La Cithare (Gille)/Invocation aux Muses

La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 41-42).

INVOCATION AUX MUSES



Filles de Mnémosyne et de Zeus, Piérides,
Jusqu’au jour où, le front las et chargé de rides,
Je franchirai le seuil de l’Hadès ténébreux,
Faites, ô nobles Sœurs, que j’obtienne des dieux
Une félicité de tout homme estimée ;
Que parmi les mortels ma bonne renommée
Inspire le respect, l’envie et la bonté ;
Que, de mes ennemis sans cesse redouté,
Je sois pour les amis plein de vives tendresses.
Muses, éclairez-moi. Si j’aspire aux richesses,

Que du moins elles soient acquises justement.
L’iniquité conduit toujours au châtiment :
La fortune, par elle un instant assurée,
Est mensongère comme un songe et sans durée ;
Zeus la détruit. Aussi soudaine que le vent
Qui chasse au fond du ciel le nuage mouvant
Et dissipe le flot en neige sur le sable,
La vengeance des dieux atteint le misérable.
Les forfaits ne sont pas oubliés : si parfois
Les coupables cachés échappent à ces lois,
Tôt ou tard leurs enfants, innocentes victimes,
Supporteront pour eux le fardeau de leurs crimes.
Muses, accordez-moi votre juste secours ;
Faites que je vieillisse en apprenant toujours ;
Que ma maison soit douce et soit hospitalière ;
Sous l’auvent de la porte où serpente le lierre
Je verrai des enfants grands, beaux et vertueux ;
Ils seront mon honneur et ma joie, et c’est eux,
Ayant vu défleurir ma vieillesse chérie,
Qui me déposeront au sein de la patrie.