La Bonne Maîtresse

Chez Huselet, imprimeur (p. 5-31).

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PERSONNAGES.


Madame D’HÉRICOURT.
M. LE SINDIC.
MARIE, Doméstique de Madame d’Héricourt.
BASILE, Amant de Marie.
ANTOINE, père de Basile.
JACQUES, valet de Madame d’Héricourt.


La scène se passe à Lausanne.



Je déclare avoir cédé au citoyen Hugelet, imprimeur, la pièce ayant pour titre : la bonne Maîtresse, Comédie en un acte et en prose de ma composition ; laquelle pièce il peut impprimer, vendre et faire vendre en tel nombre d’exemplaires qu’il lui plaira ; me réservant les droits d’Auteur par chaque représentation qu’on en pourra donner sur les théâtres de la République. Paris, ce 19 Messidor an 11. de Montanclos.

Je déclare que je poursuivrai tous contrefacteurs et débiteurs d’éditions qui ne porteroient pas le fleuron qui est au frontispice de la présente piéce, lequel indique les lettres initiales de mon nom.

LA BONNE MAITRESSE, COMÉDIE.

Le théâtre représente un salon, un grand cabinet. Il faut que tout y respire une simplicité noble et la plus grande propreté, caractère des Genevois et des habitans de Lauzanne. — Un secrétaire ouvert est dans une embrasure très-près de l’avant-scène. Madame d’Héricourt est assise devant le secrétaire et parait occupée à lire une lettre.





Scène PREMIÈRE.

Mme D’HÉRICOURT, lisant une lettre.

Je ne puis me lasser de lire cette lettre ! elle exprime si bien la candeur, la pureté des sentimens les plus tendres ! eh c’est un garçon de village, un paysan enfin, qui l’écrit. Ah ! jeunes gens de la ville, vous n’avez pas cette aimable simplicité : c^s^l par ia ruse, plirles fausses apparences d’une tendresse que vous n’éprouvez point, que vous parvenez à séduire et à tromper. (Elle lit.) Intéressant Basile ! tout à la fois bon fils, amant fidèle et plein de confiance dans ce qu’il aime. (Elle lit.) Des plaintes sur son sort, sans bassesse : fesant une action louable, sans orgeuil : tout ce qui est vertu lui parait naturel. (Elle se lève.) En vérité je remercie le hasard qui m’a fait trouver cette lettre…… Mais cette pauvre Marie est dans la plus vive inquiétude de l’avoir perdue. Il faut calmer les peines de cette ame douce et sensible. J’ai eu le tems de lui préparer les surprises agréables, fesons-lui connaitre d’avance un plaisir bien innocent. Je ne me pardonnerais pas de l’en avoir privée, si je ne savais que je travaille à la rendre parfaitement heureuse.

(Elle sonne)



Scène II.

MARIE, JACQUES, Mme D’HÉRICOURT.

(Marie et Jacques entrent en même tems sur la scène, l’une par la chanbre de madame d’Héricourt, l’autre par l’antichambre

de l’appartement, et disent ensemble.)

Me voilà madame.

Mme D’HÉRICOURT

Je n’ai pas besoin de vous, Jacques ; c’est à Marie que je veux parler. Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/9 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/10 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/11 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/12 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/13 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/14 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/15 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/16 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/17 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/18 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/19 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/20 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/21 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/22 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/23 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/24 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/25 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/26 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/27 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/28 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/29 Page:Montanclos - La Bonne maitresse.djvu/30 le bon Antoine et son fils Basile, vous savez combien tous deux aiment votte nièce ?

LE SYNDIC.

Respectable Antoine, je vous dois la pension de Marie depuis bien long-tems et je veux m’en acquiter, mais vous me regardez ; est-ce que vous ne reconnaissez pas Henri Herbin, frère aîné du père de votre fille adoptive ?

ANTOINE, lui prenant la main.

Oui, oui je vous reconnois, nous avons été camarades d’enfance, et ce que vous faites aujourd’hui nous rends amis à jamais.

LE SYNDIC.

Écoutez, mon ami, je donne douze mille francs à ma nièce ponr épouser votre fils, cest la pension seulement dont je m’acquite, mais elle devient mon unique héritière.

JACQUES, à part.

Nièce d’un syndic et son héritière, ho ! ce n’est pas pour toi, pauvre Jacques, fais en ton deuil.

MARIE.

Mais mon chère oncle, en vous exprimant toute ma reconnoissance, je dois pourtant vous dire que nous comptons demeurer tous avec notre bonne maîtresse, et que je renoncerai plutôt à la fortune qu’à ce bonheur là, dites-moi en témoignage d’amitié que vous y consentez.

LE SYNDIC.

Comment oserai-je m’opposer au sentiment de la reconnoissance. moi que le caractère bienfaisant de madame a éclairé sur mes devoirs ? oui, réunissons nous auprès d’elle, excitons nous sans cesse à faire le bien, et qu’à notre exemple la fortune du riche devienne par le bienfait le patrimoine du pauvre.

JACQUES.

Me vla planté comme un terme tant je sis dans l’admiration ! que de belles choses dans un jour ? pas pour moi pourtant, mais c’est égal, je reste avec vous, pas vrai ma bonne maîtresse ? hé ben, vous varrez que je serai l’ami de Basile, je bercerai les enfants de Marie, l’aiderai le père Antoine, j’épousterai les habits de M. le syndic, tous ces braves gens m’acceuilleront, et ma fine je serai heureux comme un seigneur. Cest pourtant de bonnes gens que ces Suisses, mais y en a partout, j’en sis ben la preuve, ne sis-je ti pas Français et Parisien encore ? et ben si je n’ai pas l’esprit de ma nation j’en ai le cœur, ça fait qu’on finit par m’aimer.

Au Public.

Messieurs, continuez, s’il vous plaît, d’avoir des bontés Jacques, et il croira être du meilleur pays du monde.

FIN.