La Chanson des gueux/Ballade de Noël

Maurice Dreyfous (p. 138-139).


XVII

BALLADE DE NOËL


Tant crie l’on Noël, qu’il vient.
(François Villon.)


C’est vrai qu’il vient, et qu’on le crie !
Mais non sur un clair olifant,
Quand on a la gorge meurtrie
Par l’hiver à l’ongle griffant.
Las ! avec un râle étouffant
Il est salué chaque année
Chez ceux qu’il glace en arrivant,
Ceux qui n’ont pas de cheminée.

Il paraît, la mine fleurie,
Plus joyeux qu’un soleil levant,
Apportant fête et gâterie,
Bonbons, joujoux, cadeaux, devant
Le bébé riche et triomphant.
Mais quelle âpre et triste journée
Pour les pauvres repus de vent,
Ceux qui n’ont pas de cheminée !


Heureux le cher enfant qui prie
Pour son soulier au nœud bouffant,
Afin que Jésus lui sourie !
Aux gueux, le sort le leur défend.
Leur soulier dur, crevé souvent,
Dans quelle cendre satinée
Le mettraient-ils, en y rêvant,
Ceux qui n’ont pas de cheminée ?


envoi


Prince, ayez pitié de l’enfant
Dont la face est parcheminée.
Faites Noël en réchauffant
Ceux qui n’ont pas de cheminée.