La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 195
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CXCV | |||
Dist Baliganz : « Kar chevalchez, baruns, | « Et maintenant à cheval, barons, à cheval, dit Baligant ; | ||
« L’uns port le guant, li altre le bastun. » | « L’un de vous portera le gant, l’autre le bâton. » | ||
E cil respundent : « Cher sire, si ferum. » | Et ceux-ci de répondre : « Ainsi ferons-nous, cher seigneur. »
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Tant chevalcherent qu’ en Sarraguce sunt, | Ils chevauchent si bien qu’ils arrivent à Saragosse ; | ||
2690 | Passent .x. portes, traversent .iiii. punz, | Ils traversent dix portes et quatre ponts, | |
Tutes les rues ù li burgeis estunt. | Et toutes les rues où se tiennent les bourgeois. | ||
Cum il aproisment en la citet amunt, | Comme ils approchent du haut de la ville, | ||
Vers le paleis oïrent grant fremur ; | Ils entendent un grand bruit du côté du palais. | ||
Asez i ad de la gent païenur, | C’est une foule de païens | ||
2695 | Plurent e crient, demeinent grant dulur, | Qui pleurent, qui crient, qui se livrent à une grande douleur,
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Pleignent lur deus Tervagan e Mahum | Qui se plaignent de leurs dieux, Tervagan, Mahomet, | ||
E Apollin, dunt il mie nen unt. | Et de cet Apollon dont ils n’ont rien reçu. | ||
Dit l’uns al altre : « Caitifs ! que devendrum ? | « Malheureux ! disent-ils, que deviendrons-nous ? | ||
« Sur nus est venue male confusiun, | « La honte et le malheur sont tombés sur nous ; | ||
2700 | « Perdut avum le rei Marsiliun, | « Nous avons perdu le roi Marsile, | |
« Li quenz Rollanz li trenchat her le destre puign ; | « Dont le comte Roland a coupé le poing droit. | ||
« Nus n’avum mie de Jurfaleu le Blunt ; | « Jurfaleu le blond n’est plus ; | ||
« Trestute Espaigne ert hoi en lur bandun. » | « Toute l’Espagne va tomber en leurs mains. » | ||
Li dui message descendent à l’ perrun. | Aoi. | Sur ce, les deux messagers descendent au perron. |
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Vers 2686. — Baligant. O. Pour le cas sujet, Baliganz. ═ Car. O. V. la note du vers 275. ═ Lire plutôt chevalchiez. ═ Barun. O. V. notre note sur les vocatifs, au vers 15. ═ Après ce vers ou le suivant, il y en avait peut-être d’autres dans le texte primitif, analogues aux suivants que nous lisons dans le texte de Paris : « Vos en irez au roi Marsillion. — Dites-lui bien sans nulle arestison — Que de mei tiengne sa terre et son roion. — Ce qu’a perdu conquerrai vers Charlon. » — E cil respondent : « Volentiers li dironz. » Toutefois, nous ne proposons pas de les intercaler dans notre texte critique, parce qu’ils ne nous semblent pas absolument nécessaires.
Vers 2687. — L’un. O. Pour le cas sujet, l’uns. ═ Li alte. O.
Vers 2688. — Lire chier sire.
Vers 2694. — De cele gent paienur. O. Cele rompt la mesure du vers.
Vers 2695. — Dolor. O. V. la note du vers 489.
Vers 2698. — Dit cascun à l’altre. O. Tous les autres Mss. sont unanimes à nous offrir : Dist l’uns à l’altre, qui est nécessaire pour la mesure.
Vers 2701. — Ier. O. Her, qui se trouve au v. 2745, est la forme la plus étymologique ; mais d’un autre côté ce mot ne se trouve, comme assonance, que dans un couplet en ien. Lire plutôt ier, ici comme partout. ═ Poign. O. V. la note du vers 415.
Vers 2703. — Lire Iert. O.
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