La Cathédrale de Lyon/Avant-propos

Henri Laurens (p. 5-8).
La cathédrale et la colline de Fourvière en 1832

AVANT-PROPOS




Assise au pied de la colline de Fourvière, dont la nouvelle basilique s’élève sur les ruines du forum de l’antique Lugdunum, la cathédrale de Lyon se présente au visiteur venant de l’intérieur de la ville par le chevet. Flanquée de deux tours carrées et puissantes, revêtues d’une noire patine par le brouillard lyonnais, elle se reflète dans les eaux tranquilles de la Saône. Ces tours, comme celles de la façade, dépassent de quelques mètres seulement la hauteur de la nef et contribuent ainsi au caractère sévère et sobre de l’édifice, où domine la ligne horizontale qui contraste si vivement avec la montée verticale des cathédrales du Nord, surmontées de leurs flèches légères.

La nef surélevée, contrebutée par d’élégants contreforts, se dégage à peine des constructions voisines. Au midi, elle est en partie masquée par la maison dite des « Comtes de Lyon » ; au nord, par des bâtiments élevés sur l’emplacement des anciennes églises Saint-Étienne et Sainte-Croix. Au couchant, la façade, d’une grande sobriété de lignes, se confond, jusqu’à mi-hauteur, avec les tours occidentales et ouvre sur les nefs ses trois vastes portails aux sculptures si hautement intéressantes encore, malgré les mutilations qu’elles ont subies.

En dépit du titre qu’elle porte, au spirituel, de « premier siège des Gaules » notre cathédrale ne saurait se comparer aux grands édifices du Nord, ni par l’étendue de son plan et la gigantesque élévation de la nef, ni par la richesse des sculptures et le nombre des vitraux. Cependant, la parfaite harmonie des proportions de son chœur et de sa nef, l’intérêt iconographique de la sculpture et des vitraux, la perfection des détails de toute son ornementation méritent vraiment l’admiration et justifient la place honorable qui lui a été donnée dans cette collection. Si Saint-Jean-Baptiste de Lyon n’a pas l’unité de style de Notre-Dame de Paris, de Reims et d’Amiens, puisque son abside fut élevée au xiie siècle, sa nef au xiiie et sa façade aux xive et xve, ces constructeurs successifs ont cependant su respecter dans une très sage mesure le plan primitif, et l’édifice ne présente pas l’incohérence et le disparate de tant d’autres monuments érigés dans un aussi long espace de temps.


En écrivant cette brève monographie, nous n’avons songé ni à présenter une histoire complète de l’édifice, ni à en faire une description détaillée. Nous avons dû nous restreindre à préciser les grandes lignes de sa construction et à présenter un exposé sommaire de ses détails les plus caractéristiques. Cependant, combien eût-il été à propos de faire revivre les grands faits historiques qui se sont déroulés à l’abri de ses voûtes, toute l’histoire de la cité se rattachant à l’histoire de l’église Saint-Jean et de son chapitre, comme par exemple : la succession ininterrompue des guerres et démêlés pendant le xiie et le xiiie entre les archevêques, les chanoines, les comtes de Forez et les bourgeois de Lyon ; le concile œcuménique de 1245 présidé par Innocent IV, où fut excommunié et déposé l’empereur Frédéric II ; celui de 1274, où Grégoire X proclama la réconciliation de l’Église latine avec l’Église grecque ; en 1271, le corps de saint Louis, rapporté de Tunis, y reçut les honneurs religieux ; en 1316, le pape Jean XXII y fut solennellement couronné ; Henry IV y fit bénir son mariage avec Marie de Médicis le 17 décembre 1600. Que dire de ce noble et fastueux chapitre des Comtes de Lyon, dont l’origine remonte à Leydrade, dont les membres devaient faire preuve de huit quartiers de noblesse, qui fournit sept papes à la chrétienté, compta les rois parmi ses membres, jouit pendant longtemps de la prérogative d’élire l’archevêque de Lyon et fut célèbre entre tous ?

Puisse cette brève étude contribuer à attirer l’attention sur l’un des monuments de notre vieille France qui mérite à tant de titres d’être mieux connu et mieux apprécié.

Chapiteau incrusté, xiie siècle