CLXXXII

L’ANGE RAPHAËL SE DÉCOUVRE À TOBIE ET DISPARAIT

(Même année, 708 ans avant J.-C.)



Quand les réjouissances furent terminées, Tobie appela son fils et lui dit : « Mon fils, que pouvons-nous donner à ce saint jeune homme qui a été avec toi ?

— Mon père, lui répondit Tobie, quelle récompense pouvons-nous lui donner qui soit proportionnée aux biens dont il nous a comblés ? Il m’a mené et ramené en parfaite santé ; il a été lui-même recevoir l’argent de Gabélus ; il m’a fait avoir la femme que j’ai épousée ; il a éloigné d’elle le démon ; il a rempli de joie le cœur de son père et de sa mère ; il m’a sauvé du poisson qui allait me dévorer, il vous a fait revoir la lumière du ciel ; et c’est par lui que nous nous trouvons remplis de toutes sortes de biens. Que pouvons-nous lui donner qui égale ce qu’il a fait pour nous ? Mais je vous prie, mon père, de le supplier d’accepter la moitié de tout le bien que nous avons apporté. »

Tobie ayant approuvé les paroles de son fils, ils appelèrent l’Ange Raphaël, et le conjurèrent de vouloir bien accepter la moitié de tout ce qu’ils avaient apporté.

L’Ange alors leur parla et dit au vieux Tobie, après avoir refusé leur don généreux : « Je vais donc vous découvrir la vérité. Lorsque vous ensevelissiez les morts, que vous quittiez pour cela vos repas, que vous cachiez les morts dans votre maison durant le jour, pour les ensevelir durant la nuit, j’ai présenté vos prières au Seigneur. Et parce que vous étiez agréable à Dieu, il a été nécessaire que la tentation du malheur vous éprouvât. Et parce que vous l’avez accepté avec résignation et avec foi, le Seigneur m’a envoyé pour vous guérir et pour délivrer du démon Sara, qui devait être la femme de votre fils. Car je suis l’ange Raphaël, un des sept qui sont toujours présents devant Dieu.

À ces paroles, ils furent troublés, éperdus, et ils se prosternèrent le visage contre terre. L’Ange leur dit : « La paix soit avec vous ; ne craignez pas ; car lorsque j’étais avec vous, j’y étais par la volonté de Dieu ; bénissez-le donc, et chantez ses louanges. Il vous a paru que je mangeais et que je buvais avec vous ; mais moi, je me nourris d’un aliment invisible et d’un breuvage qui ne peut être vu des hommes. Il est temps que je retourne vers celui qui m’a envoyé ; et pour vous, bénissez Dieu, et publiez toutes ses merveilles. »

Après ces paroles, il disparut de devant eux, et ils ne le virent plus. Alors, s’étant prosternés le visage contre terre, ils y restèrent trois heures.

Valentine. Trois heures prosternés ! Comment ne sont-ils pas morts de fatigue ?

Grand’mère. Ils étaient dans un tel saisissement de bonheur, de reconnaissance, d’amour, qu’ils étaient comme en extase, et ne sentaient pas la fatigue. Ils bénirent Dieu, et, s’étant relevés, ils racontèrent toutes les merveilles qu’il avait faites en leur faveur.