La Bonne Chanson (1902)/« Toute grâce et toutes nuances »

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II


Toute grâce et toutes nuances
Dans l’éclat doux de ses seize ans,
Elle a la candeur des enfances
Et les manèges innocents.


Ses yeux qui sont les yeux d’un ange,
Savent pourtant, sans y penser,
Éveiller le désir étrange
D’un immatériel baiser.


Et sa main, à ce point petite
Qu’un oiseau-mouche n’y tiendrait,
Captive, sans espoir de fuite,
Le cœur pris par elle en secret.


L’intelligence vient chez elle
En aide à l’âme noble ; elle est
Pure autant que spirituelle :
Ce qu’elle a dit, il le fallait !



Et si la sottise l’amuse
Et la fait rire sans pitié,
Elle serait, étant la muse,
Clémente jusqu’à l’amitié,


Jusqu’à l’amour — qui sait ? peut-être,
À l’égard d’un poète épris
Qui mendierait sous sa fenêtre,
L’audacieux ! un digne prix


De sa chanson bonne ou mauvaise !
Mais témoignant sincèrement,
Sans fausse note et sans fadaise,
Du doux mal qu’on souffre en aimant.