L. Hachette et Cie (p. 263-265).

XCVIII

L’ARCHE D’ALLIANCE

(Même année, 1012 ans avant J.-C.)



Quand les Philistins eurent pris l’Arche d’alliance, leur joie égala la douleur des Israélites. Ils l’emmenèrent dans la ville d’Azot, et la placèrent dans le temple de leur dieu Dagon, tout près de l’idole. Ils croyaient que l’Arche ferait pour eux les mêmes prodiges que pour les Israélites du temps de Moïse et de Josué.

Gaston. Comment était cette idole de Dagon ?

Grand’mère. C’était une immense et horrible statue.

Le lendemain, leurs prêtres trouvèrent Dagon tombé le visage contre terre au pied de l’Arche. Surpris et un peu effrayés, ils relevèrent leur affreux Dagon, et le replacèrent sur son piédestal.

Le second jour, ils trouvèrent Dagon encore renversé au pied de l’Arche, et il avait, de plus que la veille, la tête et les mains coupées et jetées près de la porte. Quand ils allèrent dans la ville raconter ce qu’ils avaient vu, ils surent qu’une grande partie des habitants de la ville et de la campagne étaient frappés de maladies affreuses ; leurs entrailles sortaient en pourriture de leur corps. Ensuite, il vint de tous côtés une multitude de rats qui dévoraient tout ce qu’ils trouvaient. Les rues et les champs étaient remplis de morts et de mourants, et on n’entendait que des cris et des gémissements.

Les habitants d’Azot, voyant ces plaies épouvantables, appelèrent les chefs des Philistins et leurs prêtres pour délibérer sur ce qu’il y avait à faire dans une telle calamité. Ils décidèrent tous qu’il fallait se débarrasser de l’Arche au plus tôt, et la porter ailleurs. Les Philistins la menèrent dans une autre ville, nommée Geth. À peine l’Arche y fut-elle arrivée, que les mêmes maladies saisirent les habitants, et que les rats y causèrent les mêmes dégâts.

Les habitants de Geth se débarrassèrent à leur tour de l’Arche ; mais, partout où on la laissait, les mêmes maladies tuaient les habitants.

Pendant sept mois, l’Arche fut renvoyée de ville en ville ; personne ne voulut plus la recevoir ; alors les faux prêtres et les devins des Philistins se rassemblèrent pour décider ce qu’on ferait de l’Arche ; ils pensèrent qu’il valait encore mieux la renvoyer au peuple d’Israël.

« Mais, dirent les devins, gardez-vous de la renvoyer vide ; envoyez des présents pour l’expiation de vos péchés, et pour calmer la colère de leur Dieu.

— Mais que leur donnerons-nous ? demanda le peuple.

— Faites faire au plus vite cinq entrailles d’or et cinq rats d’or, pour faire voir que vous reconnaissez la puissance du Dieu d’Israël, et que c’est lui qui vous a envoyé ces deux calamités. Souvenez-vous des plaies d’Égypte que Pharaon a amenées par son obstination à nier le pouvoir du Dieu des Israélites.

« Faites faire un char tout neuf et richement orné, attelez-y deux vaches qui nourrissent leurs veaux, et laissez-les aller. Si elles vont du côté de Bethsamès, dans le pays d’Israël, c’est que c’est vraiment le Dieu des Juifs qui nous a envoyé ces calamités. »

Les Philistins firent ce que leur conseillaient les prêtres, et ils laissèrent aller les vaches, après avoir enfermé leurs veaux dans les étables.

Les vaches, malgré les beuglements de leurs veaux, se mirent en route, prirent Le chemin de Bethsamès, et marchèrent sans s’arrêter, jusqu’à ce qu’elles fussent arrivées sur la terre des Bethsamites. On faisait dans ce temps la moisson, et ce champ appartenait à un nommé Josué, Bethsamite. Les moissonneurs, entendant du bruit, levèrent la tête et virent l’Arche. Ils en eurent une grande joie ; on envoya prévenir les Lévites, qui accoururent. Ils descendirent l’Arche avec le plus grand respect de dessus le chariot, et la placèrent sur une grosse pierre qui était dans le champ de Josué ; ils brisèrent ensuite et coupèrent en morceaux le chariot à coups de hache ; ils allumèrent le bois dont il était fait ; ils immolèrent les vaches et les firent brûler en holocauste.

Françoise. Pauvres vaches ! C’est une singulière récompense pour la peine qu’elles se sont donnée de faire tant de chemin, en abandonnant leurs malheureux veaux.

Grand’mère. Les vaches n’ont eu aucun mérite, ma chère petite ; c’est le bon Dieu qui les faisait marcher où elles devaient aller. Et, quant à avoir été tuées, elles l’auraient été plus tard pour être mangées ; ainsi, pour elles, leur fin a été ce qu’elle devait être, comme celle de toutes les vaches, des bœufs, des moutons, etc.

Les chefs Philistins qui avaient suivi le chariot expliquèrent aux Israélites ce que signifiaient les entrailles et les rats en or, et s’en retournèrent chez eux.