L. Hachette et Cie (p. 489-492).

CXCV

JOB — SA PROSPÉRITÉ — SES MALHEURS

(Que l’on croit avoir été contemporain de Moïse, environ 1470 ans avant J.-C.)



Il y avait, en la terre de Hus, en Arabie, du temps de l’esclavage des Israélites en Égypte, un peu avant Moïse, un homme nommé Job ; il était aimé de tous, parce qu’il était bon et honnête ; il craignait Dieu, et il évitait le mal.

Il avait sept fils et trois filles.

Il avait sept mille moutons, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs et cinq cents ânesses. Il avait un nombre considérable de domestiques. Il était grand et illustre dans toute l’Arabie. Chacun de ses enfants avait sa maison ; ils donnaient des repas, s’invitaient les uns les autres ; ils vivaient très-unis entre eux ; c’était la famille la plus heureuse de l’Arabie.

Le démon, jaloux du bonheur de Job et furieux de ne pouvoir lui faire commettre aucun péché, se présenta un jour devant le Seigneur.

« D’où viens-tu ? lui dit le Seigneur.

J’ai fait le tour de la terre, répondit-il, je l’ai parcourue tout entière.

— Y as-tu vu mon serviteur Job, qui n’a pas d’égal sur la terre qui est un homme simple et droit de cœur, qui craint Dieu et fuit le mal ? »

Satan répondit : « Comment Job craindrait-il le mal ? N’avez-vous pas si bien gardé sa maison, sa personne et tous ses biens, qu’il ne court aucun danger ? Tout lui réussit, et tout ce qu’il possède se multiplie de plus en plus entre ses mains.

« Mais étendez un peu votre main, frappez ce qui est à lui, et vous verrez s’il ne vous maudira pas en face. »

Le Seigneur lui répondit : « Va, tout ce qui est à lui est en ton pouvoir ; mais je te défends d’attenter à sa personne. »

Satan disparut aussitôt pour aller exercer sa méchanceté sur Job.

Jeanne. Ce pauvre Job ! Pourquoi le bon Dieu a-t-il permis à ce méchant Satan de le tourmenter ?

Grand’mère. Pour éprouver sa fidélité et augmenter ses mérites. Et aussi pour faire voir au monde la force que donnent la foi et la vertu. La patience, la résignation de Job sont depuis des siècles l’objet de l’admiration des hommes, et nous encouragent à faire comme lui, à souffrir et à obéir avec la même résignation et le même amour de Dieu.

Un jour donc que les fils et les filles de Job mangeaient et se réjouissaient innocemment ensemble dans la maison de leur frère aîné, un homme accourut et dit à Job : « Pendant que vos bœufs labouraient et que vos ânesses paissaient auprès, une troupe de Sabéens est arrivée tout à coup ; ils ont massacré vos gens, et ils ont enlevé tous les bestiaux ; je me suis sauvé seul pour vous donner cette nouvelle. »

Cet homme parlait encore lorsqu’un second vint dire à Job : « Le feu du ciel est tombé sur vos bergeries et sur ceux qui gardaient les moutons, et tout a été réduit en cendres ; je me suis sauvé seul pour vous en donner la nouvelle. »

Il avait à peine fini de parler qu’un troisième accourut et dit à Job : « Les Chaldéens sont venus en trois bandes ; ils se sont jetés sur vos chameaux, et ils les ont enlevés ; ils ont tué tous vos gens, et je me suis sauvé seul pour vous en donner la nouvelle. »

Cet homme achevait de parler, lorsqu’un quatrième se présenta devant Job et lui dit : « Pendant que vos fils et vos filles mangeaient et buvaient dans la maison de leur frère aîné, un vent impétueux s’est levé du désert ; il a ébranlé les quatre coins de la maison, elle s’est écroulée sur vos enfants qui ont été ensevelis sous ses ruines, et ils sont tous morts. Je me suis échappé seul pour vous en donner la nouvelle. »

Alors Job se leva, déchira ses vêtements et se jeta par terre. Adorant Dieu, il s’écria : « Je suis venu au monde nu, et je retournerai nu dans le sein de la terre. Le Seigneur m’avait tout donné, il m’a tout ôté. Que le nom du Seigneur soit béni ! »

Valentine. Pauvre Job ! Comment a-t-il pu résister à tant de malheurs ?

Henri. Et comme c’est beau, ces paroles si simples qu’il adresse au Seigneur !

Louis. Cet horrible démon a dû être bien furieux quand il a vu cette résignation.

Grand’mère. Certainement, d’autant plus qu’il espérait que tant de malheurs fondant à la fois sur Job, celui-ci ne pourrait s’empêcher de murmurer contre le Seigneur, et de dire des paroles de colère et de reproches.

Jacques. Au lieu de colère et de reproches, le pauvre Job est encore plus doux et plus soumis qu’auparavant.

Grand’mère. Aussi le démon, plus irrité qu’auparavant, alla se présenter une seconde fois devant le Seigneur.

« D’où viens-tu ? » lui dit le Seigneur. Satan répondit comme la première fois : « J’ai fait le tour de la terre ; je l’ai parcourue tout entière. »

Le Seigneur lui dit aussi comme la première fois : « N’as-tu pas considéré mon serviteur Job, qui n’a pas d’égal sur la terre, qui est un homme simple et d’un cœur droit, qui craint Dieu et fuit le mal, et qui se conserve dans la douceur et l’innocence, quoique tu m’aies porté à le laisser affliger par toi, quoiqu’il ne l’ait pas mérité ?

— Ce que l’homme a de plus cher, répondit Satan, est sa vie et sa peau ; il n’a pas souffert dans sa chair ; mais étendez votre main, laissez-moi le frapper dans ses os et sa chair, et vous verrez qu’il vous maudira.

— Va, dit le Seigneur ; son corps est en ta main, mais ne touche pas à sa vie. »

Satan, ayant disparu de devant le Seigneur, frappa Job d’une plaie épouvantable, depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.

Et Job, s’étant assis sur un fumier, grattait ses plaies avec un morceau de pot cassé, pour enlever la pourriture qui en découlait. Alors sa femme, voyant qu’il ne se plaignait pas, vint lui dire : « Quoi, vous persistez dans votre simplicité ? Maudissez Dieu, et mourez. »

Job lui répondit : « Tu parles comme une femme qui n’a pas de bon sens. Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n’en recevrions-nous pas aussi les maux ? » Et Job continua dans ses souffrances à bénir le Seigneur.