La Chanson d’Ève/Est-ce son souffle

Société du Mercure de France (p. 75-76).

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Est-ce son souffle dont je frissonne
En ce soir d’or, qui répand en ma chair
Le rire infini de la blonde mer ?
J’écoute et je tremble.
Au fond des grands bois
Ce sombre murmure est-ce sa voix ?
Et ce bruit qui ressemble
Au bruit des feuilles légères
Qui tombent,
Est-ce le bruit de ses pas sur la terre ?
Est-ce sa face, ce soir lumineux
Dont mon âme rayonne et dont mes yeux sont bleus ?
Et cet émoi, ce grand silence
De toutes choses tout à coup,
Est-ce l’effroi de sa présence
Qui fait mes mains se joindre et ployer mes genoux ?

Est-ce lui, ce soleil du soir où je respire ?
Cet effluve embrasé de roses, est-ce lui ?
Vers cette ombre des fleurs est-ce lui qui m’attire
Par mon cœur qui frémit ?

Et Toi, qui me regardes, de ces yeux étranges,
Toi qui m’écoutes, ô silencieux Ange,
J’ai peur que toi-même encore tu ne sois Lui,
Car peut-être n’est-il rien au monde que Lui,
Que Toi, songeur divin, tranquille et solitaire,
Qui souris en m’ouvrant tes ailes de lumière.