La Chanson d’Ève/Tandis que tu reposes sur mon cœur

Société du Mercure de France (p. 82-83).

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Tandis que tu reposes sur mon cœur,
Regarde : Autour de nous le ciel s’ouvre ; c’est l’heure
Où tout atteint son âme,
Où tout se lève en son bonheur, et chante,
Où le monde n’est plus qu’une flamme,
Et qu’une fleur,
Qu’une vague murmurante
Qui vient mourir en nous.
Regarde : C’est l’instant radieux
Où toute la terre atteint son dieu.

Mais de toi rien ne peut me distraire,
De toi, rien ne peut m’éveiller !
Non, si quelque ange, aux ailes tremblantes,
Du ciel descendait en ce jour,

Si, de sa main divine, il touchait
Mes épaules, et de sa voix ardente
À mes oreilles il murmurait,
Je ne détournerais pas la tête
De ton visage, Amour,
Mais je t’enlacerais sur mon cœur,
Plus follement, de peur
Qu’il ne se glissât entre nous,
L’ange radieux et jaloux.