La Céramique à Montpellier

Jacques Brézet
La Céramique à Montpellier
Rénovation de la faïencerie locale
Ricard Frères.

== LA CÉRAMIQUE À MONTPELLIER ==


Rénovation de la Faïencerie locale

PAR

JACQUES BRÉZET,

Secrétaire-Adjoint de la Commission Départementale de l'Hérault,


»En 1738, la manufacture royale de

»faïences du sieur Ollivier de Mont-
»pellier, est une des plus belles, au
»moins la plus considérable qu'il y ait
»dans l'Europe. Elle a coûté à construire
»300,000 livres, etc.,etc. »

[Archive départementales, C. 2901.]

MONTPELLIER, RICARD FRÈRES, IMPRIMEURS DE LA PRÉFECTURE, RUE COLLOT, 9

1905 LA CÉRAMIQUE À MONTPELLIER

Rénovation de la Faïencerie locale

JACQUES BRÉZET,

Secrétaire-Adjoint de la Commission Départementale de l'Hérault,

»En 1738, la manufacture royale de faïences du sieur Ollivier de Montpellier, est une des plus belles, au moins la plus considérable qu'il y ait dans l'Europe. Elle a coûté à construire 300,000 livres, etc.,etc. » [Archive départementales, C. 2901.]

MONTPELLIER,

RICARD FRÈRES, IMPRIMEURS DE LA PRÉFECTURE, RUE COLLOT, 9

1905

LA CÉRAMIQUE À MONTPELLIER

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Rénovation de la Faïencerie locale

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Le 29 Août 1901, sur le rapport de M. Louis Rouvier, Avocat, Conseiller Général du 2e Canton de Montpellier, notre Assemblée Départementale jeta les premières bases de la rénovation de l'industrie faïencière locale, disparue depuis près de deux siècles.

Voici, à ce sujet, l'extrait du procès-verbal des délibérations du Conseil Général :

« Au nom de la "Commission des finances, des budgets et des comptes", M. Rouvier donne lecture du rapport suivant :

» MESSIEURS,

»M. Ernest Michel, directeur de l'École régionale des Beaux-Arts de Montpellier, par une lettre adressée le 12 Août à M. le Président du Conseil Général, expose que selon les indications exprimées par M. le Préfet pour arriver, à côté de l'enseignement d'art strict, à des applications pouvant servir à l'industrie, il a fait faire dernièrement, par les élèves du cours d'art décoratif des applications céramiques. » Présidant en effet, en 1899, la distribution des récompenses de notre école des beaux-arts, M. Le Préfet, dans un discours très apprécié, faisait valoir l'intérêt qu'il y avait de passer, pour l'art décoratif enseigné à l'école, de la composition théorique à l'appli cation pratique. » La direction de l'école mettant à profit ces bons conseils et se souvenant qu'au XVIIIme siècle, il existait à Montpellier des faïenceries importantes dont la réputation était grande, a fait une tentative vers cette industrie. Les premiers résultats sont des plus encourageants, puisque l'école a pu, cette année, exposer parmi les travaux de ses élèves, des objets en céramique pour lesquels le jury extraordinaire de l'école a voté à l'unanimité des félicitations au professeur de la classe d'art décoratif, M. Henri Michel, et qu'au concours général de composition décorative appliquée à l'industrie, qui a lieu toutes les années entre les écoles d'art de France, nos élèves ont remporté Le 2me et le 4me prix. Paris ayant eu le 1er.

Il convient donc de continuer ces essais, et cela d'autant plus, qu'il y a non seulement à Montpellier, mais sur de nombreux points du département de l'Hérault, des argiles qui se prêtent admirablement à l'industrie céramique. Le but poursuivi, et que l'on peut très certainement atteindre, est en somme de faire revivre l'industrie céramique à Montpellier, en employant Les argiles de tout le département.

» Les sacrifices que l'on nous demande sont de peu d'importance, eu égard surtout aux résultats que l'on doit certainement obtenir. Les frais d'organisation du cours pratique d'art céramique s'élèveraient, suivant le détail qui figure au dossier et qui a été fourni par le secrétaire-adjoint de la Commission Départementale, M. Brézet dont les connaissances pratiques en céramique sont fort étendues, et qui a déjà mis toute son expérience au service de l'école avec un zèle auquel il convient de rendre hommage, les frais d'organisation s'élèveraient à 1,025 fr. Quant aux dépenses annuelles pour une classe d'une quinzaine d'élèves travaillant 12 heures par semaine, elles se porteraient à 2,125 fr., soit au total pour la première année, 3,150 fr. Un tiers seulement de la dépense incomberait au département, les deux autres tiers devant être fournis par l'État et la ville de Montpellier.

»Votre Commission des finances vous propose donc de voter dans ce but une somme de 1,050 fr., représentant le tiers de la dépense incombant au département, et d'inscrire ce crédit au chapitre XVIII, §1 du budget ordinaire de 1902. »

Le Conseil Général adopte

Plus tard, par délibération en date du 2 Décembre 1902, le Conseil Municipal de Montpellier s'associa à l'œuvre entreprise par le Conseil Général. De ce fait, le cours d'art céramique qu'avait demandé M. Ernest Michel pour son école se trouva créé en principe. Il devint effectif au mois de Mars 1903 (erreur de typo 1905 corrigée manuellement en 1903) : M. Jouneau, qui avait remplacé M. Ernest Michel à la direction de l'École régionale des Beaux-Arts, ayant été nommé au professorat de ce cours, avez M. Brézet, comme aide-préparateur.

Les nombreuses manifestations d'art céramique local qui se sont produites depuis cette époque, tant aux expositions de la Société artistique de l'Hérault que dans diverses vitrines de la ville, ont vivement intéressé le public Montpelliérain et encore plus spécialement ceux de nos édiles qui ont le souci d'un avenir plus prospère pour notre « petite patrie », tant éprouvée depuis quelques années par l'avilissement de son seul produit naturel : le vin.

À côté de l'œuvre de nos Pouvoirs publics, nous avons le devoir de constater les efforts individuels tentés dans le même sens.

Parmi ces derniers, l'effort plus louable — le plus utile à notre avis — c'est la création de la nouvelle Faïencerie de Montpellier, par M, Raoul Dussol, sculpteur statuaire, 10, rue du plan d'Agde, et de l'école professionnelle qui y est adjointe [1].


  1. Cette école professionnelle, subventionnée par M. P. Arnavielhe, industriel, Président du Tribunal de Commerce de Montpellier, s'est ouverte le 1er Février 1905, sous le haut patronage de MM. Arnaud, Préfet de l'Hérault, et Laissac, Président du Conseil Général.
Malgré son caractère d’industrie privée, cette fondation peut

et doit être considérée comme œuvre d’intérêt régional, tant sont grands et nombreux les services qu’elle est appelée à rendre. L’un des plus appréciables, sera de retenir ici sur place, en leur fournissant les éléments nécessaires pour gagner leur vie, les jeunes gens qui, se destinant à la carrière céramique, ont à cet effet suivi le cours spécial de l’École régionale des Beaux-Arts.

Quel serait, en somme, le sort de ces jeunes gens à leur sortie de l’École des Beaux-Arts, si la Faïencerie du Plan d’Agde n’existait pas ?

Ils devraient nécessairement se dépayser et porter dans de lointaines fabriques les aptitudes acquises et les goûts spéciaux pour la céramique développés dans notre École aux frais de notre département et de notre cité.

Et ce résultat, déplorable à notre avis s’il venait à se produire n’irait-il pas l’encontre de l’esprit qui a animé le Conseil Général de l’Hérault et le Conseil Municipal de Montpellier, dans leurs délibérations ci-dessus mentionnées ?

Il convient maintenant que nous fassions connaître ce que fut la faïencerie à Montpellier. Nous n’insisterons pas sur le point de vue artistique et nous ne mentionnerons que pour mémoire les vieilles faïences disséminées dans les musées ou collections des pays d’Europe et d’outre-mer qui fréquentaient autrefois la foire de Beaucaire, où la manufacture royale d’Ollivier apportait ses « faïence fines. » Ce sont là des recherches et des études au-dessus de nos moyens. Nous voulons seulement démontrer que cette industrie et cet art furent autrefois pour le Languedoc une source considérable de revenus et apporter à l’appui de ce dire quelques documents pris aux Archives départementales.

Il est une certaine catégorie de faïences à décors sur émail jaune, qu’on ne retrouve pas ailleurs et que l’on désigne sous le nom de « vieux Montpellier ». Les amateurs les connaissent bien ; ce sont d’ailleurs les plus recherchées. Mais on se méprendrait à croire que c’étaient les seuls produits de nos manufactures. On en atténuerait considérablement l’importance.

En dehors des objets catalogués sous la rubrique : « vieux Montpellier », il en existe quantité d’autres que leur analogie de décors et de couleurs ont permis de confondre avec les produits des pays étrangers et qui ne s’en distinguent aux yeux d’un expert minutieux que par la qualité même de la faïence. Cela s’explique par ce fait que nombre d’objets de la manufacture d’Ollivier étaient décorés par les peintres italiens des fabriques de Gubbio et de Faënza, qui venaient visiter la France et qui utilisaient en passant les ressources de leur art aux manufactures de Moustiers, Marseille, Montpellier, Nevers, Lunéville et Strasbourg.

L’industrie faïencière, à Montpellier, fut surtout florissante au XVI1Ime siècle ; elle occupa un nombre considérable d’ouvriers, et ruina au sein de notre province le commerce des Gènois et des Hollandais, qui emportaient chaque année des sommes importantes. En 1741, les fabricants de faïences à Montpellier étaient au nombre de six : Boissier, Rolland, Bourcin, Rome, veuve Fortier, et le plus important, Ollivier, qui avait obtenu, dès le mois de Janvier 1725, des lettres patentes portant établissement de sa fabrique en manufacture royale.

Nous ne saurions mieux faire que de citer ici une lettre écrite par ce même Ollivier, sous forme de supplique, où l’on verra un éloquent plaidoyer en faveur de la cause que nous défendons aujourd’hui.

Nous démontrerons ultérieurement que, malgré les changements survenus depuis dans nos conditions économiques, notre département est intéressé pour les mêmes raisons à voir revivre à Montpellier cette industrie jadis si féconde.

Ceci dit, voici la lettre d’Olivier aux États-de-Languedoc :

« À Nosseigneurs des trois États de la province du Languedoc,


» Jacques Ollivier, propriétaire de la manufacture royale de fayance de Montpellier, vous supplie très humblement, Nosseigneurs, de luy accorder le Loyer pour lui servir de Secours pour le soutient de cette manufacture la plus parfaite de cette espèce qu'il y ait dans la province ; les autres manufactures jouissent de la mème grâce, la province protège tous Les établissements qui donnent à vivre au public, et qui tirent de ce travail et des consommations des denrées de son crû. Le moyen de retenir ou d'atirer dans la province des fonds qui servent à la rendre florissante et à lui faire acquitter sans effort les charges auxqu'elles elle paraît devoir succomber et dont elle ne se ressent point par la sagesse de ses ministres, quy par leur attention à faire fleurir les manufactures rendent ses ressources inépuisables. »

Nous trouvons aux archives départementales, C. 2759 (liasse), plusieurs autres lettres échangées entre M. de Machault et l'intendant du Languedoc, relatives à la fabrique d'Ollivier, lettres qui témoignent de l'importance de cette Fabrique et de l'intérét que le Gouvernement croyait devoir lui témoigner. Ces lettres sont de 1718. Nous citerons ici une des principales, doublement intéressante parce qu'on y voit une des manifestations de notre éternelle rivalité avec Marseille, qui avait pris, ces dernières années, un caractère aigu sur la question des Facultés de médecine.

Cette lettre, adressée à M. de Bernage, est conçue en ces termes:

« A Paris, le 23 may 1718 »Monsieur, »J'ay reçeu une lettre de M. de Basville en faveur du sieur Olivier, qui a établi dans Montpellier une manufacture considérable de faïance, et qui, suivant le témoignage de M. de Basville, mérite une protection particulière ; par le mémoire que le sieur Olivier a engagé M. de Basville de m'envoyer, il demande deux choses dont la première ne lui peut estre accordée, qui et que les faïences fabriquées à Marseille ne puissent estre introduites et débitées dans le royaume, sous le prétexte que les Marseillois a cause de la franchise de leur ville ne paient aucuns droits d'entrée pour raison des plombs et estains, qui entrent dans la fabrique des faïances, et que mesme ils font souvent passer des faïances étrangères comme si elles provenoient de leurs propres manufactures ; il n'y a pas d'aparence qu'on considère la ville de Marseille de la mesme façon qu'une étrangère, et qu'on se détermine à défendre l'entrée et la consommation dans le Royaume des marchandises qui s'y fabriquent. Vous sçavez que nonobstant la franchise, le plomb et l'estain, qui sont des marchandises d'Angleterre, ne doivent point estre reçues à Marseille, et d'ailleurs les faïances, qui y sont fabriquées, payent des droits d'entrée au sortir du territoire, quand on les introduit dans le royaume, ce qui balanceroit l'avantage dont le sieur Olivier prétend que jouissent les faïances qui ont té fabriquées dans cette ville. Si les Marseillois pratiquent des fraudes en faisant passer des faïances étrangères pour des faïences fabriquées chez eux, c'est aux commis des fermes d'y veiller, et en cas qu'il fut certain que ces commis ne fisent pas leur devoir, j'aurai soin de les y faire exhorter.

» La seconde demande du sieur Olivier nous a paru plus raisonnable. Elle tend à avoir une permission de faire entrer dans le royaume du plomb et de l'étain, quoyque ces deux espèces de marchandises soient proscrites en haine de ce que les Anglais ont exclu ou chargé de droits les marchandises de France, le Conseil de Commerce est disposé à permettre au sieur Oivier. qu'il fasse venir du plomb et de l'estain, puisqu'il ne peut s'en passer absolument, et que sa manufacture périroit ; mais afin qu'il n'en abuse point, le Conseil m'a chargé d'avoir l'honneur de vous écrire pour vous prier de me marquer la quantité dont le sieur Olivier aura besoin pour soutenir le travail de sa manufacture.

» Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble très obéissant serviteur.

» Signé : De Machault. »

À vingt ans de là nous trouvons encore C, 2801 (liasse) une note ainsi conçue, relative à la mème manufacture: « Elle est une des plus belles, au moins la plus considérable qu'y ait dans l’Europe. Elle a coûté à construire trois cent mille livres. On peut juger par là quelles dépenses engage l’entretien de cet établissement. Il (Ollivier) y occupe un grand nombre d’ouvriers qu’il a dressés à tous les ouvrages qui venoient des pays étrangers. Par là les commerce des Génois et Hollandois qui emportoient des sommes de cette province s’y trouve entièrement ruiné. Il s’est attiré leur haine et leur jalousie ; ils n’on rien oublié pour luy débaucher ses ouvriers ; sans les malheurs qu’il a eus, il feroit travailler avec plus d’aisance, mais il s’est épuisé à soutenir sa manufacture. Le sieur Ollivier est le seul dont la manufacture ayt été érigée dans le royaume en manufacture royale. »

De 1741 nous trouvons une lettre d’Orry, contrôleur général, à M. de Bernage, intendant général des États de Languedoc, et la réponse de ce dernier. Même intérêt de part et d’autre, mêmes allusions signilicatives à l’importance de cote industrie.

« A Versailles, le 25 Avril 1741.

Monsieur,

» Il a été permis en 1724 au sieur Ollivier d’établir à Montpellier une fabrique de fayance ; je vous prie de me marquer quel est succez de cette manufacture.

» Je suis, Monsieur, votre très humble et très obeïssant serviteur.. « Orry (contrôleur général). »

M. de Bernage, intendant général des États de Languedoc

« le 7 juin 1741

Monsieurs Orry, » J'ay différé de répondre à la lettre que vous m’avez fait l'honneur de m’écrire le 25 Avril dernier au sujet de la manufacture de fuyance du sieur Ollivier de cette ville, parceque ce particulier, qui est depuis plus de trois mois détenu au lit malade, m’avait demandé du temps pour pouvoir me remettre luy même un mémoire de l’état de sa fabrique ; mais comme je vois peu d’apparence à ce qu’il puisse y satisfaire encore, je n’ay pas cru devoir attendre plus longtemps à vous rendre compte de ce que j’en seay par moy même.

» Il est certain, Monsieur, que le sieur Ollivier s’est toujours appliqué à perfectionner ses ouvrages surtout après depuis les lettres patentes qu’il obtint au mois de Janvier 1725 portant étblissement de sa fabrique en manufacture royale, et qu’il y est même parvenu ; mais son commerce qui était autrefois considérable est fort diminué par le peu de débit de ses ouvrages depuis quelques années.

Il y a à la vérité quelques autres particuliers établis dans les faubourgs de Montpellier qui font aussy de la fayance, mais ils travaillent peu et leurs ouvrages sont si inférieurs à ceux de la fabrique Ollivier qu’il y a pas lieu de penser qu’ils lui causent aucun préjudice.

» Je suis, Monsieur, etc » De Bernage »

Nous bornerons là la reproduction des documents[1] (1). Bien que nous nous soyons tenu à l’énumération des principaux et que nous n'ayons pas eu l'intention de donner même un aperçu de l'ensemble de l'historique de la faïencerie montpelliéraine, notre but est atteint, qui était de démontrer l'importance de l'ancienne industrie faïencière à Montpellier. Le moment est venu de rechercher quels avantages il y aurait à voir renaître cette industrie.

Les documents ci-dessus suffisent, selon nous, à démontrer l'importance qu'avait, dans notre pays, l'art de la céramique au XVIIIme siècle. Et nous pouvons en tirer la conclusion que, l'argile qui forme généralement le sous-sol de nos terrains s'exportait,

  1. Nous avons fait paraître ces documents dans « La Vie Montpelliéraine », des 28 Juillet, 4, 11, et 25 Août 1901.
à cette époque, dans presque tous les pays du monde, sous forme

de faïences, alors que les moyens mécaniques étaient à peu près inconnus, Montpellier aurait pu conserver la gloire en même temps que les profits de cette industrie si on ne l'avait laissée péricliter pour des raisons que nous essayons d'expliquer plus loin.

Disons tout de suite que l'abandon de l'industrie de la terre a tenu justement à la richesse de notre département : à la vigne.

En effet, les seuls pays qui aient conservé l'art céramique, sont des pays pauvres. Et d'ailleurs, reconnaissons que, en France, Les pays pauvres sont les seuls pays industriels.

Actuellement, n'y a plus de faïenceries dans les pays vinicoles ; aussi sommes-nous tributaires, quant à la céramique de tout genre, architecturale, fantaisie et vaisselle, des départements les plus éloignés

Pour la céramique d'architecture, céramique d'art émaillée, nous devons nous adresser, pour les parties destinées aux façades au département de la Seine ; pour l'intérieur, à Gien, Montereau ou Sarreguemines.

Quant aux céramiques dites Majoliques, les usines les plus rapprochées de nous sont à Caudéran (Bordeaux) et Vallauris (golfe Juan). Les premières de ces majoliques sont de fabrication plutôt grossière ; les deuxièmes, les Valauris, sont plus soignées, mais d'un prix élevé, Toutes les autres céramiques, type majolique, que notre public est habitué à voir aux étalages de nos grands magasins, viennent des fabriques de Lille, Blanc-Misseron, Orchies et autres du Nord de la France et aussi d'Angleterre.

Mais, si depuis Le XVIIIme siècle, l'Hérault a laissé péricliter la céramique, si d'autres départements français l'ont cultivée, les Anglais ont su en tirer le plus grand profit.

Il y a, en Angleterre, le district de Staffordshire, qui comprend les villes de Hanley, Burslem, Tanstall, Stoke-upont-Trent, Feuton et Longton, et qu'on nomme « District des Poteries ».

Les argiles plastiques de ce district sont les mêmes que celles de notre département.

On y trouve, en effet, Blue Clay (argile bleue), Black Clay (argile noire), White Clay (argile blanche), Ball Clay (argile en mottes).

Une très importante Maison, la Maison A. Venger, ayant son siège à Hanley, fait grand commerce de ces argiles. Elle les cote, en moyenne, de 35 à 38 francs la tonne, bord Liverpool, pendant que nous laissons les nôtres dormir là où la nature es a jetées.

Le Blue Clay (argile bleue) est la plus abondante dans l'arrondissement de Montpellier. C'est avec cette argile qu'Ollivier faisait certainement ses faïences. On peut voir, à quelque distance de l'École d'agriculture, les anciennes carrières, non épuisées, de cette argile. On la trouve de Juvignac jusqu'après Poussan.

Le Black Clay (argile noire), est très abondante dans l'arrondissement de Lodève. Dans les essais de céramique que nous avons eu l'avantage de faire dans la classe de M. Henri Michel, à l'École des Beaux-Arts, courant juillet 1901, on peut voir des objets fort réussis obtenus avec cette argile.

Le White Clay (argile blanche), se trouve assez abondamment dans l'Hérault, et notamment à Murviel-lès-Montpellier. C'est celle employée de préférence à l'École des Beaux-Arts.

Le Ball Clay (argile grise en mottes) est l'argile que l'on trouve partout dans nos environs, celle qui sert à la poterie de M. Biot à Figuerolles à Saint-Jean-de-Fos et à la Faïencerie de l'École professionnelle de la rue du Plan-d'Agde[1].

Pour donner une idée du développement que les Anglais, toujours pratiques, ont su donner à l'art céramique, nous croyons devoir citer textuellement ce passage d'un rapport concernant le district des poteries de Staffordshire, que nous savons très exact :

«Ce district s'étend sur une longueur d'environ 17 kilomètres. » Sa prospérié et son importance n'ont jamais été égalées par

  1. Cette argile a le grand avantage industriel de ne coûter que 3fr. le mètre cube, rendue à la fabrique, 10, rue Plan-d'Agde.
aucun autre centre d'industrie céramique. On y compte actuellement

plus de 300 fabriques de faïence et ateliers de décoration. Les produits de ces manufactures sont exportées dans tous les pays du monde. La valeur de la porcelaine et des faïences exportées par la Grande-Bretagne, est d'environ 60 millions de francs par an, et la plus grande partie de cette somme revient aux faiences du district des poteries.»

Il paraît donc de toute évidence :

1e Que des revenus considérables peuvent être retirés, pour notre région, de l'industrie céramique ; 2e Que nous avons besoin d'utiliser toutes les ressources de notre sol, au moment où la culture de la vigne fait éprouver de si cruels mécomptes à nos populations laborieuses.

L'École professionnelle de Faïencerie de la rue du Plan- d'Agde arrive donc à son heure. Le but qu'elle poursuit et l'esprit dans lequel elle a été fondée, permettent d'attendre pour elle l'avenir le plus heureux.

Le succès qu'elle attend est un élément de la prospérité même et du relèvement de notre région.

Les Pouvoirs publics ne lui ménageront pas leurs encouragements. Leur sollicitude, toujours en éveil, se portera, nous n'en doutons pas, sur cette jeune institution, digne de tout point qu'on s'intéresse à elle.

Juillet 1905.


Montpellier, Ricard Frères, Imprimeurs de la Préfecture.