La Chanson d’Ève/Ô mort, poussière d’étoiles

Société du Mercure de France (p. 203-204).

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Ô mort, poussière d’étoiles,
Lève-toi sous mes pas !

Viens, souffle sombre où je vacille,
Comme une flamme ivre de vent !

Viens, ô douce vague qui brille
Dans les ténèbres ;
Emporte-moi dans ton néant !

C’est en toi que je veux m’étendre,
M’éteindre et me dissoudre,
Mort, où mon âme aspire !
Dieu fort qu’elle attend
Avec des chants et des rires d’amour.


Viens, brise-moi comme une fleur d’écume,
Une fleur de soleil à la cime
Des eaux,
Que la nuit effeuille, que l’ombre efface,
Et que l’espace épanouit.

Et comme d’une amphore d’or
Un vin de flamme et d’arôme divin,
Épanche mon âme
En ton abîme, pour qu’elle embaume
La terre sombre et le souffle des morts.