L. Hachette et Cie (p. 418-422).

CLXV

NOUVELLES GUERRES — FAMINE DANS SAMARIE

(789 ans avant J.-C.)



Le prophète Élisée fit un jour un autre miracle. Des ouvriers travaillaient devant lui, sur les bords du Jourdain, à bâtir des maisons. L’un d’eux laissa tomber sa hache dans le fleuve ; elle alla au fond, comme de raison ; L’eau était profonde en cet endroit, et le pauvre ouvrier se lamentait sur la perte de sa hache. Élisée lui ayant demandé pourquoi il s’affligeait tant d’une perte si peu considérable. « Hélas ! mon seigneur, hélas ! répondit l’ouvrier ; elle est considérable pour moi, car, n’ayant pas de hache à moi, j’avais emprunté celle-ci, et je n’ai pas de quoi la remplacer. — Où est-elle tombée ? » dit Élisée. — L’ouvrier fit voir l’endroit. Élisée coupa un morceau de bois et le jeta dans l’eau à cette même place ; au même instant, la cognée de fer surnagea. « Prends-la, » dit Élisée. L’ouvrier la prit avec une grande reconnaissance.

Quelque temps après, le roi de Syrie fit encore la guerre à Joram, roi d’Israël ; mais, toutes les fois qu’il préparait une embuscade ou une attaque de nuit pour surprendre et massacrer les Israélites, l’affaire manquait, parce que les Israélites étaient prévenus.

Le roi de Syrie vit bien que quelqu’un le trahissait, et il demanda qu’on lui découvrît le traître. L’un de ses officiers lui répondit : « Ce n’est pas qu’on vous trahisse, mon seigneur, mais c’est le prophète Élisée, qui sait tout, qui devine tout, et qui va raconter au roi d’Israël tout ce que vous préparez contre lui. »

Le roi envoya des hommes pour découvrir où se trouvait Élisée ce jour-là, afin de le saisir et de l’emmener prisonnier. On lui dit que le prophète était à Dothan.

Le roi de Syrie envoya aussitôt un grand nombre de soldats, de chariots, d’hommes à cheval ; ils arrivèrent de nuit et entourèrent la ville.

Élisée, l’ayant appris par son serviteur qui se lamentait, lui fit voir un nombre bien plus considérable d’anges avec des chevaux et des chariots de feu qui combattaient pour lui.

Les ennemis s’étant approchés, Élisée alla au-devant d’eux et pria le Seigneur de frapper leur esprit d’aveuglement.

« Vous vous êtes trompés de chemin, leur dit-il ; l’homme que vous cherchez n’est pas dans la ville. Suivez-moi, je vous le montrerai. »

Paul. Est-ce qu’il ne mentait pas ?

Grand’mère. Non, car il était vraiment hors de la ville. Ils le crurent et le suivirent. Élisée les mena dans Samarie, où était le roi d’Israël avec toutes ses troupes. Élisée pria le Seigneur de leur rendre la vue, et ils virent avec terreur qu’ils étaient au milieu de Samarie.

Joram, l’ayant appris, demanda à Élisée : « Mon père, ne les tuerai-je pas ? — Vous ne les tuerez pas, dit Élisée ; car vous ne les avez pas pris en combattant, et vous n’avez pas le droit de les tuer. Mais faites-leur servir du pain et de l’eau, afin qu’ils mangent et qu’ils s’en retournent chez leur maître pour raconter la puissance du Seigneur et l’humanité du roi d’Israël. »

Le roi écouta Élisée ; il leur fit servir une grande quantité de viandes, et, après qu’ils eurent mangé et bu, il les laissa aller, et ils s’en retournèrent chez leur maître. Depuis ce temps, les Syriens ne vinrent plus par petites troupes ravager et piller les terres d’Israël qui étaient dans leur voisinage.

Mais, quelque temps après, Bénadad, roi de Syrie, assembla toute son année et vint assiéger Samarie, capitale du royaume d’Israël. La ville était entourée depuis longtemps, aucunes provisions ne pouvaient y entrer, et la famine y était épouvantable ; la tête d’un âne se vendait quatre-vingts pièces d’argent ; et une petite mesure de fiente de pigeon se vendait cinq pièces d’argent.

Paul. Comment ? On mangeait des saletés pareilles ?

Grand’mère. Et, on était trop heureux d’en trouver ; tout était mangé, jusqu’aux vieux cuirs, aux vieilles semelles, etc.

Un jour, le roi d’Israël, passant le long des murailles de la ville, une femme s’écria : « Ô roi, mon seigneur, sauvez-moi ! — Que voulez-vous ? » dit le roi. Elle répondit : « Voilà une femme qui m’a dit : Donnez-moi votre fils, afin que nous le mangions ensemble, et, demain, nous mangerons le mien. Nous avons donc fait cuire mon fils, et nous l’avons mangé. Je lui ai dit : Donne-moi aujourd’hui ton fils, afin que nous le mangions ; mais elle l’a caché et refuse de me le donner. »

Le roi eut une telle horreur de ce que lui disait cette femme, qu’il déchira ses vêtements. Il tourna son indignation contre Élisée, qui n’avait pas empêché cette horrible famine ; et il s’écria : « Que Dieu me punisse dans toute sa sévérité, si la tête d’Élisée est encore sur ses épaules aujourd’hui soir. » Il appela un de ses serviteurs, et il lui commanda de courir chez Élisée et de le tuer.

Marie-Thérèse. Ce pauvre Élisée ! Est-ce que c’était sa faute, si la ville de Samarie souffrait de la famine ? Le bon Dieu va le sauver, j’espère.

Grand’mère. Certainement. Le roi avait donc envoyé un homme pour tuer Élisée. Le prophète était assis dans sa maison, et des vieillards étaient près de lui. Il leur dit : « Savez-vous que le prince a envoyé un homme pour me couper la tête ! Prenez donc garde, quand il arrivera. Fermez la porte, et ne le laissez pas entrer, car j’entends le bruit des pieds de son seigneur qui vient après lui. »

Élisée parlait encore qu’on vit arriver cet homme ; mais le roi, étant survenu, le repoussa et dit au prophète Élisée : « Vous voyez l’extrême malheur où Dieu nous a réduits. Que puis-je attendre du Seigneur ? » Élisée lui répondit : « Écoutez ce que dit le Seigneur : demain, à cette même heure, à la porte de Samarie, la mesure de pure farine se donnera pour un sicle, et deux mesures d’orge pour un sicle également. »

Gaston. Combien cela faisait, un sicle ?

Grand’mère. Un sicle équivalait à 1 franc 25 centimes de notre monnaie.

Un des grands de la cour, sur la main duquel le roi s’appuyait, répondit à Élisée : « Quand même le Seigneur ferait pleuvoir des vivres du ciel, ce que vous dites ne serait pas possible » Élisée lui répondit : « Vous le verrez de vos yeux, mais vous n’en mangerez pas. »

Il y avait en dehors des portes de Samarie quatre lépreux qui se dirent l’un à l’autre : « Pourquoi attendons-nous ici que nous mourions de faim ? Allons au camp des Syriens ; s’ils ont pitié de nous, ils nous donneront à manger et nous vivrons. S’ils veulent nous tuer, nous mourrons comme nous allons faire ici. » Ils partirent donc pour le camp des Syriens. Mais ils n’y trouvèrent personne. Car le Seigneur avait fait entendre la nuit, dans le camp des Syriens, un grand bruit de chariots, d’hommes, de chevaux, comme d’une armée innombrable.

Les Syriens crurent que c’étaient les rois amis qui venaient au secours d’Israël, et qu’au petit jour toutes ces armées tomberaient sur eux et les massacreraient. Alors, ils s’étaient tous sauvés, abandonnant leurs chevaux, leurs tentes, leurs ânes, leurs richesses, ne songeant qu’à fuir le plus vite et le plus loin possible.

Les lépreux, ayant trouvé le camp abandonné, mangèrent et burent ; puis ils remplirent leurs sacs d’or, d’argent, de vêtements, et, s’en retournant à Samarie, ils apportèrent aux gardes de la porte la nouvelle de la fuite des ennemis. Les gardes de la porte coururent prévenir le roi, qui craignait que ce ne fût un piège pour attirer l’armée d’Israël hors de la ville et la massacrer ensuite. Le roi envoya donc deux hommes à cheval.

Petit-Louis. Comment, à cheval ? Je croyais qu’on avait mangé les chevaux.

Grand’mère. En effet, on les avait mangés, à l’exception de cinq qu’on avait conservés pour le service du roi.

Ces deux hommes à cheval allèrent donc voir ce qui se passait, et ils vinrent dire que tous les chemins étaient couverts de vêtements et d’armes que les Syriens avaient jetés comme s’ils avaient été poursuivis.

Aussitôt le peuple courut au camp et le pilla ; on trouva des approvisionnements énormes de vivres et de vêtements ; et on vendait à la porte de la ville de la farine et autres provisions, pour le prix qu’avait dit Élisée.

Le roi avait envoyé à la porte, pour empêcher le désordre, ce même officier, qui n’avait pas voulu croire les paroles du prophète. Et, selon la parole d’Élisée, il ne mangea pas de farine ni d’orge, car il y eut une telle foule à la porte, qu’il fut étouffé et qu’il mourut.