La Cithare (Gille)/Bacchanale

La Cithare, Texte établi par Georges Barral Voir et modifier les données sur WikidataLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 37-38).
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BACCHANALE


 
Ah ! que Dionysos est beau dans la montagne,
Quand, entraînant le chœur joyeux qui l’accompagne,
Il se roule, au milieu des thiases courants,
Parmi les fleurs de pourpre aux parfums enivrants,
Les yeux en feu, vêtu de la sainte nébride !
Il est ivre de chair ; du sang des boucs avide,
Exhalant à grands cris sa sublime fureur,
Il s’emporte et bondit, le sauvage chasseur,
Jusqu’aux sommets neigeux, jusqu’aux monts de Lydie.
Mais voici que partout la forêt s’incendie :

Une immense clameur s’élève jusqu’au ciel ;
Des ruisseaux de vin d’or et des ruisseaux de miel
Jaillissent des rochers et soulèvent les terres.
Le cortège apparaît dans l’ombre. Des panthères,
En miaulant d’amour, se glissent au milieu
De la foule enivrée où triomphe le dieu.
Les Ménades, les seins aigus, ceintes de lierre,
En bruyants tourbillons courent dans la clairière
Aux sons vertigineux des cymbales d’airain,
De la flûte sifflante et du sourd tambourin.
Du sol monte, exaltant leur divine furie,
Une vapeur pareille à l’encens de Syrie.
Soudain, Dionysos s’élance ; de ses bonds
Il excite la danse en détours vagabonds ;
Faisant voler dans l’air sa chevelure épaisse,
Il enflamme le chœur, le devance ou le presse
À travers les taillis pleins d’ombre, au fond des bois.
Des ravins éloignés monte sa belle voix ;
Il vient et, brandissant la tige de férule
Dont la résine flambe et dont la flamme ondule,
Il lance au chœur épars son appel frémissant.
La foule sur ses pas accourt, ivre de sang,
Et la jeune Bacchante, au regard intrépide,
Dans les gazons en fleurs bondit d’un pied rapide.