foi sont plus sûrs que les yeux de la chair ! Il n'est pas convenable de se promener dans les églises comme des Péripatéticiens ; les galeries, les places publiques sont des lieux de promenade, et non les églises, consacrées à la prédication, aux mystères, à la prière.

Tourne les yeux vers le prédicateur ; que tes oreilles soient attentives ; que toute ton intelligence s’attache respectueusement à ce qu’il dit. Ce n’est pas un homme que tu entends, c’est Dieu lui-même, qui te parle par la bouche d’un homme.

Lorsqu’on lit l’Évangile, lève-toi, et, s’il est possible d’entendre, écoute religieusement.

Lorsque, dans le Symbole, on chante : ET HOMO FACTUS EST, tombe à genoux, humilie-toi en l’honneur de Celui qui, pour ton salut, lui qui résidait au-delà des cieux, est descendu sur la terre, et, Dieu, a daigné se faire homme, pour te faire Dieu toi-même.

Tant qu’on dit la Messe, montre ta dévotion par ton attitude, que ton visage soit tourné vers l’autel, ton esprit vers le Christ.

Toucher la terre d’un seul genou, l’autre restant élevé pour servir d’appui au coude gauche, c’est l’attitude de ces soldats impies qui tournèrent le Seigneur Jésus en dérision et lui dirent : Salut, roi des Juifs. Mets-toi à deux genoux, le haut du corps incliné, par respect.

Le reste du temps, lis quelque chose dans ton livre de messe, soit une prière, soit une pieuse admonestation, ou bien adresse à Dieu une oraison mentale. Murmurer alors des riens à l’oreille d’un voisin est le fait de ceux qui ne croient pas à la présence du Christ. Porter ça et là des regards errants, c’est marquer de l’insanité. Pense bien qu’il est inutile de venir à l’église si tu n’en sors meilleur et plus pur.