La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 223
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CCXXIII | |||
Naimes li dux e li quens Jozerans | Le duc Naimes et le comte Jozeran | ||
3045 | La quinte eschele unt faite de Normans : | Ont fait la cinquième colonne avec les Normands ; | |
.Xx. milie sunt, ço dient tuit li Franc ; | Ils sont vingt mille, au dire de toute l’armée. | ||
Armes unt beles e bons chevals curanz ; | Leurs armes sont belles, leurs chevaux bons et rapides. | ||
Ja pur murir cil n’erent recreant ; | Les Normands mourront, mais ne se rendront pas. | ||
Suz cel n’ ad gent ki plus puissent en camp. | Il n’y a pas sur terre une race qui les vaille au champ de bataille.
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3050 | Richarz li velz les guierat el’ camp : | C’est le vieux Richard qui marchera à leur tête, | |
Il i ferrat de sun espiet trenchant. | Aoi. | Et il donnera de bons coups de son épieu tranchant. |
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Vers 3047. — Cevals. O. V. la note du vers 1379.
Vers 3048. — Lire ierent. ═ Recreanz. O. Pour le cas sujet, il faut recreant.
Vers 3049. — Ciel. O. V. la note du vers 545 et celle du vers 1500.
Vers 3050. — Lire vielz. ═ Richard. O. Le cas sujet exige Richarz. ═ Résumons brièvement la légende de Richard de Normandie. a. Comme on le voit, il n’est pas compté par l’auteur du Roland au nombre des douze Pairs. Mais, en revanche, il est élevé à cet honneur dans Renaus de Montauban, Gui de Bourgogne, l’Entrée en Espagne (?), Fierabras, Simon de Pouille. — b. Dans Renaus de Montauban, Richard joue son rôle à côté des autres Pairs. Il se refuse énergiquement à pendre son homonyme, Richard, le fils d’Aymon, que Charlemagne a injustement condamné à mourir : Richars est de ma geste et de mon parenté ; — Je ne l’pandroie mie por quan que vos avés. (Éd. Michelant, p. 268, vers 30, 31.) — c. Richard fait, dès le début, partie de la grande armée qui passe les Pyrénées. Au commencement de l’Entrée en Espagne, il est représenté comme un partisan de la guerre, contre Ganelon, chef du parti de la paix (f° 3, r°, du manuscrit de Venise, xxi), etc. etc. — d. Mais le poëme où il tient le plus de place, c’est la Chanson de Saisnes, et il en tenait encore davantage dans ce roman perdu qui avait pour titre les Barons Herupés. Dans les Saisnes, en effet, Richard est un des chefs des Herupois. Or les Herupois, « ce sont les Normands, les Angevins, les Manceaux, les Bretons et les Tourangeaux. » À leur tête on voit le vieux Huon du Mans, Geoffroi d’Angers, Richard de Normandie et Salomon de Bretagne. Or ces peuples jouissent de priviléges exorbitants, et, quand un jour l’Empereur veut les contraindre à payer le chevage, ils se mettent en marche... contre Charles. Ce sont des rebelles, et de formidables rebelles. L’Empereur pâlit et tremble à leur approche : il va au-devant d’eux, pieds nus, avec le Pape, les évêques et les barons. C’est alors, mais alors seulement, que les Herupois daignent s’apaiser. (V. la Chanson de Saisnes, couplets xix-xliv.)
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