La Chanson des gueux/Vendanges

Maurice Dreyfous (p. 123).


XI

VENDANGES


Là-bas, sur les coteaux dorés de la Bourgogne,
Des gas aux larges reins, forts et luisants de trogne,
Font la vendange. On goûte au moût en plein soleil,
Et le sang du raisin qui coule à flot vermeil
N’est pas plus beau ni plus rouge que leur sang rouge.
Chez nous, c’est sous le noir et bas plafond d’un bouge
Que des voyous blafards, couleur tête de veau,
Font la vendange. Ils ont pour vin doux et nouveau
Le liquide appelé macadam, une boue
Jaunâtre, fade, et qui fait monter à leur joue
Non la pourpre du sang, mais l’obscur coloris
Du pus prêt à crever au bout d’un panaris.