La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 108
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CVIII | |||
Li quens Gerins set el’ cheval Sorel, | Voici sur son cheval Sorel le comte Gerin, | ||
1380 | E sis cumpainz Gerers en Passe-Cerf ; | Et son compagnon Gerer sur Passe-Cerf. | |
Laschent lur resnes, brochent ambdui ad ait | Ils leur lâchent les rênes, et d’éperonner vivement. | ||
E vunt ferir un païen, Timozel, | Tous deux vont frapper le païen Timozel ; | ||
L’uns en l’escut e li altre en l’osberc ; | L’un l’atteint à l’écu, l’autre au haubert. | ||
Lur dous espiez enz el’ cors li unt frait, | Ils lui brisent leurs deux lances dans le corps | ||
1385 | Mort le tresturnent très en mi un guaret. | Et l’abattent roide mort au milieu d’un guéret. | |
Ne l’ oï dire ne jo mie ne l’ sai, | Je ne sais point, je n’ai jamais entendu dire | ||
Li quels d’els dous en fut li plus isnels... | Lequel des deux fut alors le plus rapide... | ||
Esperveris i fut, li filz Borel : | Espreveris était là, le fils de Borel : | ||
Icel ocist Engelers de Burdel. | Il meurt de la main d’Engelier de Bordeaux. | ||
1390 | E l’Arcevesques lur ocist Siglorel, | Puis l’Archevêque tue Siglorel, | |
L’encantéur ki ja fut en enfer ; | Cet enchanteur qui avait déjà été dans l’enfer | ||
Par artimal l’i cunduist Jupiter. | Où Jupiter l’avait conduit par maléfice : | ||
Ço dist Turpins : « Icist nus ert forsfaiz. » | « Nous en voilà délivrés, » dit Turpin. | ||
Respunt Rollanz : « Vencuz est li culverz. | « — Le misérable est vaincu, répond Roland. | ||
1395 | « Oliver frere ; itel colp me sunt bel. » | « Frère Olivier, ce sont là les coups que j’aime. » |
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Vers 1379. — Ceval. O. La forme la plus commune est cheval, et il en est de même pour chevaler, chevalcher, etc. etc. Le ch était ici, très-visiblement, passé dans la langue ; nous l’avons conservé ou restitué partout. ═ El ceval Sorel. Mu. Nous avons fait de Sorel le nom du cheval, ce qui nous paraît justifié par le vers suivant. Lyon donne Morel.
Vers 1380. — Gerins... sor le pluz bel, Lyon.
Vers 1381. — Lor. O. V. la note du v. 17. ═ Ambdui. O. V. la note du v. 1355. ═ A ait. O. Presque partout on trouve euphoniquement ad ait. (Vers 1181, 1381, 1802, 1844...)
Vers 1383. — L’un. O. Pour le cas sujet, il faut l’uns.
Vers 1388 et 1389. — Le manuscrit donne ici un seul vers : Espués, icil fu filz Borel, qui n’a aucun sens. D’après Venise IV, Paris, Versailles et le Ruolandes Liet, Mu. a reconstitué les deux vers, tels qu’ils étaient dans l’original. ═ Venise VII reproduit la même leçon que Versailles : Aspremereins i fu, li fiz Abel ; — Celui ocist Engelers de Bordel. ═ Dans Lyon, ces deux vers sont omis.
Vers 1390. — L’arcevesque. O. Pour le cas sujet, il faut un s. ═ Lor. O. V. la note du v. 30 et aussi du v. 17.
Vers 1392. — Ce vers et les suivants ont été fort grossièrement imités par les auteurs de nos Remaniements. Lyon appelle l’enchanteur du nom de Gocel, et ajoute : L’enchanteür qui, par son grant revel, — Fu en enfer por faire son bordel. ═ Venise VII, qui diffère peu de Versailles, est plus long : Turpins de Reins i ocist Singlorel, L’enchanteor qui, par son grant revel, — Fu en enfer por faire son avel. — Par artimaix le conduit Pinabel. On ne s’attendait guère à voir Pinabel en cette affaire. Paris n’est pas meilleur : Torpins de Rains gieta mort Gloriel, — L’enchanteor qui, par son grant revel, — Fu en anfer por faire son avel. — Par droite voie l’i conduist Jupitel. ═ Il est trop connu que les divinités du paganisme étaient considérées comme des démons.
Vers 1393. — Turpin. O. Pour le cas sujet, Turpins. ═ Forsfait. O. Pour la même raison, forsfaiz.
Vers 1394. — Vencut est li culvert. O. À cause du cas sujet, il faut vencuz est li culverz.
Vers 1395. — Itels colps. O. Pour le cas sujet, itel colp.
Vers 1397. — Merveilus. O. Nous avons substitué merveillus, qui se trouve presque partout ailleurs.
Vers 1399. — Tant. O. Il faut l’accord avec hanste.
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