CXXXVI

SACRE DE SALOMON — TERREUR D’ADONIAS

(914 ans avant J.-C.)



Le festin d’Adonias venait de s’achever, lorsque le bruit de ce tumulte arriva jusqu’à lui : Joab, entendant les sons de la trompette et les cris du peuple, dit : « Que veulent dire ces cris et ce tumulte de la ville ? »

À peine achevait-il ces mots, que Jonathas, fils d’Abiathar, parut : « Entre, Jonathas, lui cria Adonias ; tu es un brave homme, et tu nous apportes de bonnes nouvelles.

— Je n’en ai point de bonnes à vous donner, seigneur, répondit Jonathas. Le roi David, notre seigneur, a établi roi votre frère Salomon ; il l’a même fait asseoir sur son trône après l’avoir fait monter sur sa mule, accompagné par Sadoc et Nathan, qui l’ont sacré à Gihon avec l’huile sainte. Les cris que vous entendez sont les acclamations du peuple ; il crie : « Vive le roi Salomon, roi de Juda et d’Israël ! »

Ceux qu’Adonias avait invités à son festin, furent saisis de frayeur ; ils se levèrent tous et s’en allèrent chacun de son côté. Adonias lui-même, craignant Salomon, sortit au plus tôt et alla embrasser la corne de l’autel.

Gaston. Pourquoi, embrasser la corne de l’autel ? Quel autel ?

Grand’mère. L’autel sur lequel on offrait les sacrifices au Seigneur. C’était un lieu de refuge pour les criminels. À un des coins de l’autel, il y avait une corne, et tous ceux qui pouvaient toucher à cette corne, étaient en sûreté tant qu’ils la tenaient. On ne devait ni les tuer de loin, ni les enlever par la force. C’est ce qu’on appelle un droit d’asile.

Alors on vint dire à Salomon : « Voilà Adonias qui, redoutant votre colère, seigneur, se tient attaché à la corne de l’autel. » Il dit : « Que le roi Salomon, mon frère, me jure qu’il ne me fera pas mourir, et je lâcherai la corne de l’autel. »

Salomon répondit : « Si Adonias se conduit en homme de bien, je jure qu’il ne tombera pas un seul cheveu de sa tête ; mais s’il se conduit mal, il mourra. »

Il envoya chercher Adonias ; on le tira de l’autel ; Adonias étant en présence de Salomon, se prosterna devant lui. Et Salomon lui dit : « Va dans ta maison. »

Henri. Je trouve que c’était peu aimable de la part de Salomon.

Grand’mère. Cher enfant, Salomon n’avait aucune raison d’être aimable pour Adonias, qui venait de se faire proclamer roi à sa place, et qui l’aurait fait périr s’il avait réussi dans son entreprise. C’était beaucoup pour Adonias d’être pardonné et de conserver ses biens.