La Cinquantaine de l’Institut allemand de correspondance archéologique de Rome

La Cinquantaine de l’Institut allemand de correspondance archéologique de Rome
Revue des Deux Mondes, 3e périodetome 33 (p. 470-477).
LA CINQUANTAINE
DE L’INSTITUT ALLEMAND
DE CORRESPONDANCE ARCHÉOLOGIQUE À ROME

Rome est plus que jamais la ville des contrastes, par cette double raison qu’elle a conservé vivans tous les souvenirs, et que les événemens précipités des vingt dernières années ont avancé pour elle les aspirations et les perspectives de l’avenir. Il n’y suffit pas des surprises archéologiques, qui sont quotidiennes : on abat un mur du moyen âge, et on y trouve en morceaux jusqu’à sept statues, que l’on recomposera. On fouille la rive du Tibre, et des chambres admirablement peintes apparaissant. À Porto d’Anzio, il y a quelques semaines, la mer, en ruinant une partie de la falaise, met à jour une statue charmante. Chez le prince Torlonia, vers Canino, il y a quinze jours, on trouve une tombe où le cadavre, entouré des cristallisations d’une eau voisine, se sera sans doute consumé et offrira, comme à Pompéi, un moule que le plâtre reproduira. Ce n’est là que la simple chronique archéologique. Qu’on juge par une seule journée du mois dernier de ce que peut être à Rome le concours des épisodes les plus divers. On y avait à la fois le dimanche 20 avril une grande démonstration populaire improvisée, avec des illuminations, en l’honneur de la Madone, — un meeting ultra-démocratique sous l’inspiration de Garibaldi, — un banquet des météorologues, — une fête de nuit au Capitole pour l’anniversaire de la fondation de Rome, — et sur la route d’Ostie une attaque de brigands.

La fête pour la fondation de Rome aurait dû plutôt avoir lieu le lundi 21 avril, onzième jour des calendes de mai, jour des Palilia. Elle était célébrée à cette date dès le XVe siècle par les humanistes, par l’académie de Pomponius Létus et de Platina; pendant tout le milieu du XIXe siècle, les princes romains prêtaient alternativement chacun sa villa pour célébrer ce souvenir; deux fois, en 1858 et en 1861, Ampère lut à cette occasion des fragmens de son Histoire romaine à Rome. Le municipe s’en est emparé maintenant; mais, l’Institut allemand de correspondance archéologique, qui a toujours tenu pendant ce même jour sa séance solennelle, ayant cette fois à fêter son cinquantième anniversaire, le syndic avait gracieusement avancé d’un jour les libéralités municipales.

Le lundi 21, à deux heures, dans le nouvel édifice, voisin du palais Caffarelli, qu’habite depuis un an l’Institut germanique, sur le sommet tarpéien, tout près de ce qui fut peut-être l’ancien Capitole, s’ouvrait la séance de présentation des félicitations et adresses. Le nouvel empire allemand, en le prenant sous son immédiate protection, en lui imposant un caractère officiel, a soumis l’Institut de correspondance à un comité de directeurs dont les principaux habitent à Berlin. Deux secrétaires, le savant épigraphiste M. Henzen et M. Helbig, le régissent à Rome. Directeurs et secrétaires présidaient cette fois, en laissant parmi eux la première place à M. Henzten. L’assistance comptait le grand-duc de Saxe-Weimar, l’ambassadeur d’Allemagne, le ministre de l’instruction publique d’Italie, le syndic de la ville, M. de Rossi, membre honoraire de la direction, M. Fioreili, directeur général des fouilles et musées du royaume italien, MM. Sella et Mamiani, présidens de l’académie des Lincei, les délégués des académies et universités italiennes ou étrangères. Parmi les Allemands, M. Brunn et M. Schöne, tous deux membres de la direction centrale, tous deux connus par leurs travaux sur l’art antique et sur les vases grecs, M. Jordan, qui a si habilement étudié la topographie romaine, M. Halm, le cicéronien, M. Bücheler, l’habile philologue, M. Arnold Schaefer, l’historien de Démosthène. Au nombre des savans italiens, le respecté sénateur Amari, M. Comparetti, l’ingénieux professeur de Florence, M. Pietro Rosa, M. Lanciani, membre très actif de la commission archéologique municipale, — et Mme la comtesse Lovatelli.

La France était représentée par le directeur de l’École française de Rome et par M. Gaston Boissier, qui a suivi avec une si sympathique attention dans cette Revue les découvertes archéologiques de ces dernières années. On devine aisément quelles durent être les diverses harangues, prononcées en allemand, en italien, en grec moderne, en latin, en français. Le soir, un banquet offert par la direction allemande réunissait les ministres, le corps diplomatique, une centaine d’invités. Un des toasts offrait à l’ambassadeur de France, M. le marquis de Noailles, l’occasion d’une spirituelle réponse, sur la différence entre l’archéologue et le diplomate, celui-ci qui doit être discret et qui s’efforce de prévoir le lendemain, celui-là qui doit deviner les siècles passés et auquel on permet de beaucoup disserter. Séance et banquet se terminaient après un échange de paroles parfaitement courtoises. Le lendemain, dans les salons de l’ambassade d’Allemagne, on offrait à de nombreux invités, en présence du roi et de la reine, du prince Amédée, du grand-duc et de la grande-duchesse de Saxe-Weimar, le spectacle mythologique et classique de tableaux vivans organisés par M. Helbig. Après un prologue en vers récité par la marquise del Grillo (Mme Ristori), quelques-unes des personnes qui sont le mieux connues parmi la société romaine représentaient les scènes suivantes: La querelle entre Agamemnon et Achille, — Périclès et Aspasie dans l’atelier de Phidias, — Alexandre le Grand et Héphestion en présence des femmes de Darius, — Ovide lisant les Métamorphoses devant la cour d’Auguste. Ce qu’on appelle les tableaux vivans est un plaisir des yeux fort recherché dans quelques pays de l’Europe ; à en juger par ceux-ci, il y aurait bien, cela est vrai, de quoi réconcilier certains médisans avec l’érudition et l’archéologie. Les attitudes et les aspects de l’antiquité classique n’ont certes qu’à gagner, sous quelques rapports, à être traduits avec tant de charme et de grâce par des interprètes modernes. Il y a toutefois une difficulté : l’idéal de convenance délicate et de bon goût que revêtent et respirent inévitablement de telles imitations en si exquise compagnie ne peut, ce semble, que s’éloigner toujours davantage, plus il se montre, de cet autre idéal qui animait l’antiquité païenne; il s’ensuit que le sentiment esthétique moderne dont s’inspirent des spectateurs instruits et amis du style ne s’accommode pas facilement de voir trop écarter la couleur locale, que d’autre part on ne consentirait pas à voir trop respectée... Mais c’est après tout une occasion de rares élégances, qu’il n’y a pas besoin de beaucoup discuter, et qu’on doit accepter comme elle est offerte, avec un désir de plaire par une réciproque, condescendance entre personnes sachant le prix de ce qui est brillant et gracieux.

Il faut rendre cette justice à l’Institut archéologique de Rome, qu’il a été fondé avec un caractère international, et qu’il a conservé ce caractère en une certaine mesure, même depuis qu’il est devenu un établissement officiel. Nous n’avons pas besoin de nous en souvenir pour reconnaître ses mérites; mais c’est un mérite de plus, qui rehausse le prix des résultats obtenus. La tâche proposée était souverainement utile : observer, commenter, mettre en œuvre les monumens de toute sorte, si abondans en Italie, qui peuvent servir à l’étude érudite de l’antiquité classique. Cette tâche a été accomplie, avec un nombreux concours, grâce à une méthode vraiment scientifique, celle de l’analyse et de l’observation patiente.

M. Henzen, dans son discours d’ouverture de la séance du 21, a tout le premier reconnu et proclamé le caractère international qui a secondé la naissance et les premiers efforts de l’Institut archéologique. On a rendu un spécial hommage aux érudits italiens et français, et tout d’abord à ceux qui, dans les deux derniers siècles, avaient de leur seule initiative commencé de mettre en œuvre les innombrables documens d’épigraphie ou d’archéologie figurée trouvés en Italie. On a nommé[1] parmi ces ancêtres notre infatigable Peiresc, Jacob Spon, qui rapportait en 1676 trois mille inscriptions latines, six cents inscriptions grecques, cent cinquante manuscrits, et Montfaucon; on pouvait ajouter et le père Sirmond, dans les papiers duquel M. de Rossi, qui n’ignore aucun dépôt, trouvait il y a quelques années le complément et l’explication de la fameuse laudatio funebris de Thuria, et Mabillon, et dans le siècle dernier, ce François Séguier, de Nîmes, qui avait commencé un vaste recueil des inscriptions antiques.

Quelques services qu’aient rendus ces érudits, il est certain que Winkelmann, — et le comte de Caylus, son immédiat prédécesseur, — ont apporté une vue nouvelle et plus pénétrante de l’antiquité. Avec Winkelmann est vraiment née la science de l’esthétique. Nul n’avait encore parlé de l’art chez les anciens avec une pareille hauteur d’imagination et un si ferme langage; nul n’avait si noblement recommandé l’étude de la grande archéologie.

Un tel enseignement, continué en Allemagne par Lessing, dont le Laocoon parut un an seulement avant la mort de Winkelmann (1768), et en Italie par Antonio et Quirino Visconti, aurait-il porté tous ses fruits sans les grands événemens du commencement de notre siècle? On peut en douter; mais les profondes secousses des quinze premières années, ces triomphes prodigieux, ces prodigieuses défaites, le calme à la suite de tant d’orages, l’union naissante après des alternatives communes de succès et de malheurs, l’ébranlement et puis l’apaisement des imaginations, tout cela avait amené les peuples à se recueillir, à se reconnaître, à rejeter les imitations étrangères, à revendiquer leur génie national, et par suite, les colères étant calmées, à s’estimer et à s’invoquer mutuellement.

Un dernier épisode vint déterminer, pour ce qui est du sentiment esthétique et d’une meilleure intelligence de l’antiquité, l’ouverture et la direction des esprits : ce fut, en 1827, la journée de Navarin. A partir de ce jour seulement, l’art grec put être librement contemplé et compris : on put fouiller le sol hellénique; on put comparer et juger; on cessa de jurer par Vitruve, de croire qu’il n’y eût eu que l’art romain dans l’antiquité, et que le Parthénon fût un monument du temps d’Adrien; on commença de comprendre la majesté des temples grecs et de l’ordre dorique, et le caractère simple, sévère, vraiment religieux des contemporains ou des prédécesseurs de Phidias. Rien de tout cela n’avait été possible auparavant. En vain, dès 1674, M. de Nointel avait fait exécuter d’après les bas-reliefs du Parthénon les célèbres dessins de Carrey. L’artiste lui-même, voyant avec les yeux de son siècle, avait fait une médiocre reproduction, et son œuvre avait été si peu comprise qu’on avait égaré immédiatement ses envois, pour beaucoup d’années. L’ouverture de la Grèce fit tomber les derniers voiles; la meilleure intelligence du génie hellénique remit au juste point la vue des œuvres romaines. Désormais d’aussi importantes découvertes que celles qui résultaient des fouilles de Pompéi, devenues actives de 1812 à 1814 sous l’impulsion des Français, et celle des premières tombes peintes de Corneto, en 1827, purent être comprises et porter tous leurs fruits.

Ces paisibles et laborieuses années, cette période de réconciliation et de concorde européenne qui paraissait poindre de 1815 à 1829, sont celles qui ont vu naître l’Institut de correspondance archéologique. Son titre dit bien que l’esprit de son institution n’était pas exclusif; il s’est formé comme de lui-même; on peut dire qu’avant d’être annoncé et reconnu, il existait déjà dans le vivant échange d’idées, de commentaires, de recherches auquel se livraient plusieurs cercles distingués de la société romaine. C’était d’abord la maison hospitalière de M. de Humboldt, chez qui se rencontraient les prélats romains, les princes, les grandes dames, les voyageurs spirituels ou instruits, Lucien Bonaparte, le vieux d’Agincourt, Paul Louis Courier, Mme de Staël, Federica Brun, A. W. Schlegel, Tieck, Rumohr, Thorvaldsen et Rauch. Un autre cercle, plus intime et encore plus actif, se groupait autour de Niebuhr et de Bunsen. Un soir du mois de juin 1818, on était resté après le souper chez ce dernier, dans la loggia du palais Caffarelli. Tout à coup, au milieu d’un silence, la grosse cloche voisine sonna minuit. Le ciel, sans lune, était parsemé d’étoiles: une d’elles brillait plus que les autres. Niebuhr prit la main de Thorvaldsen et dit : « Buvons au vieux Jupiter! le vois-tu là-haut qui regarde sa vieille roche Tarpéienne? — Thorvaldsen répondit d’une voix émue : — De tout mon cœur ! — Cornélius se joignit à nous, et notre évocation (écrit Niebuhr), retentit dans les airs! » Ce souvenir donne, ce semble, la note assez ex acte de l’enthousiasme archéologique et mythologique qui animait ces érudits et ces artistes. Une ardeur analogue, toute de vive imagination, enfantait vers ce temps, d’abord en Allemagne, puis en France, un mouvement des esprits, une sorte de souffle nouveau, qui allait renouveler la littérature et les arts, l’érudition et la critique.

Cependant l’excellent Gerhard, déjà malade des yeux, mais épris de Rome et enivré d’archéologie, agissait sans relâche, fondait la petite société des Hyperboriens à Rome, nouait une foule de relations personnelles et de correspondances, et commençait de créer l’institution qu’on pressentait. Il n’était pas seul. Ce que fut pour le nouvel établissement à ce moment décisif et plus tard encore un généreux Français, M. le duc de Luynes, on se le rappelle à Rome avec reconnaissance. Son buste occupe une place principale dans la salle des séances de L’Institut germanique, son médaillon est sculpté sur la façade extérieure du nouveau palais, à côté de ceux de Borgh si, de Bunsen, de Gerhard et de Winkelmann. M. le duc de Luynes (on l’a redit à cette fête) était de ces hommes à la fois fiers et modestes, qui traversent la vie sans perdre un instant du regard un noble idéal ; la haute naissance n’était pour lui qu’un engagement impérieux d’honneur et de vertu; il mettait son immense fortune au service de toutes les grandes et nobles idées : il avait le culte de la science. Satisfait du caractère international de l’entreprise qu’on méditait, il n’entendait pas que la France y restât indifférente, et tant que durèrent les sections étrangères de l’Institut archéologique, sa collaboration, à la tête de la section française, fut dévouée et féconde; plus d’une fois, sans son utile concours, les publications commencées eussent été interrompues.

Une fois l’Institut archéologique libéralement fondé, on l’ouvrit libéralement à tous, on invoqua les communications de toutes parts, on rendit publiques les séances où, chaque semaine, des mémoires étaient lus et discutés. La liste serait longue des collaborateurs français, depuis le duc de Blacas, président des premières années, qui ouvrit aux travailleurs l’Italie méridionale, depuis Charles L’-normant, Champollion le jeune, Letronne, Raoul Rochette, Quatremère de Quincy, etc., jusqu’à nos confrères actuels de l’enseignement supérieur et de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Si on ajoute une brillante pléiade de savans italiens, héritiers et continuateurs des fortes traditions archéologiques, non pas seulement Borghesi, Canina, Fea, mais, parmi les vivans, quelques-uns des plus illustres, si l’on ajoute pour l’Allemagne un Boeckh, un Otto Jahn, un Welcker, pour ne parler aussi que des morts, on ne s’étonne plus que le triple recueil des Annales du Bulletin et des Monumens soit devenu une précieuse encyclopédie pour la science de l’antiquité[2]. Il n’est pas un homme s’occupant à fond des études classiques qui n’y ait contribué ou puisé. Philologie, épigraphie, archéologie figurée, esthétique, histoire de l’art, chacune de ces sciences spéciales y trouve des informations précieuses et d’utiles représentations figurées. Il serait injuste à ceux qui ont tiré de cette collection beaucoup de profit d’en méconnaître ou de n’en pas proclamer les mérites.

Le service particulier qu’a rendu l’Institut de correspondance archéologique de Rome a consisté dans la bonne méthode et la bonne discipline, qualités maîtresses pour la direction des travaux en commun. Il a su instituer une enquête utile, convoquer de partout et réunir les informations diverses, recommander et pratiquer l’observation patiente et critique, sauvegarder, en durant, une organisation simple. Il est rare que les groupes ne se divisent pas après un temps : la force centrale s’accuse trop ou abdique, des secousses arrivent qui la déplacent ou la dissolvent, les élémens se trouvent détachés violemment ou attirés ailleurs, ou bien revendiquent leur autonomie. Tant qu’il verra à sa tête des hommes tels que M. Henzen, dont le caractère égale la science et le talent, et M. Helbig, dont l’activité scientifique est peu commune, l’Institut de correspondance n’aura pas à craindre.

On a pu considérer, à tort ou à raison, comme signes de sa fécondité jusqu’à ce jour les créations nouvelles qu’il a vues naître autour de lui. Déjà en 1863 le maître de l’archéologie chrétienne, M. de Rossi, avait fondé son Bulletin particulier, dont il a depuis lors poursuivi exactement la publication périodique. La commission archéologique municipale de Rome a fondé de son côté, en novembre 1872, son propre Bulletin, où elle enregistre et illustre les découvertes locales. Des cours et des conférences d’épigraphie, d’archéologie classique ou chrétienne, sont institués dans Rome, soit à l’Université, soit, par l’initiative du pape Léon XIII, au palais Spada, soit autour du savant père Bruzza. Les Allemands eux-mêmes ont ajouté aux publications ordinaires de l’Institut archéologique d’autres importans travaux. Non contens de collaborer par quelques-uns de leurs meilleurs maîtres à la publication française des mémoires et lettres de Borghesi, ils ont élevé ce monument, le Corpus, ils y ont adjoint l’Ephemeris epigraphica, ils ont fondé l’Institut de correspondance hellénique. M. Michaëlis, qui a retracé à propos du cinquantième anniversaire l’historique de l’Institut archéologique, se demande, en présence de ces résultats, si l’œuvre primitive n’est pas achevée, et si, en continuant, elle ne deviendra pas vraiment superflue. Il peut s’assurer du contraire. Le génie de l’antiquité classique a été si puissant, et notre science est, quoi qu’on fasse, si incomplète, que les musées et le sol de l’Italie recèlent encore des problèmes innombrables. Plus il y aura de travailleurs sur cette terre, plus riche sera la moisson et plus abondante la semaille pour les années suivantes.

C’est pour cela que la France, après avoir tant contribué à la fondation et à la prospérité de l’Institut de correspondance archéologique, vient revendiquer depuis quelques années à Rome, sous une autre forme et en d’autres conditions, sa part de travail. Les Allemands ont rendu justice à notre École française d’Athènes, qui a rendu depuis longtemps de si réels services, et qui a fait récemment, sous l’habile direction de M. Albert Dumont, d’énergiques efforts. L’École française de Rome peut déjà, sans se borner aux promesses, montrer ses travaux. Le recueil intitulé : Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, fondé il y a trois ans, compte à l’heure qu’il est dix fascicules au moins, — un pareil nombre attend l’impression, — parmi lesquels la part de l’École de Rome est importante. Ayant modelé son cadre sur la variété des ressources qu’offre l’Italie pour les études érudites, non-seulement par la richesse de son sol et de ses musées, mais par ses bibliothèques et ses incomparables archives, elle admet de plus que l’Institut germanique l’étude critique de l’archéologie chrétienne et des documens relatifs au moyen âge. Ceux qui ont suivi ses premiers efforts et qui peuvent lui servir de témoins savent par quels travaux remarqués ses premières générations ont inauguré le recueil de ses mémoires. On peut demander à M. de Rossi et à M. Mommsen ce qu’ils pensent de M. L’abbé Duchesne et de sa dissertation sur le Liber pontificalis; ils s’en sont d’ailleurs expliqués. M. G. Waitz vient d’étudier le même monument, et ses conclusions sont un peu différentes; on lui répondra. On peut interroger quiconque s’intéresse à l’histoire monumentale de Rome sur l’érudition infatigable et pénétrante de M. Eugène Müntz. Son étude des arts à la cour des papes pendant le XVe et le XVIe siècle, avec le secours des documens d’archives, apporte à la science une foule d’informations nouvelles. M. de Rossi leur rend justice à l’un et à l’autre, en citant leurs démonstrations sur plus d’un point historique, dans le beau travail qu’il vient de publier ces jours-ci même concernant les plans de Rome avant le XVIe siècle, travail dont nous reparlerons[3].

L’Institut allemand de correspondance continuera ses travaux : il le faut espérer dans l’intérêt des études archéologiques. La science française y restera moins que jamais indifférente, après y avoir été, pendant beaucoup d’années, si peu étrangère.


A. GEFFROY.

  1. Voir le tableau des cinquante années de l’Institut de correspondance, qui vient d’être publié par M. Michaëlis. Nous avons sons les yeux la traduction italienne : Storia dell’ Instituto archeologico germanico 18S9-1879, in-8o.
  2. Quarante-six volumes in-octavo d’Annales jusqu’en 1877 inclusivement; quarante-huit volumes in-octavo de Bulletin jusqu’en 1878 inclusivement; neuf volumes grand in-folio de Monumens inédits, et un dixième presque achevé. Ajoutez-y les années 1854 et 1855 (Annales, Bulletin, Monumens) en format petit in-quarto, ainsi que l’année 1856 (Annales et Monumens), deux volumes in-octavo de Memoriœ (Rome, 1832, et Leipzig, 1865), et quatre volumes in-octavo de Tables.
  3. Piante icnografiche et prospettiche di Roma anteriori al secolo XVI, raccolte e dichiarate da Gio. Battista de Rossi. Roma, 1879, un volume de texte in-4o et un atlas in-folio. Indépendamment de cette belle publication et du travail historique de M. Michaélis, la cinquantaine de l’Institut germanique a été fêtée par un certain nombre d’écrits : Sur deux tablettes antiques d’ivoire de la bibliothèque royale de Munich, par M. W. Meyer, in-4o; — Miscellanea capitolina, contenant des dissertations de MM. Bormann, von Duhn, Mau, etc., in-4o; — Kluegmann, l’Effigie de Rome selon les plus anciens types monétaires, in-8o, etc.