La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 186
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CLXXXVI | |||
2525 | Carles se dort cum hume traveillez. | Comme un homme travaillé par la douleur, Charles s’est endormi.
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Seint Gabriel li ad Deus enveiet, | Alors Dieu lui envoie saint Gabriel, | ||
L’Empereür li cumandet à guarder. | Auquel il confie la garde de l’Empereur. | ||
Li Angles est tute noit à sun chef. | L’Ange passe toute la nuit au chevet du Roi, | ||
Par avisiun li ad anunciet | Et, dans un songe, lui annonce | ||
2530 | D’une bataille ki encuntre lui ert : | Une grande bataille qui sera livrée aux Français... | |
Senefiance l’en demustrat mult gref. | Puis il lui a montré le sens très-grave de cette vision. | ||
Carles guardat amunt envers le cel, | Charles donc, jetant un regard là-haut, dans le ciel, | ||
Veit les tuneires e les venz e les giels | Y vit les tonnerres, les gelées, les vents, | ||
E les orez, les merveillus tempez ; | Les orages, les effroyables tempêtes, | ||
2535 | E fous e flambe i est apareillez : | Les feux et les flammes toutes prêtes : | |
Isnelement sur tute sa gent chet ; | Et soudain tout cela tombe sur son armée. | ||
Ardent cez hanstes de fraisne e de pumer | Voici qu’elles prennent feu, les lances de pommier ou de frêne ;
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E cez escut jusqu’as bucles d’or mer ; | Voici qu’ils s’embrasent, les écus aux boucles d’or pur ; | ||
Fruissent cez hanstes de cez trenchanz espiez, | Quant au bois des épieux tranchants, il est en pièces. | ||
2540 | Cruissent osberc e cez helme d’acer. | Les hauberts et les heaumes d’acier grincent et gémissent. | |
En grant dulur i veit ses chevalers. | Quelle douleur pour les chevaliers de Charles ! | ||
Urs e leupart les voelent puis manger ; | Des ours, des léopards se jettent sur eux pour les dévorer, | ||
Serpent e guiveres, dragun e averser : | Avec des guivres, des serpents, des dragons, des monstres semblables aux Diables,
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Grifuns i ad plus de trente millers, | Et plus de trente mille griffons. | ||
2545 | N’en i ad cel à Franceis ne se get. | Tous, tous se précipitent sur les Français : | |
E Franceis crient : « Carlemagne, aidez ! » | « À l’aide, Charles, à l’aide ! » s’écrient-ils. | ||
Li Reis en ad e dulur e pitet, | Le Roi en a grande douleur et pitié ; | ||
Aler i voelt, mais il ad desturber : | Il y voudrait aller ; mais voici l’obstacle : | ||
Devers un gualt uns granz leün li vient, | Du fond d’une forêt un grand lion s’élance sur lui. | ||
2550 | Mult par ert pesmes e orguillus et fiers ; | La bête est orgueilleuse, féroce, épouvantable, | |
Sun cors méisme i asalt et requert, | Et c’est au corps du Roi qu’elle s’attaque. | ||
E prenent sei à braz ambesdous pur loiter ; | Tous les deux pour lutter se prennent à bras le corps. | ||
Mais ço ne set quels abat ne quels chet... | Quel est le vainqueur, quel est le vaincu ? On ne le sait. | ||
Li Emperere ne s’est mie esveillet. | Aoi. | L’Empereur ne se réveille pas... |
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Vers 2525. — Karles. O. V. la note du vers 94. ═ Traveillet. O. Le cas sujet veut un z. ═ Lire, en assonances, à la fin des vers de ce couplet : traveilliez, guardier, chief, iert, grief, ciel, O. tempiez, apareilliez, chiet, pumier, mier, O. acier, chevaliers, mangier, aversier, milliers, giet, aidiez, pitiet, desturbier, requiert, loitier, chiet, O. et esveilliet.
Vers 2530. — Une bataille. Mu. Le manuscrit porte D’une, qui peut s’expliquer grammaticalement.
Vers 2538. — Escuz. O. Pour le sujet pluriel, il faut escut. Ardent et fruissent sont-ils verbes actifs ou neutres ? Dans le second cas, il faudrait p.-e. cist escut et cist helme. ═ Mier. O. V. la note du vers 1500.
Vers 2539. — Fruisez. O. Erreur évidente.
Vers 2540. — Osbercs. O. Pour le cas sujet, osberc. ═ Helmes. O. Même remarque. ═ Lire p.-e. cist helme.
Vers 2541. — Dulor. O. V. la note du vers 489.
Vers 2542. — Leuparz. O. Pour le s. p., leupart.
Vers 2543. — Les quatre substantifs de ce vers se rapportent au verbe du vers précédent, et en sont les sujets. Il faut donc serpent, au lieu de serpenz. O. Müller a donc eu tort d’ajouter de son chef un s à dragun et averser. ═ Guivres. Mu. Le manuscrit porte guiveres.
Vers 2545. — S’agiet. O. La correction est de Mu.
Vers 2548. — Volt. O. V. la note du vers 40.
Vers 2549. — Leons. O. V. la note du vers 1 pour la suppression de l’s, et la note du vers 30 pour le changement d’u en o. ═ Vint. O. Correction de G. et de Mu.
Vers 2550. — Ert. O. Lire plutôt iert.
Vers 2552. — Por. O. Voir la note du vers 17. ═ Loitier. Mu. Le manuscrit porte distinctement loiter, mais c’est l’assonance qui réclame l’ier. ═ Ce vers a douze syllabes ; lire ═ A braz ambsdous prenent sei pur loitier.
Vers 2553. — Li quels abat. O. Li rompt inutilement la mesure.
Vers 2554. — N’est mie. O. La correction est de tous les éditeurs, Mi., G., Mu.
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