La Caroline de 1779

Code criminel de l'empereur Charles V
vulgairement appelé la Caroline : contenant les loix qui sont suivies dans les juridictions criminelles de l’Empire ; et à l’usage des conseils de guerre des troupes suisses
Jean-Edme Dufour & Phil. Roux.




Nous Charles Cinquième, par la Grâce de Dieu, Empereur des Romains toujours Auguste, Roi de Germanie, de Castille, d’Arragon, de Leon, etc. savoir faisons : Que les Électeurs, Princes et autres États du Saint-Empire, Nous ayant représenté, que la plupart des Juridictions Criminelles établies dans l’Empire Romain de la Nation Allemande, se trouvaient depuis une succession de temps considérable, composées de personnes peu intelligentes et non versées dans les Lois Impériales ; Que par là il arrivait, que dans plusieurs endroits on agissait souvent contre toutes les règles de l’équité et de la raison, soit en tourmentant et condamnant les innocents, ou en relâchant et sauvant les coupables, par des pratiques irrégulières et dangereuses, au préjudice des accusateurs et au grand détriment du bien public ; Et que tant que les Provinces d’Allemagne resteraient dans cet abus, que la durée du temps avait fortifié, on ne pouvait point espérer de voir les Tribunaux Criminels dans plusieurs endroits pourvus de personnes instruites et expérimentées dans les Lois. Nous avons conjointement avec les Électeurs, Princes et États, ordonné de notre gracieuse volonté à quelques hommes distingués par leur savoir et leur expérience, de dresser des Articles en forme de Règlement, suivant lesquels on puisse de la manière la plus convenable, procéder dans les affaires Criminelles pour satisfaire aux devoirs de la justice et de l’équité ; Avons voulu que ledit Règlement fut rendu public, afin que tous et chacun de nos Sujets et de l’Empire fussent en état de se conformer à l’avenir dans les procédures criminelles aux Lois de la justice, de l’équité et des louables usages établis par le présent Règlement ; ne doutant point, que tous ceux, qui sont commis à l’administration de la Justice, ne s’y portent d’eux-mêmes, et qu’ils n’en espèrent la récompense du Tout-puissant. Nous n’entendons cependant point donner par ces Présentes aucune atteinte aux droits des Électeurs, Princes et États par rapport à leurs anciens usages, conformes à la justice et à l’équité.

ARTICLE PREMIER

Des Juges, Assesseurs, et Officiers de Justice.

Nous ordonnons en premier lieu et voulons, que tous les Tribunaux Criminels soient remplis des Juges, Assesseurs et Greffiers, dont la probité, les mœurs et l’expérience soient reconnus et des plus recommandables par leur vertu dans le lieu de la Juridiction ; que l’on y admette aussi les personnes nobles et versées dans les Lois, parce que les Supérieurs doivent apporter leur plus grand soin à former de leur mieux le Tribunal Criminel, dans la vue d’empêcher qu’il ne soit fait tort à personne, étant institué pour connaître des affaires les plus importantes, telles que sont l’honneur, la vie et la fortune des hommes.

Ainsi personne ne pourra excuser légitimement à cet égard sa négligence ou ses contraventions ; mais au contraire méritera d’en être puni : c’est de quoi Nous voulons, que tous ceux, qui ont droit de Juridiction Criminelle, soient sérieusement avertis par ces présentes.

Et comme il arrive que depuis quelque temps en certains endroits les Nobles et autres, qui en vertu de leurs charges ou autrement doivent assister en personne à ce Tribunal, se sont fait un déshonneur d’y prendre séance à cause de leur condition, ce qui a fait que le crime a été souvent impuni ; Nous déclarons que leur assistance personnelle ne pouvant porter aucun préjudice à leur honneur ou à leur état, et servant au contraire au maintien de la Justice, à la juste punition des coupables, et à faire honneur à leur noblesse et à leurs emplois ; ils doivent assister en personne au Tribunal Criminel en qualité des Juges et Assesseurs, toutes et quantes fois que les circonstances des affaires l’exigeront, et s’y comporter suivant notre présente Ordonnance. Voulons au surplus que les Nobles ou autres, qui en vertu d’une ancienne possession ont assisté jusqu’à présent à ce Tribunal en personne, y continuent sans aucune opposition, et que cet usage se maintienne dans toute sa force et vigueur.

Article 2.

De ceux qui ont droit de Juridiction par rapport à leur Territoire.

Les personnes, qui par rapport à leur Territoire sont obligées de tenir le Tribunal Criminel, et qui à cause de la faiblesse ou infirmité de leur corps, de leur raison, bas âge, caducité ou autres empêchements, ne sont point en état de s’en acquitter, doivent toutes les fois que le cas arrivera, établir et nommer en leur place des hommes capables à administrer la Justice Criminelle, sous le bon plaisir et l’approbation du Magistrat supérieur.

Article 3.

Le Serment du Juge, pour prononcer sur la Mort.

Je, N…. , jure de rendre justice et de prononcer jugement en affaire criminelle également pour le pauvre et pour le riche, sans avoir égard à l’amour ni à la haine, à la récompense, aux présents, ni à aucune autre considération ; de suivre fidèlement l’Ordonnance Criminelle de l’Empereur Charles V et du Saint-Empire, de l’observer et la maintenir selon tout mon pouvoir, le tout fidèlement et sans fraude. Ainsi Dieu me soit en aide et son Saint Évangile.

Article 4.

Le Serment des Juges et Assesseurs.

Je, N…. jure de rendre justice et de prononcer jugement en affaire criminelle également pour le pauvre et pour le riche, sans avoir égard à l’amour ni à la haine, à la récompense, aux présents, ni à aucune autre considération ; de suivre fidèlement l’Ordonnance Criminelle de l’Empereur Charles V et du Saint Empire, de l’observer et la maintenir selon tout mon pouvoir, le tout fidèlement et sans fraude. Ainsi Dieu me soit en aide et son Saint Évangile.

Article 5.

Le Serment du Greffier.

Je, N…. , jure d’apporter une attention et un soin particulier dans les affaires, qui regardent la Justice Criminelle, de mettre par écrit fidèlement et en dépôt les charges et réponses du prisonnier, les indices, soupçons, preuves et confession, et tout ce qui s’y passera ; d’en faire la lecture lorsqu’il en sera nécessaire, et de n’y chercher ni employer aucun détour. Je jure particulièrement de maintenir et observer autant qu’il dépendra de moi, l’Ordonnance Criminelle de Empereur Charles V et du Saint Empire. Ainsi Dieu me soit en aide et son Saint Évangile.

Article 6.

De la Capture des Criminels dénoncés, que les Juges font arrêter d’office.

Lorsque quelqu’un aura été dénoté par la notoriété publique comme coupable d’un délit, ou que sur des indices croyables et des soupçons il aura été pour cet effet arrêté d’office par ordre de la justice, on ne doit pas néanmoins l’appliquer à la question, qu’il n’y ait eu préalablement des suspicions et indices bien fondés et suffisants, par lesquels on le puisse croire coupable du délit commis. Il est donc du devoir de chaque Juge dans une affaire aussi considérable, avant que de procéder à la question, de s’enquérir et rechercher soigneusement autant qu’il sera possible et que les circonstances de l’affaire le pourront permettre, si le délit, pour lequel le particulier dénoté et soupçonné est arrêté, a été en effet commis ou non, comme il sera expliqué ci-après plus au long dans la présente nôtre Ordonnance.

Article 7.

Du doute où est le Juge, si le prisonnier doit être appliqué à la Question.

Lorsque les Juges susdits en prenant connaissance de l’affaire seront en doute, si les soupçons et indices allégués suffisent pour faire donner la question, ou non, ils demanderont conseil au Magistrat supérieur, d’où ils ressortissent pour la Juridiction Criminelle, ou ailleurs, comme il sera dit à la fin de notre présente Ordonnance, et en ce cas, ils enverront par écrit audit Magistrat un détail exact des circonstances et de la situation des indices, qui sont venus à leur connaissance.

ARTICLES 8, 9 ET 10.

Du pouvoir de procéder à la question, lorsque le Juge agit d’office et par voie d’enquête. Lorsque le délit méritant peine de mort, sera constaté, ou qu’il se trouvera pour cela des indices raisonnables, comme il a été dit ci-dessus, on doit vérifier le délit sur la confession du délinquant par la question et recherche, servant à faire découvrir la vérité, ainsi qu’il sera marqué clairement et ordonné ci-après, au sujet de ceux qui sont chargés par des accusateurs. Et si un tel prisonnier refusait, soit par la question, soit sans la question, de confesser le délit dont il est soupçonné, quoique l’on soit en état de le convaincre, on doit procéder pour parvenir à cette conviction, lorsqu’il y a lieu à la peine de mort, de même que contre ceux qui sont chargés par des accusateurs, comme il est ordonné clairement ci-après.

Mais si les Juges agissant d’office sur un délit qui fût prouvé suffisamment, indubitablement et avec pleine conviction, punissaient enfin une personne en son corps ou en ses membres suivant la présente Ordonnance Impériale, en sorte néanmoins que la peine ne fût point à mort ou à une prison perpétuelle, ils procéderont de même à ladite peine et se conformeront à l’article 69. Article 11. De la constitution d’un prisonnier accusé, lorsque l’accusateur demande Justice.

Lorsque l’accusateur s’adresse au Juge pour constituer quelqu’un prisonnier en fait de crime, il sera tenu avant toutes choses d’exposer le délit avec les indices et soupçons raisonnables, qui y ont rapport, soit que l’accusateur s’offre de faire emprisonner l’accusé à sa propre charge, ou de se constituer lui-même prisonnier avec lui. Quand l’accusateur y satisfera, on constituera l’accusé en prison après avoir mis exactement par écrit la dénonciation et les charges de l’accusateur. Sur quoi l’on doit faire une attention particulière, que les prisons doivent être faites et établies pour la détention des prisonniers, et non pas pour leur servir de punition dangereuse. Et lorsqu’il y aura plus d’un prisonnier, on aura soin, autant que la situation du lieu le permettra, de les mettre séparément, pour qu’ils ne puissent pas convenir entre eux de la manière de cacher la vérité, et de pallier leur crime.

Article 12.

De l’emprisonnement de l’accusateur, jusqu’à ce qu’il ait donné caution.

Aussitôt que l’accusé aura été constitué prisonnier, on doit s’assurer de la personne de l’accusateur ou de son fondé de procuration, jusqu’à ce qu’il ait fourni un répondant ou caution, telle que le Juge avec quatre Assesseurs l’aura trouvé suffisante par rapport à la situation de l’affaire, et eu égard à la qualité des personnes. En sorte que l’accusateur puisse être recherché pour raison des frais causés et pour réparation de l’injure et dommage faits à l’accusé, au cas qu’il ne voulut pas poursuivre la procédure criminelle, ou qu’il fût hors d’état de soutenir son accusation par des indices et des soupçons suffisants dans le délai convenable que le Juge lui aura accordé, de telle manière que le Juge ou la plus grande partie des Assesseurs les auront trouvés suffisants, ou que d’ailleurs il eût succombé à sa procédure.

Et afin que le prisonnier accusé parvienne d’autant mieux à la réparation de ses frais, injures et dommages soufferts, il dépendra de sa volonté de poursuivre l’accusateur par devant le Juge et la Juridiction Criminelle, pour raison de ladite réparation, où la procédure a été formée, et où l’on procédera sommairement, jusqu’au jugement définitif et sans appel, sans que pour cela ladite Juridiction Criminelle hors de ces cas, acquière aucun droit de contrainte et exécution civile, au delà de ce qu’elle avait auparavant.

7°. Il est ordonné ici de faire décider cette action de l’accusé innocenté sommairement et sans appel, ce qui doit s’entendre avec la restriction pour le seul recours des dommages et intérêts, et non pour les appels en général dans les affaires Criminelles, qui se jugent dans les Juridictions inférieures de l’Empire : ils sont de droit naturel et y ont lieu, parce qu’ils servent de défense contre les Sentences iniques des Juges inférieurs, Remedium Innocentiae. On ne peut point objecter ici ce qui est rapporté dans le Recez de l’Empire formé en 1550, où l’Empereur déclare que les appellations en matière Criminelle ne seront plus reçues, et que l’on y procédera conformément à l’ancien usage de l’Empire : parce que ce Recez ne fait mention que des appellations portées à la Chambre Impériale ; par conséquent elles ne sont point défendues par rapport aux autres Juridictions supérieures dans l’Empire.

Ce droit est si conforme à la nature et à l’humanité, que quand le condamné lui-même ne formerait point d’appel de son jugement au Magistrat supérieur, le premier Citoyen qui se présenterait pourrait le faire pour lui, sans crainte qu’on lui pût reprocher de vouloir retarder la punition d’un criminel, quod de sanguine hominis nulla cunctatio longa. L’usage de l’appellation des jugements Criminels est si constant dans les Conseils de Guerre de la Nation, qu’aucune sentence, qui y a été rendue ne peut être exécutée qu’après avoir été confirmée par le Tribunal supérieur ; l’appel qui s’y forme se fait d’office par le Capitaine député : et ce Tribunal en prononçant en dernier ressort ne peut que confirmer, ou adoucir la Sentence, parce qu’il suppose que le Conseil de Guerre en jugeant, a épuisé toute la rigueur des Lois.

Article 13.

De la Caution de l’Accusateur, lorsque l’Accusé confessant son délit produit des défenses légitimes.

Lorsque le délinquant ne niant pas le fait proposera des défenses légitimes qui pourront l’exempter de la punition criminelle, au cas qu’il vienne à les prouver, et que l’accusateur cependant ne s’en tiendra point à ses raisons et défenses, on demandera caution de la part de l’accusateur, selon les circonstances des personnes et de l’affaire, et sur le prononcé du Juge avec quatre Assesseurs ; au cas que l’accusé poursuivît ses défenses de telle sorte qu’il ne méritât point punition criminelle pour le fait dont il est accusé, les deux parties ayant reconnu leur Juridiction, il y sera procédé civilement jusqu’au jugement définitif, tant sur l’emprisonnement, sur l’injure et dommage soufferts, que sur les frais de Justice. Cette caution étant ainsi fournie, la procédure au sujet de ces défenses, se fera conformément à l’article 151 ci-après. Voulons que la question ne puisse point avoir lieu avant cette procédure, et sans cette reconnaissance.

Article 14.

De quelle manière on peut s’assurer de l’accusateur, qui n’est point en état de fournir caution.

Lorsque l’accusateur sera hors d’état de fournir la susdite caution, et qu’il voudra néanmoins poursuivre la procédure criminelle, il sera tenu de se constituer prisonnier avec l’accusé, ou d’être mis en sûreté selon la situation des personnes et les circonstances de l’affaire jusqu’à la décision, dont il vient d’être parlé ; on permettra tant à l’accusateur qu’à celui qui voudra fournir ses défenses, de communiquer avec les personnes qu’ils voudront employer, soit pour servir de caution, soit pour avoir des preuves, comme il a été dit. Si l’accusation vient de la part des Princes, des personnes Ecclésiastiques, Communautés ou d’autres en dignité, contre gens de bas état, il sera permis en ce cas à une autre personne, qui sera à peu près de la même condition que celui qui est accusé, de se mettre en prison à leur place avec l’accusé en lieu de sûreté ; et au cas que ladite personne constituée prisonnière voulût fournir caution, ainsi qu’il a été dit, elle sera remise en liberté.

Article 15.

D’une autre caution, lorsque l’accusateur a prouvé l’indice du délit, ou que le délit est d’ailleurs avoué.

Lorsque l’accusateur aura prouvé la suspicion et indice, ou que d’ailleurs le délit dénoncé ne saurait être nié, et que le délinquant ne pourra établir une défense et excuse suffisante, ainsi qu’il a été marqué ci-devant, l’accusateur sera tenu sous la même caution de continuer la procédure criminelle qu’il a formée contre l’accusé, selon la présente nôtre Ordonnance Impériale, sans qu’il puisse en ce cas être obligé à une nouvelle caution ; et tout ce qui se fera ainsi au sujet de l’accusé arrêté, par charges et réponses, caution, interrogatoire, enquête, preuves et autres, et ce qui aura été jugé en conséquence, sera exactement et séparément mis par écrit par le Greffier, de la manière qu’il sera marqué ci-après.

Article 16.

Des délits non douteux.

Les Juges doivent être particulièrement avertis lorsqu’un délit sera public et non douteux, en sorte que l’on ne puisse pas alléguer de raison légitime, qui exempte en Justice de la punition criminelle, comme lorsqu’il est avéré qu’un homme sans cause légitime et de propos délibéré est ennemi ou agresseur, ou que quelqu’un est réellement pris en flagrant délit : de même, lorsqu’un voleur a sur lui sciemment le butin ou le vol, et ne peut fournir aucune raison ni défense légitime pour s’excuser, ainsi qu’il est marqué ci-après dans l’énumération des peines criminelles. Dans ces sortes de délits avérés et indubitables, s’il arrivait que le délinquant voulût effrontément nier le fait, le Juge le fera mettre à la question pour lui faire confesser la vérité, afin de parvenir au jugement et à la punition de ces délits publics et non douteux avec le moins de frais qu’il se pourra.

Article 17.

Du domicile certain que l’accusateur doit prendre, lorsque après l’emprisonnement de l’accusé il s’éloigne, pour qu’on lui adresse les citations juridiques.

L’accusateur, après avoir fait constituer prisonnier l’accusé, ne doit plus s’éloigner du Juge, qu’il ne lui ait auparavant indiqué son domicile dans une Ville ou lieu commode et sûr, où les Juges puissent lui faire signifier et adresser tous les actes judiciaires et procédures requises. L’accusateur sera tenu de payer le salaire à celui qui les portera, à proportion de la distance qu’il y aura du lieu de la Juridiction ; et suivant l’usage pratiqué dans chaque pays : le nom dudit domicile, que l’accusateur aura indiqué, sera inséré par le Greffier dans les actes de Justice.

Article 18.

Des choses d’où l’on peut tirer des indices raisonnables, au sujet d’un délit.

La procédure Criminelle que Nous et le Saint-Empire prescrivons dans notre présente Ordonnance, comme il a été dit et sera dit ci-après, est fondée suivant le droit commun sur les indices raisonnables, les marques, soupçons et suspicions que l’on a d’un délit, tant pour la capture et emprisonnement, que pour la question de ceux qui sont soupçonnés et accusés comme criminels, et qui n’avouent point leur délit.

Comme il ne serait pas possible de spécifier toutes les marques qui forment les indices, soupçons ou suspicions raisonnables, cependant afin que les Officiers de Justice, Juges et Assesseurs, qui ne seraient point d’ailleurs versés dans ces matières, puissent connaître d’autant mieux, d’où se tirent les indices et suspicions raisonnables d’un délit, on trouvera dans les comparaisons suivantes des exemples de ces indices, au moyen de quoi chacun pourra faire l’application de ce terme dans sa langue, aux cas particuliers qui se présenteront.

Article 19.

De l’intelligence du mot d’Indice.

Toutes les fois que Nous parlerons dans la suite d’Indice suffisant, Nous entendrons aussi toujours par là un signe véritable, un soupçon, suspicion et présomption suffisante, et ainsi Nous retrancherons tout autre terme.

ARTICLE 20.

Personne ne doit être mis à la question, sans un Indice raisonnable.

Le prisonnier ne doit être interrogé, qu’il n’y ait préalablement un indice raisonnable et prouvé du délit, dont on voudra faire la recherche, et quand bien même on tirerait la confession du délit par les tourments de la question, on ne doit point y ajouter foi, ni pour cet effet condamner la personne.

Les Juges qui contreviendront à cet article, seront tenus à la réparation des dommages, injures, douleurs et intérêts de celui, qui contre la Loi serait appliqué à la question sans un indice prouvé. Nul Magistrat ne pourra être à couvert par aucune garantie, pour que le questionné dans ce cas n’exerce son recours en demande de réparation de dommages et intérêts, à l’exclusion néanmoins de toutes voies de fait. == ARTICLE 21. == De l’indice provenant de ceux, qui se mêlent de deviner par le secours de la Magie.

On ne pourra pas non plus arrêter ni mettre quelqu’un à la question, sur l’indice que donneront ceux, qui par le secours de la Magie ou d’un autre art, se mêlent de deviner, mais on punira pour ce fait ces devins et accusateurs.

Et au cas que le Juge eût passé outre sur l’accusation de ces devins, il sera tenu de dédommager le questionné pour ses frais, douleurs et injures, conformément à l’article précédent.

ARTICLE 22.

De la seule question à employer sur l’indice d’un délit, à l’exclusion de tout autre jugement de punition criminelle.

Il est aussi à observer, que personne ne doit être condamné enfin à une punition criminelle sur aucun indice, soupçon, signe ou suspicion, mais que l’on doit seulement y employer la question, lorsque l’indice sur la recherche que l’on aura faite, sera trouvé suffisante ; la condamnation finale à la peine criminelle ne pourra avoir lieu que dans le cas de la confession ou de la conviction, ainsi qu’on le trouvera clairement expliqué dans d’autres endroits de cette Ordonnance, mais non pas dans le cas de la suspicion ou des indices.

ARTICLE 23.

De quelle manière l’Indice suffisant d’un délit doit être prouvé.

Tout indice suffisant, pour être suffisant, et pour donner lieu à la question, doit être prouvé par deux bons témoins, comme il est marqué ci-après dans quelques-uns des articles, où il est traité de la suffisance des preuves. Mais lorsque le fait même du délit sera prouvé par la déposition d’un seul bon témoin, ce témoignage comme une demi-preuve fera un indice suffisant, ainsi qu’il sera marqué ci-après dans l’article 30.

ARTICLE 24.

De l’application que l’on doit faire des indices suivants, aux autres cas de délits, qui ne sont point spécifiés ici.

Les articles suivants, qui traitent de soupçons et indices d’un délit, doivent servir de comparaison et de règle pour les cas qui n’y sont pas spécifiés, n’étant pas possible de faire le détail de tous les cas et de toutes les circonstances susceptibles de suspicion.

ARTICLE 25.

Des soupçons et indices communs et généraux, qui peuvent se trouver dans tous les délits, et dont un seul ne suffit pas pour la question.

Nous parlerons d’abord des particularités qui forment la suspicion, en marquant en même temps, dans quels cas elles peuvent faire un indice suffisant. On verra ensuite que lorsqu’on ne pourra point avoir les indices qui sont prescrits pour la question, et dont il sera fait mention dans plusieurs articles suivants, on sera obligé de recourir aux circonstances ci-après marquées, qui fondent la suspicion, et à d’autres que l’on ne peut pas toutes détailler.

Premièrement, il faut examiner si la personne soupçonnée est tellement décriée et en si mauvaise réputation, que l’on puisse la croire capable d’avoir commis le crime en question, ou si cette personne a déjà commis ci-devant une action pareille, si elle a tenté de la commettre, ou si elle en a été reprise. Il faut néanmoins que cette mauvaise réputation ne vienne point de gens, qui lui soient ennemis, ou qui soient eux-mêmes en mauvais prédicament, mais des personnes impartiales et dignes de foi.

Secondement, si la personne soupçonnée a été trouvée ou rencontrée dans des lieux suspects au sujet du délit.

Troisièmement, au cas que l’on ait vu l’auteur du crime dans l’action même, ou qu’on l’ait aperçu sur le chemin, soit en y allant, soit en revenant, et qu’on ne l’ait pas distingué ; l’on observera, si la personne soupçonnée, a la même figure, habit, armes, cheval ou autre chose, que l’on a remarqué à celui qui a commis l’action.

Quatrièmement, si la personne suspecte demeure ou a commercé avec des gens, qui commettent de pareilles actions.

Cinquièmement, en examinant le tort fait ou la blessure, voir si la personne soupçonnée peut avoir été portée à cette action par rancune, inimitié, par des menaces, qui ont précédé, ou par l’espérance et attente de quelque intérêt.

Sixièmement, lorsque le blessé ou le plaignant charge et accuse lui-même une telle personne d’avoir commis le délit, soit qu’il en rapporte quelques raisons, ou qu’il l’affirme par son serment. Septièmement, lorsqu’une personne prend la fuite à l’occasion d’un délit commis.

ARTICLE 26.

De l’indice qui résulte d’un procès considérable entre deux personnes.

Celui qui sera en procès avec un autre, dans lequel il s’agira de la plus grande partie de sa substance, de ses biens et de sa fortune, sera censé être un grand ennemi de sa partie adverse ; c’est pourquoi, lorsque celui-ci aura été assassiné en secret, l’autre deviendra suspect d’avoir commis cet assassinat ; et au cas que sa conduite fut telle d’ailleurs que l’on le pût soupçonner de cette action, on pourra l’arrêter et l’appliquer à la question, s’il n’a point de raisons légitimes pour s’en disculper.

ARTICLE 27.

De quelle manière les sujets de suspicion ci-dessus marqués forment un indice suffisant pour la question.

De huit parties ou points ci-dessus rapportés qui traitent des indices pour la question, il n’y en a pas un qui étant seul puisse former un indice suffisant, sur lequel on doive procéder à la question ; mais lorsque quelques-uns de ces indices se trouveront ensemble contre une personne, ce sera alors aux Juges, qui sont préposés pour instruire cette procédure, à examiner si lesdites parties, ou autres semblables indices joints ensemble, peuvent former un indice aussi fort du délit soupçonné, que le sont ceux des articles suivants, dont un seul fait un indice suffisant pour procéder à la question.

ARTICLE 28.

Du concours de plusieurs indices contre la personne soupçonnée.

Il y a de plus à observer que lorsque plusieurs des indices dont nous venons de parler, se présentent contre une personne soupçonnée d’un délit, on doit toujours examiner deux objets avec une égale attention : il faut d’un côté peser la force des dits indices, et de l’autre les présomptions qui sont en faveur du prisonnier pour établir son innocence ; si alors on trouve que le poids des indices qui sont contre lui l’emporte sur ceux, qui parlent en sa faveur, on sera en droit d’employer la question ; si au contraire les indices qui lui sont favorables, se trouvent plus forts et d’un plus grand poids que les suspicions qui le chargent, la question n’aura point lieu, et dans les cas qui seront douteux, ceux qui sont préposés pour instruire la procédure, auront soin de consulter les gens de Loi, ainsi qu’il leur est indiqué à la fin de notre Ordonnance.

ARTICLE 29.

Des indices généraux et communs dont un seul suffit pour la question.

Si l’on trouve quelque chose dans un délit commis, que l’on puisse croire avoir été perdu, oublié ou laissé par celui qui a fait le crime, et lui avoir appartenu, la personne qui se trouvera avoir possédé ladite chose immédiatement avant qu’elle a été perdue, sera mise à la question, à moins qu’elle ne puisse prouver par bonnes raisons le contraire, et se purger dudit indice, auquel cas sa justification doit être entendue avant que de procéder à la question.

ARTICLE 30.

De la demi-preuve qui suffit pour la question.

Une demi-preuve se forme sur la déposition d’un seul témoin digne de foi et irréprochable, qui dépose du fait même et du fond du délit, comme il est dit ci-après au sujet des bons témoins et des preuves, et cette demi-preuve fait aussi un indice et suspicion suffisante du crime. Mais lorsque le témoignage tombera sur quelques circonstances, signe, indice ou suspicion du délit, alors il faudra au moins deux témoins bons et irréprochables pour le prouver.

ARTICLE 31.

De l’indice suffisant tiré de la charge et accusation du Criminel.

Lorsqu’un criminel convaincu, qui a eu des complices de son crime, déclare celui qui lui a aidé à le commettre, cette déclaration fait aussi un indice suffisant contre l’accusé, en y observant toutefois les circonstances et conditions suivantes.

1°. Il faut que le nom de la personne qu’il déclare ne lui ait point été proposé durant la question, et qu’il n’ait point été interrogé ni questionné sur une telle personne nommément, mais qu’on lui ait seulement demandé en général qui lui a aidé à commettre son crime, et que de lui-même il ait déclaré et nommé ladite personne.

2°. On doit soigneusement demander au Criminel et en détail, où, quand et comment l’accusé lui a aidé à faire l’action, et quelle liaison il a eu avec lui ; et en ce cas le déclarant doit être interrogé sur toutes les circonstances nécessaires qui pourront servir à la découverte de la vérité, suivant la situation et la nature de la chose, lesquelles ne sauraient être toutes marquées ici ; mais qu’un Juge zélé et intelligent pourra se représenter lui-même.

3°. Il faut examiner si le criminel n’a point de haine, inimitié ou aversion particulière contre celui qu’il accuse ; car lorsque cette haine, inimitié ou aversion sera connue ou avérée, on n’ajoutera pas foi à sa déclaration faite contre l’accusé, à moins que son dire ne fut appuyé sur des raisons et des indications assez croyables, et qu’on les eût trouvé telles pour former un indice suffisant.

4°. Que la personne accusée par le Criminel soit d’une conduite assez suspecte pour qu’on la puisse croire capable d’avoir commis ce crime.

5°. Il faut que le Criminel persiste dans son dire : sur quoi cependant il se glisse un abus de la part de quelques Confesseurs, qui dans la confession insinuent aux Criminels de révoquer finalement ce qu’ils ont déclaré avec vérité : on doit prévenir là-dessus les Confesseurs autant qu’il se peut, parce qu’il n’est permis à personne de seconder les Criminels au préjudice du bien public pour leur faire cacher une malice qui peut faire tort aux personnes innocentes ; au cas cependant que le Criminel révoquât finalement la déclaration qu’il aurait faite auparavant avec les circonstances pertinentes, et que l’on remarquât qu’il voulut travailler en faveur de ses complices, ou que peut-être son Confesseur le lui eût insinué, comme il vient d’être dit : alors on doit examiner les circonstances qu’il a déclarées avec celles que l’on aura trouvées d’ailleurs, et conclure de là, si sa révocation forme un indice suffisant du délit ou non : en quoi l’on doit particulièrement faire attention sur le bon ou mauvais renom et conduite de celui dont l’accusation a été révoquée, et sur les liaisons qu’il peut avoir eue avec le Criminel.

ARTICLE 32.

De l’indice suffisant pour la question tiré de la confession extrajudiciaire.

Si quelqu’un, ainsi qu’il est dit au sujet de la preuve entière, était suffisamment convaincu d’avoir dit de lui-même et sans y être forcé, pour se vanter, ou autrement, qu’il a commis le crime dénoncé ou soupçonné, ou d’avoir menacé de commettre le crime avant qu’il a été commis, et que la chose ait suivi en peu de temps ses menaces, que la personne fût d’ailleurs telle qu’on la pût soupçonner de ce crime, son dire fera un indice suffisant du délit, et sera pour cet effet mis à la question.

ARTICLE 33.

Des indices particuliers dont un seul suffit pour dénoter le délit et pour procéder à la question. Indice suffisant au sujet d’un assassinat secrètement commis.

Lorsqu’une personne soupçonnée ou accusée d’un assassinat a été vue avec des habits ou armes ensanglantés d’une manière suspecte dans le temps, où l’assassinat a été commis, ou si cette personne a pris, vendu, donné, ou qu’elle ait encore sur elle quelque chose appartenant à celui qui a été assassiné, ce sera un indice suffisant pour la question, à moins qu’elle ne puisse faire tomber cette suspicion par des raisons et preuves bien fondées, sur quoi elle doit être entendu avant toute procédure faite.

ARTICLE 34.

De l’indice suffisant au sujet d’un assassinat qui arrive dans une batterie publique, où personne ne veut avoir commis le délit.

Pour les assassinats qui arrivent dans les émeutes ou batteries publiques, et dont personne ne veut être coupable ; si la personne soupçonnée s’est trouvée dans la batterie, qu’on lui ait vu prendre son couteau, pointer ou tailler sur celui qui a été tué, ou lui porter d’autres coups dangereux, ce sera un indice suffisant du délit commis pour la mettre à la question ; cet indice deviendra encore plus fort lorsqu’on aura vu son arme ensanglantée : mais si ces circonstances ou autres semblables ne s’y rencontrent point, la question n’aura pas lieu contre cette personne, quoiqu’elle se soit trouvée par hasard dans la querelle.

ARTICLE 35.

De l’indice suffisant contre une mère soupçonnée d’avoir accouché en secret, et d’avoir tué son enfant.

Lorsqu’on soupçonnera une fille d’avoir accouché en secret d’un enfant, et de l’avoir tué, on doit particulièrement s’informer si on l’a vue dans une grossesse extraordinaire ; de plus, si cette grossesse a ensuite diminué, et si là dessus elle est devenue pâle et faible : lorsque ces circonstances ou autres pareilles se trouveront, et que la personne soit telle qu’on la puisse soupçonner, on doit pour parvenir à une plus grande connaissance la faire visiter en particulier par des femmes expérimentées ; si la suspicion se trouvait de même par cette visite, et qu’elle ne voulût point ensuite avouer son crime, on doit la mettre à la question.

ARTICLE 36.

Mais lorsque l’enfant aura été tué depuis si peu de temps, que la mère n’a point encore perdu son lait, si en lui tirant de son lait on trouve qu’il soit bien conditionné, la suspicion deviendra assez forte contre elle pour employer la question.

Cependant comme il peut arriver, suivant le témoignage de quelques Médecins, que des causes, d’elles-mêmes naturelles, procurent du lait à quelques personnes, quoiqu’elles n’aient point été enceintes, lorsqu’en pareil cas elles pourront se justifier, on ne s’en tiendra point à cette preuve, mais on fera des nouvelles recherches là-dessus par le moyen des Sages-Femmes, ou autrement.

ARTICLE 37.

De l’indice suffisant pour l’empoisonnement.

Si la personne soupçonnée est convaincue d’avoir acheté du poison, ou d’en avoir eu entre ses mains d’une autre manière, et que cette personne ait eu quelque différend avec celui qui a été empoisonné, ou bien qu’elle ait eu lieu d’attendre de sa mort quelque profit ou avantage, ou que d’ailleurs elle soit d’une assez mauvaise conduite pour être capable de commettre ce crime, alors il y aura un indice suffisant, à moins que cette personne ne fît voir par des raisons plausibles qu’elle s’est servie, ou qu’elle ait voulu se servir dudit poison pour quelque usage innocent.

Il en est de même de celui qui nie en Justice d’avoir acheté du poison, et qui est ensuite convaincu de l’avoir acheté, il peut être mis à la question pour savoir de lui quel usage il en a fait ou voulu en faire.

Tout Magistrat dans chaque lieu doit faire prêter serment aux Apothicaires et autres qui vendent du poison, ou qui en font commerce, de n’en vendre ni délivrer à personne sans l’en avertir, et sans en avoir la permission.

ARTICLE 38.

De la suspicion contre un voleur, qui fait un indice suffisant pour la question.

Celui qui sera trouvé saisi d’une partie des effets qui ont été volés, ou qui les aura vendus, donnés, ou en aura disposé en quelque autre manière suspecte, et qui ne voudra point déclarer, de qui il les a achetés, demeurera chargé d’un indice suffisant du vol, en ce qu’il ne fait point voir qu’il a ignoré que ces effets fussent volés, ni qu’il les ait acquis dans la bonne foi.

ARTICLE 39.

De même des gens qui voyagent à pied fréquentant par habitude les Cabarets, et y faisant de la dépense, et qui ne pourront pas faire voir que leur service, commerce ou revenus qu’ils ont, soient suffisants pour faire une pareille dépense, des pareils gens sont suspects et capables de plusieurs mauvaises actions, et surtout des vols des grands chemins, comme nous l’avons observé spécialement dans notre Ordonnance au sujet de la paix publique de l’Empire, où il est dit que l’on ne doit point souffrir ces sortes des gens, mais que l’on doit les arrêter, les examiner sévèrement, et les punir avec rigueur.

ARTICLE 40.

De l’indice suffisant contre ceux qui sont soupçonnés d’avoir aidé les voleurs.

C’est aussi un indice pour la question contre celui, qui sciemment et d’une manière dangereuse, s’approprie une partie du bien volé, ou du butin ; celui qui de même le sachant, fournit de la subsistance aux voleurs, qui les retire chez lui, les cache et les auberge, ou qui recèle en tout ou en partie le bien injuste, l’échange en cachette, le vend ou le dissipe ; ou qui d’une autre manière, telle qu’elle soit, assiste les voleurs par son conseil, ou le secours, ou bien qui aura avec eux des liaisons suspectes au sujet de leurs vols.

La question aura de même lieu contre celui qui cachera des prisonniers, lorsque après s’être évadés, ils déclareront où ils ont été cachés. De plus, celui qui sera soupçonné, et que l’on croit assez capable d’être complice du vol, lequel insistera fortement à se déclarer pour le parti des coupables, fera des accords et des engagements à l’insu des Juges du prisonnier, en recevra des gages, et se portera caution sur cela ; toutes ces circonstances comprises dans ces deux parties, soit qu’elles se trouvent ensemble ou séparément, forment des indices qui dénotent suffisamment l’aide donnée aux coupables, et autorisent la question.

ARTICLE 41.

De l’indice suffisant contre les incendiaires secrets.

C’est un indice suffisant pour la question contre un homme soupçonné ou accusé d’un incendie secret, lorsque il sera d’ailleurs d’une conduite suspecte, et que l’on pourra découvrir que peu de temps avant l’incendie, il a eu entre ses mains en cachette, ou d’une manière suspecte, des ouvrages de feu d’artifice extraordinaires et dangereux, dont on se sert pour les incendies secrets, à moins qu’il ne fût en état de prouver par des bonnes raisons, qu’il s’en est servi ou voulu s’en servir à des usages innocents.

ARTICLE 42.

De l’indice suffisant contre les Traîtres.

C’est un indice suffisant pour la question contre celui que l’on soupçonne qui aura été vu se tenir d’une manière cachée, extraordinaire et suspecte auprès de ceux qu’il est soupçonné d’avoir trahi, en faisant cependant voir par sa contenance, qu’il est sur ses gardes contre eux, et qu’il soit d’ailleurs tel qu’on puisse le croire capable de cette action.

ARTICLE 43.

De l’indice suffisant au sujet d’un vol commis.

Celui-là sera suffisamment suspect du crime, sur lequel se trouvera la chose volée, qui l’aura eue, vendue ou donnée en tout ou en partie, et qui ne voudra pas déclarer celui qui la lui a vendue, parce qu’il ne fait pas voir qu’il a acquis ce bien sans reproche, et dans la bonne foi.

Dans les vols qui ont été faits avec effraction, c’est encore un indice pour la question contre la personne soupçonnée, qui se sera trouvée dans le lieu où le vol a été fait, et avec ces sortes d’outils ou instruments, qui ont servi à faire le vol, et que cette personne soit telle, qu’on l’en puisse croire capable.

Dans un temps où il s’est fait un vol considérable, si celui que l’on en soupçonne paraît riche par la dépense qu’il fait après ce vol, au-delà de ce que son bien le peut porter, et qu’il ne puisse pas faire voir par des bonnes raisons, d’où lui est venue cette fortune suspecte, il y aura lieu de procéder contre lui par la question, si toutefois il est tel qu’on le puisse croire capable d’avoir fait le vol.

ARTICLE 44.

De l’indice suffisant au sujet du Sortilège.

Ce sera un indice suffisant pour la question contre celui qui s’offre d’apprendre la sorcellerie aux autres, ou qui menacera d’ensorceler quelqu’un, et que pareille chose arrive à celui qui aura été menacé ; de même celui qui aura une liaison particulière avec des sorciers ou sorcières, ou qui fera usage des choses pareilles suspectes de sortilège, soit par sa contenance, par ses paroles ou conduite, et que d’ailleurs il agisse en cela avec connaissance.

ARTICLE 45.

De la procédure concernant la Question.

Lorsque le soupçon d’un délit accusé sera trouvé, ainsi qu’il vient d’être dit, et que la preuve en aura été reconnue, on fixera le jour pour procéder à la question sur la demande qu’en fera l’accusateur.

ARTICLE 46.

De la demande, que l’on doit faire avant toutes choses au Prisonnier, s’il veut confesser volontairement son crime.

Lorsqu’on voudra procéder à la question contre un prisonnier, que ce soit d’office, ou sur la demande de l’accusateur, le Juge, en présence de deux Assesseurs et du Greffier, l’interrogera exactement suivant la situation de la personne et de la chose, et sur ce qui pourra servir davantage pour parvenir à la connaissance du délit ou de l’indice ; il le menacera aussi d’employer la question pour lui faire avouer le crime dont il est chargé, et tout ce qu’il peut savoir à ce sujet. L’on écrira ce que le prisonnier alors aura avoué ou nié.

ARTICLE 47.

De la défense à laquelle le prisonnier doit être admis avant la Question.

Lorsque dans le cas dont il vient d’être parlé, l’accusé nie le crime, sur lequel il aura été interrogé, on doit alors lui demander s’il est en état de prouver qu’il est innocent du crime dont il est chargé, et il faut surtout lui demander s’il peut prouver et faire voir, si dans le temps que le crime a été commis, il s’est trouvé avec des personnes, ou dans des endroits par où l’on puisse juger, qu’il l’a pas pu commettre ledit crime, duquel on le soupçonne.

Cette demande est d’autant plus nécessaire, qu’il se trouve plusieurs personnes, qui par simplicité ou frayeur, ne sont point capables de former et de conduire leur défense et justification, quoiqu’elles soient innocentes ; et au cas que le prisonnier indiquât sa justification par les preuves susdites, ou par d’autres raisons pertinentes, le Juge sera tenu de faire la recherche des dites preuves le plus exactement qu’il sera possible aux frais de l’accusé ou de sa parenté, ou d’entendre sur ce les témoins que ledit accusé ou sa parenté offriront de produire, ainsi qu’il sera marqué dans l’article 62 en traitant des preuves.

On ne pourra point, sans bonnes et légitime raison, refuser, tant au prisonnier qu’à ses parents, de produire ces témoins. S’il arrivait que l’accusé ou sa parenté ne fussent pas en état à cause de leur pauvreté, de supporter lesdits frais, la Juridiction du lieu y suppléera, et le Juge ne laissera pas de continuer sa procédure, afin que le crime ne reste pas pour cela impuni, ou que l’innocent ne soit point opprimé par une précipitation injuste.

Si par la recherche dont il vient d’être parlé, il ne se trouve rien pour la justification de l’accusé, il sera ensuite de ladite recherche, et sur la suspicion suffisante, appliqué à la question en présence du Juge, et au moins de deux Assesseurs et du Greffier, et tout ce qui se trouvera par son dire ou sa confession de même que par l’enquête faite, sera exactement mis par écrit, dont copie sera communiquée à l’accusateur sur sa demande, en ce qui le regarde sans qu’on le puisse celer ou différer.

ARTICLE 48.

De quelle manière celui qui aura confessé son délit à la question, doit être interrogé hors ladite question.

Premièrement, au sujet de l’Assassinat. Lorsque le questionné aura avoué par les tourments le délit dont il s’agit, comme il vient d’être dit, et que sa confession aura été écrite, les Juges doivent l’interroger exactement, et en différentes manières, qui servent à la connaissance parfaite de la vérité, ainsi qu’il est marqué en partie ci-après : par exemple, s’il confesse un meurtre, on doit lui demander le motif qui l’a porté à cette action, le jour, l’heure et le lieu où il l’a commise ; si quelqu’un lui a aidé à le faire, et qui ; en quel endroit il a enterré ou jeté le cadavre ; des quelles armes il s’est servi, de quelle manière il a frappé ou blessé le mort, ou comment il a tué ; quels effets en argent ou autres, le mort avait sur lui, et ce qu’il lui a pris, dans quel endroit il a caché ces effets, à qui il les a vendus, donnés ou détournés ? La plupart de ces demandes doivent aussi être faites aux voleurs.

ARTICLE 49.

De l’interrogatoire à faire à celui qui confesse une trahison.

On doit demander au prisonnier qui confesse une trahison, qui l’a employé à cela, et ce qu’il a reçu pour faire cette action, dans quel lieu, comment, et en quel temps cela est arrivé, et quel motif l’y a engagé ?

ARTICLE 50.

De celui qui confesse l’Empoisonnement.

Le questionné qui avouera avoir empoisonné ou voulu empoisonner quelqu’un, sera interrogé sur toutes les raisons et circonstances qui sont marquées ci-dessus ; et de plus, on lui demandera ce qui l’a incité à faire cette action, et avec quoi il l’a faite, de quelle manière il s’est servi du poison ou projeté de s’en servir, d’où il l’a eu, et qui lui a aidé ou conseillé à cela.

ARTICLE 51.

De celui qui confesse un Incendie.

Si le questionné avoue être incendiaire, on doit lui demander particulièrement quelles raisons il a eu à faire ce crime, en quel temps, et avec quels complices, comme il vient d’être marqué ; et de plus on lui demandera de quelles sortes de machines ou de feu d’artifice il s’est servi pour faire l’incendie, de qui il les a eus, ou dans quel lieu il les a fabriqués.

ARTICLE 52.

De celui qui confesse un Sortilège.

Lorsque quelqu’un confessera un sortilège, on doit l’interroger sur les causes et circonstances susdites, et par dessus cela on doit lui demander, avec quoi, comment, et quand ce sortilège a été commis, de quelles paroles et de quelle action il s’est servi ; et si le questionné déclare qu’il a enterré ou caché quelque chose, qui est destiné à l’usage de ce sortilège, on doit en faire la recherche pour le découvrir ; mais au cas que le délit ait été commis autrement, par des paroles ou des actions, on doit en connaître la qualité pour voir, si elles lui peuvent imputer le crime de sortilège ; on doit aussi lui demander qui le lui a appris, et de quelle manière il y est parvenu ; de plus, s’il a exercé son sortilège contre plus d’une personne, et contre qui, et quel tort il en est arrivé ?

ARTICLE 53.

Des demandes communes à faire à celui qui confesse son délit ensuite de la question.

Tout Juge éclairé par le moyen de la petite instruction, dont il vient d’être parlé, est en état d’observer les autres circonstances, sur lesquelles le questionné doit être interrogé après avoir confessé son crime suivant la nature de chaque délit, surtout ce qui pourra servir à en découvrir la vérité, et ce qui serait trop long à déduire ici par écrit ; les lumières de chacun lui feront trouver dans les indications ci-dessus marquées, la manière d’interroger plus en détail sur les autres cas qui se présenteront, parce qu’il s’y agira de demander à celui qui a confessé son crime, des particularités et des circonstances, qui ne peuvent point être connues ni déclarées par une personne innocente. La manière dont le Criminel distinguera toutes choses dans son récit, sera exactement couchée par écrit.

ARTICLE 54.

De la recherche que l’on doit faire des circonstances avouées d’un crime.

Lorsqu’on aura interrogé ainsi que nous venons de le dire, ensuite d’une confession faite hors de la question, le Juge doit envoyer sur les lieux, et faire une information exacte des circonstances que le Criminel aura déclarées dans sa confession, pour savoir, autant que la certitude du fait ou de la vérité l’exigera, si lesdites circonstances se trouvent conformes à sa confession ; parce que l’on peut conclure, que celui qui déclare la mesure et la forme du délit, ainsi qu’il a été dit en partie ci-devant, a commis le crime qu’il confesse, lorsque ces circonstances se trouveront véritables, surtout lorsqu’il déclare les mêmes circonstances, qui auront accompagné l’action, et qui ne peuvent point être à la connaissance d’une personne innocente.

ARTICLE 55.

De la procédure à faire, lorsque les circonstances avouées du crime ne se trouveront pas véritables.

Si cependant on trouvait par la susdite recherche, que les circonstances déclarées ne fussent pas véritables, on doit représenter cette fausseté au prisonnier, lui en faire une sévère réprimande, et l’on pourra alors le faire mettre une seconde fois à la question, pour l’obliger à déclarer les susdites circonstances telles qu’elles sont, et suivant la vérité, parce qu’il arrive quelquefois que les coupables déclarent des fausses circonstances de leurs crimes, dans l’idée d’obtenir par là leur décharge, au cas que par la perquisition qui en serait faite, la chose ne se trouvât point véritable.

ARTICLE 56.

Qu’il ne faut pas indiquer au prisonnier les circonstances de son crime, mais les lui laisser déclarer lui-même.

Nous avons marqué clairement dans les articles précédents, de quelle manière on peut interroger quelqu’un, qui, ensuite de la question, ou sur la menace qu’on lui en a faite, confesse un délit dont on est en doute pour en connaître les circonstances, et parvenir par la recherche au fond de la vérité.

Cette procédure cependant peut devenir vicieuse, lorsque le Juge indique au prisonnier ces circonstances du délit, et que sur cela il l’interroge : c’est pour cela que Nous ordonnons aux Juges d’être en garde là-dessus, et de ne point tomber dans cet inconvénient ; ils ne doivent proposer aux accusés autre chose devant ou durant l’interrogatoire, que ce qui est conforme à la manière prescrite dans les articles ci-dessus. Le prisonnier doit aussi le moins le second ou le troisième jour après la question et la confession, être présenté au Juge, accompagné de deux Assesseurs, s’il le trouve à propos, pour que le Greffier lui fasse lecture de sa confession, et que sur cela on lui demande, si sa confession contient vérité, et tout ce qu’il dira là-dessus sera mis par écrit.

ARTICLE 57.

De la procédure à faire contre celui qui révoque la confession qu’il a faite de son crime.

Si le prisonnier révoque la confession qu’il a déjà faite de son crime, et que néanmoins le soupçon, comme il a été dit ci-dessus, subsistait, on le doit ramener dans la prison, et procéder de nouveau contre lui par la question, en continuant avec soin dans la recherche des circonstances, ainsi qu’il a été marqué, parce qu’elles sont tout le fondement pour la question, à moins que le prisonnier ne pût alléguer des raisons assez fortes de sa révocation, pour que le Juge fût fondé de croire que sa confession a été faite par erreur, auquel cas le Juge permettra au prisonnier de déduire et de prouver ladite erreur ou surprise.

ARTICLE 58.

De la mesure qui doit être observée dans la question.

La prudence du Juge doit mesurer la question, tant pour la durée et la réitération, que pour la rigueur ou l’adoucissement sur la qualité et le poids des indices, et sur l’état de la personne, et ce que le prisonnier dira durant la question, ne sera point reçu, ni mis par écrit, mais cela ne se fera que lorsqu’il aura été délivré de la question.

ARTICLE 59.

De la question à donner à celui qui a quelque blessure dangereuse.

Si le Prisonnier se trouvait avoir sur son corps des blessures dangereuses ou quelque autre infirmité, on doit employer la question contre lui de la manière qui pourra le moins nuire aux dites blessures.

ARTICLE 60.

Dans quel temps on doit ajouter foi à la confession qui est faite ensuite de la question.

Lorsque sur les preuves des indices suffisants d’un crime on aura ordonné la question, et que sur la confession du questionné, ainsi que nous l’avons expliqué clairement dans les articles précédents, on aura eu soin de faire la recherche et l’enquête nécessaire, pour découvrir la vérité du délit, tel qu’il ne pourrait point être déclaré de cette manière par une personne innocente ; alors on doit, sans aucun doute, et constamment ajouter foi à ladite confession, et procéder au jugement de condamnation, suivant la nature du délit, comme nous le dirons ci-après dans l’article 104 et dans quelques autres.

ARTICLE 61.

Du prisonnier qui ayant été mis à la question sur des indices suffisants, ne sera pas trouvé coupable, ou n’aura point succombé.

Lorsque l’accusé, sur les suspicions et indices suffisants dont nous avons parlé, aura été mis à la question, et que néanmoins il n’aura point succombé à l’accusation criminelle par sa propre confession, ou par des preuves, les Juges, non plus que les accusateurs, ne seront point tenu à aucune peine pour raison de ladite question qui aura été régulière et permise par les Lois, parce que les indices criminels ont autorisé la procédure de la question, chacun étant obligé suivant les Lois, d’éviter non seulement le crime, mais même les apparences du crime, qui lui donnent un mauvais renom, ou qui forment des indices contre lui ; de sorte que celui qui ne sera pas ainsi sur ses gardes, ne pourra s’en prendre qu’à lui-même de la sévérité qu’il se sera attirée ; et en ces cas l’accusateur après qu’il aura déduit les preuves de sa suspicion, de même que l’accusé, seront tenus chacun pour leurs frais, et à l’égard des autres frais comme ceux de l’Exécuteur, et autres servants [de] la Justice, ou dans les prisons, ils seront sur le compte seul du Magistrat Supérieur ; mais dans les cas où la question aura été donnée contre la forme prescrite dans la présente Ordonnance Impériale, les Juges, comme auteurs de cette procédure injuste deviendront eux-mêmes punissables suivant la force et la nature de leur contravention, à quoi les Tribunaux Supérieurs dont ils dépendent, seront tenu de veiller ainsi que de raison.

ARTICLE 62.

De la preuve du délit.

Si l’accusé se ne voulait rien avouer, et que l’accusateur s’offrit de produire des preuves du délit, il sera admis à prouver, comme de droit.

ARTICLE 63.

Des Témoins inconnus.

On ne doit point admettre des témoins inconnus que la partie récuse, à moins que celui qui produit ces témoins, ne fasse voir suffisamment, qu’ils sont bons et sans reproche.

ARTICLE 64.

Des Témoins gagés.

Les Témoins gagés non seulement sont rejetés, et ne peuvent être admis, mais même doivent être punis.

ARTICLE 65.

De la manière dont les Témoins doivent déposer.

Les Témoins doivent dire ce qu’ils savent par eux-mêmes, en faisant voir que ce qu’ils savent est fondé en raison ; mais lorsqu’ils déposeront sur le rapport d’un autre, leur déposition ne sera pas reçue pour suffisante.

ARTICLE 66.

Des Témoins suffisants.

Ceux-là sont des Témoins suffisants qui sont sans reproche, et que l’on ne peut point rejeter d’ailleurs par aucune raison légitime.

ARTICLE 67.

De la preuve suffisante.

Lorsqu’un délit sera prouvé au moins par le témoignage de deux ou trois témoins croyables, qui déposent sur leur véritable connaissance, la procédure criminelle aura son cours, et l’on prononcera jugement suivant la nature du fait.

ARTICLE 68.

Des faux Témoins.

Les Témoins que l’on trouvera ou convaincra avoir entrepris par malice et faux témoignage de faire mettre innocemment quelqu’un à la question, auront mérité le châtiment, auquel ils ont voulu par leur déposition exposer l’innocent.

ARTICLE 69.

De l’Accusé qui ne veut point confesser son crime après en être convaincu.

Si l’accusé après des preuves suffisantes de son crime ne voulait point le confesser, on doit lui remontrer qu’il en est convaincu, quoique pour cela on ne puisse point tirer de lui sa confession : si après cette remontrance il persistait encore à ne point avouer, quoiqu’il en fût suffisamment convaincu, comme il vient d’être dit, on doit néanmoins sans l’appliquer à aucune question le juger suivant le mérite du crime dont il est convaincu.

ARTICLE 70.

De la manière de produire et faire entendre les Témoins.

Suivant qu’il sera nécessaire que la déposition des témoins pour opérer un jugement de condamnation, soit extrêmement claire et exacte, Nous voulons que lorsque le délit de l’accusé serait caché, et qu’il ne voulût point avouer ce qui aurait été déposé contre lui, comme il vient d’être dit, que néanmoins l’accusateur s’offrit de prouver le délit dont il a porté l’accusation, qu’il y fut admis ; que dans ce cas ledit accusateur fasse mettre exactement par écrit ses articles, dont il veut faire preuve, lesquels il remettra au Juge en y faisant mention du nom et de la demeure des témoins, afin qu’ensuite quelques uns des Juges ou autres Commissaires nommés, soient en état de prendre les dépositions nécessaires, et d’une manière convenable, ainsi qu’il en sera parlé ci-après dans différents endroits.

ARTICLE 71.

Des Témoins entendus en Justice.

Lorsqu’une Juridiction Criminelle sera composée de Sujets habiles, et capables d’entendre ces témoins dans la forme requise, le Juge assisté de deux Assesseurs intelligents avec le Greffier, suivant les règles de la Justice, entendra soigneusement lesdits témoins, et fera une attention particulière, si le témoin ne variera point, ou marquera de l’inconstance dans sa déposition ; lesquelles circonstances, de même que la contenance extérieure du témoin, seront écrites dans la procédure.

ARTICLE 72.

Des Témoins entendus hors la Justice.

Mais lorsqu’une Juridiction Criminelle, ainsi qu’il se rencontre dans plusieurs endroits de l’Empire, ne sera point composée des Sujets intelligents et capables, quoique suivant le droit commun les affaires Criminelles ne doivent point être instruites par d’autres Examinateurs ou Commissaires ; cependant comme il importe extrêmement d’avoir des Commissaires éclairés pour empêcher les torts que causerait ce défaut des lumières, Nous ordonnons et voulons qu’au dit défaut on fournisse à ladite Juridiction, outre le Juge, quatre Assesseurs pour procéder à l’instruction des preuves susdites, sans que les parties en supportent les frais ; que pour cet effet les Commissaires intelligents qui seront donnés d’une autre Juridiction, sur la demande de celui qui veut produire les témoins, et lorsque la nécessité le requerra, seront munis des Lettres de Compulsoire, et de Pareatis, en vertu desquelles les témoins pourront être contraints. Ladite Juridiction y apportera tous les soins qui dépendront d’elle, et dans les difficultés qui se rencontreront, elle cherchera conseil auprès des gens de Loi, afin de rendre la procédure régulière, et sans que les frais en retombent sur les parties.

ARTICLE 73.

De la manière de manifester et communiquer les dépositions.

Après que les dépositions auront été prises, on les manifestera en la manière suivante ; savoir, si elles ont été prises par quelques membres d’une Juridiction Criminelle, qui soient versés dans ces affaires, le Juge fixera un jour auquel on en fera l’ouverture, et où il sera permis de fournir les contredits et les défenses par écrit dans la forme qui est marquée ci-après.

Mais s’il arrivait que, faute des personnes éclairées, les dépositions eussent été prises par des Commissaires étrangers à la Juridiction, comme il a été dit ci-dessus, ou que les Assesseurs de cette Juridiction n’eussent pas siégé ensemble, en sorte qu’il y eut eu occasion à des nouveaux frais pour les rassembler, n’étant point utile ni nécessaire que leur assemblée se tienne pour chaque procédure en particulier, et afin que l’on remédie en cela aux frais et aux longueurs de la Justice, Nous ordonnons et voulons qu’en pareil cas les Commissaires, et ceux qui font l’instruction du procès se comportent ainsi qu’il suit.

Les Commissaires et Examinateurs commenceront par assigner un jour aux Parties pour leur communiquer les dépositions, et au jour marqué ils leur délivreront de part et d’autre copie de la procédure pour un temps convenable, et tel qu’ils trouveront être nécessaire, eu égard à la nature de l’affaire, afin que la procédure soit connue à ceux qui y ont intérêt, et surtout au prisonnier, auquel le secours d’Avocats ne pourra point être interdit : alors ce que chacune des Parties voudra dire sur ces dépositions, sera remis aux susdits Commissaires par un écrit double au jour qu’ils auront marqué à cet effet ; l’un de ces deux écrits demeurera entre les mains des Commissaires, et l’autre sera délivré à la partie adverse pour la mettre en état d’y répondre si elle veut.

Et au cas que les Parties voulussent produire d’autres écritures sur ce sujet, elles le feront toujours par un écrit double et dans le délai qui leur sera prescrit par les Commissaires, en sorte néanmoins qu’elles ne pourront fournir que deux fois leurs écrits, dans lesquels elles renfermeront tout ce qui sera nécessaire à leur défense, à moins que l’affaire ne fut de telle nature que les Commissaires par des raisons très fortes et pressantes ne pussent pas se dispenser d’accorder encore aux deux parties la faculté d’écrire une troisième fois, mais sans plus, et cela dans un délai préfixé. Lors donc que les dépositions auront été ainsi prises et communiquées, et que les parties auront fourni et clos leur dire et défense, le Commissaire enverra le tout en sûreté au Magistrat Supérieur dont il a reçu le pouvoir de procéder, lequel aura soin d’informer de son résultat le Juge où le procès est pendant, et lui prescrire le jugement qu’il y doit porter.

ARTICLE 74.

Des Témoins que l’accusé produit pour sa défense.

Lorsque l’accusé voudra produire des témoins et des preuves pour se disculper du délit dont il est accusé, et que le Juge estimera que ses preuves offertes pourront lui être utiles, cette procédure sera conduite de la même manière qu’il a été dit ci-dessus, et l’on se conformera encore en cela à ce qui est marqué ci-après dans l’article 151 où il parle de la décharge de l’accusé, et qui commence par ces mots : Si quelqu’un confesse un délit : de même que dans quelques autres articles qui suivent.

ARTICLE 75.

Des frais concernant les Témoins.

Celui qui produit des témoins en affaire Criminelle, sera tenu de payer à chacun des témoins pour chaque jour qu’il l’emploiera huit Creuzer, ou la même valeur, proportionnée à la monnaie du pays, si ce sont des personnes du commun, et qui voyagent à pied : à l’égard des autres, le salaire sera réglé suivant la prudence et l’estimation des Commissaires.

ARTICLE 76.

Du sauf-conduit pour les Témoins.

On n’accordera point de sauf-conduit à aucune partie ni au témoin, pour se présenter devant les Juges ou devant les Commissaires avant la procédure Criminelle ; mais il sera accordé tant aux parties qu’aux témoins pour les garantir de la violence en s’y présentant.

ARTICLE 77.

De la prompte expédition de la Justice.

Pour éviter les frais, Nous statuons et ordonnons que dans toutes les affaires Criminelles, on expédie promptement la Justice, et que l’on empêche tout délai préjudiciable.

ARTICLE 78.

De la destination d’un jour pour rendre Jugement définitif.

Lorsque l’accusateur, sur la confession de l’accusé, ou sur les dépositions complètes et concluantes des témoins, demandera un jugement définitif, il lui sera accordé sans délai ; et au cas que l’accusateur ne voulût pas demander un jour pour un jugement définitif, il sera accordé à la demande qu’en fera l’accusé lui-même.

ARTICLE 79.

De l’indication qui doit être faite à l’accusé du jour marqué pour le juger.

Celui qui sur la demande de l’accusateur doit être puni par un jugement définitif, en sera averti trois jours avant, pour qu’il ait le temps de reconnaître son péché, de s’en repentir, et de s’en confesser, et on ne pourra point lui refuser de recevoir le Saint Sacrement, au cas qu’il le demandât. On fournira à l’accusé pour cette confession dans la prison, des personnes qui lui puissent inspirer des sentiments de piété et convenables à son salut ; on aura de même attention, soit en le conduisant au supplice ou ailleurs que la boisson qu’on lui donnera, n’affaiblisse point sa raison.

ARTICLE 80.

De la publication du jour du Jugement.

On annoncera et publiera le Jugement à tenir suivant qu’il se pratique dans chaque pays par un louable usage.

ARTICLE 81.

Que les Juges doivent conférer ensemble avant que de siéger pour rendre Jugement.

Les Juges, avant le jour de la séance, se feront représenter la procédure et la liront, afin que tout se trouve en état d’être produit devant le Tribunal, ainsi qu’il sera indiqué dans l’article 181 par la lecture que les Juges en feront, ils conviendront ensemble du Jugement qu’ils auront à prononcer, et au cas qu’il leur vienne quelque doute, ils s’en éclairciront auprès des Gens de Loi, pour y former leur décision, et feront le tout bien protocoller, afin qu’il leur serve dans le jugement qu’ils rendront ensuite public, conformément à l’article 190 ci-après.

ARTICLE 82.

Du signal à donner pour assembler le Tribunal Criminel.

Le jour marqué pour tenir le Tribunal Criminel étant arrivé, on l’annoncera au public à l’heure ordinaire par le son des cloches ; alors les Juges et Assesseurs se rendront au lieu, où, selon l’usage, ils doivent s’assembler : le Juge fera prendre séance aux Assesseurs, et tenant le bâton ou l’épée nue, suivant la coutume de chaque Pays, il prendra lui-même séance avec eux, jusqu’à la définition pleine et entière du jugement.

ARTICLE 83.

Les Juges et Assesseurs dans tous les jugements Criminels auront devant eux Notre présente Ordonnance et Loi Impériale, et s’y conformeront ; ils les communiqueront aussi aux Parties toutes les fois qu’il sera nécessaire, et qu’elles le demanderont, afin que leur ignorance ne les expose point à être lésées, et à cet effet on leur délivrera sur leur demande Copie des Articles de Notre présente Ordonnance, qui leur seront nécessaires.

ARTICLE 84.

De la demande que doit faire le Juge, si le Tribunal est composé dans les formes.

Lorsque le Tribunal sera ainsi composé, le Juge fera à chacun des Assesseurs la demande suivante : N. je vous demande si le Tribunal Criminel est composé suivant les Lois ? Si alors il se trouve le nombre de sept ou huit Assesseurs, chacun d’entre eux répondra ainsi qu’il suit : M. le Juge, le Tribunal Criminel est compétemment formé suivant l’Ordonnance de l’Empereur Charles V et du Saint Empire.

ARTICLE 85.

De l’exposition de l’accusé aux yeux du public.

Lorsqu’on sera déterminé de prononcer un jugement Criminel contre l’accusé, on doit avant ou après, suivant l’usage de chaque Pays, exposer pendant quelque temps, le malfaiteur au Carcan, ou au Poteau dans le Marché, ou dans la Place publique.

ARTICLE 86.

De la conduite de l’accusé devant le Tribunal.

Après quoi le Juge ordonnera que l’accusé soit conduit sous bonne garde devant le Tribunal, par l’Exécuteur.

ARTICLE 87.

De la publication de l’accusé.

A l’égard de la publication des malfaiteurs, on s’y conformera à l’usage louable de chaque Juridiction, sur la demande qu’en fera l’accusateur présent. Mais lorsque l’accusé sera trouvé innocent, en sorte que l’accusateur ne se mettra pas en état de poursuivre la procédure, et que l’accusé néanmoins demandât jugement, en ce cas la publication ne sera point nécessaire.

ARTICLE 88.

Des Avocats à donner.

On permettra aux deux parties, tant à l’accusateur qu’à l’accusé, de prendre pour Avocat un membre du Tribunal, lequel sera tenu par son serment de travailler pour la justice et la vérité, en se conformant aux règles de Notre présente Ordonnance, et sans y donner aucune atteinte sciemment et volontairement ; cette obligation sous serment lui sera enjointe par le Juge, à la charge que l’Assesseur qui aura été l’Avocat de l’accusateur s’abstiendra de se trouver à la conclusion du jugement, et que les autres Juges et Assesseurs y procéderont sans lui ; il dépendra néanmoins de l’accusateur, aussi bien que de l’accusé, de prendre un Avocat parmi les Assesseurs ou ailleurs, ou d’en faire eux-mêmes la fonction : celui qui sera pris pour Avocat ailleurs que dans le Tribunal, prêtera avant toutes choses serment au Siège de ne rien avancer dans son discours, qui soit contraire à ce qui a été marqué ci-dessus au sujet des Assesseurs, qui feraient l’office d’Avocats ; sur quoi l’on doit particulièrement faire attention, que de même que l’Avocat est obligé de nommer le nom de l’accusateur, de l’accusé, et celui du délit, comme par exemple un meurtre, un vol, un incendie ou autre ; de même aussi lorsque l’accusation Criminelle se fait d’office, il doit non seulement faire mention de l’accusateur, mais aussi il doit y ajouter que l’accusation est formée d’office, et au nom du Magistrat.

ARTICLE 89.

La réquisition que fait l’Avocat, qui agit d’office contre l’accusé.

M. le Juge, l’accusateur N. forme sa plainte contre l’accusé N. qui est ici présent devant le Tribunal au sujet du délit qu’il a commis avec N. ainsi que ladite plainte a déjà été portée devant Vous, et requiert que vous examiniez avec soin toutes les charges et procédures qui ont été dressées, ainsi que le tout a été ci-devant instruit suffisamment, suivant l’équitable Ordonnance Criminelle de Empereur Charles V et du Saint Empire, afin que suivant ladite Ordonnance, ainsi qu’il est de droit, l’accusé, sur la conviction de son crime, soit puni par un jugement définitif. Si l’Avocat n’était point en état de faire sa plainte et réquisition de bouche, il la remettra par écrit devant le Tribunal, et dira : Je vous prie, M. le Juge, de faire lire publiquement par votre Greffier la présente plainte et réquisition contenue dans cet Écrit.

ARTICLE 90.

De la demande que fera l’accusé par son Avocat.

Lorsque l’accusé aura précédemment persisté dans la confession de son crime, ou qu’il en aura été suffisamment convaincu, ainsi qu’il a été dit ci-devant clairement au sujet de la conviction suffisante, et de la persévérance dans la confession, il ne pourra plus demander ni faire demander autre chose que la grâce. Mais s’il n’avait pas confessé son crime de cette manière, ou que l’ayant confessé il eût allégué de telles raisons, par lesquelles il aurait espéré de pouvoir éviter un jugement criminel, alors il lui sera permis de donner par son Avocat une supplique en la manière suivante.

M. le Juge, l’accusé N. pour répondre aux charges formées contre lui par N. son accusateur, au sujet du crime qu’il doit avoir commis avec N. se rapporte en tout à ce qu’il a déjà répondu ci-devant, et suffisamment avancé, et vous supplie d’examiner avec soin toute la procédure qui a été dressée sur ladite accusation et réponses, suivant l’équitable Ordonnance Criminelle de l’Empereur Charles V et du Saint Empire ; afin que son innocence étant reconnue, le jugement définitif le déclare absous en lui adjugeant la restitution des frais de justice et dommages, et que l’accusateur, en punition, conformément à l’Ordonnance Criminelle Impériale, soit tenu à tous les dépens de la procédure.

Au cas que l’Avocat ne fut pas en état de faire cette réponse et supplique de bouche, il la remettra par écrit devant le Juge, en lui adressant ces paroles : M. le Juge, je vous supplie d’ordonner au Greffier de faire lecture publique des défenses et de la supplique de l’accusé contenues dans cet Écrit ; et sur cette prière le Juge ordonnera au Greffier de lire ledit Écrit publiquement.

ARTICLE 91.

Du déni d’un crime qui a été confessé auparavant.

Si l’accusé au jour du jugement définitif niait le délit qu’il aurait confessé auparavant dans la forme requise, et que le Juge sur cette confession eût reconnu par toutes sortes des circonstances, que l’accusé ne se proposât qu’à empêcher le cours de la justice en niant ainsi son crime, comme il a été dit ci-dessus dans l’article 56 et quelques autres suivants jusqu’à l’Article 62 qui traitent de la persévérance dans la confession, le Juge demandera par serment aux deux Assesseurs qui l’ont assisté lorsque le délit a été avoué, s’ils n’ont point entendu la confession qui vient d’être lue ; et s’ils disent que oui, le Juge doit néanmoins prendre avis là-dessus des gens de Loi ou ailleurs, comme nous le marquerons dans la suite, après quoi ces deux Assesseurs ne pouvant point être regardés comme témoins, mais comme membres du Tribunal, ne se retireront pas pour cela de la séance, et rendront jugement avec les autres.

ARTICLE 92.

De la manière dont les Juges et Assesseurs sur ce qui est produit de part et d’autre, doivent former leur jugement.

Après que les Juges auront formé leur résolution sur tout ce qui aura été produit par les deux parties, ils mettront devant eux toute la procédure et toute l’instruction juridique, ils l’examineront avec soin, et sur ce, ils feront dresser par écrit, le plus promptement et le plus convenablement la Sentence, telle qu’ils la croiront la plus conforme à Notre présente Ordonnance Criminelle ; et après qu’elle sera ainsi dressée, le Juge demandera au Tribunal si le tout est selon la justice.

ARTICLE 93.

De quelle manière les Assesseurs doivent répondre.

M. le Juge, mon sentiment est, que tout s’est passé légitimement sur l’instruction juridique et procédure, et que l’on s’est conformé à l’Ordonnance, après avoir suffisamment examiné tout ce qui a été proposé par écrit en Jugement.

ARTICLE 94.

De quelle manière le Juge doit rendre la Sentence publique.

La décision étant formée par les Assesseurs, le Juge fera lire la Sentence dressée par le Greffier juré du Tribunal en présence des deux parties ; et au cas qu’on y eût prononcé une peine afflictive, il y sera spécialement marqué, de quelle manière elle sera infligée, soit qu’il y ait punition corporelle ou peine de mort, ainsi qu’il sera indiqué ci-après dans l’Article 104 en traitant des punitions pour crime. De même que nous insèrerons dans l’Article 190 la manière dont le Greffier doit dresser, publier, et lire ladite Sentence.

ARTICLE 95.

De l’application à faire des différents termes.

Les discours ci-dessus rapportés qui se font devant la Justice, regardent un seul accusateur et un seul accusé : ainsi il est particulièrement à observer, que lorsqu’il s’y trouvera plus d’un accusateur et plus d’un accusé, il faudra employer les termes qui conviennent à plusieurs personnes.

ARTICLE 96.

Dans quel temps le Juge doit rompre sa baguette.

Après que l’accusé aura été finalement jugé, le Juge, suivant l’usage des lieux, rompra sa baguette, et abandonnera le Criminel entre les mains de l’Exécuteur, en lui ordonnant sous serment de mettre fidèlement à exécution le jugement rendu ; après quoi on lèvera la séance du Tribunal, et l’on veillera à ce que l’exécution de la Sentence se fasse avec la garde et la sûreté convenable.

ARTICLE 97.

De la sauvegarde de l’Exécuteur.

Après que le Juge, sur la Sentence finale, aura rompu sa baguette, et que le Criminel aura été conduit au lieu du supplice, il fera publier au nom du Magistrat une défense sous peine corporelle et pécuniaire de causer aucun empêchement à l’Exécuteur, ni de mettre la main sur lui au cas qu’il vient à manquer dans son exécution.

ARTICLE 98.

De ce qu’il y a à dire après l’exécution faite.

Sur ce que l’Exécuteur aura ensuite demandé, si son exécution a été faite suivant la justice, le Juge répondra à peu près dans ces termes : Je tiens pour fait ce que tu as exécuté, conformément a la Sentence que la Justice a prononcée.

ARTICLE 99.

Du jugement d’absolution prononcé en faveur de l’accusé.

Au cas que l’accusé fut reconnu absous par le jugement rendu de quelque manière que cela arrivât, on exécutera de même ledit Jugement comme il convient. Mais à l’égard des dommages et intérêts, que l’absous en qualité de plaignant demandera, les parties seront tenues de se présenter devant la Justice pour cette action civile, ainsi qu’il a été marqué ci-devant.

ARTICLE 100.

Des interrogatoires inutiles et dangereux.

Ayant été informés que dans quelques Juridictions Criminelles, on a mis en usage jusqu’à présent plusieurs questions superflues, qui ne servent en aucune manière à découvrir la vérité, et ne tendent au contraire qu’à prolonger et à empêcher la justice ; Nous avons voulu par ces Présentes supprimer et abolir tous ces abus et autres semblables, qui retardent sans nécessité les opérations de la justice, ou qui exposent à quelque danger. Il sera du devoir du Magistrat qui aura connaissance de ces contraventions, d’y remédier sérieusement, et de les punir toutes les fois qu’elles arriveront.

ARTICLE 101.

De la punition corporelle qui n’emporte point la peine de mort, ou celle d’une prison perpétuelle. On trouvera ci-après dans l’Article 196 la formule du jugement, par lequel on doit prononcer des punitions corporelles qui ne renferment pas la peine de mort ni celle d’une prison perpétuelle, et que le Juge rend d’office sur un délit public.

ARTICLE 102.

De l’exhortation à faire au Criminel après sa condamnation.

Après que le Criminel aura été condamné à la mort, on le fera confesser dans un autre endroit, et il y aura au moins un ou deux Prêtres, qui l’accompagneront au lieu du supplice, qui l’exhorteront à faire des actes d’amour de Dieu, de vraie foi et de confiance en Dieu, aux mérites du Sauveur, et de repentir de ses péchés, en lui présentant sans cesse le Crucifix à la main.

ARTICLE 103.

Du devoir des Confesseurs de ne point porter les Criminels à nier la vérité qu’ils ont avouée.

Les confesseurs qui assistent les Criminels ne doivent point leur conseiller de révoquer finalement la vérité qu’ils ont confessé devant la justice, tant sur leur propre fait que sur celui des autres, parce qu’il ne doit être permis à personne de mettre la fausseté en usage pour couvrir la malice des Criminels contre le bien public, et au préjudice des gens de bien en contribuant ainsi à fortifier le mal, ce qui a été observé déjà dans l’Article ci-devant 31.

ARTICLE 104.

Avant propos sur la manière dont les crimes doivent être punis.

Lorsque quelqu’un par nos Lois écrites aura mérité la mort pour un délit, on prononcera la manière dont l’exécution se doit faire suivant le louable usage des lieux, ou l’Ordonnance d’un Juge éclairé se réglera sur la nature du délit, et sur le scandale qu’il a causé ; mais dans les cas où nos Lois Impériales n’ordonnent et ne permettent point de condamner à la mort, et pour lesquels Notre présente Ordonnance ne prescrit pas non plus aucune sorte de peine capitale, les Lois dans quelques-uns de ces délits ne permettront que des punitions corporelles, en sorte que la vie soit conservée aux coupables.

De telles punitions seront prononcées suivant l’usage autorisé de chaque Pays ou selon la prudence du Juge, de même que dans ce qui vient d’être dit pour les jugements à mort : ainsi lorsque nos Lois Impériales prescrivent quelques punitions criminelles, qui eu égard au temps présent, ou par rapport au Pays, ne seront point praticables, qui en partie ne pourront pas être suivies à la lettre, et que de plus lesdites Lois ne marqueront pas la forme et la mesure de chaque punition en particulier, Nous en abandonnons la décision et le choix à l’usage et au discernement des Juges, qui par l’amour pour la justice et le bien public, prononceront les peines proportionnées à la nature du délit. On observera particulièrement que les Juges ne pourront condamner personne à mort, ou à d’autres peines criminelles dans les cas pour lesquels Notre Ordonnance Impériale ne statue aucune peine capitale, infamante ou corporelle ; et afin que les Juges et Assesseurs, faute d’être instruits de ces Lois, soient moins exposés à contrevenir aux dites Lois, et aux usages autorisés en décernant ces sortes de punitions, Nous traiterons ci-après de quelques peines Criminelles, du temps et de quelle manière elles doivent être prononcées selon les susdites Lois, conformément à l’usage, et suivant la prudence.

ARTICLE 105.

Des cas criminels qui ne sont point dénommés, et de leur punition.

On doit de plus faire attention que dans les cas criminels, pour lesquels les articles suivants ne statuent point de punition, ou sur lesquels ils ne s’expliquent et ne s’entendent pas suffisamment, les Juges, lorsqu’il s’agira de punir, seront tenus de demander conseil pour savoir de quelle manière ils régleront leur jugement sur ces cas peu intelligibles, en se conformant à l’esprit de nos Lois Impériales, et de Notre présente Ordonnance, n’étant pas possible d’y comprendre et spécifier tous les cas qui peuvent arriver, ni les punitions qui y sont attachées.

ARTICLE 106.

De la punition des blasphèmes.

Celui qui attribue à Dieu ce qui ne lui convient point, ou qui par ses paroles lui ôte des attributs qui lui sont propres, qui insulte la Toute-Puissance de Dieu ou sa Sainte Mère, sera arrêté d’office par les Juges, et puni en son corps ou en sa vie, suivant l’état et la qualité des personnes, et la nature de son blasphème. Cependant après qu’un tel blasphémateur sera arrêté, on donnera avis au Magistrat Supérieur, avec une instruction suffisante de toutes les circonstances du fait, qui prescrira aux Juges la manière de punir ce blasphème, conformément à nos Lois Impériales, et en particulier suivant le contenu des articles de notre Ordonnance de l’Empire.

ARTICLE 107.

De la punition de ceux qui font un faux serment en Justice.

Celui qui fait un faux serment devant le Juge ou devant la Justice, ledit serment regardant un bien temporel, en sorte qu’il lui en revienne quelque utilité, sera tenu préalablement à tout, de dédommager celui à qui il a fait tort par son faux serment, au cas qu’il ait de quoi, ensuite sera déclaré déchu de tout honneur. Nous ne prétendons même rien changer en usage commun établi dans l’Empire au sujet de l’amputation des deux doigts avec lesquels ces sortes de faussaires auront fait un faux serment ; mais celui dont le faux serment tendra à faire subir à quelqu’un une peine criminelle, sera condamné à la même peine, de même que celui qui sciemment, de propos délibéré, et frauduleusement aura incité quelqu’un à faire un pareil faux serment.

ARTICLE 108.

De la punition de ceux qui violent leur serment.

Celui qui violera son serment en commettant des actions pour lesquelles, selon les Lois Impériales et la présente Ordonnance, il encoure d’ailleurs la peine capitale, ladite peine aura lieu contre lui ; mais s’il violait son serment de propos délibéré, et par des actions qui ne méritassent point la peine de mort, il sera puni comme un parjure par l’amputation de la main ou des doigts, ou autrement, ainsi qu’il vient d’être marqué dans le précédent Article ; et au cas qu’on le crût capable de commettre dans la suite d’autres forfaits, on agira contre lui conformément à ce qui sera prescrit ci-après dans l’Article 187.

ARTICLE 109.

De la punition du sortilège.

Celui qui aura dommagé à quelqu’un par sortilège, sera puni de mort, et la punition sera celle du feu ; mais celui qui se servira de sortilège sans avoir par là nui à personne, sera puni selon l’exigence et la nature du cas, en quoi les Juges seront tenus de consulter, comme il sera marqué ci- après.

ARTICLE 110.

De la punition des Écrits injurieux, et injures criminelles.

Celui qui par des Écrits injurieux ou Libelles diffamatoires répandus sans signature juridique, charge quelqu’un injustement de quelque crime ou forfait, pour lequel il pourrait être puni en son corps, en sa vie, ou en son honneur, lorsque la vérité du délit serait découverte, le diffamateur subira la même punition à laquelle il a cherché à exposer l’innocent par sa malice et ses Écrits calomnieux ; et quand bien même le fait attribué ainsi injurieusement, se trouverait véritable, le diffamateur ne laissera pas d’être puni en vertu des Lois, et suivant la prudence du Juge.

ARTICLE 111.

De la punition des Faux-Monnayeurs, et de ceux qui, sans droit, fabriquent des Monnaies.

La Monnaie est reconnue pour fausse, premièrement lorsque quelqu’un y met l’effigie d’un autre frauduleusement. Secondement, lorsqu’il y ajoute un métal étranger. Troisièmement, lorsqu’il l’altère par la diminution de son poids naturel. Ceux qui tombent dans un de ces cas, sont tenus pour Faux-Monnayeurs, et doivent être punis en la manière suivante. Savoir, ceux qui fabriquent de la fausse Monnaie, qui la marquent ou qui l’échangent, se l’approprient, et ensuite la débitent ainsi sciemment, et avec malice, pour tromper les autres, seront condamnés suivant l’usage et l’Ordonnance des Lois à perdre la vie par la peine du feu ; ceux qui avec connaissance de cause auraient prêté leur Maison pour cet effet, la perdront avec cela. Mais celui qui avec danger en diminue le poids naturel, ou qui la fabrique sans en avoir le privilège, sera arrêté, et suivant l’exigence du cas, sur l’avis des Gens de Loi, sera puni en son corps ou en ses biens. Celui qui pour altérer la monnaie d’un autre, la refondra et la fera moindre, sera puni en son corps ou en ses biens, suivant les circonstances du fait, et si pareille chose arrivait du su et consentement d’une Juridiction, elle sera déchue de son privilège de battre Monnaie.

ARTICLE 112.

De la punition de ceux qui font des fausses signatures, Lettres, Obligations, et des faux Registres.

Seront punis en leur corps et en leur vie ceux qui auront fabriqué des faux seings, des fausses Lettres, des faux Contrats, Obligations ou Registres, ayant égard en cela au plus ou au moins de malice qui aura été trouvée dans la fausseté, de même qu’au dommage qu’elle aura causé, le tout après avoir consulté la matière, ainsi qu’il sera dit à la fin de cette Ordonnance.

ARTICLE 113.

De la punition de ceux qui se servent des fausses Mesures, Poids et Marchandises.

Celui qui par malice et avec danger falsifie les Mesures, Poids, Épiceries, ou autres Marchandises, et s’en sert, et les débite pour légitimes, sera regardé comme Criminel, et banni du Pays, après avoir été fustigé ou subi d’autres peines corporelles, suivant l’exigence des cas. Cette falsification pourrait avoir été pratiquée assez souvent et avec assez de malice pour que le coupable méritât la peine de mort sur l’avis des Gens de la Loi, ainsi qu’il sera marqué à la fin de cette Ordonnance.

ARTICLE 114.

De la punition de ceux qui par fraude déplacent des bornes ou marques de terrier.

Celui qui par malice et avec danger déplace, détruit, ôte ou altère une borne, sera puni en son corps à proportion du danger qui en résulte, et selon la nature de la chose et de la personne, après en avoir consulté.

ARTICLE 115.

De la punition des Procureurs, qui au préjudice de leurs Clients, assistent sous mains et frauduleusement leurs parties adverses.

Un Procureur qui aura été convaincu d’avoir à dessein et au préjudice de son Client donné assistance à la Partie adverse, soit dans des causes civiles, soit criminelles, sera contraint avant toutes choses de réparer suivant l’étendue de ses facultés tout le dommage fait à sa Partie, et ensuite il sera exposé au Carcan, fustigé publiquement, et banni du Pays, ou même puni d’une autre manière, suivant la nature et circonstances du délit.

ARTICLE 116.

De la punition du crime commis contre la nature.

Le crime d’une personne commis avec une bête, d’un homme avec un homme, d’une femme avec une femme, sera puni de mort, et suivant l’usage ordinaire on prononcera la peine du feu.

ARTICLE 117.

De la punition du crime d’inceste.

Lorsque quelqu’un aura eu commerce criminel avec sa belle-fille, avec sa bru, ou avec sa belle-mère, dans ces fortes d’incestes, et autres d’un degré plus proche, on prononcera la peine ordonnée par nos Lois Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs, sur quoi on aura recours à l’avis des Jurisconsultes.

ARTICLE 118.

De la punition de ceux qui enlèvent des femmes mariées, ou des filles.

Lorsque quelqu’un enlèvera d’une manière déshonorante une femme mariée, ou une honnête fille contre le gré du mari ou du père, quoique la femme ou la fille y ait consenti, le mari ou le père seront en droit de former leur accusation criminelle ; et le délinquant sera puni conformément à nos Lois Impériales, et celles de nos Prédécesseurs, après en avoir consulté avec les Gens de Loi. ARTICLE 119.

De la punition du viol.

Celui qui fera violence à une femme mariée, à une veuve, ou fille, et qui malgré elle en abusera, aura mérité la mort, et par la procédure qui lui sera faite sur la plainte de la personne violée, il sera de même qu’un ravisseur condamné à périr par le glaive ; et celui qui de propos délibéré et violemment aura tenté de forcer une femme ou une fille, et que par la résistance qu’elle aurait faite, ou par un autre secours elle en aurait été délivrée, il sera puni sur la plainte de la personne violentée, eu égard aux circonstances du fait, et à la condition des personnes, en quoi les Juges doivent demander conseil, ainsi que dans d’autres cas ci-devant rapportés.

ARTICLE 120.

De la punition de l’Adultère.

Un homme marié ayant accusé criminellement un autre pour fait d’adultère commis avec sa femme, l’en aura convaincu, l’homme adultère de même que la femme seront punis selon Nos Ordonnances Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs. Il en sera de même lorsqu’une femme mariée formera sa plainte contre son mari ou contre la personne avec laquelle l’adultère aura été consommé.

ARTICLE 121.

De la punition de la Bigamie.

Un homme marié qui contractera mariage avec une autre femme, ou une femme mariée, qui du vivant de son mari en fera la célébration avec un autre homme, commettra un crime aussi grand et même plus grand que l’adultère ; et quoique les Lois Impériales n’aient point statué la peine de mort contre ce délit, Nous voulons cependant que ceux qui en fraude, sciemment et volontairement l’auront occasionné et consommé, ne soient pas moins punis comme criminels que les adultères.

ARTICLE 122.

De la punition de ceux qui prostituent leurs Femmes ou leurs Enfants.

Celui qui sera convaincu d’avoir livré et prostitué sa femme ou enfant au libertinage, et à des actions déshonorantes pour en tirer du profit, de quelque nature qu’il puisse être, sera déclaré infâme, et puni en vertu des nos Lois.

ARTICLE 123.

De la punition de ceux qui aident à la prostitution des femmes mariées.

Comme il arrive souvent que des personnes du sexe par leur imprudence, et même des filles innocentes, qui d’ailleurs sont sans reproche, se laissent induire au libertinage, et à la perte de leur honneur, par les ruses de quelques hommes et femmes de mauvaise vie, Nous ordonnons que ceux ou celles qui emploieront un artifice aussi infâme, ou qui avec connaissance de cause et de danger loueront leur maison à cet usage honteux, et souffriront qu’il se pratique chez eux, soient punis du bannissement, l’exposition au Carcan, l’amputation des oreilles, la fustigation, ou autres punitions exemplaires, suivant l’exigence des cas, et sur l’avis des Gens de Loi.

ARTICLE 124.

De la punition des Traîtres.

Celui qui dans un mauvais dessein se rend coupable de trahison, sera condamné, suivant l’usage, à la peine de mort. Si c’est une femme, elle sera précipitée dans l’eau. Dans les cas où la trahison aura causé un grand préjudice et scandale, qui regardât un Pays, une Ville, son propre Seigneur, un des mariés, ou proche parent, on pourra augmenter la peine capitale en faisant traîner le coupable sur la claie, ou tenailler. La trahison pourrait même être de telle nature, que le Criminel après avoir eu la tête tranchée, méritera d’être écartelé : en quoi les Juges se règleront sur la qualité du délit ; et au cas de doute, ils consulteront les Gens de Loi.

ARTICLE 125.

De la punition des Incendiaires.

Ceux qui sont Incendiaires par malice, seront jugés et condamnés à perdre la vie par le feu.

ARTICLE 126.

De la punition des Voleurs de grand chemin.

Celui qui se trouvera convaincu de vol de grand-chemin, sera puni par le glaive, en vertu de nos Lois Impériales, et celles de Nos Prédécesseurs, ou à telle punition de mort qui sera en usage dans chaque pays.

ARTICLE 127.

Punition des Séditieux et Rebelles.

Celui qui de propos délibéré et par malice, excitera avec danger ses séditions dans un Pays, Ville ou Domination contre le Magistrat, et qui en sera convaincu, subira quelquefois la peine du glaive, suivant la nature et les circonstances de son délit, ou la fustigation, avec le bannissement du lieu où il aura excité la sédition, en quoi les Juges doivent suffisamment consulter, afin qu’il ne soit fait tort à personne, et que l’on remédie à ces émotions dangereuses.

ARTICLE 128.

De la punition des dangereux Vagabonds.

Comme il arrive souvent que des libertins dont on a lieu de craindre des entreprises contre toute équité, quittent leur domicile pour se joindre à des gens où ils trouvent une retraite et un asile à leur libertinage dangereux, que les habitants sont par là exposés à des torts considérables, en ce que ces vagabonds par leurs menaces et la terreur qu’ils inspirent ne se contentent pas souvent de vexer le Pays au mépris des Lois ; c’est pourquoi les déclarant criminels de violence publique, Nous voulons que ceux qui seront pris pour s’être retirés dans des lieux ainsi suspects, et qui dans leur retraite dangereuse, auront inquiété les gens par des menaces, ou effrayé contre l’équité des Lois, soient condamnés à la peine de mort, quand même leurs menaces n’auraient point été mises en exécution.

Il en sera de même contre ceux qui auront tenté d’exécuter leur dessein par quelque action. Mais celui qui se retirera dans des lieux quoique suspects par la crainte d’une Puissance, et non pas par le motif d’agir contre l’équité, ne pourra point être sujet à ladite peine, et dans les cas de doute, on cherchera à s’éclaircir par le conseil des Gens de Loi, comme il sera dit ci-après.

ARTICLE 129.

De la punition de ceux qui emploient des menaces dangereuses.

Quiconque menacera quelqu’un par un mauvais dessein contre tout droit et équité, sera jugé à perdre la vie par le glaive. Cependant si pour porter ses menaces il était autorisé de Nous ou de nos Successeurs, les Empereurs ou Rois des Romains, ou bien si la personne menacée se trouvait être son ennemi, celui de ses parents ou de son Souverain, ou de ceux qui leur appartiennent, ou si d’ailleurs il avait des bonnes et valables raisons pour faire de pareilles menaces, dans ces cas il sera admis à les déduire, et ne pourra point être puni criminellement : lorsqu’il y aura lieu de douter dans lesdits cas, on s’adressera aux Gens de Loi pour prendre conseil, comme il sera dit à la fin.

ARTICLE 130.

De la punition des différentes espèces d’homicides, et premièrement de celui qui se commet par le poison.

Celui qui attentera au corps ou à la vie d’un autre par le poison, si c’est un homme, il sera condamné à la roue, ainsi qu’un meurtrier de propos délibéré ; si c’est une personne de l’autre sexe, elle sera précipitée dans l’eau, ou punie d’une autre peine de mort, suivant ce qui se trouvera en usage. Cependant afin que l’exemple inspire plus de terreur aux autres, ceux qui seront coupables d’un crime aussi noir, seront traînés sur la claie au lieu du supplice, et avant l’exécution à mort, tenaillés avec des fers ardents, plus ou moins selon l’état des personnes, et la nature du délit, comme il est marqué au sujet du meurtre.

ARTICLE 131.

De la punition des filles ou femmes, qui font périr leurs enfants.

La femme qui secrètement par mauvaise volonté et de propos délibéré tuera son enfant, après qu’il aura reçu la vie et sa formation naturelle, sera condamnée suivant l’usage à être enterrée vive, et à périr à coups de pieux. Pour obvier néanmoins au désespoir que ce supplice pourrait causer, dans les lieux où l’on sera à portée de l’eau, il sera permis de faire noyer une femme convaincue de ce crime, à moins qu’elle ne l’eut commis plusieurs fois, auquel cas, pour inspirer plus d’horreur contre la cruauté de pareilles femmes, Nous voulons que le premier supplice soit employé, ou bien que la personne criminelle soit tenaillée avec des fers ardents avant que d’être précipitée dans l’eau, le tout sur l’avis que l’on demandera aux Gens de Loi.

Mais lorsqu’une femme ou fille aura accouchée en secret, ou aura caché l’enfant né en vie et formé, lequel on trouvera ensuite mort, si celle qui sera reconnue en être la mère, soutenait pour sa justification que l’enfant est né mort sans qu’il y ait eu de sa faute, des semblables cas étant quelquefois parvenu à Nous, on se conformera à ce qui est prescrit par l’Article 74 qui commence par ces mots : lorsque l’accusé voudra produire des Témoins : et il lui sera permis de prouver son innocence par des témoignages, des moyens et circonstances valables : pour cet effet on procédera à une plus ample perquisition, et à moins que l’accusée ne produisit des preuves suffisantes, sa justification ne sera point reçue, parce qu’il dépendrait ainsi de chaque personne criminelle de se procurer la liberté à la faveur de cette fausse exposition. Toutes les fois donc qu’une femme ou fille aura caché ou déguisé ainsi une grossesse véritable, et que de propos délibéré elle aura accouché seule et sans le secours d’aucune autre femme, un pareil accouchement la rendant nécessairement suspecte de la mort de son enfant, on ne peut avoir une plus forte preuve pour croire que la mère par un dessein criminel a cherché de cacher aux yeux du Public son libertinage par la mort d’un enfant innocent dont elle s’est rendue coupable avant, pendant et après sa naissance ; c’est pourquoi si une telle meurtrière voulait persister à se justifier sur des allégations fausses, téméraires et non fondées, les indices susdits ayant été suffisamment établis contre son crime, on doit la forcer par la rigueur de la question à le confesser, et sur la confession, la condamner au dernier supplice, ainsi qu’il a été dit. Dans les cas douteux, les Juges prendront conseil des Gens de la Loi, en leur communiquant les circonstances de la procédure, comme il sera marqué ci-après.

ARTICLE 132.

De la punition des femmes, qui exposent avec danger leurs enfants pour s’en défaire.

Une femme qui pour être défaite de son enfant l’exposera, lequel sera trouvé et alimenté : si celle qui en est la mère et convaincue du fait, elle sera punie suivant l’exigence des cas, et le conseil des Gens de Loi ; et s’il arrivait que l’enfant mourût par cette exposition, on doit la punir en son corps et en sa vie, selon le degré du danger qui aura accompagné son action.

ARTICLE 133.

De la punition de l’avortement procuré.

Celui qui de propos délibéré et par malice, soit avec violence, nourriture ou boisson, fera avorter une femme d’un enfant en vie, de même que celui qui procurera la stérilité à un homme ou à une femme, sera condamné ainsi que l’homicide ; si c’est un homme, il sera décapité, si c’est une femme, quoiqu’elle l’eût exercé contre elle-même, elle sera précipitée dans l’eau, ou subira une autre peine capitale ; mais dans le cas que l’enfant n’eût point encore la vie, les Juges, comme il sera dit à la fin de cette Ordonnance, se conformeront à l’avis des Gens de Loi pour savoir la punition qu’il conviendra de prononcer.

ARTICLE 134.

De la punition d’un Médecin qui aurait causé la mort par ses remèdes.

Un Médecin qui par négligence ou inhabilité, quoique sans propos délibéré, aurait causé la mort à quelqu’un par ses remèdes, et qu’il fut reconnu par des Experts dans la Médecine, qu’il en a fait un usage inconsidéré et téméraire, ou qu’il a entrepris de se servir des remèdes non autorisés, désavoués, et contraires à sa profession, sera puni suivant l’exigence du cas, et sur l’avis des Gens de Loi, en quoi il est nécessaire que le Magistrat porte une attention singulière contre la témérité de ceux qui sans avoir appris aucuns principes se hasardent de professer la Médecine ; mais si le Médecin avait agi avec volonté de tuer, il sera condamné de même qu’un assassin volontaire.

ARTICLE 135.

De la punition de l’homicide de soi-même.

Si une personne qui étant accusée et présentée à la Justice pour des faits, ou en cas de conviction, elle serait punie en son corps et en ses biens, s’abandonnait à se tuer elle-même par la crainte de subir la peine qu’elle aurait méritée, ses héritiers se trouveront frustrés de sa succession, et elle sera confisquée au profit du Seigneur à qui appartiennent les droits de Juridiction, d’amendes et de confiscation. Mais si une personne qui se tuerait elle-même, n’avait point agi par les motifs connus dont il vient d’être parlé, ou que ce fût seulement dans le cas d’avoir mérité une punition corporelle, ou que ce fût d’ailleurs l’effet d’une maladie du corps, de la mélancolie, de la faiblesse de l’esprit, ou de quelque autre infirmité semblable, ses héritiers ne trouveront point d’empêchement à lui succéder dans ses biens, sans qu’on puisse leur opposer aucun ancien usage, coutume ou statuts à ce contraires, que Nous révoquons, cassons et annulons par ces Présentes, et voulons que dans ce cas et autres de cette nature, l’on observe notre Droit-Écrit Impérial.

ARTICLE 136.

De la punition de celui qui tient chez lui un animal dangereux, dont quelqu’un aura été tué.

Celui qui entretiendra chez lui quelque animal, qui par sa férocité naturelle fasse craindre que quelqu’un n’en soit blessé et endommagé, sera tenu de s’en défaire ; et au cas que quelqu’un vint à être blessé ou tué par ledit animal, le Maître sera châtié selon la nature et les circonstances du fait, et sur l’avis des Gens de Loi, ou autres, comme il sera marqué ci-après, et à plus forte raison, si le Juge ou autre Supérieur a eu la précaution de l’en avertir avant l’accident arrivé.

ARTICLE 137.

De la punition des meurtres et homicides, où il n’y a point d’excuse suffisante.

Tout Meurtrier ou homicide qui ne pourra point fournir une excuse légitime de son action, mérite la peine de mort. Suivant l’usage de quelques Pays on condamne également à la roue les Meurtriers de propos délibéré et les homicides, en quoi il doit y avoir cette différence, que dans cet usage un Meurtrier de propos délibéré sera condamné à la roue ; et celui qui aura commis un homicide par colère, et qui d’ailleurs manquera d’excuse légitime, sera jugé à être décapité. Dans le cas que le meurtre délibéré aura été commis contre des personnes de Dignité, tel que serait son propre Seigneur, entre des gens unis par le mariage ou proche parenté, on pourra, pour inspirer plus d’horreur, faire précéder le dernier supplice de quelque peine extraordinaire, comme sera de tenailler le Criminel, ou de le traîner sur la claie.

ARTICLE 138.

Des homicides avoués, que des raisons peuvent excuser et exempter de la punition.

Il arrive quelquefois des homicides, pour lesquels ceux qui les ont commis, se trouvent par des bonnes raisons exempts de toute peine criminelle et civile. Afin donc que les Juges préposés aux Juridictions Criminelles peu versés dans les Lois, sachent à se conduire plus équitablement dans ces cas, et que faute des lumières ils n’accablent point l’innocent, ils trouveront ci-après ce que Nous statuons au sujet des homicides excusables.

ARTICLE 139.

De quelle manière la juste défense excuse.

Quiconque oppose une juste défense pour garantir son corps et sa vie, et qui dans cette juste défense tue celui qui l’attaque, n’en est responsable envers personne.

ARTICLE 140.

Ce que c’est qu’une juste défense.

Celui qui est poursuivi, attaqué ou frappé avec des armes mortelles, et qui ne pourra point fuir sans danger de son corps, de sa vie, de son honneur et réputation, peut sans encourir aucune peine, garantir son corps et sa vie par une juste défense, et ne devient point répréhensible lorsqu’il tue ainsi son agresseur : en se tenant sur sa défense, il n’est pas même obligé d’attendre qu’il ait reçu un coup, nonobstant toutes les Lois écrites et Coutumes à ce contraires.

Nous avons dit qu’en général la raison d’une juste et nécessaire défense n’avait point lieu, lorsqu’elle était faite pour conserver ses biens, parce qu’il y a des cas particuliers où elle doit être admise ; par exemple, si un voleur était entré dans une maison par force et par violence pour voler, particulièrement pendant la nuit, celui qui le tuerait, commettrait un homicide nécessaire, parce que dans ces circonstances il est censé s’être trouvé dans un danger prochain de perdre lui-même la vie.

ARTICLE 141.

De l’obligation de prouver la juste défense.

Si celui, dont l’action est avérée, veut se servir de la raison d’une défense nécessaire, et que son accusateur ne voulût point l’admettre, l’accusé sera chargé de l’obligation de fournir des preuves suffisantes en Justice pour établir la nécessité de sa défense, ainsi qu’il a été dit ; au défaut des preuves il sera tenu pour coupable.

ARTICLE 142.

Quand, et comment l’Accusateur est tenu aux preuves dans les cas d’une défense nécessaire.

Lorsque l’Accusateur sera convaincu et ne pourra nier la première attaque mortelle ou violence, sur laquelle est fondée la défense nécessaire, comme il vient d’être dit, et que d’un autre côté il soutienne que l’homicide n’a point usé pour cela d’une défense juste et excusable, parce que le mort aurait eu des sujets légitimes de lui porter la première attaque dont il est convenu, ce qui pourrait arriver à celui, qui affaiblirait mortellement, violenterait ou arrêterait quelqu’un qu’il aurait trouvé en flagrant délit avec sa femme, avec sa fille, ou commettant quelque autre action criminelle ou punissable, ou lorsqu’il aurait été du devoir et de la charge du mort de se saisir de celui qui est accusé comme homicide, et que pour cet effet il aurait été obligé de le menacer avec ses armes, et de le forcer, dont il se serait acquitté ainsi d’une manière permise, ou lorsque l’accusateur avancerait dans ce cas, que l’homicide accusé a d’autant moins employé une défense nécessaire, qu’ayant terrassé son homme, et en étant devenu son maître, il n’était plus forcé d’user de violence, ou lorsqu’il dirait, que le mort ayant cédé après la première violence faite, l’homicide l’a poursuivi de son plein gré, sans y être contraint, et l’a seulement tué dans la poursuite ; de même lorsqu’il serait allégué que l’homicide aurait pu facilement, et sans danger de son corps, de sa vie, et de son honneur, s’échapper des mains de l’agresseur, que par cette raison l’homicide n’a pu agir dans la vue d’une défense nécessaire, et que son action, accompagnée de malice, doit être punie criminellement.

Ces sortes d’allégations, et autres de cette nature, dans les cas ou il est avéré que le mort a été le premier agresseur, comme il est dit ci-dessus, doivent être prouvées par l’Accusateur, s’il veut obtenir ses fins : et au cas qu’il parvienne à la preuve suffisante d’une des susdites allégations, ou autres fondements semblables, à opposer contre la première attaque et violence du mort, l’homicide ne pourra plus s’appuyer sur la raison d’une défense nécessaire et entièrement excusable, quoique d’ailleurs il soit prouvé et avoué que le mort a commencé par l’attaquer avec des armes mortelles et à le violenter, ainsi qu’il est dit ci-devant en parlant de la défense nécessaire.

Mais si au contraire l’Accusateur n’était point en état de prouver des pareils sujets légitimes d’une première attaque reconnue, et que l’homicide accusé de son côté, pour établir la vérité de sa défense nécessaire, prouvât que le mort l’a attaqué le premier avec une arme mortelle, ainsi qu’il est marqué ci-dessus au sujet de la défense nécessaire ; la preuve de sa dite défense deviendra complète sur la déposition des témoins, qu’il sera permis aux deux parties de produire : en quoi il faut particulièrement prendre garde, que lorsque celui qui a eu des raisons légitimes pour une défense nécessaire dans le cas d’une première attaque, n’a point observé durant l’action toutes les circonstances requises pour une défense nécessaire et parfaitement excusable ; les Juges doivent soigneusement peser le plus ou le moins des raisons qu’il a eu pour commettre l’action, afin de discerner, s’il mérite un châtiment corporel, la peine de mort ou autre correction : le tout suivant l’avis éclairé que donneront les Gens de Loi, comme il sera marqué ci-après, ces sortes de cas étant susceptibles de distinctions très délicates, sur lesquelles le plus ou le moins de rigueur doit être mesuré dans le jugement : il n’est point possible d’en donner des éclaircissements qui soient à la portée de tout le monde.

ARTICLE 143.

De l’homicide dont il n’y a point eu de témoins, et que l’on veut couvrir d’une défense nécessaire.

Lorsque celui qui ayant tué quelqu’un sans avoir été vu de personne, voudra pour sa justification alléguer la raison d’une défense nécessaire contre l’accusateur ; dans ce cas on doit examiner le bon et le mauvais renom de l’un et de l’autre, le lieu où l’homicide a été commis, les blessures et les armes qui se seront trouvées sur chacun d’eux ; quelles démarches ils ont faites de part et d’autre avant et après l’action : si par la conduite passée l’un d’eux a pu avoir plus de raison, des motifs ou d’intérêts que l’autre pour tuer son homme ou pour lui faire violence dans le lieu où l’action s’est passée.

Un Juge éclairé pourra connaître par ces circonstances, s’il doit ajouter foi à la défense nécessaire alléguée ; la présomption d’une pareille défense dans un fait avoué ne pouvant avoir lieu, que lorsque les raisons sur lesquelles elle est fondée sont bonnes, fortes et constantes. Les présomptions établies par l’homicide pour sa justification et au désavantage du mort, pourront être assez bonnes et fortes pour que sa défense nécessaire devienne croyable.

Il n’est pas possible que toutes les circonstances concernant cette matière puissent être éclairées ici à fond, et d’une manière à les faire entendre à chacun : mais il est nécessaire, d’observer que dans ce cas l’accusé est tenu de fournir les preuves de toutes les présomptions dont il vient d’être parlé, et que l’accusateur de son côté doit être reçu dans les preuves du contraire. Dans les doutes bien fondés sur le cas présent, les jugements doivent être nécessairement précédés de la consultation des Gens de Loi sur le rapport qu’on leur fera de toutes les circonstances ; ce cas pouvant être sujet à plusieurs doutes et distinctions, soit pour ou contre une défense nécessaire que l’on ne saurait représenter avant l’action commise, ou produire.

ARTICLE 144.

De la défense nécessaire alléguée contre une femme.

Si celui qui a tué une femme veut se justifier par une défense nécessaire, dans ce cas il faut examiner l’état et la disposition de l’homme et de la femme, les armes et la nature de l’action de l’un et de l’autre, et y porter les jugements sur l’avis que l’on prendra des Gens de Loi, comme il sera dit ci-après ; car, quoiqu’il ne soit point facile qu’une femme oblige un homme de se servir d’une défense nécessaire et innocente, il est néanmoins possible qu’une femme furieuse puisse contraindre un homme faible d’user d’une défense nécessaire, et surtout si elle était munie d’armes dangereuses, et que lui de son côté n’en eût que des faibles.

ARTICLE 145.

De celui qui dans une juste défense tue contre sa volonté un tiers, qui n’est point de la querelle.

Celui qui dans une défense nécessaire, et dont la justice aura été prouvée, viendra à atteindre et à tuer contre sa volonté un autre qui n’aura point de part à l’affaire, que ce soit en pointant, ou en frappant à coups d’épée ou coups de feu, ne sera point sujet à subir un jugement criminel.

ARTICLE 146.

De l’homicide arrivé par cas fortuit contre la volonté d’une personne, et hors le cas d’une défense nécessaire.

Celui qui fera un ouvrage permis dans un lieu où l’usage autorise à le faire, et qu’ensuite il arrive par cas fortuit, et contre sa volonté que quelqu’un soit tué à l’occasion dudit ouvrage, il en sera disculpé en plusieurs manières, qu’il n’est pas possible de déduire ; et afin que ce cas soit plus intelligible, Nous proposons les exemples suivants.

Un Barbier rasant quelqu’un dans sa boutique, lieu destiné à cet ouvrage, sera poussé ou jeté par un tiers, en sorte que par ce mouvement involontaire il coupe la gorge à celui qu’il rase. Un homme tirant à l’arquebuse debout ou assis, dans le lieu accoutumé à cet exercice, et vers le but marqué, si quelqu’un se jetait fortuitement et contre sa volonté dans le coup qu’il tire, ou si son coup partait avant qu’il eût bandé son arme, et que de cette manière quelqu’un vînt à être tué, ces deux cas fortuits se trouvent exempts de coulpe.

Mais si au contraire ce Barbier s’était avisé de raser dans la rue ou dans un autre endroit extraordinaire, si le tireur déchargeait son arme dans un lieu, où l’on doit présumer qu’il passe du monde, ou s’il maniait son arme imprudemment et sans prévoyance, et que de cette manière quelqu’un vînt à être tué : l’un et l’autre deviendraient coupables de l’accident arrivé : cependant dans ces sortes de cas d’homicide causés par la légèreté et l’imprudence contre toute intention, on doit user d’une plus grande clémence que dans ceux où la ruse et la volonté ont eu part.

Les Juges qui seront obligés de prononcer dans ces occasions consulteront les Gens de Loi sur la peine à infliger. Les exemples qui viennent d’être proposés sont suffisants pour distinguer un homicide commis par cas fortuit, et de quelle manière il devient excusable dans les autres cas dont il n’est point fait mention ici : Nous les avons rapportés dans le dessein de faire connaître l’esprit de la Loi à ceux qui y sont d’ailleurs peu versés, ces sortes de cas se présentant souvent, et les personnes éclairées y prononçant quelquefois des jugements différents. Il se trouve néanmoins de temps à autre des distinctions très délicates à faire dans les cas de cette nature, dont on ne saurait ici donner les éclaircissements à tous ceux qui composent les Tribunaux Criminels ; c’est pourquoi les Juges, lorsque lesdits cas se présenteront, et qu’il s’agira de prononcer sur la peine, ne doivent point rejeter le conseil des Gens expérimentés dans les Lois, mais en faire un exact usage.

ARTICLE 147.

Du doute où l’on est, si la personne frappée est morte de ses blessures.

Lorsque quelqu’un aura été frappé, et qu’il meurt là-dessus après quelque temps, en sorte qu’il devienne douteux, si les coups reçus ont causé sa mort ou non ; dans ces cas on produira des témoignages convenables de part et d’autre, ainsi qu’il a été dit au sujet des preuves ; l’on y doit employer spécialement ceux qui sont expérimentés dans la Chirurgie, et autres personnes qui ont connaissance de la manière dont le mort s’est conduit après la batterie, en indiquant l’intervalle du temps qu’il y a eu entre les blessures et sa mort : les Juges doivent dans ces sortes de jugements recourir au Conseil des Gens de Loi, comme il sera dit à la fin de cette Ordonnance.

ARTICLE 148.

De la punition de ceux qui par un dessein prémédité ou non, se prêtent du secours dans les batteries, querelles et émeutes.

Lorsque plusieurs, de propos délibéré, et formant le dessein de tuer quelqu’un méchamment, se prêtent de l’aide et du secours pour y parvenir, ils deviennent tous coupables de la peine de mort. Mais si plusieurs se trouvant ensemble fortuitement dans une batterie ou combat s’entraidaient, et que quelqu’un y vînt à être tué ainsi sans autre raison, celui d’entre eux que l’on reconnaîtra pour avoir donné le coup mortel, sera condamné comme l’homicide à perdre la vie par le glaive.

Si celui qui aura été tué avait reçu plus d’un coup mortel et dangereux, sans que l’on puisse savoir précisément lequel de ces coups en particulier lui a causé la mort, tous ceux qui lui auront porté lesdits coups, seront de même comme homicides punis de mort ; et à l’égard de la punition des autres assistants, aides et auteurs par la main desquels le mort n’aura point reçu de coups mortels en la manière susdite, de même que lorsque dans une émeute et batterie quelqu’un vient d’être tué sans que l’on puisse découvrir celui qui lui a porté le coup, ainsi qu’il vient d’être dit, les Juges doivent s’adresser au Conseil des Gens de Loi, comme il sera marqué ci-après, en leur communiquant toutes les circonstances et la situation de l’affaire, telle qu’ils l’auront pu découvrir ; ces sortes de cas devenant sujets à différents jugements par la diversité des circonstances.

ARTICLE 149.

De la visite du corps mort avant que l’on enterre.

Et afin de parvenir à l’examen, et à la connaissance suffisante des différentes blessures dans les cas susdits, dont on pourrait manquer après que la personne tuée serait enterrée, le Juge accompagné de deux Assesseurs, du Greffier, d’un ou de plusieurs Chirurgiens, au cas que l’on puisse les avoir, et auxquels on imposera le serment à cet effet, doit prendre avec soin l’inspection du cadavre avant qu’il soit enterré, et faire dresser exactement un procès-verbal de la visite des blessures, des coups et contusions qui s’y trouveront.

ARTICLE 150.

De quelques homicides en général qui portent leur excuse avec eux, lorsqu’elle est établie dans les règles.

Il y a plusieurs autres homicides dont les causes sont innocentes, pourvu que lesdites causes soient employées avec justice et régulièrement : par exemple, celui qui tuerait quelqu’un en le trouvant commettre le crime avec sa femme ou sa fille, ainsi qu’il a été dit dans l’article 121 au sujet de l’adultère. Item, celui qui tuerait quelqu’un pour sauver le corps, la vie ou le bien d’un autre. Item, ceux qui sont privés de l’usage de leur raison : de même que celui qui étant chargé d’arrêter quelqu’un, et y trouvant une résistance outrée et dangereuse, viendrait à le tuer dans les mouvements de sa violence. Plus, celui qui tuerait quelqu’un le trouvant de nuit dans sa maison et avec danger, aussi bien que celui qui se trouverait avoir un animal, dont quelqu’un aurait été tué, sans qu’il y eut connu ni remarqué avant cet accident aucun vice de cette nature, ainsi qu’il a été dit ci-dessus dans l’article 136.

Tous ces différents cas sont susceptibles de tant de distinctions pour connaître s’ils sont excusables ou non, que le détail en serait trop long, et qu’il y aurait même lieu de craindre en les spécifiant dans cette Ordonnance, que l’homme peu éclairé n’y trouvât un sujet d’erreur et de scandale. C’est pourquoi toutes les fois que les Juges auront à prononcer sur de pareils cas, ils seront tenus de recourir au Conseil des Gens de Loi, ainsi qu’il est indiqué à la fin de cette Ordonnance, et se donneront bien de garde dans les jugements qu’ils auront à rendre, de se former eux-mêmes des règles et des usages peu raisonnables et contraires aux Lois ; comme il est arrivé quelquefois dans les Tribunaux Criminels, que les juges ont procédé sans écouter ni examiner aucune distinction sur des affaires à décider, ce qui est sans doute un grand aveuglement, et d’où il s’ensuit qu’ils s’égarent souvent dans leurs décisions, et par l’injustice qu’ils commettent, ils se rendent coupables du sang de ceux qu’ils ont condamnés.

Il arrive de même fréquemment que les Juges cherchent à favoriser les Criminels, et qu’ils dressent leurs procédures d’une manière qu’elles leur deviennent favorables par leur longueur, afin de procurer la liberté à ceux mêmes qu’ils connaissent coupables, étant peut-être assez simples de croire qu’ils font bien de sauver la vie à ces sortes de personnes. Que ces Juges sachent donc qu’ils se rendent par là très criminels, et que devant Dieu et devant les hommes ils en deviennent responsables envers les accusateurs, parce que tout Juge est obligé sous son serment, et sous la damnation de son âme de juger également et avec équité selon toute l’étendue de sa connaissance ; et au cas que l’affaire passât la portée de ses lumières, il doit avoir recours au Conseil des Gens de Loi, ainsi qu’il sera expliqué à la fin de cette Ordonnance ; les affaires d’une aussi grande conséquence que sont celles de décider sur l’intérêt du public, et sur la vie des hommes, exigeant les attentions les plus sérieuses, et des soins considérables.

ARTICLE 151.

De la manière dont les raisons alléguées pour l’excuse d’une action confessée doivent être examinées.

Lorsque quelqu’un ayant confessé une action en aura allégué des raisons qui pourraient l’excuser et l’exempter de la punition criminelle dans un des cas et circonstances favorables à sa justification, dont il vient d’être parlé ci-dessus, le Juge lui doit demander s’il est en état de fournir preuve suffisante de son excuse alléguée : et au cas que l’accusé s’offrit de le faire par lui-même, le Juge fera dresser par écrit en sa présence, par le Greffier ou autres personnes capables, tous les moyens dont il voudra se servir pour justifier son action ; alors si le Juge reconnaît avec le secours du conseil qu’il aura pris des Gens de Loi, que ces faits justificatifs venant à être prouvés, seront suffisants pour l’exempter de la punition criminelle, et que pour excuser l’action qu’il aura confessée, l’accusé sera admis à faire preuve des dits faits avancés, de même que l’accusateur dans tout ce qu’il voudra produire contre, et à cet effet la Juridiction qui connaîtra de cette affaire, fera procéder à la déposition des témoins, et ce qui en dépend, ainsi qu’il a été marqué ci-dessus dans l’article 62 et quelques autres suivants, où il est traité de la forme et de la mesure requise dans les preuves, et de quelle manière on doit se conduire dans l’examen criminel. S’il se trouvait quelque doute sur ce sujet, on consultera, comme il sera dit ci-après.

ARTICLE 152.

Du cas où les faits justificatifs de l’accusé ne seraient point concluants.

Lorsque le Juge, sur l’avis et conseil des Gens de Loi, aura reconnu que lesdits faits justificatifs, quoique l’accusé se soit offert d’en faire preuve, ne pourront point servir à sa justification, il doit les rejeter, et ne pas en admettre la preuve, mais poursuivre la procédure dans la forme requise, ainsi qu’il convient contre un accusé, dont le fait est connu et confessé.

ARTICLE 153.

De celui, sur qui tombent les frais de la susdite procédure.

Lorsque celui qui sera arrêté prisonnier pour avoir tué quelqu’un, conviendra du fait, mais voudra produire des témoins pour faire preuve d’une ou de plusieurs des susdites raisons qui pourront servir à le disculper entièrement ou en partie, comme il a été dit ci-dessus, les parents de l’accusé donneront avant toutes choses bonne, et suffisante caution et assurance à l’accusateur en présence du Juge, et de quatre Assesseurs, et telle qu’ils la trouveront convenable, au cas que pareille justification de l’accusé n’eût pas son effet dans la suite de la procédure ; en vertu de laquelle caution les parents de l’accusé se feront fort d’acquitter les frais par lui faits, et de dédommager l’accusateur de ceux que l’accusé en entreprenant témérairement sa justification, lui aura causés, le tout suivant qu’il sera décidé en Justice ; Notre intention étant que l’accusateur soit garanti du dommage qui pourrait résulter d’une pareille entreprise pleine de fausseté et de supercherie. Pour décider sur la mesure et qualité de ladite caution, les Juges auront recours au Conseil des Gens de Loi, et autres personnes capables, ainsi qu’il sera prescrit ci-après.

ARTICLE 154.

De la grande indigence de celui qui voudrait poursuivre sa justification.

Si l’accusé se trouvait être si pauvre, et qu’il n’eût d’ailleurs point des parents qui fussent en état de fournir la susdite caution et assurance, et que néanmoins on doutât s’il pourrait produire une excuse légitime de l’homicide dont il est accusé, le Juge, suivant l’exigence du cas, y apportera tous ses soins pour en faire la recherche, et en donnera avis au Magistrat Supérieur dont il attendra la réponse, en sorte que cette recherche en pareil cas se fasse d’office aux frais de la Justice ou des Supérieurs.

ARTICLE 155. De celui qui ayant été jugé par contumace pour homicide, est arrêté, et veut prouver son innocence.

Celui qui sera arrêté prisonnier, après avoir subi le jugement de contumace pour homicide, suivant ce qui se pratique dans quelques endroits, et qui dans la prison s’offrira de fournir des preuves pour son innocence, conformément à ce qui est spécifié dans les articles précédents, sera admis à faire lesdites preuves, nonobstant la contumace qui aura été précédemment prononcée contre lui.

ARTICLE 156.

De celui qui entreprend sa justification avant que d’être constitué prisonnier.

Celui qui avant que d’être arrêté prisonnier voudra entreprendre sa défense dans une accusation de crime, sera obligé de procéder devant les Juridictions établies pour le Criminel, et suivant les Lois et usages dont chaque Pays est en possession : on accordera dans ces sortes de procédures les recherches juridiques aux deux parties, les productions, actes d’authenticité, et dépositions des témoins nécessaires, ainsi qu’il est de droit, contre l’abus de quelques endroits qui les refusent ; et à l’égard du sauf-conduit on ne le donnera uniquement que pour garantir contre la violence injuste, la partie qui cherche son droit.

ARTICLE 157.

Du Vol de peu de conséquence et caché.

Lorsque premièrement quelqu’un aura fait un vol au dessous de la valeur de cinq ducats, et qu’avant qu’il puisse atteindre sa retraite, il ait été reconnu et attrapé avec la chose volée par les cris faits sur lui, un tel vol où il n’y aura point eu ni d’escalade ni d’effraction, et dont la valeur ne se montera pas à cinq ducats, doit être tenu pour un vol caché et petit, lequel venant ensuite à être découvert, et le voleur arrêté avec ou sans la chose volée, il sera condamné de payer le vol au double à la personne volée, s’il en a les moyens ; et au cas que le voleur ne fût point en état de satisfaire à cette peine pécuniaire, il sera puni pendant quelque temps par la prison ; mais si les facultés du voleur ne s’étendaient pas plus loin, il sera au moins tenu de restituer le vol à la personne lésée, ou d’en payer la simple valeur ou en échange, et la personne volée sera préférée à l’amende pécuniaire pour la restitution de la simple valeur, mais non pas pour l’excédent de ladite valeur. Le voleur sera cependant tenu lorsqu’il sera élargi, de payer la dépense qu’il aura faite dans la prison, et autres frais dus pour sa détention, s’il a de quoi ; pour le paiement desquels, et dans la vue de maintenir la tranquillité publique, il donnera caution en la meilleure forme qu’il se pourra.

ARTICLE 158.

Du premier Vol public, où le voleur est reconnu.

Mais si le voleur était attrapé dans ce premier vol, au-dessous de la valeur de cinq ducats, avant qu’il eut atteint sa retraite, ou qu’il excitât des cris contre lui, quoiqu’il n’eût point fait effraction ou escalade, son vol sera regardé comme public, et son délit accompagné d’éclat et de rumeur, le chargera assez pour qu’il soit condamné au Carcan, à être fustigé et banni du Pays, avec la restitution du vol à la personne lésée, avant toutes choses, ou sa valeur, s’il en a le moyen, à quoi il sera tenu de fournir une caution permanente. Si le voleur se trouvait être une personne de telle condition, que l’on en dût espérer de l’amendement, le Juge autorisé du Magistrat Supérieur et de son agrément pourra civiliser la procédure, et lui faire payer au quadruple la chose volée, et du reste on se conduira conformément à l’Article précédent, au sujet du vol caché.

ARTICLE 159.

Des premiers Vols, qui se commettent par escalade ou effraction.

Si le voleur, pour commettre les vols susdits, escaladait ou entrait avec effraction de jour ou de nuit dans la maison ou habitation de quelqu’un, ou bien s’il y entrait avec des armes capables de blesser celui qui voudrait lui faire résistance, que ce soit la première ou la seconde fois, que le vol soit considérable ou petit, étant accompagné d’effraction ou d’escalade, de même que celui qui se fait avec des armes ou l’on doit craindre la violence, il sera regardé pour un vol prémédité et périlleux, et le coupable, si c’est un homme, sera condamné à être pendu ; si c’est une femme, à être précipitée dans l’eau, ou bien, suivant l’état des personnes et le discernement des Juges, à d’autres grandes peines afflictives, telle qu’est la privation de la vue, ou l’amputation de la main.

ARTICLE 160.

Du premier Vol, qui est de la valeur de cinq ducats ou au-dessus, sans autres circonstances aggravantes.

Mais lorsque le vol commis pour la première fois sera considérable, et de la valeur de cinq ducats ou au-dessus, et qu’il ne s’y trouvera aucune des susdites circonstances qui aggravent le vol, la peine, eu égard à l’importance de l’objet, deviendra plus rigoureuse que si le vol était moindre. Dans ces cas on doit faire attention à la valeur de la chose volée ; et si le voleur a été aperçu ou pris sur le fait. On doit de plus examiner l’état et la condition de celui qui a volé, et le préjudice que le vol a causé à la personne volée, afin d’y proportionner la peine de mort ou corporelle ; et comme cette proportion dépend de l’avis et du discernement des Gens de Loi, Nous voulons que toutes les fois que pareil cas se présentera, les Juges y aient recours, ainsi qu’il sera marqué ci-après, en leur communiquant les circonstances du fait, et que suivant leurs avis, ils portent jugement. Cependant si le voleur, pour commettre un pareil vol, avait escaladé, fait effraction, ou s’était trouvé armé, comme il a été dit ci-dessus, il sera jugé à mort, ainsi qu’il a été marqué.

ARTICLE 161.

Du Vol commis pour la seconde fois.

Lorsque quelqu’un aura volé pour la seconde fois, sans néanmoins avoir escaladé ou fait effraction, comme il a été dit, et que ces deux vols auront été bien avérés par une recherche exacte, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus au sujet de ladite recherche ; que joint à cela ces deux vols ne se monteront pas à la valeur de cinq florins, ou au-dessus ; dans ce cas, le premier vol rendra le second plus considérable, et un pareil voleur peut être condamné au Carcan, et à la fustigation, ou forcé suivant l’estimation du Juge à se tenir pour toujours dans le lieu où le délit a été commis, à quoi il sera tenu par une caution durable, sans que la circonstance de n’avoir pas été reconnu ni pris sur le fait, ainsi qu’il a été marqué au sujet du premier vol, puisse lui être d’aucun avantage. Mais si ces deux vols ensemble allaient à la valeur de cinq ducats, ou au-dessus, on se conduira suivant la découverte que l’on fera de toutes les circonstances, en y employant l’avis des Gens de Loi, comme il sera marqué ci-après, et conformément à l’article précédent.

ARTICLE 162.

Du Vol commis pour la troisième fois.

Mais celui qui ayant volé pour la troisième fois, sera pris, ce triple vol se trouvant bien et dûment vérifié, suivant ce qui a été prescrit ci-dessus au sujet de la découverte de la vérité, sera tenu pour un voleur décrié, et n’étant pas moins coupable que celui qui a usé de violence, il sera condamné à la mort ; savoir, si c’est un homme, à être pendu et étranglé ; si c’est une femme, à être précipitée dans l’eau, ou à un autre genre de supplice, suivant l’usage de chaque Pays.

ARTICLE 163.

Du nombre des circonstances aggravantes, qui se trouvent dans le Vol.

Lorsque dans un vol il y aurait plus d’une de ces circonstances aggravantes, dont il a été traité dans les articles précédent, la peine sera prononcée suivant celle qui se trouvera être la plus criminelle.

ARTICLE 164.

De la punition que méritent les jeunes Voleurs.

Le Voleur ou la Voleuse qui sera au-dessous de l’âge de quatorze ans, ne pourra point être condamné à la peine de mort sans une raison particulière, mais bien à une punition corporelle, avec la caution durable, ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Cependant si le Voleur approchait de sa quatorzième année, et que le vol fût considérable, ou que l’on y trouvât des susdites circonstances aggravantes, accompagnées de danger, en sorte que la malice eût suppléé à la force de l’âge, les Juges avant que de prononcer auront recours au Conseil des Gens de Loi, pour savoir de quelle manière un tel jeune Voleur doit être puni en ses biens, en son corps, ou en sa vie.

ARTICLE 165.

De celui qui dérobe secrètement quelque bien, dont il est le plus proche héritier.

Si quelqu’un par malice ou par imprudence, s’appropriait en secret du bien dont il serait d’ailleurs le plus proche héritier, ou que pareille chose arrivât entre mari et femme, et que l’une des parties formât sa plainte contre l’autre, les Juges, après avoir éclairci toutes les circonstances du fait, auront recours aux lumières des Gens de Loi, ainsi qu’il sera indiqué à la fin de cette Ordonnance, pour savoir ce qui est de justice dans ces sortes d’occasions, et s’y conformer ; en observant que dans ces cas les Juges ne doivent point agir d’office, ni pour l’accusation, ni pour la punition.

ARTICLE 166.

Du Vol fait dans une famine.

Si quelqu’un pressé par une véritable famine, que lui, sa femme ou ses enfants pourraient souffrir, venait à voler des nourritures, et que le vol fût considérable et connu, les Juges, comme il vient d’être dit, consulteront sur ce qu’ils auront à statuer. Un tel Voleur, quoique relâche sans punition, n’aura aucun recours contre l’accusateur, pour raison de ses poursuites.

ARTICLE 167.

De ceux qui dans les Campagnes volent les fruits et biens de la terre.

Celui qui de nuit en secret et avec danger enlèvera à un autre les biens ou les fruits de la Campagne, de quelque nom qu’il puissent être, commet un vol qui doit être puni avec la proportion ci-dessus marquée : de même que celui qui par l’enlèvement furtif des dits fruits fait de jour aura causé un préjudice considérable et dangereux à quelqu’un, sera puni ainsi que les Voleurs dont il vient d’être parlé. Mais si par cet enlèvement des fruits fait de jour, le voleur n’eût point causé un préjudice notable et dangereux, il sera puni suivant l’état de la personne, et la nature de la chose, et conformément à l’usage du lieu où le dommage est arrivé.

ARTICLE 168.

De la punition de ceux qui volent le bois, ou qui le coupent illicitement.

Celui qui enlève secrètement le bois qu’un autre aura fait couper, commet un vol punissable suivant l’exigence du cas, et celui qui aura fait illicitement une coupe dans le bois d’un autre sera puni selon l’usage de chaque Pays. Mais si dans un temps non usité et défendu, tel que serait la nuit ou un jour de fête, il avait coupé le bois d’un autre avec danger et furtivement, il sera puni avec plus de rigueur en consultant le fait.

ARTICLE 169.

De la punition des Voleurs de Poissons.

Celui qui dérobe des Poissons dans des Étangs et Réservoirs, doit être puni ainsi qu’un voleur. Mais s’il prenait des Poissons dans une eau courante, et non fermée, qui appartînt à un autre, il sera puni en son corps ou en son bien, suivant la qualité et la nature de sa pêche, sur le conseil que donneront les Gens de Loi, auxquels on le demandera.

ARTICLE 170.

De la punition de ceux qui manquent de fidélité pour un bien qu’on leur a confié.

Celui qui aura sciemment et frauduleusement disposé du bien d’un autre, dont la conservation et la garde lui aura été confiée, commet une action, qui doit être punie ainsi qu’un vol.

ARTICLE 171.

Des Vols qui se commettent des choses saintes, et dans des lieux consacrés.

Les vols qui se font de choses sacrées et dans des lieux saints, deviennent plus considérables que les autres, et peuvent se commettre en trois manières. Premièrement, lorsque quelqu’un vole une chose sacrée dans un lieu consacré. Secondement, lorsqu’il vole quelque chose de sacré dans un lieu profane. Troisièmement, lorsqu'il vole une chose profane dans un lieu saint.

ARTICLE 172.

De la punition que mérite le susdit délit.

Celui qui aura volé le Soleil ou Ciboire dans lequel serait le Saint Sacrement, doit être condamné à perdre la vie par le feu. Celui qui aura seulement volé des Vases sacrés d’or ou d’argent, sans qu’il s’y trouve rien de saint, ou des Patènes de Calices dans un lieu consacré ou non, ou bien qui aura forcé une Église consacrée, un Tabernacle ou Sacristie pour commettre des semblables vols, sera puni de mort suivant l’exigence du cas, et sur l’avis des Gens de Loi.

ARTICLE 173.

De la punition de ceux qui volent les Aumônes.

Celui qui brisera et forcera les Troncs destinés à assembler les Aumônes, ou qui tentera de les dépouiller par quelque subtilité, ou quelques autres pratiques, doit être puni en son corps sur l’avis des Gens de Loi.

ARTICLE 174.

Du Vol des choses consacrées de peu d’importance.

Celui qui de jour volera dans une Église des choses consacrées peu considérables, et qui ne seront pas de ces articles importants, dont il vient d’être parlé, comme serait de la Cire, des Cierges, Nappes d’Autel, et où le Voleur ne se serait servi ni d’escalade, ni d’effraction, ni d’aucun instrument dangereux, et propre à la violence, ou qui volera quelques effets profanes que l’on aurait réfugiés dans une Église, sans néanmoins que le voleur ait forcé ladite Église ou Sacristie, ni fait une effraction dangereuse : sur toutes ces espèces de vols contenues en cet article, la punition contre le coupable, doit être proportionnée aux circonstances et distinctions qui s’y trouveront, comme il a été ci-dessus marqué clairement au sujet des vols des choses profanes, en observant cependant que ces sortes de vols d’Église méritent une plus grande sévérité que les autres.

ARTICLE 175.

De l’attention particulière, que l’on doit faire aux circonstances qui se trouvent dans les vols.

Dans des vols même qui se commettent en choses consacrées, et dans des Lieux Saints, on doit envisager les circonstances du temps d’une famine, du bas âge, et de la stupidité des personnes, au cas que l’une ou l’autre se trouvât bien et solidement prouvée, ainsi qu’il a été prescrit au sujet des vols profanes, et s’y conduire en conséquence.

ARTICLE 176.

De quelle manière il faut punir ou s’assurer de la personne de ceux dont on a lieu d’attendre quelques mauvais coups.

Lorsque quelqu’un aura manqué de propos délibéré à sa caution, pour des faits qui ne méritent point la peine capitale. Item, lorsque après le jugement rendu sur un délit passé il menacera par paroles ou par écrit de faire la même chose à d’autres, sans néanmoins y ajouter des circonstances plus aggravantes, quoiqu’il ne se fût point porté à des excès qui méritassent la peine capitale, ainsi qu’il sera dit dans l’article 178 au sujet des entreprises criminelles, et que par ces raisons, ou autres motifs suffisants, une personne devînt assez suspecte pour que l’on fût persuadé que les gens ne seraient pas en sûreté contre ses violences et voie de fait, ni garantir de ses injustices ; un tel danger étant suffisamment prouvé, et ladite personne n’étant point en état de fournir une caution ou assurance convenable ; Nous ordonnons, qu’afin de se précautionner contre le dommage et le malheur que l’on en doit attendre, elle soit détenue dans les prisons de la Juridiction, jusqu’à ce que ses Juges aient reconnu juridiquement la caution et assurance suffisante pour être à couvert de ses entreprises injustes.

Une telle punition néanmoins ne doit point être décernée légèrement sans une appréhension bien fondée du malheur à venir, et sans avoir recours au conseil des Gens de Loi. La détention d’un tel Prisonnier se fera dans la Juridiction où il aura été accusé et convaincu ; et si ses propres moyens n’étaient pas suffisants pour l’entretenir dans ladite prison, ce sera à l’accusateur de suppléer aux frais de sa détention, suivant que le Juge en ordonnera : et au cas que l’accusateur lui-même fût hors d’état de suffire aux dits frais, ils seront pris sur le fisc de la Juridiction. Cependant si le prisonnier se trouvait avoir assez de bien pour payer en tout ou en partie les frais de sa détention et de sa garde, et que lesdits biens fussent situés sous la juridiction dont il est, ou sous une autre, ils y seront employés, sans que les Juges apportent aucun obstacle à l’exécution.

ARTICLE 177.

De la punition de ceux qui donnent aide et assistance aux Criminels.

Celui qui assiste avec connaissance de cause et péril un Criminel, pour commettre un crime, de quelque manière que ce soit, et de quelque nom que puisse être le secours et l’assistance qu’il donne, doit être puni criminellement, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, quoique différemment, suivant l’exigence des cas ; c’est pourquoi les Juges dans les faits concernant cette matière, doivent se guider par l’avis des Gens de Loi, en leur communiquant l’instruction du procès, pour savoir si le délit mérite une punition corporelle, ou la peine de mort.

ARTICLE 178.

De la punition de ceux, qui tentent de commettre des crimes.

Celui qui aura tenté de commettre un crime par quelques actions visibles propres à parvenir à l’exécution dudit crime, quoique par d’autres moyens il ait été empêché de l’exécuter contre sa volonté, une telle mauvaise volonté qui a été suivie de quelques effets, comme il vient d’être dit, doit être punie criminellement, mais avec plus de rigueur dans un cas que dans un autre, eu égard à la situation et à la nature de l’affaire ; c’est pourquoi les Juges doivent consulter, ainsi qu’il sera dit ci-après, pour se déterminer à la punition corporelle, ou à la peine de mort.

ARTICLE 179.

De ceux qui commettent des délits n’ayant pas l’usage de raison, soit à cause de leur jeunesse, ou autres empêchements.

S’il arrivait qu’un délit fût commis par quelqu’un, que l’on reconnaît manquer de l’usage de raison, soit par rapport à sa jeunesse, ou à d’autres infirmités, on sera tenu de consulter le cas avec toutes ses circonstances, dans les lieux indiqués à la fin de notre présente Ordonnance, et l’on agira suivant le Conseil des Gens de Loi, au sujet de la punition à prononcer.

ARTICLE 180.

De la punition du Geôlier, qui procure au Criminel l’évasion de sa prison.

Celui qui étant préposé à la garde de la prison aura aidé à un Criminel pour s’évader, méritera la même peine que le coupable, auquel il a prêté ce secours. Mais si l’évasion du prisonnier est arrivée par la négligence du Geôlier, il faudra examiner les circonstances du fait, et sur l’avis que l’on prendra, ainsi qu’il sera dit ci-après, se déterminer à la punition qu’il mérite.

ARTICLE 181.

De la manière dont les Greffiers doivent coucher par écrit toute l’instruction des procès criminels. Tout Greffier doit écrire exactement, distinctement et avec ordre tout ce qui est produit dans une procédure criminelle, tant de la part de l’accusateur que de l’accusé, et spécialement doit être écrite la plainte de l’accusateur avant qu’il ait donné caution, quoiqu’il ne la puisse pas donner, et que pour cet effet il soit obligé de se constituer prisonnier avec l’accusé, ce qui doit précéder toute question et procédure criminelle contre lui. Le Greffier de la Juridiction doit faire cette première écriture avec ordre et distinctement, en présence au moins du Juge ou de son Lieutenant, et des deux Assesseurs du Tribunal ; après quoi on y doit faire mention de quelle manière l’accusateur en vertu de cette Ordonnance fournit caution en Justice, ou au cas qu’il ne la puisse pas fournir, comment il s’est constitué prisonnier dans le dessein de poursuivre le Jugement.

ARTICLE 182.

De l’écrit et signature du Greffier.

De plus, sur la plainte formée on doit mettre par écrit ce que l’accusé produit pour réponse lorsqu’il est d’abord interrogé sans être appliqué à la question, et le Greffier y fera mention toutes les fois, de l’an, du jour et de l’heure où chacune des dites procédures sera faite, de même que des personnes qui y auront assisté chaque fois ; à la suite de quoi le Greffier lui-même attestera par la signature de son nom et surnom, qu’il a entendu et écrit le tout.

ARTICLE 183.

S’il arrivait que l’accusé dans sa réponse déniât les chefs de son accusation, et qu’il offrît de produire à l’accusateur de quoi se justifier en Justice, ou en présence des Assesseurs nommés, ainsi qu’il a été dit ci-devant au sujet des indices, servant à la justification, on doit écrire exactement alors tout ce qui sera allégué de la part de l’accusateur par rapport aux dits indices et suspicions, et tout ce qui en sera prouvé suivant la teneur de cette Ordonnance.

ARTICLE 184.

Lorsque donc, suivant la teneur de notre présente Ordonnance Impériale, il y aura preuve des indices raisonnables et suspicion d’un délit, et qu’ensuite on parvienne en premier lieu à faire subir l’interrogatoire au prisonnier, en le menaçant de la question, sans néanmoins l’y appliquer, on doit pour travailler en même temps à sa décharge mettre par écrit toutes les demandes et admonitions qui lui auront été faites alors, avec ce qu’il y aura finalement répondu, et tout ce qui se trouvera par la recherche faite en conséquence, comme il a été dit ci-dessus, le tout conformément à la présente nôtre Ordonnance Impériale.

ARTICLE 185.

Si la procédure criminelle était portée à la question, tout ce que l’accusé y confessera, et tout ce qu’il dira au sujet du délit confessé qui pourra servir à la découverte de la vérité, ainsi qu’il est marqué dans notre présente Ordonnance, de même que tout ce que l’on découvrira en conséquence pour établir la vérité, sera écrit exactement par le Greffier, et articulé séparément avec ordre.

ARTICLE 186.

Si au contraire l’accusé persistait à nier le fait de son accusation, et que l’accusateur voulût prouver la vérité du délit, suivant la teneur de la présente nôtre Ordonnance, tout ce qui conviendra de faire dans le cas de cette procédure, sera écrit de même soigneusement par le Greffier, comme il a été dit ; et au cas que pour cet effet les Supérieurs nommassent des Commissaires, ils auront soin de faire dresser par écrit toute l’instruction qui se fera en leur présence.

ARTICLE 187.

Au cas que l’accusé en confessant son délit alléguât cependant des raisons tendant à sa justification, on les mettra par écrit, de même que tous les témoignages, preuves, enquêtes et recherches qu’il conviendra de faire dans la Justice Criminelle, et ainsi du reste, comme il est marqué ci-dessus.

ARTICLE 188.

On aura le même soin de mettre par écrit l’accusation qui sera faite d’office, et dans laquelle il ne se présentera point d’accusateur spécial ; on marquera de quelle manière l’accusation aura été portée devant le Juge, de même ce que l’accusé y aura répondu, et toutes les différentes procédures qui se feront en conséquence, suivant la teneur de notre présent Édit, ainsi que dans les autres cas ci-dessus, où il se trouve un accusateur.

ARTICLE 189.

Tout Greffier de Juridiction Criminelle écrira avec soin et très distinctement article par article toutes les procédures susdites, soit qu’elles se fassent d’office, ou sur la poursuite d’un accusateur, et à chaque procédure il fera mention de l’an, du jour et de l’heure, à laquelle elle se sera faite, aussi bien que de ceux qui y ont assisté. Il vérifiera par sa propre signature tout ce qu’il a entendu et écrit, afin que l’on puisse juger solidement et avec certitude sur une pareille écriture régulière et authentique, ou que l’on soit en état de s’en servir pour consulter en cas de besoin. Il est du devoir de chaque Greffier d’y apporter tous ses soins, et de tenir le secret sur toute l’instruction du procès : après que le Jugement aura été rendu, le Registre sera remis incontinent sous la garde du dépôt.

ARTICLE 190.

Instruction sur la manière dont le Greffier doit former le Prononcé du Jugement à mort.

Lorsque selon les règles prescrites par notre présente Ordonnance Impériale on sera parvenu à la découverte de la vérité, ou à la conviction d’un crime, en sorte que l’on ait prononcé enfin un Jugement à mort, tel qu’il doit être, suivant ce qui est marqué ci-dessus, conformément à notre présent Édit, le Greffier rédigera par écrit ledit Jugement à peu près dans la forme suivante, pour être en état d’en faire la lecture publiquement, lorsque le Juge l’ordonnera le jour de l’exécution, suivant ce qui a été prescrit dans l’article 94 au sujet de la publication des Sentences.

ARTICLE 191.

A la lettre B. qui se trouvera dans l’article suivant, le Greffer en rédigeant la Sentence nommera le nom du Criminel, et à la lettre C il fera mention en bref du crime commis.

ARTICLE 192.

Formule de chaque Jugement à mort, ou de prison perpétuelle.

Vu les accusations, réponses et productions faites en Justice, comme aussi toute enquête nécessaire et véritable, le tout dressé conformément à l’Ordonnance de l’Empereur Charles V et du Saint-Empire, il a été dit par Jugement rendu dernier, par les Juges et Assesseurs de ce Tribunal, que B. qui y est présent, pour raison du crime C. qu’il a commis, sera exécuté à mort : où il faut exprimer le genre de supplice, auquel le Criminel est condamné, savoir, celui d’être brûlé, d’être décapité, d’être écartelé, d’être roué, d’être pendu ou noyé, ou autre qui aura été prononcé s suivant l’usage et la coutume de chaque Pays.

ARTICLE 193.

De ceux que l’on traîne sur la claie au lieu du supplice.

Si par le Jugement susdit il avait été arrêté que le Criminel serait traîné sur la claie au lieu du supplice, il sera nécessaire de l’exprimer à la fin de la Sentence dans les termes suivants : Et sera le Malfaiteur traîné sur la claie jusqu’au lieu destiné à l’exécution.

ARTICLE 194.

De ceux que l’on fait tenailler avec des fers ardents avant l’exécution.

S’il était ordonné par la Sentence, que la personne condamnée serait tenaillée avant l’exécution à mort, on y ajoutera de même à la fin les paroles suivantes : Et sera le Malfaiteur avant que d’être exécuté à mort, conduit publiquement sur une charrette au lieu du supplice, et son corps tenaillé avec des fers ardents, en exprimant les degrés de cette augmentation de peine.

ARTICLE 195.

Formule du Jugement, par lequel on veut s’assurer d’un homme dangereux par le moyen de la prison.

Sur la vérité de l’enquête et les indices suffisants qui se sont trouvés pour avoir sujet d’appréhender pour l’avenir des actions criminelles et préjudiciables, il a été jugé que B. qui est présent devant le Tribunal, doit être détenu dans les prisons, jusqu’à ce qu’il ait donné bonne et suffisante caution, pour mettre le Pays et les Habitants en sûreté contre lui.

ARTICLE 196.

Des punitions corporelles, où les Jugements ne tendent ni à la mort, ni à la prison perpétuelle.

Lorsque sur des preuves indubitables, et la procédure finale qui aura été instruite suivant notre présente Ordonnance, une personne doit être punie criminellement en son corps ou en ses membres, sans néanmoins lui ôter la vie, un tel Jugement ne pourra être rendu par le Juge que sur l’avis qu’il en aura donné au Magistrat Supérieur, ou sur ses ordres, avec le Conseil des Gens de Loi, et l’assistance au moins de quatre Assesseurs qu’il croira être les plus capables, lesquels ne pourront point se refuser à sa demande. Le Juge, selon le devoir de sa Charge, doit manifester cette Sentence, la faire lire publiquement par le Greffier, et être assuré de son exécution. Ces sortes de Jugements doivent être rédigés par écrit dans la forme suivante, en observant que là, où se trouve la lettre B., doit être mis le nom de l’accusé, et qu’à la lettre C. doit être faite une très brève mention du délit.

ARTICLES 197 ET 198.

Formule des Jugements à rendre pour des peines corporelles qui ne vont point à la mort.

Vu la vérité de l’enquête dressée conformément à l’Ordonnance de l’Empereur Charles V et du Saint Empire, il a été déclaré en Justice, que le B. qui est présent au Tribunal, pour raison de l’action infâme et criminelle par lui commise C, sera exposé publiquement au Carcan.

S’il s’agit de lui faire couper la langue, on joint : Et après qu’on lui aura coupé la langue, banni du Pays jusqu’à ce qu’il plaise au Magistrat Supérieur de le rappeler.

S’il s’agit des doigts : Sera exposé publiquement au Carcan, ensuite lui seront abattus les deux doigts de la main droite, qui ont servi à son délit, et sera banni du Pays jusqu’à ce qu’il plaise au Magistrat Supérieur de le rappeler.

S’il s’agit de l’amputation des oreilles : Sera exposé publiquement au Carcan, et après qu’on lui aura coupé les deux oreilles, sera banni du Pays jusqu’à ce qu’il plaise au Magistrat Supérieur de le rappeler.

S’il s’agit de la fustigation : Sera exposé au Carcan public, et ensuite après avoir été fustigé, banni du Pays jusqu’à ce qu’il plaise au Magistrat Supérieur de le rappeler.

On observera que lorsque outre la punition corporelle prononcée en Justice, le Malfaiteur a été condamné à restituer le bien de quelqu’un, ou à en donner une partie du sien propre, ce qui arrive dans quelques-unes de ces punitions dont il est parlé ci-dessus, spécialement dans les Articles 107 au sujet des faux serments, 120 et 121 au sujet de l’adultère et de la bigamie, de même que dans quelques vols, et autres cas non spécifiés, où la Justice l’exigera, il sera fait mention expresse de cette restitution dans les Jugements, et lecture en sera faite publiquement à haute et intelligible voix.

ARTICLES 199 ET 200.

Du Jugement à rendre pour élargir un Prisonnier.

Au cas qu’il soit reconnu par Sentence juridique, rendue suivant la teneur de notre présente Ordonnance Impériale, que la personne arrêtée et accusée criminellement doive avoir son élargissement, ladite Sentence conçue à peu près en la manière suivante, sera lue et publiée par ordre du Juge au jour destiné à la tenue du Tribunal, ainsi qu’il est mentionné ci-dessus dans l’Article 99.

Il sera marqué dans l’Article qui suit, de quelle formule le Greffier doit se servir en dressant un pareil Jugement, à la place de la lettre A. il mettra le nom de l’accusateur, celui de l’accusé au lieu du B., et le fait du délit où est la lettre C.

ARTICLE 201.

Formule de ladite Sentence d’élargissement.

Vu l’accusation au sujet de C., produite par A. contre B., qui est présent devant le Tribunal, de même que les réponses de l’accusé, ensemble toute enquête nécessaire et recherche exacte faite à ce sujet, conformément à l’Ordonnance de l’Empereur Charles V et du Saint Empire, ledit accusé a été déclaré juridiquement et finalement déchargé de toute peine criminelle ; et au cas que l’accusateur ait eu des raisons légitimes pour former son accusation, le Juge sera autorisé et suffisamment fondé de prononcer compensation des frais et dommages entre les Parties. Et à l’égard des autres demandes respectives entre elles, au sujet des dits frais et dommages, elles les feront terminer civilement par-devant la même Justice ; ou bien si l’accusation était faite d’office, par-devant les Juges compétents, les plus prochains de ceux qui ont formé d’office cette accusation.

ARTICLE 202.

Chaque procédure et Jugement après la séance du Tribunal, doit être conservé dans son entier, comme il est marqué ci-dessus, et gardé dans un dépôt particulier de la part de la Justice, pour pouvoir y avoir recours, lorsqu’il en sera besoin dans la suite.

ARTICLE 203.

Le Greffier qui par tout ce qui vient d’être indiqué ne se trouvera pas suffisamment instruit pour dresser chacune des procédures ou Sentences, doit préalablement chercher à s’éclaircir auprès du Magistrat ; et au cas que le Magistrat lui-même manquât des lumières suffisantes, ils auront recours au conseil d’autres personnes éclairées.

ARTICLE 204.

Des frais de la Justice dans les Tribunaux Criminels.

C’est à chaque Supérieur qui a droit de Juridiction Criminelle, de veiller à la mesure et juste proportion des frais et dépenses de pareilles procédures, afin que personne n’en soit surchargé, que les Criminels soient punis plus facilement suivant leur mérite, et que la crainte des frais illégitimes ne mette point obstacle au cours de la Justice. A l’égard de l’accusateur en particulier, il ne sera pas obligé de donner pour l’entretien et la garde de l’accusé au-dessus de sept Kreuzer pour chaque jour et nuit ; et dans les lieux où l’usage ne va point jusqu’à cette somme, on s’y tiendra. Pour ce qui regarde les autres frais de Justice pour la séance du Tribunal, la dépense des Juges et Assesseurs, celle du Greffier, le paiement des Geôliers, de l’Exécuteur et de son Valet, la Juridiction, ou celui qui en est le Seigneur, sera tenu d’y satisfaire sans que l’accusateur en puisse être molesté.

ARTICLE 205.

Du désintéressement des Juges dans les Jugements qu’ils rendent contre des Criminels.

Nous sommes informés de l’abus introduit dans quelques endroits, ou les Juges, à l’occasion de chaque Criminel condamné exigent et reçoivent une récompense particulière des accusateurs, ce qui est entièrement opposé à la dignité de leur Charge contre la justice et toute équité, puisqu’un tel Juge qui se ferait ainsi payer à mesure, serait en cela peu différent de l’Exécuteur même ; c’est pourquoi Nous défendons à tout Juge d’exiger ou de recevoir dans la suite aucune récompense de ceux qui ont été les accusateurs.

ARTICLE 206.

De ce que l’on doit faire des biens des Malfaiteurs fugitifs.

Dans le cas de la fuite d’un Malfaiteur, le Juge fera appeler deux ou trois parents du fugitif, et en leur présence, et celle de deux Assesseurs du Tribunal, il fera dresser par le Greffier-Juré une description ou inventaire exact de tous ses biens situés sous sa Juridiction, et ne permettra pas qu’il en soit rien délivré au Malfaiteur. A l’égard de ses autres effets qui ne seront pas biens fonds, et qui peuvent être suspects, le Juge en fera faire la vente avec deux Assesseurs et les susdits parents. La spécification de ces effets, de même que le provenu de la vente seront mis par écrit, et déposés en Justice pour y être gardés sans altération au profit de la femme et des enfants, ou d’autres ses proches héritiers ; à moins que les parents du fugitif ne voulussent se charger eux-mêmes dudit bien, ainsi inventorié, soit avant ou après qu’il serait déposé en Justice avec le serment requis, de demeurer ainsi les Gardiens dudit bien, et de n’en rien laisser passer au fugitif pendant que son affaire restera indécise. Ceux qui se chargeront de la garde dudit bien, en délivreront à la femme et aux enfants du Malfaiteur, au cas qu’il y en ait, pour leur subsistance nécessaire, toutefois de l’avis et sous le bon plaisir du Juge et du Magistrat susdit, et ne pourront les Juges ni le Magistrat s’approprier en aucune manière le bien des fugitifs.

ARTICLE 207.

Des effets volés, que l’on aura déposés en Justice.

Lorsqu’un effet volé sera déposé en Justice, sans que le voleur ait été attrapé et arrêté, le Juge Criminel après l’avoir reçu le fera garder fidèlement, et s’il se présente quelqu’un qui réclame ledit effet en faisant voir d’une manière qui ne laisse aucun doute qu’il lui ait été volé, il lui sera rendu sans avoir égard à l’usage contraire qui se pratique en quelques endroits, et qui doit plutôt passer pour un abus. Au cas qu’il s’y trouvât de la faute, le Juge fera avoir sur-le-champ satisfaction à la partie plaignante : et s’il se trouvait que le Seigneur d’un tel endroit eût le droit de Juridiction Criminelle et Civile, et qu’il ne fût point aisé de rassembler en peu de temps le Tribunal Criminel, le Juge Criminel, pour éviter les frais, abandonnera la connaissance de l’affaire au Tribunal Civil de la même Juridiction. Celui qui voudra ainsi se constituer demandeur en Justice, sera obligé préalablement de fournir une caution devant ce Tribunal, ou au moins de promettre sous serment de dédommager l’autre partie, au cas qu’il succombe, suivant qu’il sera réglé en Justice, ce que le défendeur doit faire aussi de son côté, s’il veut poursuivre juridiquement à ce que ledit effet lui soit remis.

Si alors le demandeur peut prouver que l’effet lui appartient, et qu’il lui a été furtivement enlevé, il lui sera reconnu en Justice et rendu. Le défendeur de son coté portera tous les frais et dépens de la procédure, le tout suivant la mesure de la Justice. Si ayant entrepris de recouvrer par sa poursuite en Justice ce bien réclamé, s’il s’est porté garant comme il est dit ci-dessus, des frais et dommages, et que néanmoins après que ledit bien a été perdu, il n’a pas pu affirmer par serment de s’être approprié ledit bien dans l’ignorance d’où il pouvait illégitimement provenir, ou bien dans le cas qu’il fût prouvé qu’il n’a point agi dans cette ignorance ; mais si le défendeur en s’appropriant ledit bien, avait ignoré d’où il pouvait illégitimement provenir, chacune des deux parties sera tenue de ses frais et dépens de Justice, et le demandeur en son particulier payera la dépense que la chose réclamée, tel que serait du bétail, aura pu causer, suivant ce qui sera réglé en Justice ; et au cas qu’il ne se présentât point de défendeur qui voulût s’obliger, ainsi qu’il a été dit, ce sera au demandeur seul qui reprend son bien d’une manière légitime, de payer la dépense raisonnable qui aura été faite, comme il vient d’être marqué.

ARTICLE 208.

Mais si le demandeur dans le cas susdit, au sujet d’un bien réclamé, prouvait suffisamment qu’il en a été propriétaire, et qu’il ne fût pas en état en même temps de prouver qu’il en a été dépouillé par un vol ; que d’un autre coté les défendeurs n’eussent pas preuve suffisante pour faire voir, que ledit bien possédé par le demandeur est venu en leurs mains à juste titre, alors on s’en rapportera au serment, par lequel le demandeur affirmera que ledit bien lui a été enlevé ou volé, et la délivrance lui en sera faite.

ARTICLE 209.

Nulle prescription de temps sera admise contre la demande d’un bien enlevé ou volé ; cependant si les preuves du demandeur ne devenaient point complètes, comme il est dit ci-dessus, on prononcera la décharge en faveur des défendeurs, et les biens réclamés leur seront délivrés, avec les frais et dépens, auxquels le demandeur, faute des preuves, sera condamné suivant la prudence des Juges.

ARTICLE 210.

Et au cas que le bien réclamé en pareille occasion ne pût point rester sous le dépôt de la Justice, jusqu’à définition de cause, pour raison de la dépense ou autre dommage considérable, il sera délivré à celle des parties, qui sur la décision du Tribunal entier ou du Juge, assisté de deux Assesseurs, donnera bonne et suffisante caution, ou assurance de représenter ledit bien en Justice au jour de la séance, et d’acquitter de gré tous les dépens auxquels il pourrait succomber en Justice, tant pour le fond que pour les dommages ; et que s’il arrivait que ledit bien vint à diminuer ou à dépérir avant définition de cause, d’en réparer la diminution ou dépérissement. Mais si les deux parties offraient de donner ladite caution, la préférence sera pour le défendeur, à moins qu’il n’y eût sujet de douter, auquel cas on aura recours au Conseil des Gens de Loi, comme il sera marqué à la fin de notre présente Ordonnance.

ARTICLE 211.

Lorsque quelqu’un devenu suspect par son mauvais renom aura été arrêté à l’occasion des susdits biens appropriés ou volés, et que l’accusateur demandera que l’on instruise la procédure criminellement contre lui, ou bien que le Juge voudra d’office procéder au Criminel contre de pareilles personnes suspectes l’instruction de ces sortes de poursuites, se fera conformément à ce qui a été prescrit ci-dessus clairement dans cette nôtre présente Ordonnance.

ARTICLE 212.

On apprendra de même dans l’Article 38 en quelle manière et dans quelle occasion il se trouve des indices suffisants pour faire subir la question au sujet des biens volés, aussi bien que dans Article 6.

ARTICLE 213.

Et si par le moyen de cette procédure criminelle on découvre des biens mobiliers volés et séquestrés dans une Juridiction, ils seront rendus à celui qui les aura ainsi perdus, en affirmant par lui, comme il est dit ci-dessus, que ces biens volés lui appartiennent ; rien ne pourra s’opposer à cette délivrance que le paiement de la dépense nécessaire qui aura été faite, si c’était du bétail, et à quoi il sera tenu ; sans néanmoins rien payer au delà. Mais si pour s’exposer à moins des frais et des dommages quelqu’un demandait à recouvrer lesdits biens avant que l’on eût découvert d’où ils proviennent illégitimement, et à qui ils appartiennent ; dans ce cas il sera procédé avec la même mesure qui a été présentée ci-devant au sujet de la procédure civile, tant pour l’emprisonnement que pour l’accusation pour raison des biens volés.

ARTICLE 21.

La personne lésée qui se fera rendre par le voleur, de gré et sans contrainte ce qui lui appartient indubitablement, pourvu qu’elle y observe la mesure ci-dessus prescrite, n’en devient responsable envers qui que ce soit, et ne peut être forcée dans ce cas ou dans d’autres semblables de porter plainte, mais quoiqu’elle ne voulût pas d’elle-même en former une accusation criminelle, le Juge ne laissera pas d’être obligé d’agir d’office pour parvenir à la punition du coupable, ayant égard à la qualité de la personne, et à la nature du délit.

ARTICLE 215.

De quelle manière les Gens de Métiers sont obligés de construire ou réparer le Gibet dans les Juridictions Criminelles.

L’usage de plusieurs Juridictions Criminelles qui oblige tous les Charpentiers y habitués de travailler à la construction d’un nouveau Gibet, ou à la réparation d’un ancien, entraînant des frais extraordinaires qui tombent même quelque fois sur ceux qui ont été les accusateurs des coupables, ce qui est encore plus injuste ; Nous ordonnons pour prévenir un pareil abus, que lorsqu’à l’avenir il sera trouvé à propos de faire construire un nouveau Gibet dans une Juridiction Criminelle, le Magistrat, ou ceux qui tiennent sa place le fassent savoir juridiquement, et par une publication préalable faite à un certain jour marqué à tous ceux qui font profession du métier de Charpentier, et qui sont domiciliés dans les Villes, Bourgs ou Villages, où on a coutume de tenir le Tribunal Criminel.

Tous ceux qui seront ainsi cités chez eux, ou étant occupés au travail à trois milles en deçà loin de leur domicile, doivent se rendre au temps et au lieu, qui leur sera indiqué, sans qu’ils puissent s’en exempter, sous peine de dix florins d’amende, hors le cas d’une infirmité corporelle, qui doit être affirmée par serment. De tous les susdits Charpentiers le Juge Criminel ayant déterminé le nombre qu’il croira être nécessaire pour cet ouvrage, il les fera tous tirer au sort pour savoir ceux qui y seront employés, lesquels sous la peine susdite, et au moyen du salaire accoutumé, au dépens du fisc et non de l’accusateur, seront tenus d’y travailler, sans que pour cela personne puisse leur faire aucun reproche ni insulte ; et s’il arrivait que quelqu’un accusât, injuriât ou insultât celui qui aura été employé à cet ouvrage, il payera toutes les fois l’amende d’un marc d’or, moitié applicable au fisc de la Juridiction de celui, qui a injurié, et moitié pour la personne insultée ; à quoi il sera pourvu par les voies de la Justice, sans que des pareilles insultes puissent donner la moindre atteinte à l’honneur, réputation et profession de la personne ainsi injuriée, soit avant ou après que la Justice y aura pourvu.

ARTICLE 216.

Si l’offensant se trouvait hors d’état de satisfaire à la susdite amende pécuniaire, il sera détenu en prison jusqu’à ce qu’il fasse réparation convenable à l’offensé, en l’assurant qu’il n’a point par là prétendu toucher en aucune manière à son honneur, et en s’obligeant de s’abstenir à la suite de pareilles injures : Il est défendu sous peine de la même amende d’un marc d’or à quiconque, de prendre fait et cause pour des semblables injures, ou de protéger celui qui aura eu la témérité de le dire.

ARTICLE 217.

Lorsqu’on voudra faire une enceinte de murs autour d’un Gibet ou Échafaud, on observera à l’égard des Maçons qui se trouveront être domiciliés dans la même Juridiction, ce qui a été prescrit ci-dessus au sujet des Charpentiers.

ARTICLE 218.

Des abus et pratiques insoutenables qui sont en usage dans quelques endroits.

Lorsqu’un Malfaiteur est attrapé avec des effets volés, et conduit dans les prisons, l’usage dans quelques endroits veut que lesdits effets ne soient point rendus à celui à qui ils ont été enlevés, mais qu’ils soient séquestrés par la Justice du lieu. Il en est de même de plusieurs autres, où l’on prétend abusivement qu’un Marinier venant à échouer, le Magistrat du lieu, où le naufrage est arrivé, a droit de confisquer sa personne, son navire et ses effets : ils ont la même prévention au sujet d’un Voiturier, qui en versant aurait écrasé quelqu’un par pur accident, et prétendent que sa voiture, ses chevaux et sa charge tombent dans la confiscation du Magistrat.

Il se trouve plusieurs Juridictions Criminelles, où l’invention de ces différents abus fait que la prison devient moins un lieu destiné à la sûreté des personnes, qu’un véritable châtiment. C’est encore un abus lorsque la Justice fait arrêter trop légèrement des personnes d’une condition honnête, sans être assuré auparavant de leur mauvais renom et des indices suffisants, et sur ces arrêts, elle procède précipitamment et sans réflexion, et sorte que la personne arrêtée ne peut manquer de souffrir du côté de son honneur. Il en est ainsi des Juges, qui au lieu de prononcer et publier eux-mêmes les Sentences, le font faire par l’Exécuteur ; comme aussi de ceux qui hors le crime de lèse-Majesté en condamnant un Criminel à la mort, et même dans d’autres cas, où la peine de mort et la perte du bien n’a pas lieu, prononcent la confiscation envers le Seigneur, et réduisent la femme et les enfants à la mendicité. Nous enjoignons à tout Magistrat Supérieur de réprimer des semblables usages, et de veiller à ce qu’ils ne soient plus admis ou pratiqués à l’avenir, ainsi que de notre Puissance Impériale Nous les supprimons, et défendons de les admettre à l’avenir.

ARTICLE 219.

Auprès de qui, et en quel lieu les Juges doivent demander Conseil dans leurs doutes.

Le Conseil, auquel Nous avons dit dans plusieurs endroits de notre présente Ordonnance Criminelle, que les Juges doivent avoir recours dans l’instruction des procès, et dans les jugements à rendre, où il se présente des difficultés, regarde spécialement les Cours Souveraines dont ils dépendent, et où ils doivent s’adresser par un usage constant pour se fixer dans leurs perplexités. Ceux qui ne reconnaissent point de ces Cours Souveraines, et qui sont chargés d’instruire un procès sur une accusation criminelle, et sur la demande d’un accusateur, s’adressant à leur Magistrat Supérieur d’où le Tribunal Criminel ressortit immédiatement, pour être conduit par son avis ; et au cas que le Magistrat lui-même poursuivît d’office un Criminel, et conduisit l’instruction de son procès avec une accusation criminelle, les Juges, lorsqu’il leur surviendra quelque doute, auront recours aux Universités les plus prochaines, aux Villes, Communautés, ou autres personnes versées dans les Lois, auprès desquelles ils pourront s’instruire et demander du Conseil à moins des frais.

Il est particulièrement à observer que dans tous les cas douteux les Juges et Assesseurs sont obligés de recourir au Conseil des Gens de Loi, sans qu’il en coûte rien aux Parties, à moins que l’accusateur criminel ne requière lui-même le Juge de faire dresser une consultation pour diriger la procédure criminelle, auquel cas la partie requérante sera tenue d’en payer les frais : les mêmes frais auront lieu à l’égard de celui qui se trouvera être Seigneur de l’accusé, ses parents ou amis qui s’intéressent à la liberté du prisonnier, et ne pourra le Juge leur refuser cette consultation. Mais si la parenté du prisonnier n’avait pas de quoi fournir lesdits frais, ils seront acquittés aux dépens du fisc, pourvu toutefois que le Juge n’ait pas lieu de présumer que cette recherche de consultation n’a en vue qu’un retard dangereux dans la procédure, et une augmentation des frais : sur quoi, tant les parents que les amis susdits seront admis au serment.

Dans tout ceci on doit employer tous les soins possibles pour qu’il ne soit fait tort à personne ; les affaires d’une si grande conséquence demandent une attention singulière, puisque l’ignorance des Juges, dont ils doivent avoir eux-mêmes la certitude, ne peut jamais leur servir d’excuse ; c’est de quoi les Juges et Assesseurs, aussi bien que leurs Magistrats Supérieurs doivent être dûment avertis par ces Présentes.