La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 167-170).

PSYCHÉ


 
Triste comme la nuit est l’âme de Psyché.
Les yeux brûlés de pleurs, elle embrasse la couche
Où l’amant inconnu tant de fois s’est penché
Pour presser comme un fruit sa bouche sur sa bouche,
Et murmurer d’amour le doux nom de Psyché.

Lorsque l’ombre du soir jusqu’à la chambre rampe,
Elle n’entendra plus le céleste concert ;
Sur la table d’onyx se consume la lampe ;
Le désespoir habite en son palais désert,
Et l’ombre de la nuit jusqu’à son âme rampe.

 

C’est en vain qu’elle appelle encor son jeune époux :
Nulle amoureuse voix ne répond à ses plaintes.
Les cheveux dénoués, les mains sur les genoux,
Seule avec sa douleur, elle songe aux étreintes,
Aux baisers enflammés de son divin époux :

Que chère était cette heure où s’ouvraient les étoiles
Comme des lotus d’or sur la nappe des cieux !
Elle attendait alors, confiante et sans voiles,
Et le cœur bondissant, l’amant mystérieux
Qui conduisait le chœur lumineux des étoiles.

Trahissant sa promesse elle a voulu savoir :
Elle a fait, sous ses doigts tremblants, jaillir la flamme ;
Hélas ! l’illusion n’est plus ; et sans espoir
Un feu mystérieux brûle à présent son âme ;
Elle meurt sous le poids de son cruel savoir.

Elle sait désormais que le désir l’enchaîne
Aux objets décevants d’un monde inférieur
Qui fuira sous la main ainsi qu’une ombre vaine,
Et tentera les sens sans assouvir le cœur ;
Elle sait le néant du désir qui l’enchaîne.


Et son sein délicat se gonfle de sanglots ;
Elle pleure à jamais le jardin de lumière
Plein de lacs transparents et de roses îlots,
Où s’épanouissait l’innocence première,
Ignorant la douleur, ignorant les sanglots.

Mais non ! ne pleure pas, Psyché, ta sainte faute ;
Il te fallait souffrir pour accomplir ta loi.
Dès ce jour, reconnais la mission plus haute
Par les dieux réservée aux mortels ; lève-toi
Sans pleurer plus longtemps, Psyché, ta sainte faute.

Accepte la Douleur qui te prend par la main
Et d’un nouvel espoir t’enflamme, ô jeune veuve !
Redresse ton front las, et poursuis ton chemin,
Sans faiblir, à travers ce séjour de l’épreuve,
Comme guide ayant pris la Douleur par la main.

Dompte le vil désir qui t’enchaîne à la terre ;
Tu connais maintenant et le bien et le mal.
Choisis. Puisque tu sais ce que notre âme espère,
Les yeux fixés au ciel, marche vers l’Idéal,
Et laisse se disjoindre et s’engloutir la terre.


Vois, là-bas, resplendir la lumière des dieux ;
Reconnais-la, Psyché, c’est elle qui t’attire.
Marche ; et régénérée, et le front radieux,
Le visage éclairé d’un auguste sourire,
Remonte vers la sphère immobile des dieux.